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Dépistage biologique des troubles liés aux substances psychoactives en milieux professionnels

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Le Courrier des addictions (18) – n° 2 – avril-mai-juin 2016

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ASPECTS

ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Fréquence de la consommation en milieu professionnel

D’après la revue de la littérature réalisée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) en 2015 sur les consom- mations de substances psychoactives (SPA) en

Dépistage biologique des troubles liés aux substances psychoactives en milieux professionnels

Biological markers of substance use and abuse in occupational medicine

C. Gallinari*, A. Dervaux*,**, K. Liot*, X. Laqueille***

milieu professionnel, les demandeurs d’emploi consomment globalement plus de SPA que les actifs (tableau I) .

Il existe de grandes disparités des consomma- tions selon le sexe et les catégories socioprofes- sionnelles (tableau II) . Chez les hommes, les

ouvriers et les employés sont les plus grands consommateurs de SPA, toutes substances confondues. Les agriculteurs et les cadres sont les catégories qui en consomment le moins (tableau II) . Chez les femmes, les cadres et les employées sont les catégories qui en consom- ment le plus.

Cependant, les catégories de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études écono- miques) ne refl ètent pas la réalité de certaines professions. La fréquence de consommation peut varier de façon importante selon les secteurs d’activité et les substances consom- mées : ceux où les consommations sont les plus élevées sont ceux de la construction, des arts et spectacles, des activités récréatives et de l’hébergement et la restauration. En revanche, les secteurs les moins concernés par l’usage de SPA sont l’administration, l’enseignement, la santé, l’aide sociale et les activités de service aux ménages. Les consommations de SPA en milieu professionnel dépendent de facteurs multiples, souvent intriqués : facteurs personnels, profes- sionnels et/ou environnementaux. De nombreux auteurs ont souligné que le travail restait un facteur protecteur vis-à-vis de l’usage de SPA.

D’après le Baromètre santé de l’Inpes de 2010, 16 % des actifs ayant un usage d’alcool occa- sionnel ont consommé au moins 1 fois dans l’année écoulée de l’alcool durant leur temps de travail, en dehors des repas et lors de pots d’en- treprise (19 % des hommes et 10 % des femmes).

D’après l’expertise collective Inserm “Alcool : dommages sociaux, abus et dépendance”, publiée en 2003, les circonstances favorisant la consom- mation d’alcool au travail étaient le stress au travail, les exigences liées aux postes de sécurité, certains rythmes de travail, notamment le travail posté, les activités répétitives, les habitudes de consommation dans l’entreprise, les repas d’af- faire et les pots en entreprise.

Conséquences de la consommation En termes de conséquences, l’expertise collec- tive Inserm de 2003 a souligné que l ’alcool était responsable de 10 à 20 % des accidents de travail. Il est probable que, dans un certain nombre de cas, les accidents de travail soient sous-déclarés et/ou la consommation d’alcool, sous-dépistée.

D’après le Baromètre santé de l’Inpes 2014, 9,5 % des actifs présentent des ivresses alcooliques répétées, y compris sur leur lieu de travail, 7,3 % une consommation d’alcool à risque et 9 % ont consommé du cannabis durant l’année écoulée. L’usage de substances psychoactives en milieu professionnel peut avoir un impact sur la sécurité et la performance des employés et/ou de tiers. Le travail est un marqueur de santé des salariés, elle-même garante des performances. Les liens entre addictions et travail sont complexes. I l apparaît capital de dépister les troubles liés à l’usage de substances, tant pour le salarié que pour l’entreprise. Les conséquences peuvent en être en effet graves pour les employés : accidents du travail, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports, problèmes relationnels avec les collègues et/ ou la hiérarchie, ainsi que pour les entreprises : absentéisme, arrêts de travail, baisse de productivité. Dans quel cadre et quelles circonstances les dépistages peuvent-ils être réalisés ? À l’aide de quels outils ? Quelle conduite adopter en pratique ?

According to INPES in France in 2014, 9,5% of working people presented repeated drunkenness, included at work, 7,3% an alcohol abuse and 9% have used marijuana within 12 months. However, the global use of psychoactive substances is lower for working people than for jobseekers.

