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TRAVAIL DE FIN D ÉTUDE GESTION DES ÉMOTIONS FACE À LA MORT

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Academic year: 2022

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UE 5-6 S6

Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles Date du rendu 24 Mai 2020

Nom du Directeur de mémoire : Mme LOUCHART I.

TRAVAIL DE FIN D’ÉTUDE

GESTION DES ÉMOTIONS FACE À LA MORT

I.F.S.I. de l’E.R.F.P.P. du G.I.P.E.S. d’Avignon et du Pays de Vaucluse

PODEVIN GLEIZE Emeline

Promotion 2017-2020

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Note aux lecteurs

«Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son auteur »

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Remerciements

Voilà que ces trois années d’étude touchent à leur fin, et j’écris quelque mots pour remercier tous ceux qui ont contribué à ma réussite.

J’adresse un grand merci à ma directrice de mémoire, Mme Louchart, pour sa disponibilité, sa patience, ses conseils et ses réflexions, qui ont contribué à alimenter ma réflexion. Merci à elle parce qu’elle m’a aidé à rester sur le droit chemin quand je doutais et me posais trop de questions.

Je remercie ensuite, tous les infirmiers qui m’ont accordé du temps pour participer à mes entretiens pendant la crise sanitaire du Covid-19. Et je les remercie également pour leur partage d’expériences et de connaissances, c’est grâce à eux que j’ai pu confronter mes recherches à la réalité du terrain.

Je tiens à témoigner toute ma reconnaissance aux personne suivantes, pour leur aide dans la réalisation de ce mémoire :

Mes parents, pour la relecture et correction de mon mémoire, et aussi mes grands-parents pour leur soutien et encouragements depuis le début de la formation.

Mon mari qui m’a apporté réconfort, soutien et aide pour que je puisse me concentrer pleinement sur le mémoire.

Mes amis qui m’ont soutenue, motivée et détendue dans les moments les plus difficiles où la fatigue et le stress prenaient le dessus.

Et enfin, j’adresse mes sincères remerciements à tous les formateurs de cet établissement qui m’ont aidée par le biais de leurs enseignements à améliorer ma capacité de réflexion et d’analyse. Je remercie particulièrement ma référente pédagogique, Mme Pieri, qui a été la première à lire mon ébauche de situation d’appel dans le cadre des analyses de pratique et qui m’a motivée à en faire mon mémoire.

Merci à toutes ces personnes et aux autres que j’oublie peut être, d’avoir fait de moi la personne que je suis et la future soignante que je vais devenir.

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SOMMAIRE

1 Introduction ... 1

1.1 Présentation de la situation d’appel ... 3

1.2 Questionnement de départ ... 7

2 Cadre de référence ... 9

2.1 Le soignant ... 9

Que veut dire le mot « soignant »? ... 9

Le quotidien du soignant ... 10

La relation soignant-soigné ... 11

2.2 La mort ... 12

Que veut dire le mot « mort » ? ... 12

Le soignant et la mort ... 13

2.3 Émotions ... 14

Que veut dire le mot « émotion » ? ... 14

Soignants et émotions ... 16

Intelligence émotionnelle ... 18

3 Enquête exploratoire ... 21

3.1 Méthodologie ... 21

Choix de l’outil de travail ... 21

Choix de la population interrogée et des lieux d’exercice ... 22

3.2 Analyse des données ... 23

Première thématique : Émotion ... 23

Deuxième thématique : Mort ... 26

Troisième thématique : Gestion des émotions et intelligence émotionnelle .... 31

4 Conclusion ... 35

5 Bibliographie ... 37

5.1 Livres ... 37

5.2 Articles ... 37

5.3 Sites internet ... 38

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6 Annexes ... I 6.1 Annexe 1 : Lettre de demande d’entretien ... I 6.2 Annexe 2 : Guide d’entretien ... II 6.3 Annexe 3 : Entretien n°1 ... III 6.4 Annexe 4 : Entretien n°2 ... VIII 6.5 Annexe 5 : Entretien n°3 ... XV 6.6 Annexe 6 : Entretien n°4 ... XXV 6.7 Annexe 7 : Entretien n°5 ... XXVIII

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1 I

NTRODUCTION

Dans le cadre de la formation en soins infirmiers et pour valider les unités d’enseignement du semestre 6, à savoir l’ UE 3.4 « Initiation à la démarche de recherche » et l’UE 5.6 « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles », il nous est demandé de réaliser un travail de fin d’étude sur le thème de notre choix. Ce travail de fin d’étude est pour moi, un aboutissement de mes trois années d’études en soins infirmiers.

Le choix du thème pour ce travail, nous est propre et il n’est pas anodin pour chacun d’entre nous. Ce qui nous a aidé à choisir notre sujet, c’est les multiples travaux d’analyse de pratique concernant des situations qui nous ont interpellées qui ont été faites au cours de ces trois années d’études.

Me concernant, le choix de mon thème a été dirigé par une situation que j’ai rencontrée lors de mon premier stage de première année, en Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Dans ce mémoire, il sera donc question de la gestion des émotions du soignant face au décès du patient.

Ce sujet me parait être un thème qui est important et intemporel, puisque tous les soignants qu’ils soient diplômés ou en études, y sont confrontés au moins une fois dans leur carrière. En effet, les émotions sont permanentes dans notre vie, et sont d’autant plus vives quand nous sommes confrontés au décès. Ce qui m’a motivée à réaliser ce mémoire c’est donc le fait d’avoir été confrontée à mon premier décès et d’avoir participé à ma première toilette mortuaire, alors que je n’étais qu’une jeune étudiante en début de cursus. La gestion des émotions me parle particulièrement parce que je suis une personne émotive. Cette situation m’a menée à me poser des questions sur la gestion des émotions quand nous faisons face à la mort, et j’ai donc essayé d’en comprendre les mécanismes, les gestes et attitudes qui y sont liés. Tout ceci m’a permis de me projeter et me positionner en tant que future infirmière.

