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Dans le huis clos des salles de bains

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Academic year: 2022

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Dans le huis clos

des salles de bains

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Du même auteur

AUX MÊMES ÉDITIONS L'Enfant et la Raison d'État coll. « Points Politique », 1977

Le communisme est-il soluble dans l'alcool ? en collaboration avec Antoine Meyer

coll. « Points Actuels », 1979 Québec

coll. « Petite Planète », 1980 Le Nouvel Ordre gendarmique en collaboration avec Hubert Lafont

1980

Heureux Habitants de l'Aveyron et des autres départements français...

coll. « Points Actuels », 1990 Ça n'est pas pour me vanter...

coll « Points Actuels », 1991 Nous vivons une époque moderne

coll. « Points Actuels », 1991 Pointes sèches

1992

CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS Justice en miettes en collaboration avec Hubert Lafont

PUF, 1979

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Philippe Meyer

Dans le huis clos des salles de bains

Éditions du Seuil

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EN COUVERTURE : d e s s i n d e S e m p é

ISBN 2 - 0 2 - 0 1 9 4 3 7 - 6

© ÉDITIONS DU SEUIL, FÉVRIER 1 9 9 3 .

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

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Préface

Heureux habitants des départements français et des pays francophones circumvoisins ou éloignés, vous venez d'acquérir (à vil prix) ce recueil de chroniques matutinales (le quatrième - vérifiez que vous êtes bien déjà en possession des trois autres) des mains de l'un des derniers aventuriers du monde post-cathodique, j'ai nommé un libraire. Cet homme, même si c'est une femme, exerce un métier si menacé de disparition qu'il est plus confortable aujourd'hui d'être phoque sur la banquise que de tenir une librairie, même dans une rue piétonne. Les libraires, d'ailleurs, n'ont pas de Brigitte Bardot pour les protéger. Cela les différencie non seule- ment des phoques, mais aussi des ânes - ce qui vaut mieux pour eux, comme ne l'ignorent pas ceux qui se souviennent des mésaventures renouvelées d'Abélard d'un âne confié aux soins de la multiconjugale amie des bêtes. Comme vous l'avez compris, le but de la première partie de cette préface est de vous convaincre, si vous avez volé le livre que vous avez entre les mains, de le rapporter immédiatement au libraire et de lui en régler le prix, afin de rendre hommage à son sacerdoce et de ne pas me frustrer des miettes de royalties que m'abandonne mon éditeur avec un regret visible et qui fait peine.

Les chroniques que vous allez lire s'étendent de l'immédiat après-guerre du Golfe à l'orée des vacances qui ont définitivement effacé les Kurdes de nos préoccu-

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pations, au profit des Yougoslaves, eux-mêmes effacés au profit des Somaliens, eux-mêmes en passe d'être effacés au profit des prochaines élections législatives. A l'heure où j'écrivais ces lignes, on ignorait combien de morts avait causés la guerre d'Irak, grâce à l'intense activité journalistique victorieusement déployée par les mili- taires. A l'heure où je les publie, non seulement on l'ignore toujours, mais, de surcroît, cela n'intéresse plus grand monde. Ayant cultivé, depuis l'enfance, une affec- tion plus naturelle pour les civils que pour les militaires, j'en ressens un certain chagrin.

Il me faut cependant reconnaître que, si la guerre du Golfe a entraîné quelques conséquences réprouvables, elle n'en a pas moins eu pour effet l'apparition de Mlle Martin dans les studios matutinaux de France Inter.

La soudaine irruption au grand jour des rapports que je me flatte d'entretenir avec elle depuis une sacrée lurette ne saurait me conduire à moins qu'à lui dédier cet ouvrage. Lorsqu'il m'arrive de mettre en doute les charmes de sa compagnie, je me dis que j'aurais pu avoir l'infortune de devoir m'associer à Ève Ruggieri.

Lorsqu'elle me trouve plus pesant que d'ordinaire, elle se console en songeant que le sort aurait pu la contraindre à sourire chaque matin ouvrable à Patrick Poivre d'Arvor.