Use of psychoactive substances at workplace may have an impact on employees or other’s security and performance. The relationships between substance abuse and work are multiple. However, screening substances use or misuse are crucial, both for employees and enterprises. The consequences may be serious for employees: work accidents, particularly in construction or transports sectors, relational issues with colleagues or hierarchy; and for enterprises: absenteism and work stopping, decreased productivity. How, when and who realize screening substances use or misuse? Which tools are available?

* Service d’addictologie du Dr Laqueille, centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.

** Laboratoire de physiopathologie des maladies psy chia- triques, centre Psychiatrie et neurosciences, Inserm U894 (Pr M.O. Krebs) ; université Paris Descartes, faculté de médecine Paris Descartes.

*** Chef du service d’addictologie, centre hospitalier Sainte- Anne, Paris ; université Paris Descartes.

Mots-clés : Médecine du travail, santé au travail, dépistage clinico-biologique, secret médical, prévention

Keywords: Occupational medicine, health at work, clinical and biological screening, medical secret, prevention

Tableau I. Consommation d’alcool et de cannabis chez les demandeurs d’emploi et les actifs en 2014 (source : Baromètre santé 2014, Inpes) .

Alcool Cannabis Cocaïne

Quotidien Ivresse répétée Consommation chronique

à risque Demandeurs

d’emploi (%) 6,4 14,2* 11,6* 16,0* 3,1*

Actifs occupés (%) 7,3 9,5 7,3 9,0 0,8

* différence statistiquement signifi cative entre demandeurs d’emploi et actifs au seuil de 0,001.

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Mises au point au point Mises

Le plan gouvernemental 2013-2017 de lutte contre la drogue et les conduites addictives, initié par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), préconisait la réalisation d’études et de recherches sur les conséquences de la consommation de produits psychoactifs sur tous les aspects de la vie au travail, l’identifi ca- tion et la quantifi cation des accidents du travail graves ou mortels dus à la consommation de drogues et/ou d’alcool afi n de mieux cerner les catégories de salariés et/ou les postes à risque et l’amélioration des actions de prévention de la consommation de SPA (encadrés 1 et 2) .

OUTILS DE DÉPISTAGE

Le repérage précoce des troubles liés à l’usage de SPA fait partie des rôles du médecin du travail.

Les questionnaires de repérage validés peuvent être utilisés par les services de santé au travail, notamment l’AUDIT-C (Alcohol Use Disorders Identifi cation Test) et le questionnaire FACE (Fast Alcohol Consumption Evaluation) pour l’alcool, le CAST (Cannabis Abuse Screening Test) pour le cannabis et le test de Fagerström pour le tabac. Une intervention brève est recom- mandée lorsque le repérage est positif  (1) . Ces questionnaires ont pour intérêt de pouvoir servir de supports au dialogue médecin/salarié sur les consommations.

Alcool

Plusieurs marqueurs biologiques d’alcoolisation excessive sont disponibles, notamment par prélè- vements sanguins, en particulier l’alcoo lémie qui n’évalue que l’alcoolisation aiguë. Il existe des marqueurs indirects, notamment le volume globulaire moyen (VGM) et les gamma- glutamyl- transférases (gamma GT) . Ces examens sont cependant peu sensibles et peu spécifiques (tableau III) . C’est l’association de plusieurs anomalies biologiques et des données de l’entre- tien clinique qui sera évocatrice d’une consom- mation excessive d’alcool  (3) . Les gamma GT se normalisent en 4 à 10 semaines après l’arrêt de la consommation. Il existe de nombreux faux positifs, dus notamment aux hépatopathies et à certains médicaments, en particulier certains anti épi leptiques. La CDT ( Carboxy Defi cient Transferrin ou transferrine défi ciente en acide sialique) est plus spécifi que et plus sensible pour les alcoolisations répétées récentes (tableau III) . En ce qui concerne l’alcootest, ou dosage de l’alcoolémie, le seuil limite de détection toléré est de 0,5 g/ l, voire de 0 g/ l pour certains secteurs.