Dans ce mémoire, je commence par exposer cette situation qui est le point de départ de ma recherche. L’écrire m’a permis de prendre du recul et d’élaborer tout un questionnement. Le déroulement de celui-ci m’aura amenée à me poser une question finale, qui sera le début de mon travail de recherche et ainsi m’a permis d’élaborer un cadre de référence concernant différents concepts que j’aborde successivement. En effet, ce cadre de référence comportera

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trois parties que j’ai développé en fonction de mes recherches, la première concernera le soignant, la deuxième parle de la mort et la dernière des émotions.

Ces recherches sur le soignant, la mort et les émotions m’ont permis de mieux appréhender le thème que j’ai choisi, et m’a aidé à mettre en place un guide d’entretien pour confronter mon travail de recherche à la réalité du terrain, ceci correspond à ma méthode exploratoire. La réalisation des entretiens m’a permis d’élaborer le travail d’analyse qui sera la dernière partie que j’aborderai avant de faire une conclusion finale. Cette analyse est un écrit qui est le résultat de la comparaison des données recueillies lors des entretiens, des recherches effectuées en amont et de ma situation d’appel. Pour finir ce travail de fin d’étude, une conclusion sera faite après cette analyse.

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1.1 PRESENTATION DE LA SITUATION DAPPEL

La situation que j’ai choisie de présenter se déroule dans un EHPAD1 lors de mon premier stage du premier semestre, et plus précisément le deuxième jour.

Le patient est un résident âgé de 88 ans, Mr A., il réside dans cet EHPAD depuis 4 ans avec sa femme. Tous deux sont dans cette structure pour une perte d’autonomie, puisque leurs enfants ne peuvent pas les accueillir chez eux. Mr A. présente des antécédents cardiaques, il est d’ailleurs décédé d’un arrêt cardiaque d’après le médecin.

Cette situation se déroule le deuxième jour de mon stage, je suis de matin, de 7h à 14h. Je suis, alors, dans la salle à manger accompagnée de Christine2, l’infirmière, nous faisons la distribution des médicaments pour le repas de midi. A ce moment-là, il ne manque personne sauf deux résidentes grabataires et Mr A. resté dans sa chambre pour manger, se sentant un peu fatigué, et préférant rester seul, au calme. Il a insisté pour que sa femme partage un bon moment avec les autres résidents puisque lui souhaite se reposer. Cette situation n’a rien d’alarmant selon Christine, elle me dit que cela lui arrive de temps en temps. Moi, je n’ai pas encore vu Mr A. de la journée puisqu’il ne fait pas partie du secteur que l’on m’a attribué, et j’avoue que je ne m’inquiète pas plus. Je ne connais pas encore les résidents et je fais confiance à l’ IDE3 qui travaille ici depuis quelques années, et qui par conséquent connait bien mieux les résidents que moi.

Pendant cette distribution de médicaments, nous sommes interrompues par un appel téléphonique; Christine pose tout sur le chariot et s’éclipse hors de la salle à manger, me laisse seule devant le chariot de médicaments dans cette salle où les résidents mangent et discutent.

Après cet appel, l’infirmière revient me voir et me dit que l’on va vite finir la distribution, et me chuchote qu’il s’est passé quelque chose à l’étage mais qu’elle m’en dira plus après. L’IDE me prend à part et m’explique que l’appel venait de l’AS4, Carole5, à l’étage, qui s’occupe des personnes restées en chambre. Christine me dit : « Mr A. est décédé, il est tombé par terre dans

1 Établissement d’Hébergement pour les Personnes Âgées Dépendantes

2 Nom fictif

3 Infirmière Diplômée d’État

4 Aide Soignante

5 Nom fictif

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sa chambre, on va aller voir ». Je me rappelle avoir été surprise quand elle m’a dit ça, j’ai imaginé plusieurs scénarios, je pense en particulier à une chute violente ayant entrainé des saignements. J’ai le cœur qui bat très vite, mais je ne pose pas plus de question. Nous montons à l’étage en direction de la chambre de Mr A., après avoir rangé rapidement le chariot.

Devant la chambre, Carole et l’ASH6 nous attendent. La porte est ouverte mais je ne vois rien du couloir. L’infirmière et l’AS entrent et moi, j’ai un moment d’hésitation. J’hésite à cause des scénarios que je me suis imaginée, et à cause du fait que j’allais voir mon « premier mort ».

Christine me dit : « Tu n’es pas obligée de venir, mais si tu viens ne t’inquiète pas ce n’est pas choquant, il est juste cyanosé aux extrémités, il est au sol ». A la suite de ces mots, je m’avance et je me retrouve face à mon premier corps sans vie, il est au sol face à la porte comme s’il avait voulu l’ouvrir. Sur le moment, je propose mon aide. L’IDE demande à l’ASH restée dans le couloir d’aller chercher des draps propres, une chemise ouverte, des protections, des gants et des serviettes et aussi une housse. A ce moment-là, je ne comprends pas à quoi va servir la housse. Pendant ce temps, qui semble court, Christine nous dit que nous allons lui faire une toilette mortuaire et que nous devons l’allonger sur son lit. Elle prend alors le drap de son lit, et nous l’aidons à placer le patient dessus afin de pouvoir le transporter.