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Heureux habitants de l'Orne et des autres départe- ments français, ça n'est pas pour me vanter, mais, il y a quelques j o u r s j'attirais respectueusement votre atten- tion sur les progrès des vertus martiales dans l'esprit public. Certains d'entre vous ont peut-être pu vérifier cette assertion en découvrant dans leur boîte aux lettres un ensemble de prospectus illustrés, imprimés sur papier glacé et expédiés dans une enveloppe richement décorée de photos en couleurs. Ces prospectus ne proposent rien de moins que (je cite) de « partager la vie palpitante des légionnaires pendant dix jours et sans le moindre enga- gement », bien que l'engagement soit en général le seul moyen d'entrer dans la Légion. Mais il ne s'agit pas ici de rejoindre nos troupes dans le désert. Il s'agit d'acheter un ouvrage intitulé La Légion au combat, qui vous fera (je cite) « découvrir les hommes qui interviennent lorsque tout est perdu ».

Personnellement, moi qui étais sottement enclin à croire que, lorsque tout est perdu, il ne restait guère qu'à se tourner vers le prêtre ou le fossoyeur, je vais m'empresser de commander cet ouvrage. Je vais même m'empresser d'autant plus - si j'ose dire - que le pro- spectus chatoie de promesses : « Vous subirez leur entraînement aux limites de ce que peut supporter un

1. Voir Nous vivons une époque moderne, p. 232.

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être humain. Vous découvrirez sous toutes les faces leurs équipements spéciaux... inefficaces sans leur courage et leur esprit de décision. » Et c'est pas tout, c o m m e chan- tait Bourvil : « Vous infligerez une grave défaite aux nazis au nord du cercle polaire et vous sauterez sur Kolwezi pour délivrer toute une ville de dangereux mer- cenaires. »

Pour mieux terrasser les nazis polaires et les merce- naires subtropicaux, l'éditeur légionophile accompagne son ouvrage de l'envoi d ' u n e lampe torche dite « lampe torche Mach II », modèle (je cite) « utilisé quotidienne- ment par les super-policiers américains durant leurs rondes de nuit » (fin de citation). Et, de fait, cette lampe a l'air de permettre d'éclairer tout aussi bien que de ser- vir d ' o b j e t contondant. Et, en plus, si j e renvoie m o n coupon dans les huit jours, je gagne un 4 x 4 tout équipé.

Si cet équipement c o m p r e n d un canon à eau, je ne dis pas que je n'irai pas rendre visite à cet éditeur légiono- phile qui voit la guerre du Golfe c o m m e un « plus » pour son marketingue.

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants de la Belgique francophone et des départements français, ça n'est pas pour me vanter, mais je puis affirmer que le commandant Henri Hansen n ' e n est pas encore revenu. Henri Hansen est, après Dieu, le maître à bord du Arktis Sun, un navire marchand danois qui, la semaine dernière, naviguait dans le golfe Arabo- Persique, là m ê m e où l ' o n trouve, en ce moment, la plus grande concentration de bâtiments militaires, plusieurs centaines, dont pas mal transportent des hélicoptères.

Le c o m m a n d a n t H a n s e n dormait donc sur ses deux oreilles et la barbe au-dessus de ses draps, pensant q u ' a u large des côtes du Qatar, où se trouvait son Arktis Sun, rien de fâcheux ne pouvait lui arriver. Il est revenu sur cette opinion au m o m e n t où des pirates armés de mitraillettes et portant des foulards rouges ont pris pos- session de son navire et se sont emparés de tout ce qui pouvait y avoir de la valeur.

« On m'avait pourtant dit que j e serais parfaitement en sécurité », a déclaré le commandant Hansen, qui s'arran- gera désormais pour assurer lui-même la protection de son bateau. P o u r l'aider dans cette tâche nécessaire, puis-je me permettre d'indiquer à ce marin danois et à tous les navigateurs en général que, demain mardi, ils pourront faire l'emplette d ' u n intéressant moyen de dis- suasion ?

La marine nationale de la République mettra en effet

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aux enchères le Morse. Le M o r s e est un bâtiment de 1 000 tonnes et de 78 mètres sur 8, possédant toutes les caractéristiques du sous-marin lance-torpilles. Il sera vendu à Lorient, pour cause de réforme et il vous inté- ressera peut-être de savoir que le dernier sous-marin de ce type vendu par notre R o y a l e en 1986 a été adjugé pour la modique somme - la très modique s o m m e - de 300 000 francs.