Les dépistages biologiques ne peuvent être pres- crits que par un médecin et à son initiative. Le rythme de surveillance et de dépistage est égale- ment déterminé par le médecin du travail (hors cadre réglementé par le règlement intérieur).

Dans les professions soumises à des conditions d’aptitude physique (certains emplois de la fonc- tion publique, personnels exerçant des fonctions de sécurité sur le réseau ferré national, marins des navires de commerce, de pêche et de plai- sance, personnels navigants techniques profes- sionnels de l’aéronautique civile), le dépistage des consommations de SPA s’eff ectue dans le cadre d’une médecine d’aptitude et non pas dans celui de la médecine du travail organisée par le code du Travail  (1) .

Tabac

Pour le tabac , le CO testeur est l’outil le plus couramment utilisé.

Encadré 1. Les services de santé au travail.

Selon le code du Travail, le service de santé au travail est organisé sous 2 formes :

− “soit un service autonome, qui peut être un service de groupe, d’entreprise, interétablis- sements, d’établissement ou commun aux entreprises constituant une unité économique et sociale” (art. D. 4622-1) . Il “peut être institué lorsque l’eff ectif de salariés suivis atteint ou dépasse 500 salariés” (art. D. 4622-5) .

− “soit un service de santé au travail interentreprises” (art. D. 4622-1) . “Les entreprises et établissements qui ne relèvent pas d’un service autonome de santé au travail […] organisent ou adhèrent à un service de santé au travail” (art. D. 4622-14) .

− Dans les services autonomes, les missions du service de santé au travail sont exercées par le médecin du travail en toute indépendance, en coordination avec l’employeur, les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les personnes désignées par l’employeur, après avis du CHSCT, au titre de l’article L. 4644-1 pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels (art. L. 4622-4) .

− Dans les services interentreprises, ces missions sont exercées par l’équipe pluridiscipli- naire dont les membres peuvent être le médecin du travail, le médecin collaborateur qui assiste le médecin du travail, l’interne en médecine du travail, le personnel infi rmier dont les missions sont défi nies par le médecin du travail, l’intervenant en prévention des risques professionnels qui a des compétences techniques et organisationnelles pour améliorer les conditions de travail, et l’assistant de service de santé au travail (rôle administratif, prin- cipalement). Le CHSCT est constitué dans tous les établissements d’au moins 50 salariés (chef d’établissement et délégation du personnel) et a pour mission de contribuer à la pro- tection de la santé et de la sécurité des salariés ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. Le CHSCT est notamment consulté avant toute décision d’aménagement important modifi ant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail.

Encadré 2. Rôles du service de santé au travail défi nis par le code du Travail (art. L 4622-2).

Conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants afin de prévenir la consommation de drogue ou d’alcool sur le lieu de travail.

Prévenir la désinsertion professionnelle qu’induisent les problèmes de santé et contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs.

Assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs.

Tableau II. Consommation de substances psychoactives chez les hommes, en France, selon les catégories socioprofessionnelles en 2014 (source : Baromètre santé 2014, Inpes) .

Tabac Alcool Cannabis Cocaïne Ecstasy,

amphétamines Quotidien

(%)

Quotidien (%)

Ivresse répétée (%)

Année (%)

Année (%)

Année (%)

Agriculteurs 20,8 21,7 6,2 2,6 0,0 0,0

Artisans, commerçants,

chefs d’entreprise 34,4 17,1 17,3 11,6 1,3 0,6

Cadres 19,9 9,1 14,1 10,9 0,6 0,6

Professions

intermédiaires 31,5 9,1 13,0 13,9 0,4 0,5

Employés 37,2 9,2 16,3 16,6 3,6 2,4

Ouvriers 44,6 13,3 14,4 13,1 0,9 0,7

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Mises au point au point Mises

Cannabis et autres drogues

Dans certains milieux, notamment celui des transports, le dépistage est obligatoire et régu- lier. Dans ce cas, il doit être expressément spécifi é dans le contrat d’embauche. Les analyses toxicologiques urinaires peuvent être prescrites par les médecins du travail à la recherche de THC, de cocaïne, d’opiacés, de méthadone, d’amphétamines ou de benzodiazépines.