A quatre, nous transportons alors le corps du défunt jusqu’au lit. Je me souviens que ce corps sans vie était lourd, très lourd, même pour nous quatre. Une fois placé dans son lit, l’ASH sort de la chambre et dit « je ne peux pas faire la suite, désolée ». Je la vois partir avec une émotion palpable, elle me semble touchée par ce décès.

L’infirmière me demande ensuite si je veux rester, je lui réponds que pour le moment ça va.

Elle me fait comprendre que si vraiment ça ne va pas je peux sortir sans problème. Je lui demande ce que je peux faire pour aider en expliquant : « C’est la première fois et je ne sais pas quoi faire ». Elle me propose de préparer la bassine d’eau et le savon pour la toilette de Mr A..

Pendant le temps où je prépare l’eau, elles commencent à déshabiller le résident et le recouvre d’un drap.

6 Agent de Services Hospitalier

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Carole commence alors la toilette et moi je me propose de le sécher à mesure. L’atmosphère est solennelle, c’est un moment très calme et sans trop de bruit, je sens l’air frais provenant de la fenêtre, la pièce est très lumineuse, je suis comme apaisée, mon cœur a ralenti et je ressens les émotions de l’infirmière et de l’AS, aucune d’entre nous ne parle, nous avons des respirations profondes. Elles ont toutes les deux des larmes au coin des yeux, et leur faciès est triste, Carole tremble, elle n’a pas les gestes assurés. Au milieu de la toilette, l’IDE s’éclipse pour prévenir la cadre de l’EHPAD absente au moment du décès.

Je me retrouve alors seule avec l’AS. Celle- ci rompt le silence et commence à me raconter que c’est son deuxième décès dans cette structure, elle me dit : « ça me fait bizarre ». Elle connaissait bien ce résident et son épouse. Elle me dit : « c’est inattendu, jamais je n’aurais pensé que ce soit lui qui partirait le premier ». Elle me confie, les habitudes du résident, je comprends qu’elle est très émue, j’aperçois même quelques larmes. Je ne sais pas quoi lui répondre, j’essaye juste de faire au mieux pour l’aider à faire le geste technique. Elle me dit que rien ne présageait ce qui s’était passé, elle l’avait aidé à faire sa toilette ce matin, avait remarqué qu’il était un peu fatigué mais rien de plus. J’ai, à ce moment-là, le sentiment qu’elle culpabilise de ne pas avoir perçu un potentiel problème.

Après avoir mis la chemise ouverte au résident, car nous n’avons pas de recommandation de la famille pour l’habillage en cas de décès, Christine décide de le raser, et je me rappelle qu’elle a dit « On va vous raser pour que vous soyez tout propre et tout beau pour votre famille et votre femme ». Pendant ce temps, l’IDE et Carole se préoccupent de la réaction de l’épouse de Mr A., elles échangent sur les petites habitudes de ce couple, et elles disent que cela va être difficile à surmonter pour elle.

Après le rasage, j’aide les soignantes à placer Mr A. dans cette « fameuse » housse qui servira pour le transport du corps. Nous ne laissons que le buste du résident en sortir et bordons le lit comme s’il dormait paisiblement.

Quand nous avons fini tout cela, c’est l’heure de la relève, nous avons donc informé l’équipe de l’après-midi que Mr A. était décédé, que nous avons effectué une toilette mortuaire, et que sa femme n’était pas encore prévenue, la cadre va s’en occuper cet après-midi.

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Après cette relève Carole et moi avons croisé Mme A. accompagnée de la cadre se dirigeant vers le bureau infirmier. Toutes les deux nous fuyons le regard de Mme A. et nous n’avons même pas pu lui dire : « Au revoir, passez une bonne journée ». Dans les vestiaires, l’AS est encore émue et me remercie d’avoir fait ce que j’ai fait. Je pars sans un mot.

En arrivant chez moi, j’appelle ma mère et je fonds en larmes en lui expliquant ma journée. En discutant avec elle je comprends que les soignantes ont toutes eu un petit geste pour le défunt mais chacune à leur manière. Elles ont été touchées chacune à leur façon, par la vue de la mort, par le décès d’un résident qu’elle connaissait bien,… et je réalise que cela a été différent pour moi. J’ai gardé mon sang froid pendant l’acte mais après j’ai craqué. Avec le recul, je pense que j’ai su prendre de la distance avec le décès de ce patient parce que je ne le connaissais pas, c’était mon deuxième jour, il ne faisait pas partie de mon secteur. Est-ce que j’aurais réagi de la même façon si je l’avais plus connu ? Je pense avoir pleuré après parce que la vision de la mort m’a fait peur, parce qu’à cette époque ma grand-mère était en soins palliatifs, je pense avoir fait comme un transfert. Ce stage était le premier, je n’étais pas préparée à la mort et à la toilette mortuaire.

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1.2 QUESTIONNEMENT DE DEPART

Je me rends compte que lors de mon déroulé de la situation, je prends une certaine distance à des moments qui m’ont paru difficiles. J’utilise les termes suivants « geste technique » au lieu de toilette mortuaire, « au résident » au lieu d’utiliser son nom, et j’écris « la fameuse housse ».

Est-ce qu’en utilisant ces termes, je prends vraiment une distance ? Est-ce que je suis devenue passive du soin ? Est-ce que c’est une manière pour moi de rendre le sujet objet pour éviter que la vision de la mort ne me touche? Rendre le sujet objet m’a permis de garder mon sang froid ? Ou n’ai-je pas réalisé ce qu’il se passait ? Est- ce un mécanisme de défense ?