Tant que j ' e n suis au chapitre des ventes, puis-je vous signaler que la Compagnie Anglo United a décidé de se séparer d ' u n e partie non négligeable de ses possessions dans l'océan Atlantique. Il s'agit en effet des meilleures terres agricoles des îles Falkland ou Malouines, selon que l ' o n est britannique ou argentin. Les propriétés de l ' A n g l o United représentent à elles seules 27 % de la surface de ces îles britanniques ou argentines pour les- quelles on s'est fort battu en 1982. Il est vrai que leur valeur est estimée à 60 millions de nos francs. C o m m e je vous sens fort inquiets, j e crois bon de vous préciser que la C o m p a g n i e Anglo United a spécifié qu'elle ne ven- drait pas sa portion des îles Falkland ou Malouines à un acheteur dont les intérêts seraient incompatibles avec ceux de la Couronne.

Avec la permission de m o n confrère, le général Germanos, ce n'était rien que trois petits coups d'œil sur les choses de la guerre vues par le petit bout civil de la lorgnette.

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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H e u r e u x habitants de la Haute-Saône et des autres départements français, ça n'est pas pour me vanter, mais, il y a plus d ' u n an, je m'étais permis d'attirer votre atten- tion sur le rôle prépondérant des 60 millions de moutons néo-zélandais quant au réchauffement de l'atmosphère.

Ce réchauffement, en effet - et l'effet de serre qui en découle - , se trouve être produit par des émissions excessives de gaz méthane, gaz contenu en abondance dans les vents que mes moutons néo-zélandais émettent sans penser à mal et sans avoir conscience que leur grand nombre transforme leurs flatulences autrefois innocentes en pets criminels que l'on retrouve, si j ' o s e dire, aux deux pôles, où ils provoquent la fonte des gla- ciers, d ' o ù procède la hausse du niveau de la mer et des eaux, d ' o ù il appert que, si les moutons néo-zélandais continuent de péter dans l'insouciance, les heureux habi- tants de Marseille et de Sète, mais aussi bien ceux de La Rochelle et de Paimpol auront bientôt de l'eau j u s q u ' a u x roubignolles.

Soucieux de n'être pas les seuls boucs émissaires de cette probable catastrophe, les moutons néo-zélandais et leurs propriétaires ont fait r e m a r q u e r que les vaches américaines, qui ne sont pas peu et occupent un volume bien supérieur, ne pouvaient pas être innocentées de l ' é m i s s i o n de méthane réchauffeur d ' a t m o s p h è r e . Les Étatsuniens auraient pu se contenter de répondre que la

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bonne éducation de leurs vaches suffisait à les mettre à l'abri de ce reproche. Ils ont préféré être fair-play et les disculper par des m o y e n s scientifiques. On a donc recueilli et analysé les vents des vaches. Il en est ressorti qu'ils sont si pauvres en méthane que les vaches peuvent marcher la tête haute et regarder les deux pôles et leurs glaciers sans rougir.

Du moins le croyaient-elles, j u s q u ' à ce que les porte- parole des moutons néo-zélandais fassent remarquer que la vache est un ruminant et que la particularité du rumi- nant est d'émettre des gaz par les deux extrémités de son appareil digestif. Et voilà l ' A g e n c e américaine de pro- tection de l'environnement contrainte de dépenser plus d ' u n million de francs pour savoir de quoi sont faites les éructations des mamans des veaux. Catastrophe ! Le rot de vache ne contient pas moins de 15 % de gaz coupable.

Ordinairement, l ' a p p r o c h e d ' u n nouveau millénaire produit sur l'imagination de certains hommes des craintes » irrationnelles. La nouveauté, avec l'an 2000, c'est qu'il est rationnel et m ê m e scientifique d'avoir peur des pets de mouton et des rots de vache.

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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H e u r e u x habitants de la H a u t e - M a r n e et des autres départements français, vous n'êtes pas sans savoir que les Suisses ont des relations sexuelles. Cela n ' a pas que des agréments. On peut attraper des maladies, sauf si on utilise du caoutchouc. Oui, mais le caoutchouc, il peut être embarrassant à acheter, surtout quand on est jeune et dans un pays où l'on a beaucoup tendance à s'intéres- ser à ce que fait le voisin. D ' o ù l'idée de vendre les pré- servatifs par le biais de distributeurs automatiques. En Suisse alémanique et dans le Tessin, pas de problème.

Mais, dans les cantons francophones, l'administration a décidé de prélever une taxe sur ces distributeurs. Je ne saurais affirmer que cette décision recèle la moindre intention puritaine ni qu'elle constitue une expression quelconque de mauvaise volonté, mais enfin... les résul- tats sont là : on trouve quatre fois plus de distributeurs dans le Tessin italien que dans le Valais francophone.