Concernant le cannabis, les méthodes immuno- chimiques de dépistage urinaire reposent généralement sur l’utilisation d’un anticorps anti-THC-COOH avec un cut-off de positi- vité de 50 μg/l  (4) . Après la prise d’une dose unique de THC, le dépistage urinaire est en général positif dès la deuxième heure, et jusqu’à 5 à 7 jours, parfois jusqu’à 12 jours  (4) . Dans le cas d’une consommation régulière, la durée de détection du THC-COOH urinaire après sevrage augmente avec l’importance et la durée de la consommation, pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines, parfois plus de 2 mois  (4) . En revanche, les analyses sont négatives chez les fumeurs passifs, les concentrations urinaires maximales de THC-COOH étant de l’ordre de 10 à 15 μg/l  (4) .

Le risque de faux positifs augmente lorsque le seuil est de 20 ng/ml. Les cannabinoïdes de synthèse ne sont pas détectés par les analyses toxicologiques urinaires  (5) .

La détection dans la salive est possible du fait de la séquestration buccodentaire du THC pendant 4 à 6 heures. Des faux positifs peuvent être détectés, notamment en cas de traite- ment par anti-infl ammatoires non stéroïdiens (AINS), inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), tolmétine, méthoxy-isofl avone et dronabinol. La confi rmation biologique nécessite le recours à la chromatographie gazeuse , associée à la spec- trométrie de masse . D’après plusieurs études, les tests salivaires sont pour l’instant insuffi - samment fi ables. Les prélèvements sanguins

et urinaires sont plus pertinents . Dans le sang, les concentrations de THC restent généralement détectables 6 à 12 heures après l’inhalation chez les expérimentateurs, et plusieurs jours chez les consommateurs réguliers, mais ces dosages sont généralement réalisés dans un cadre médico- légal  (4) . Les protocoles de dépistage doivent respecter l’individu, dans le cadre légal du secret professionnel, et ne remplacent pas l’examen clinique  (1) .

LA RÉGLEMENTATION DES DÉPISTAGES BIOLOGIQUES

Secret médical : général et absolu Les dépistages réalisés à l’initiative du médecin du travail, ainsi que leurs résultats, sont soumis au secret médical, de même que l’examen clinique et toute autre information recueillie au cours de l’entretien médical auprès des sala- riés. Il est recommandé que ceux-ci en soient informés. De ce fait, ils ne peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire lorsque la recherche de SPA est positive. En outre, le médecin du travail doit informer le salarié, à chaque fois, des modalités et des buts des examens ( article R.4127- 35 du code de la Santé publique ) ainsi que des conséquences du résultat des tests sur son aptitude au travail.

Les dépistages à l’initiative de l’employeur ne concernent pas la médecine du travail

Les dépistages systématiques ne sont pas justifi és et ne peuvent concerner que les postes de sûreté et de sécurité, selon l’avis n° 114 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Dans

ce cas, la réalisation de dépistages biologiques doit expressément fi gurer dans le règlement intérieur de l’entreprise, et les circonstances et les modalités doivent être précisées de manière détaillée.

Dans ce cadre, l’alcootest ne peut être réalisé par l’employeur qu’à 3 conditions (cour de cassation, chambre sociale, 24 février 2004, n° 01-47000) : s’il est prévu dans le règlement intérieur, avec la description détaillée de toutes les tâches et/ou circonstances justifi ant sa réalisation, notam- ment pour les postes de sécurité ; s’il est justifi é par la nature de la tâche à accomplir et que l’état d’ébriété présente un danger pour les personnes et les biens ; sa contestation doit pouvoir être possible. Dans ces cas, il faut souligner que le service de santé au travail (médecin du travail, infirmières) n’a pas à intervenir, de quelque manière que ce soit (encadré 3) .

L’employeur se doit donc d’informer ses employés sur les diff érentes mesures concernant la consommation d’alcool au sein de l’entre prise, notamment par l’inscription dans le règlement intérieur des postes de travail où la consom- mation d’alcool est interdite   (6) .