Je remarque que je n’ai pas eu la même réaction que les soignantes face au décès. Elles avaient l’air très émues, alors que moi j’étais comme absente. Peut-on dire qu’elles n’ont pas réussi à prendre de la distance ? Alors que l’on nous enseigne de ne pas être trop proche de nos patients, mais à contrario on nous dit de ne pas objectiver le patient. Quelle est cette juste distance dans la relation soignant-soigné ? Peut-on parler d’une relation particulière en EHPAD ? Y-a-t-il un attachement facilité par ce type d’établissement ? N’ont-elles pas réussi à mettre leurs émotions de côté ?

Souvent j’ai dû faire face à des soignants qui me disaient : « il faut se blinder pour exercer ce métier, nos émotions ne doivent pas prendre le dessus ». Or dans cette situation, les pleurs manifestent une certaine tristesse face au décès du résident. En prenant du recul, je me rends compte que j’ai vécu cette expression d’émotions comme un « manque de professionnalisme » et comme le fait que ce n’étaient pas des « bonnes soignantes », à cause de ce qu’on m’avait dit. Et je me suis posée la question de comment un soignant devait gérer toutes ses émotions face à n’importe quelle situation, parce qu’il y a forcément un moment où une situation fait écho à une que l’on a vécue dans notre vie personnelle ou autre. Est-il bon de les exprimer face au soigné, face à ses collègues ? Comment est perçu le fait de les exprimer : manque de professionnalisme ? Peut-on réellement se blinder ? Comment ne plus être touché par la souffrance, le décès ?

Cette situation m’interpelle aussi, car j’ai fait face à mon premier décès, et ma première toilette mortuaire, je n’étais pas préparée à cela, il n’y a aucun enseignement sur « comment gérer ses émotions face à la mort» et sur « la toilette mortuaire ».

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Ici, les soignantes ont manifesté des émotions, est-ce que la toilette mortuaire est une manière pour le soignant de clore la relation avec le soigné ? Peut-on considérer la toilette mortuaire comme un hommage pour le patient par le soignant, ce qui susciterait des émotions ? Est-ce que la mort d’un soigné est pour le soignant un échec, peut-il se sentir coupable ? La toilette mortuaire serait peut-être une façon de se sentir utile une dernière fois ?

Cette situation me fait écho à la gestion des émotions dans toutes les circonstances, certes ici elles sont peut-être décuplées car c’est une situation particulière : le décès. Mais dans ce métier qu’est : infirmier, nous travaillons avec de « l’humain » et ces émotions sont notre quotidien, nous devons faire face aux émotions du soigné mais aussi nous devons faire face à nos propres émotions qu’elles soient positives ou négatives. Un bon soignant doit-il taire ses émotions, les laisser s’exprimer ou apprendre à les gérer pour ne pas qu’elles soient un frein dans sa pratique ?

Après avoir exposé le lien entre cette situation, mes réflexions et mes questions personnelles, je constate qu’il en ressort un thème particulier : la gestion des émotions face à la mort. A partir de ce thème, j’ai pu axer mes recherches, mes réflexions par différentes lectures portant sur différents termes : « soignant », « la mort », « émotion », « gestion des émotions » et

« intelligence émotionnelle ».

Question de départ :

Dans quelle mesure la gestion des émotions face à la mort est-elle nécessaire pour les soignants ?

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2 C

ADRE DE REFERENCE 2.1 LE SOIGNANT

QUE VEUT DIRE LE MOT « SOIGNANT »?

D’après le CNRTL7, le mot soignant désigne la personne qui donne des soins et qui soigne une personne. Mais pour comprendre ce que c’est qu’être soignant, il est essentiel de définir le verbe

« soigner » et le mot « soins ».

Étymologiquement, le mot soigner vient du latin « soniare » qui veut dire : « s’occuper de ».

Le dictionnaire Le Larousse, nous donne les définitions suivantes, soigner c’est : « s’occuper du bien-être de quelqu’un, procurer des soins nécessaire à la guérison, à l’amélioration de la santé de quelqu’un, essayer de faire disparaître une maladie, éliminée par les soins et des remèdes, et les soins, ce sont des actes par lesquels on veille au bien être de quelqu’un, des actes thérapeutiques et d’hygiène qui visent à la santé de quelqu’un et de son corps ». Par ces définitions, on comprend que le soignant effectue des soins dans l’intérêt du bien-être et de la santé du patient, être soignant c’est, par conséquent, prendre soin d’autrui.

Il faut prêter attention au fait que les soignants ne font que soigner et n’ont pas pour objectif de guérir tous les malades, ces deux termes ne signifient pas la même chose. Selon le CNRTL, guérir quelqu’un c’est : rendre la santé, débarrasser d’une maladie physique ou mentale en ramenant la santé.

Le concept d’Humanitude8 décrit le soignant comme étant : « un professionnel qui prend soin d'une personne (ou d'un groupe de personnes) ayant des préoccupations ou des problèmes de santé, pour l'aider à l'améliorer, à la maintenir, ou pour accompagner cette personne jusqu'à la mort. Un professionnel qui ne doit en aucun cas, détruire la santé de cette personne.»