Il faut dire que, dans le souci de protéger la moralité publique, les cantons helvètes francophones organisent entre eux une sorte de concours. Il s'agit de déterminer celui qui édictera les plus habiles interdictions quant aux endroits où disposer les distributeurs de préservatifs.

Le canton de Saint-Gall ne se comporte pas mal : il y est interdit de placer des distributeurs sur la voie publique aux abords des écoles et des églises. Le Valais, cependant, fait mieux : il n'autorise les distributeurs que

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dans les toilettes des établissements publics. Peut-être devrait-on obliger les éventuels acheteurs à éteindre la lumière avant de glisser leur pièce dans la machine, pour éviter que leur achat n'ait une mauvaise influence sur les autres clients de ces établissements.

Mais la mesure la plus digne d'éloges, il me semble que c'est au canton de Fribourg que nous la devons.

L'installation de distributeurs automatiques de préserva- tifs y est en effet tout à fait autorisée, sauf dans de rares endroits. Au nombre de ces rares endroits figurent les casernes, les écoles et les universités. En revanche, j'ai le plaisir de vous confirmer que la pose de ces distribu- teurs qui encouragent à l'abandon aux instincts animaux est permise dans les couvents de religieuses, dans les unités de soins palliatifs des hôpitaux et dans les mai- sons de retraite avec assistance médicale.

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants de la Seine-et-Marne et des autres départements français, il est d'usage d'évoquer les élec- tions en Corse avec un sourire entendu, au motif qu'il pourrait parfois arriver que certaines erreurs involon- taires entachent leur régularité. Bien entendu, je me gar- derai bien de reprendre ces calomnies à mon compte, soucieux que je suis de préserver l'intégrité du peu de bien que je possède au soleil... D'ailleurs, en matière de fraude électorale, je tiens qu'il n'y a que des amateurs malhabiles, sauf en Sierra Leone, un peu au-dessous de la Guinée.

Lors de leurs dernières élections générales, les Sierra- léonins ont d'abord fait preuve de leur connaissance et de leur respect des traditions en matière de fraude. On ne compte plus les électeurs domiciliés dans une usine, une fabrique, un atelier ou un bureau. De nombreux immeubles inachevés se sont subitement trouvés occu- pés par plusieurs centaines d'électeurs. A Freetown, la capitale, un appartement de quatre pièces s'est révélé être le domicile de soixante-deux citoyens majeurs en pleine possession de leurs droits civiques. Jusque-là, rien que de classique.

Plusieurs villages réputés peu favorables aux autorités en place ont cessé d'exister le jour du vote. Dans un légi- time souci d'équilibre, d'autres villages ont été créés sur le papier et immédiatement pourvus d'un nombre res-

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Spellbound vend du charme. Ou plutôt des charmes. Des charmes féminins, dans une chaîne de maisons closes qui espère assurer sa promotion all over the country grâce aux vigoureux membres de l'équipe de football de Williamtown. D'après mes confrères australiens, le contrat de Spellbound avec les footballeurs prévoit que ceux-ci auront droit à des réductions s'ils veulent utiliser les services des hétaïres de la firme.

Les sceptiques qui pensaient qu'entre l'amour et le sport il faut choisir viennent de perdre leur dernière rai- son de douter.

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants de la Meurthe-et-Moselle et des autres départements français, l'homme se distingue la plupart du temps de l'animal. Il lui arrive même de se distinguer des autres hommes : c'est ce que prouve l'exemple d'Allan Wong, citoyen de San Francisco et serveur dans un restaurant.

Après le départ des clients de l'établissement où il tra- vaille, Allan Wong a découvert un sac à dos en matière synthétique et de couleur criarde oublié à côté d'une chaise. Le sac ne pesait pas lourd. Cependant, il conte- nait 277 000 dollars, soit environ 1 700 000 francs en billets de diverses valeurs. Personne n'avait vu Allan Wong trouver le sac. Cela ne l'a pas empêché de porter sa découverte au patron du restaurant. Dans l'après-midi, pendant le repos d'Allan Wong, un client a téléphoné pour s'enquérir du sac oublié et, une demi-heure plus tard, il est passé récupérer son bien. L'idée de laisser une récompense à Allan Wong ne lui a pas traversé l'esprit, ce qui tendrait à prouver que l'homme riche éprouve plus de difficulté à se différencier de l'animal que l'homme tout court.