Les SPA illégales sont également interdites sur le lieu de travail, en raison de leur caractère illicite (article 222-37 du code pénal et article L 3421-1 du code de la Santé publique) . Les tests de dépistage de ces substances à l’initiation de l’employeur dans un but disciplinaire ne sont pas autorisés, car ces contrôles portent atteinte aux droits et aux libertés des personnes  (7) . Spécifi cités du milieu des transports Certains secteurs d’activité sont soumis à davan- tage de contrôles et de prévention vis-à-vis de Tableau III. Marqueurs biologiques de la consommation excessive d’alcool (2).

Sensibilité (%) Spécifi cité (%) Durée Faux positifs

VGM 30-75 60-90 2-4 mois Pathologies hépatiques, carence en acide

folique ou vitamine B12, pathologies hématologiques, hypothyroïdie

Gamma GT 40-60 80-90 14-26 jours Pathologies hépatiques, maladies

cardiovasculaires, diabète

CDT 60-76 80-97 Anorexie, grossesse, carence martiale, maladies

chroniques et ménopause ASAT/ALAT 18-58 (ALAT)

15-69 (ASAT) 50-95 (ASAT) Pathologies hépatiques

CDT +

gamma GT 60-90 80-95 cf. CDT et gamma GT

CDT + VGM 60-95 80-95 cf. CDT et VGM

VGM : volume globulaire moyen ; CDT : Carboxy Defi cient Transferrin ; ASAT : aspartate aminotransférase ; ALAT : alamine aminotransférase.

Encadré 3. Réglementation du dépistage à l’ini- tiative de l’employeur.

L’article R 4228-20 du code du Travail rappelle qu’“aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail”, et que,

“lorsque la consommation de boissons alcoo- lisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur, en application de l’article L. 4121-1 du code du Travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation, voire d’une inter- diction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché”, au titre du décret n° 2014-754 du 1er juillet 2014 modifiant le précédant article.

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Mises au point au point Mises

l’usage de SPA, en particulier le transport de voyageurs. En effet, les salariés sont également soumis au code de la Route : interdiction de conduire un véhicule, ou d’accompagner un élève conducteur, en ayant fait usage de stupé- fiants (art. L 235-1) ; interdiction de conduire un véhicule de transport en commun avec une alcoolémie égale ou supérieure à 0,2 g/l. Pour les autres catégories de véhicules, l’alcoolémie ne doit pas être égale ou supérieure à 0,5 g/l (art. R 234-1) ; tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, à l’exclusion d’un cyclomo- teur, doit posséder un éthylotest, non usagé, immédiatement disponible. Cela ne s’applique pas aux véhicules disposant d’un éthylotest anti- démarrage (art. R 234-7). En outre, l’équipement des véhicules d’éthylotests antidémarrages est obligatoire depuis le 1er septembre 2015 (art.

R 234-6 du code la route).

Par ailleurs, il est recommandé que toute demande par l’employeur d’une visite médicale auprès du médecin du travail d’un salarié qu’il suspecte de troubles liés à la consommation de SPA soit motivée par un écrit comportant une description précise du comportement observé et des circonstances de sa survenue (1).

CONCLUSION

La consommation de SPA en milieu profes- sionnel est loin d’être anecdotique. Les liens entre travail et consommations de SPA sont complexes : certaines conditions de travail et catégories socioprofessionnelles ou certains secteurs sembleraient les favoriser. Leur dépis- tage est un sujet controversé car la frontière

entre vie professionnelle et personnelle en la matière reste floue.

Les enjeux du repérage précoce sont majeurs, à la fois pour le salarié, l’employeur et l’entreprise.

Ils permettent notamment d’orienter les salariés vers une prise en charge adaptée et de réduire le risque d’accident de travail et l’absentéisme. Il est capital d’informer les salariés sur les moda- lités des dépistages et leurs conséquences, après avoir instauré un premier dialogue sur le thème de la consommation de SPA (tests de repérage précoce) et sur le caractère confidentiel, protégé par le secret médical, des informations partagées avec le médecin du travail.