7 Centre National de ressources textuelles et lexicales

8 C’est une philosophie du soin et de la relation concernant particulièrement les personnes âgées, a été conçue par Y.Gineste et R.Marescotti

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LE QUOTIDIEN DU SOIGNANT

Un soignant exerce dans différents milieux qui lui procurent diverses expériences, qu’elles soient agréables ou désagréables. Il vit des moments heureux, comme par exemple des naissances ou des retours à domicile, et d’autres qui sont plus douloureux tels que des décès, l’annonce d’une pathologie incurable chez un patient,… Dans son quotidien, il est confronté le plus souvent, à la vulnérabilité, à la détresse, à la douleur physique, à la souffrance psychologique, à la maladie et à la mort de ses patients, et il doit y faire face. Toutes ces situations peuvent rendre le travail plus ou moins facile à vivre dans le quotidien, puisque le soignant est une personne comme les autres. C’est un individu qui est doté de qualités, de défauts, de ressentis, d’affects, d’émotions, un être humain.

Le soignant doit avoir comme qualités : savoir écouter, être altruiste, être bienveillant, empathique,… Ces qualités requises sont des qualités communes à tout le monde mais d’autant plus importantes dans notre métier, car nous travaillons auprès de l’humain. Par ces qualités, le soignant exerce des soins relationnels, cela lui permet de développer une relation de confiance et d’aide envers ses patients, ceux-ci sont complémentaires aux soins dits techniques. D’après A.Manoukian9 : « tout acte, tout geste technique ou de confort se situe au sein d’une relation soignant soigné ».

9 Psychologue clinicien en milieu hospitalier, formateur des personnels soignants et superviseur d’équipe sociales et médico-sociales

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LA RELATION SOIGNANT-SOIGNE

Le mot relation vient du latin « relatio » qui signifie rapport, la relation est donc un lien qui met en rapport une personne avec une autre.

A.Manoukian décrit la relation comme : « une rencontre entre deux personnes au moins, c’est à dire deux caractères, deux psychologies particulières et deux histoires… » et M.Formarier10 dit que les relations sont « une accumulation d’interactions entre individus qui durent et impliquent des attentes, des affects ... ». La relation soignant-soigné est donc un lien particulier qui existe entre le soignant et le patient puisqu’ils interagissent entres eux lors des soins par le biais de la communication qui peut être de plusieurs ordres : verbale et non verbale.

L.Malabeuf11, nous propose le fait qu’il existe quatre niveaux de relations soignant-soigné dont :

- La relation de civilité correspond au « rituel social de reconnaissance de l’autre », elle est en dehors du soin, elle répond à des codes socio-cultuels comme le fait d’être poli, courtois, se présenter,…

- La relation fonctionnelle permet un recueil d’informations ou de données sur le patient dans le but d’apprendre à mieux le connaître et à mieux adapter la prise en charge.

- La relation de compréhension passe par l’écoute active qui est le support d’une forme de soutien et de réassurance pour la personne soignée.

- La relation d’aide thérapeutique permet d’établir un climat de confiance afin d’aider la personne à aller mieux et à l’accompagner au mieux.

Cette relation soignant-soigné peut être interrompue brusquement par le décès du patient qui rompt cette relation. C’est un cas particulier qui fait partie du quotidien du soignant, il peut être plus ou moins bien vécu par celui-ci, c’est pourquoi nous allons voir dans la partie suivante ce que signifie la mort dans une version globale et ce qu’elle représente pour le soignant.

10 Ancienne IDE puéricultrice, directrice des soins, enseignantes à l’institut international supérieur de formation des cadre de santé à Lyon (1988), rédactrice de la revue Recherche en soins infirmiers (2010), et formatrice à l’ARSI

11 Psychologue

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2.2 LA MORT

QUE VEUT DIRE LE MOT « MORT » ?

Étymologiquement, le mot mort vient du terme latin « mors, mortis » qui signifie : cessation de la vie. Le CNRTL rejoint cette étymologie latine, puisqu’il définit simplement par : la cessation de la vie, et fin de la vie. Chaque être vivant y est confronté un jour ou l’autre car on est tous amené à mourir un jour. La mort c’est le terme ultime de la vie, avec l’arrêt définitif de toutes les fonctions organiques (principalement cardiaque et respiratoire), c’est une fin inéluctable pour l’Homme. Ce terme « mort » désigne le phénomène qui mène au décès de la personne mais aussi la personne décédée elle-même, on dit : « le mort ».

D’après le dictionnaire Le Larousse, le terme mort définit une « perte définitive par une entité vivante (organe, individu, tissu ou cellule) des propriétés caractéristiques de la vie, entrainant sa destruction, cela désigne aussi le « terme de l’existence de quelqu’un ». Le Larousse Médical dit que la mort c’est une cessation complète et définitive de la vie, elle correspond à l’arrêt de toutes les fonctions vitales ainsi que l’arrêt de toute activité cérébrale. Selon Catherine Mercadier12, la mort c’est un anéantissement de l’homme, qui renvoie à notre futur plus ou moins proche, mais inéluctable. Toutes ces définitions se rejoignent et nous expliquent bien ce que ce terme veut dire.

Sophie Sébastien, complète cette définition globale et simple en nous exposant les différentes morts qu’il existe selon les soignants, nous les comptons au nombre de quatre :

- La « bonne mort », qui est gratifiante et est une source de satisfaction pour le soignant, - La « mort injuste et la mort acceptable », qui dépend de l’âge concevable du décès, - La « mort inattendue », c’est celle qui est rapide, pas forcément liée à la maladie

traitée et qui surprend, le soignant ressent un sentiment d’insatisfaction et s’interroge sur la qualité de ses soins,

- La « mort éprouvante », qui est celle qui s’oppose complètement à la première.

Le soignant doit faire face à nombreuses reprises à des décès de patients, qu’ils soient attendus ou complètement inattendus, dans de « bonnes ou mauvaises » conditions. Ces situations exposent le soignant à des difficultés et à des émotions.