L'histoire du sac aux 277 000 dollars est parvenue aux oreilles du maire de San Francisco, qui a décidé de récompenser Allan Wong. Hélas ! les caisses de la ville sont vides, archivides. Impossible d'y trouver le moindre billet pour honorer l'honnêteté du serveur de restaurant.

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Le maire de San Francisco a pourtant eu une idée : il a pris un arrêté stipulant qu'Allan Wong aurait le droit de garer sa voiture n'importe où sans payer le ticket du parcmètre. La mesure peut paraître généreuse. Malheu- reusement, elle n'est valable qu'un jour par an, le jour anniversaire de la découverte du sac aux 277 000 dollars par M. Wong.

Au tarif de la contravention pour stationnement illégal ou abusif à San Francisco, ces 277 000 dollars représen- taient 5 250 fois le prix de l'amende, soit une contraven- tion par jour pendant 14 ans - compte non tenu des années bissextiles. Je me demande si Allan Wong se rend compte à quel point il s'est distingué de l'animal...

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants de la Réunion et des autres départe- ments français, depuis les années quatre-vingt, nous cultivons de nouveau les vertus de l'entreprise, de la concurrence, de l'initiative privée et du ôte-toi-de-là que-je-m'y-mette. Les enfants eux-mêmes sont plongés, presque à la naissance, dans un bain d'agressivité et d'esprit de compétition, et leurs parents se rongent les ongles et les sangs à l'idée qu'ils pourraient être infé- rieurs à leur tâche d'éleveurs de pur sang.

Mme Holloway - Wanda Holloway, citoyenne de Channelview, au Texas - doit faire partie de cette race de géniteurs profondément préoccupés par la réussite de leur progéniture. La fille de Wanda Holloway, Shanna, une gamine de treize ans, se trouvait en concurrence avec la jeune Amber Heath, fille de Verna Heath. En concurrence

à quel propos ? Je vous le dirai tout à l'heure.

Les chances de vaincre de Shanna Holloway étaient raisonnablement bonnes, mais pas assez sûres pour que sa mère dorme tranquille. C'est pourquoi Wanda Holloway a proposé de l'argent à son ancien beau-frère afin qu'il fasse passer de vie à trépas la maman d'Amber Heath à quelques jours du concours où celle-ci devait affronter Shanna Holloway. « Comme ça, elle aurait été émotionnellement détruite, a déclaré Wanda Holloway, et ma fille l'aurait emporté. »

Le coup a manqué : l'ex-beau-frère s'est dégonflé et il

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a tout raconté à la police. Wanda Holloway est en prison.

Ça a détruit émotionnellement sa fille, qui a raté le concours. Le concours de quoi, au fait ? Le concours ouvert pour une place de pom-pom girl de l'équipe de base-ball de la ville.

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants de la Saône-et-Loire et des autres départements français, l'un des charmes des voyages dans les pays communistes, naguère, c'était d'y mettre à jour sa collection de blagues politiques, qui ont long- temps été, pour les masses populaires, le principal et même le seul moyen d'exprimer leur amour du commu- nisme et leur sympathie pour leurs dirigeants. Les murs sont tombés; la presse s'est quelque peu affranchie;

mais les blagues demeurent et prospèrent. La seule diffé- rence, c'est que, maintenant, elles peuvent être impri- mées par certains journaux.

Voici, par exemple, une définition officieuse de la Glasnost : «Période pendant laquelle n'importe quoi peut sortir de votre bouche alors que vous ne trouvez à peu près rien à y faire entrer. »

On dit qu'un jour un Moscovite, excédé de stationner depuis des heures dans une queue, devant un magasin d'alimentation, sortit de la file, ivre de rage, et s'écria :

« Je sais ce que je vais faire. Je vais au Kremlin et je tue Gorbatchev. » Une heure plus tard, il était de retour. « Tu l'as tué? lui demanda la foule frissonnante. - Non, la queue était encore plus longue que celle-ci. »

Pendant ce temps, au Kremlin, Gorbatchev présentait son nouveau petit-fils à son entourage. « Il sera général, déclare Dimitri Yazov, le ministre de la Défense. Il suffit de voir comme il tape du pied de façon martiale. - Il sera

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plutôt banquier, réplique Valentin Pavlov, le Premier ministre. Il suffit de voir comment ses mains agrippent tout ce qui est à leur portée. - Vous vous trompez, dit Gorbatchev. Il sera président. Il suffit de voir comment il continue à sourire pendant qu'il salit ses couches. »