Le règlement intérieur de l’entreprise doit être précis et détaillé concernant la présence et l’autorisation de consommer de l’alcool dans l’entreprise, ainsi que sur les modalités et postes concernés par d’éventuels dépistages bio- logiques de SPA. Pour les drogues, aujourd’hui, les dépistages urinaires sont encore privilégiés par rapport aux tests salivaires, insuffisam- ment performants. M.P. Torrente et al. ont évoqué d’autres techniques de dépistage qui pourraient voir le jour dans un avenir plus ou moins proche, notamment protéomiques, mais ces techniques ne sont pas encore opération-

nelles (2).

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec le sujet de cet article.

Références bibliographiques

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3. Lhermitte M, Klein A, Danel T. Les marqueurs bio- logiques de la consommation d’alcool. Ann Toxicol Anal 2002;14:58-63.

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6. Diquet B. Modalités pharmacologiques et éthiques du dépistage biologique. Archives des maladies profes- sionnelles et de l’environnement 2012;73:483-4 7. Thominet-Thiébault I, Fantoni-Quinton S. L’em- ployeur peut-il effectuer des tests de dépistage des drogues illicites ? Archives des maladies professionnelles et de l’environnement 2016;77(1):44-50.

Pour en savoir plus...

Beck F. Liens entre substances psychoactives et milieu professionnel. Le Courrier des addictions 2016;18:18-22.

Code de la Route, Legifrance.gouv.fr

Code de la Santé publique, Legifrance.gouv.fr

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Consensus paper of the WFSBP task force on biological markers: biological markers for alcoholism. World J Biol Psychiatry 2013;14(8):549-64.

Palle C. Synthèse de la revue de littérature sur les consommations de substances psychoactives en milieu professionnel, OFDT, 2015

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Tuchtan-Torrents L, Bartolia C, Lehucher- Michela MP, LeCoz P, LéonettiaG, Pélissier-Alicota AL. Dépistage de la consommation de substances psychoactives en milieu professionnel : enjeux techniques, éthiques et réglementaires. Archives des maladies professionnelles et de l’environnement 2014;75:470-7.

TOYO®, LE PREMIER TROD DU VHC HOMOLOGUÉ EST ARRIVÉ

Le premier TROD du VHC homologué est Toyo®, distribué par le laboratoire fran- çais Nephrotek.Très attendus par les milieux associatifs depuis près de 5 ans, les tests rapides d’orientation et de diagnostic (TROD) du VHC arrivent enfin sur le marché français (plus de 5 ans après les TROD du VIH). Ils sont disponibles dans les struc-

tures de prévention ou les asso- ciations, dans les Centres d’accueil et d’accom pagnement à la réduc- tion des risques pour usagers de drogues (CAARUD) et les CSAPA (Centres de soins, d’accompagne- ment et de prévention en addic- tologie).

C’est une vraie bonne nouvelle, car, alors que le traitement de l’hépatite C a connu des avan- cées spectaculaires en 2013 avec l’arrivée des nouveaux antiviraux à action directe (AAD), le dépis- tage de cette infection virale, qui ne bénéficie d’aucun vaccin, reste insuffisant, particulièrement au sein des populations à risque :

environ 80 000 personnes infec- tées ignoreraient qu’elles le sont, s’exposant à un risque de compli- cations graves et exposant leurs partenaires à un risque de conta- mination. L’hépatite C concerne 232 000 personnes (2 700 décès annuels) et 10 % des patients en présentent une forme avancée au moment du diagnostic.

En cause, outre l’absence de tests de dépistage aisément accessibles, la méconnaissance des Français à l’égard de l’hépatite C, comme le montrent les chiffres d’une enquête inédite réalisée en avril 2016 par l’Ifop (Institut français d’opinion publique) pour HF Prévention

(Association nationale de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles). En effet, seules 21 % des personnes interrogées connaissent les modes de transmission du VHC, 3 % l’ensemble des symptômes de l’hépatite C, et 70 % les ignorent totalement. Un répondant sur 5 s’est fait dépister pour le VHC, plus de 1/3 des répondants pensent qu’il existe un vaccin contre l’hépatite C et moins de la moitié savent que l’on peut en guérir. C’est dire si le dépistage, rendu plus accessible et facile par l’arrivée des TROD de l’hépatite C, est un enjeu majeur de santé publique !

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