12 Infimière et sociologue, formatrice à l’IFSI du CHU de Toulouse

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LE SOIGNANT ET LA MORT

Le soignant peut se trouver en contradiction entre l’idéal du soignant qui est la guérison et, l’accompagnement vers la mort. Dans ce dernier cas, il peut ressentir un sentiment d’impuissance et d’inutilité car cela va à l’encontre de l’idéal du soignant, comme nous l’expose Alexandre Manoukian dans La relation soignant-soigné. Dans ce livre, Manoukian, nous fait prendre conscience que chaque soin effectué invite le soignant à faire face à sa propre angoisse voire peur personnelle de la mort, puisqu’il participe à la fin de vie dans la dignité et le respect, ce qui le renvoie à ce que lui désirerait pour sa propre mort.

Le long séjour, comme dans ma situation, fait écho aux liens qui se tissent entre les soignants et les patients ou résidents. Il peut y avoir une notion d’attachement entre les deux, ceci pourrait expliquer que pour certains soignants, la mort du patient/résident est vécu comme un moment de rupture, ceci est décrit par Catherine Mercadier dans l’article : Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital. Ce moment de rupture qui clôt la relation soignant-soigné peut être marqué par le fait de pratiquer la toilette mortuaire qui peut être le symbole d’un dernier hommage du soignant envers le patient.

Les larmes qu’a extériorisées la soignante dans ma situation, peuvent montrer qu’il y avait un réel attachement entre la soignante et le résident. La mort peut aussi être vécue comme un échec, et c’est peut-être un des sentiments qui a mené la soignante à laisser surgir des émotions, car elle s’est peut-être sentie coupable de ne rien avoir pu faire et de n’avoir pas pu anticiper ce qui s’est produit. Cette notion d’échec peut survenir comme dans la situation que j’ai décrite, puisque la mort était inattendue, le soignant peut avoir un sentiment d’insatisfaction qui laisse des interrogations sur la qualité de prise en charge. Louis Vincent-Thomas 13 dit : « le soignant doit aussi assurer un deuil : celui de son désir propre car il faut renoncer à son projet de solution pour le mourant, ses proches et ses endeuillés ». Cette phrase souligne que le soignant doit faire face à une forme d’échec, car il renonce à toute solution, puisque la mort à couper court à tout projet de vie. Ce projet de vie qui est discuté et mis en place lors de réunion entre les différents soignants surtout dans les lieux de vie tels les EHPAD.

13 Universitaire français, a étudié la sociologie, l’anthropologie et l’éthnologie, créateur de la thanatologie (1922- 1994)

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La mort peut affecter le soignant quand il y a un réel lien affectif qui s’est créé avec le patient/

résident, qui n’est pas trop fort et, qui est distinct des liens que l’on peut avoir dans notre vie personnelle. Les émotions qui peuvent surgir face au décès d’un patient peuvent faire écho au vécu de la mort dans la vie personnelle du soignant.

Dans la partie suivante nous allons donc définir ce qui se cache derrière le mot « émotion », et nous allons aborder la place des émotions dans la quotidien des soignants.

2.3 ÉMOTIONS

QUE VEUT DIRE LE MOT « EMOTION » ?

Le mot émotion vient du latin « e movere » qui signifie : ébranler, mettre en mouvement, l’émotion est donc un mouvement vers l’autre. Selon le CNRTL, l’émotion est définie comme étant « une conduite réactive, réflexe, involontaire vécue simultanément au niveau du corps d’une manière plus ou moins violente et affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur »,

« la cause de l’émotion est extérieure au sujet », elle est due à un « bouleversement, secousse, saisissement qui rompent la tranquillité, se manifeste par des modifications physiologiques violentes, parfois explosives ou paralysantes ».

Cette définition est très globale et simple, il y en a eu de nombreuses au fil du temps plus ou moins précises car ce concept est difficile à définir puisque l’émotion n’est pas ressentie de la même manière par tout le monde, elle est subjective, propre à chacun.

L’un des premiers philosophes à avoir défini ce qu’est l’émotion, c’est Aristote14, selon lui, se sont « tous les sentiments qui changent l’homme en l’entrainant à modifier son jugement et qui sont accompagnés par la souffrance ou le plaisir ». Norbert Sillamy15 rejoint Aristote en donnant pour définition : « l’émotion est une réaction globale, intense de l’organisme à une situation inattendue d’un état affectif de tonalité pénible ou agréable ». Par ces deux définitions, nous constatons que l’émotion entraine une réaction qui peut être de deux ordres différents, soit plaisant, soit désagréable.

14 Philosophe grec de l’Antiquité

15 Psychologue, psychanalyste et universitaire français

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Ce qui rend difficile à définir l’émotion c’est que celle-ci est abstraite, souvent l’émotion est associée à une sensation, à l’affect ou l’humeur, il est difficile donc d’isoler ces termes. La sensation est liée à la perception sensorielle, comme le toucher, donc elle en est physique, alors que l’humeur désigne, selon Bernard Rimé16, « les états affectifs perçus comme positifs ou négatifs qui peuvent s’étendre sur la durée sans que la personne ne sache ce qui les a déclenchés ». A contrario, il définit l’émotion comme un épisode saillant, intense et de courte durée, elle se manifeste par des modifications assez brusques (expression faciale, vocale, posturale…).

Charles Darwin17, qui faisait partie du courant évolutionniste, expose, dans son ouvrage « The expression of the emotions in man and animals », les fondements de l’expression des émotions.

Il les décrit comme étant innées, universelles et communicantes. Il nous dit aussi que les émotions nous apportent une capacité d’adaptation et de survie.