Et au même moment, quelque part en Russie, le prési- dent d'une usine a convoqué une camarade, jeune et jolie camarade. « Écoute, lui dit-il, tu viens d'une famille très honorable, tu as reçu une excellente éducation, tu es ins- truite, tu as toujours été une bonne ouvrière... Comment est-il possible que tu sois devenue une prostituée de luxe ? » Et la jeune et jolie camarade de répondre : « J'ai seulement eu de la chance. »

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants des Alpes-Maritimes et des autres départements français, ça n'est pas pour me vanter, mais, hier, j'étais en Grande-Bretagne, et plus précisément à Londres. Évidemment, le voyage est périlleux pour un homme, étant donné ce que Mme Cresson a remar- qué des mœurs d'un quart de la population mâle du Royaume-Uni. Si cet homme est français, le voyage devient encore plus périlleux. 25 % des mâles britan- niques cherchent à le forcer dans un coin, et les 75 % restants lui demandent avec des airs furibonds pour qui on veut les faire passer en France. J'avais prévu cette inconfortable situation et, pour désarmer mes hôtes, j'avais sélectionné, dans l'immortel Dictionnaire de la bêtise, de Jean-Claude Carrière, publié chez Robert Laffont, quelques phrases destinées à leur montrer que les préjugés à leur égard sont anciens et donc fortement établis.

Cicéron n'écrivait-il pas déjà: «Ne faites pas venir vos esclaves de ce pays : il sont d'une grande stupidité et incapables de s'instruire » ? Et Jean-Jacques Rousseau :

« La barbarie anglaise est connue. Je sais que les Anglais vantent beaucoup le bon naturel de leur nation, mais per- sonne ne le répète après e u x » ? En 1863, un nommé Alphonse Toussenel annonçait : « L'industriel anglo- saxon n'obtiendra jamais la supériorité que dans le domaine de la production utile et il s'exposera à des

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comparaisons dangereuses toutes les fois qu'il voudra sortir de sa spécialité. » Quant à Max O'Rell, il consi- gnait dans Les Filles de John Bull : « L'Anglais est, sans contredit, taillé pour faire des colonies, mais, certes, il ne l'est pas pour faire l'amour. »

Mes britanniques interlocuteurs m'ont écouté avec une grande placidité. Si grande même qu'elle semblait cacher quelque chose. Et, en effet, quand j'ai eu fini, l'un d'entre eux m'a demandé, l'air bonasse : « Avez- vous lu les journaux d'aujourd'hui? - Juste les titres, ai-je répondu. - Ah ! Alors vous n'avez pas lu que M. Chirac a des idées sur les Arabes plutôt moins bonnes que celles de Mme Cresson sur les Britanniques.

- Dieu du ciel ! me suis-je exclamé, des idées sur leurs moeurs ? - Non, sur leur odeur. Vous devriez chercher dans votre dictionnaire à l'article "Arabe". »

C'est ce que j'ai fait avant de venir ce matin. Ce n'est pas mal non plus. En 1855, le Dr Bodichon notait : « Les Arabes vivent de peu ; mais cette sobriété ne doit pas leur être comptée comme vertu : elle est le résultat de leur paresse originelle. » Et, en 1888, Jean Ravel obser- vait : « L'Arabe est prolifique à un point extraordinaire ; je crois bien que le hareng seul lui est sur ce point supé- rieur. »

Ces divers exemples nous montrent que, si nous vivons une époque moderne, la bêtise remonte à la plus haute Antiquité.

Je vous souhaite le bonjour !

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Heureux habitants de l'Indre-et-Loire et des autres départements français, quelques-uns d'entre vous jouis- sent de leurs premières heures de vacances, d'autres en reviennent, certains sentent que leur heure est proche, et plusieurs, enfin, roulent sur la route qui les y conduit.

Pour les uns comme pour les autres, il m'a paru néces- saire de marquer ce moment par le récit d'histoires vraies et vérifiées, mais qui pourtant font croire que l'humanité a un bon fond.

Je range parmi ces contes l'histoire de Maria Touma- nichvili et d'Iztah Djordjevitch, tous les deux citoyens des États-Unis, comme leurs noms ne l'indiquent pas.

Maria et Iztah se rencontrèrent en 1964 à la cafétéria du campus de Hartford, dans le Connecticut. Ils se plurent.