Robert Plutchick18 et Paul Ekman19, ont proposé chacun une théorie sur les émotions. Ils les ont classées en deux groupes : les émotions primaires et les émotions secondaires.

Selon le modèle multidimensionnel de Plutchick, il existerait huit émotions primaires : la peur, la surprise, la tristesse, le dégoût, la colère, l’anticipation, la joie et l’acceptation. Celles-ci reposeraient sur trois dimensions : l’intensité, la similitude et la polarité. Ce modèle donnerait naissance aux émotions secondaires par l’association de deux émotions primaires qui en formerait une seule20.

Il existe une multitude de définitions de l’émotion. Depuis ces investigations, les émotions ont pu être classées en dix catégories selon divers critères : affectifs, cognitifs, situationnels, psychologiques, comportementaux, axées sur les effets perturbateurs, adaptatifs, multi componentielles, restrictifs et motivationnels. Nous remarquons qu’une émotion peut appartenir à plusieurs de ces catégories à la fois, ce qui nous renvoie à la difficulté de définir ce terme, il est donc certainement plus facile de les différencier en émotion positive (agréable) ou négative (désagréable).

16 Docteur en psychologie

17 Naturaliste et paléontologue anglais

18 Professeur et psychologue américain

19 Psychologue américain

20 Joie + acceptation = amour

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Dans notre vie personnelle comme professionnelle nous vivons toute sorte d’émotions qu’elles soient agréables ou désagréables, il nous ait souvent dit qu’il faut les gérer et ne pas les laisser nous submerger. Mais que signifie « gérer ses émotions » ? Et comment peut-on gérer ses émotions en tant que soignant ?

SOIGNANTS ET EMOTIONS

Dans notre vie personnelle comme professionnelle nous faisons face à des moments heureux mais aussi des moments difficiles comme la fin de vie, les décès, la maladie… Tous ces moments font surgir des émotions particulières, qui peuvent parfois nous submerger. En tant que soignant, selon les situations, les moments difficiles ne sont pas vécus de la même manière.

Nous remarquons que selon les patients, ressentis et émotions diffèrent.

Souvent il nous est dit qu’il faut « se blinder », qu’il ne faut « pas être trop touché par la souffrance, la détresse et le décès », qu’il faut « savoir gérer ses émotions », car si nous ne faisons pas ça, c’est perçu comme un manque de professionnalisme, comme ce que j’ai pu penser en faisant face aux soignantes qui m’ont laissé paraitre leurs émotions.

En effet, selon Catherine Mercadier : « les soignants se doivent de maitriser leurs affects ». Il est donc nécessaire d’expliquer les termes « gérer » et « maitriser ».

Les termes « gérer » et « gestion » viennent du latin « gerere » qui signifie : « porter, se charger de quelque chose, accomplir, faire, administrer ». D’après le CNRTL, « gérer », c’est le fait d’administrer et prendre en charge ses biens et ses propres affaires. Le Larousse dit que

« maîtriser » c’est se rendre maître et dominer, comme par exemple maîtriser sa colère.

Le fait de gérer ou maitriser ses émotions révèle qu’il existe peut-être une image du « bon soignant », cela serait un soignant qui fait preuve d’une « neutralité émotionnelle », puisqu’elle représente le professionnalisme selon les normes sociétales qui nous incitent à cacher voire réprimer ces émotions, celles-ci étant perçues comme « faiblesse » et « manque de professionnalisme ».

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A contrario, si nous effectuons nos soins en réprimant toute sorte d’émotion et que nous nous laissons diriger par la technicité des protocoles, nous n’entrons plus dans une relation et donc nous nous protégeons de ces émotions . Ceci fait naitre l’image du soigné qui devient « objet », le soignant se coupe de ses ressentis, et le métier perd du sens et par conséquent, le soignant peut ressentir un manque de satisfaction, un surplus de stress, un burn out,…

Il nous est souvent dit aussi : « il faut laisser ses émotions au vestiaire » pour endosser la posture professionnelle adéquate, puisque le soignant doit être vierge de tout état d’âme, comme le dit Emmanuelle Antoine : « l’homme en blanc se doit d’avoir une capacité d’abstraction de son propre moi : affects, ressentis, faiblesse pour incarner le bon soignant ». Mais dans ce cas-là, en laissant tout dans nos vestiaires, nous réprimons nos émotions et donc laissons de côté une part de nous-même (identité, histoire, individualité), reste-t-on humain sans tout ça ? Est-ce que cela nous aide réellement à créer une relation soignant soigné quand nous laissons notre humanité de côté ? Est-ce ça la distance à avoir ?

Selon Pascal Prayez21 : « la juste distance est la capacité à être au contact d’autrui en pleine conscience de la différence des places », cette explication revient au même que ce qui définit l’empathie. L’empathie permet de comprendre ce que l’autre ressent, se mettre à sa place sans le prendre pour soi.

Quelque fois le soignant peut avoir du mal à respecter cette juste distance en fonction de différents facteurs : l’âge des patients, la temporalité de la prise en charge,…

La gestion des émotions est une capacité acquise au fil du temps, souvent par l’expérience et le vécu personnel et professionnel du soignant. Dans notre profession, les émotions sont présentes dans notre quotidien, nous devons faire face aux nôtres mais aussi à celles des autres. Cette gestion des émotions fait-elle surgir en nous des compétences particulières qui seraient liées à une forme d’intelligence que certains nomment intelligence émotionnelle ?

21 Docteur en psychologie clinique et sociale

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INTELLIGENCE EMOTIONNELLE

Selon le dictionnaire le Larousse, le mot intelligence désigne « l’aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en fonction des circonstances » et le mot émotion désigne la « réaction affective transitoire d’une assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement ».