Ils se fréquenturent. Ils se plurent encore plus. Ils éprou- vèrent de l'amûr. Ils se fiançurent.

Mais le papa de Maria, qui présidait le département de philosophie de Hartford, ne l'entendit pas de la même oreille, ni même d'aucune oreille. Iztah était étudiant en musique, et le papa de Maria ne considérait pas que cela pût le conduire à un état propre à subvenir décemment aux besoins de sa fille. Il envoya Maria étudier dans un autre État, et elle partit sans revoir Iztah.

Plus tard, elle se maria, accoucha, divorça et habita en Floride. Cette année, vingt-six printemps et quelques mil- liers de soupirs après leur séparation digne de Bérénice,

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Maria décida d'embaucher un détective privé pour retrouver Iztah. Pour 1 500 francs, l'homme lui rapporta l'adresse actuelle de son vieux béguin. Iztah Djordjevitch était devenu professeur d'anglais, toujours dans le Connecticut. Maria lui fit passer un message : « Je t'attends. » Iztah prit le premier avion pour la Floride. Ils vont se marier à l'automne.

Patricia, vos beaux yeux mauves sont embués de larmes ; eh bien, croyez-le si vous voulez, je connais une autre histoire vraie de la même nature ; il y a cinquante ans, John R., citoyen néo-zélandais, se battait en Crète contre les armées allemandes. Il perdit sa montre dans une petite maison où il s'était abrité. Pour la première fois depuis un demi-siècle, John est retourné en Crète, sur les lieux de ses exploits. Il a retrouvé la maison où il s'était réfugié. Le propriétaire lui a rendu sa montre, tout simplement.

Arrêtez, oncle Philippe, qui peut croire que nous vivions dans un monde où les amoureux s'attendent pen- dant vingt-six ans ? Eh bien, les mêmes qui peuvent admettre qu'un Grec ne soit pas voleur.

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants des Landes et des autres départe- ments français, de l'embaumeur au tondeur pour chiens e n passant par le tueur à gages, les auditeurs de France Inter font tous les métiers. L'un d'entre eux, que les exi- gences de son sacerdoce obligent à être éveillé à l'heure où je vous parle - ce qui n'est pas nécessairement le cas de Mlle Martin -, l'un d'entre eux, donc, est agent d'assurances. Il reçoit quotidiennement un abondant courrier par lequel ses clients lui relatent le malheur dont ils viennent d'être la victime. Il a bien voulu m'en envoyer une brassée - bien sûr, rendue anonyme - pour que j'effeuille avec vous les fleurs de cette rhétorique.

« Depuis que je m'ai rencontré au carrefour avec cette voiture, écrit à mon auditeur un automobiliste, j'ai attrapé un traumatisme dans les cuisses intérieures. Je peux vous dire que ça m'arrange pas. »

« Pour les blessures de ma femme, déclare un autre sinistré, je vous envoie ci-joint le certificat que j'ai pu avoir par mon docteur. Je les mets en réserve en attendant de savoir combien elles peuvent me rapporter environ. » Dès qu'il s'agit de son portefeuille, l'homme se livre le plus souvent brut de décoffrage : « Je suis entré en collision avec un homme dont les moyens intellectuels m'ont paru terriblement limités. J'ai donc eu la chance de lui faire signer un constat qui m'est particulière- ment favorable. J'espère que vous m'en saurez gré. »

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L'homme qui s'exprime ainsi maîtrise assez la syntaxe pour que la froideur de son égoïsme paraisse dans une nudité que, parfois, le pittoresque de style arrondit.

« Je tiens à vous préciser que la blessée est bien ma femme. Mais, pour ce qui est de sa partie corporelle, je ne donnerai aucune suite. Je ne prends donc intérêt qu'en ce qui concerne la voiture, dont j'ai besoin journelle- ment. »

Au-delà du cynisme involontaire, le sinistré excelle dans la rhétorique exprimant son bon droit : « Ma voiture était en travers, mais l'adversaire avait diverses possibi- lités de m'éviter, qu'il n'a pas songé à utiliser. » «Je ne vois pas pourquoi je suis imputé de toute la responsabi- lité, puisque l'autre ne savait pas conduire non plus. »

« Ils m'ont trouvé 2 grammes d'alcool dans le sang. Sur 6 à 8 litres qu'on a dans le corps, vous avouerez que c'est pas tellement. » Et, enfin, un petit dernier pour la route, si j'ose dire: «Je vous témoigne mon grand mécontentement. Vous mettez tellement de temps à me rembourser mes accidents que c'est toujours avec celui d'avant que je paye les dégâts de celui d'après. »

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants du Loiret et des autres départe- ments français, vous n'êtes pas sans savoir que la démo- cratie grignote un peu plus d'espace vital chaque jour, et même là où l'on croyait ne jamais apercevoir sa sil- houette. Ainsi, au Zaïre, le président Mobutu Sese Seko a-t-il abandonné sa doctrine officielle dite « de l'authen- ticité », qui lui permettait de donner à manger aux croco- diles n'importe quel opposant sous prétexte que son comportement trahissait la spécificité zaïroise et man- quait de respect à des traditions non écrites mais soi- gneusement gardées par le citoyen président. On avait donc vu des opposants envoyés dans les geôles sous les prétextes les plus divers, dont le plus pittoresque est assurément le fait d'avoir porté une cravate, ce qui, selon Mobutu Sese Seko, constituait un attentat contre l'au- thenticité zaïroise.

Ce temps-là n'est plus : le collier est desserré, et, aux prochaines élections législatives, chaque parti pourra présenter des candidats. C'est ainsi que le Zaïre passera sans transition d'une situation où il ne connaissait que le parti unique à une situation où plus de cent formations se disputeront les suffrages des électeurs.

Cette abondance de candidatures a surpris, et quelques- uns de mes confrères zaïrois - car j'ai des confrères zaï- rois, sans vouloir me vanter -, quelques-uns de mes confrères zaïrois, donc, qui s'efforcent de créer une

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presse libre et honnête, ont enquêté sur ces cent nou- veaux partis. Ils ont vite découvert qu'un nombre non négligeable d'entre eux avaient été créés en douce par Mobutu Sese Seko lui-même et que, pour que le multi- partisme ne lui coûte pas trop cher, le citoyen président avait décidé d'en assurer la gestion. Mes confrères zaï- rois ont trouvé un joli surnom à cette pratique politique : ils l'appellent le « multimobutisme authentique ».

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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Heureux habitants des Yvelines et des autres départe- ments français, vous n'êtes pas sans vous souvenir que nous avons participé à une guerre contre l'Irak qui avait pour but de restaurer le Koweit dans ses droits et d'y faire fleurir la démocratie. C'est donc avec une satis- faction teintée de plaisir que je suis en mesure de vous annoncer qu'il a été proposé à l'assemblée consultative provisoire du Koweit, le Conseil national, que l'on accorde des droits politiques aux femmes, créatures dont certains esprits révoquent en doute la capacité à contenir une âme.

Quoique cette proposition marque une évolution dans les mentalités koweitiennes, j'ai le regret de vous infor- mer qu'elle a fait s'esclaffer la plupart des membres du Conseil national du Koweit. M. Saadoun al-Otaibi s'est même demandé, au cas où une femme serait élue prési- dente du Conseil, et si elle se trouvait enceinte, en quels termes il conviendrait d'annoncer cette maladie aux autres membres de l'assemblée. Un autre conseiller, esti- mant que (je cite) « la place naturelle de la femme est au foyer » (fin de citation), a suggéré et obtenu (je recite)

« que le débat soit clos et que l'on passe à des sujets plus importants » (fin de citation).

L'un de mes amis, qui travailla naguère à l'Unesco, m'a raconté qu'une séance eut lieu dans cette noble mai- son il y a quelques années en vue de décider s'il était

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opportun de lancer dans le vaste monde un programme ambitieux destiné à apprendre aux femmes à lire et à écrire.

Les délégués de chaque pays se succédaient à la tri- bune. L'un approuvait chaleureusement; l'autre opinait favorablement mais attirait l'attention sur le coût d'un tel programme; un troisième, sans méconnaître l'intérêt d'apprendre à lire et à écrire aux femmes dans les pays où l'éducation leur est refusée, ajoutait qu'à son avis d'autres priorités devaient mobiliser les efforts de l'Unesco. C'est alors que le délégué du Koweit monta à la tribune et qu'il eut ces paroles définitives et pleines de bon sens : « Apprendre à lire et à écrire aux femmes ? Mais à lire quoi ? » Puis, il marqua un silence avant de lâcher : « Et à écrire à qui ? »

Je vous souhaite le bonjour ! Nous vivons une époque moderne.

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