L’intelligence émotionnelle est une forme de gestion des émotions, il en existe trois modèles principaux.

Le premier étant celui de Salovey et Meyer22, qui se compose de trois processus mentaux : évaluer et exprimer ses et leurs émotions, être capable de les réguler et savoir les utiliser pour faciliter les processus cognitifs. Ces premiers auteurs ont donc défini cette intelligence émotionnelle comme étant « la capacité à percevoir l’émotion, à intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre les émotions et à les maitriser afin de favoriser l’épanouissement personnel ».

Le deuxième modèle est celui de Daniel Goleman23, qui précise que « l’intelligence émotionnelle désigne notre capacité à reconnaître nos propres sentiments et ceux des autres, à nous motiver nous-mêmes et à bien gérer nos émotions en nous-mêmes et dans nos relations avec autrui ». L’intelligence émotionnelle s’articule autour de cinq axes : la conscience de soi et la capacité à comprendre ses émotions, l’autorégulation ou la maîtrise de soi, la motivation interne, l’empathie et enfin les aptitudes sociales. Ces axes font ressortir 25 compétences émotionnelles.

Premièrement, la conscience de soi nous permet d’apprendre à reconnaître nos forces et nos limites puisqu’elle permet de se rendre compte de nos états intérieurs, humeurs, émotions, ainsi que leurs effets sur les autres. C’est une manière de surveiller notre propre état émotionnel, d’identifier et nommer de la bonne façon ses émotions. Cette capacité se manifeste par différents indicateurs comme l’auto-assurance, l’auto-évaluation réaliste et un sens de l’humour auto-dérisoire.

22 Deux universitaires américains spécialisés en psychologie

23 Psychologue et journaliste scientifique

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Ensuite, la maitrise de soi, c’est la capacité à contrôler ou rediriger les pulsions et les humeurs perturbatrices. Elle désigne aussi la capacité à interrompre le jugement, ce qui permet de réfléchir avant d’agir, et par conséquent, permet, de nous adapter aux différentes situations. Elle nous permet d’être capable de se montrer fiable et responsable et d’accepter l’ouverture au changement.

La motivation désigne les compétences émotionnelles qui nous permettent d’atteindre nos objectifs (efforts, engagements), elle est créatrice d’initiatives et développe l’optimisme.

Pour poursuivre, l’empathie, c’est la capacité à comprendre la structure émotionnelle des autres et donc à sentir ce qu’ils ressentent en fonction de leurs réactions émotionnelles sans pour autant vivre leurs ressentis. Cette compétence permet d’avoir une compréhension d’autrui, cela permet de capter les sentiments et points de vue de l’autre et d’éprouver un réel intérêt pour leurs préoccupations. C’est ce que nous retrouvons dans la relation d’aide qui s’inscrit dans la relation soignant-soigné. L’empathie permet de détecter chez l’autre ses besoins et des désirs, l’intérêt d’autrui devient donc primordial.

Pour finir, le dernier axe de ce modèle de Goleman, sont les aptitudes sociales. Elles nous permettent, par le biais de la communication, d’utiliser nos capacités de persuasion, de guide, de gestion des conflits, de création de liens utiles et nous permettent de développer un sens de la collaboration et de coopération qui va créer une synergie au sein d’une équipe.

Toutes ces compétences émotionnelles que cet homme décrit sont des capacités qui sont apprises et qui sont donc à développer et à perfectionner pour en tirer un bénéfice, il les résume en un mot : le caractère.

Il existe encore un autre modèle de l’intelligence émotionnelle, celui de Bar-On24. Lui définit cette intelligence comme « un ensemble d’aptitudes, de compétences et d’habiletés non cognitives qui influencent la capacité de l’individu à réussir en s’adaptant aux pressions et aux exigences de son environnement », celle-ci se développe donc avec le temps et donc avec l’expérience.

24 Psychologue israélien

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Nous remarquons que l’intelligence émotionnelle est présente quotidiennement dans le travail des soignants. D’après Klaus Scherer25, « l’émotion est un dispositif affectif d’évaluation qui s’impose entre l’évaluation cognitive de la situation et l’action humaine ». Ceci nous propose donc que le fait de prendre conscience des évènements nous aide à neutraliser et à réguler nos émotions.

Nous pouvons donc parler de compétences émotionnelles qui fait partie de l’intelligence émotionnelle puisque ces compétences se résument à la capacité à identifier, comprendre, exprimer, réguler et utiliser ses émotions et celles d’autrui. Ces dernières permettent aux soignants de gérer leurs émotions pour faire face aux contraintes professionnelles comme faire face aux souffrances et à la mort des patients. Le développement de ces compétences se fait par l’expérience vécue qui s’acquiert dans la vie personnelle et professionnelle, elles sont donc propres à chacun car ce n’est pas l’émotion qui est adaptative, c’est ce que l’individu en fera, comme cela est décrit dans l’article : Compétences émotionnelles et mieux être au travail d’Isabelle Dumas et Pascale Didry26.

25 Ancien professeur de psychologie et directeur du Centre suisse des sciences affectives à Genève

26 Deux infirmières et cadres de santé

(26)

3 E

NQUETE EXPLORATOIRE 3.1 METHODOLOGIE

CHOIX DE LOUTIL DE TRAVAIL

Afin de compléter ma réflexion et pour confronter mon questionnement avec la réalité du terrain, j’ai effectué des entretiens exclusivement au près d’infirmiers.

Ces entretiens ont été semi-directifs et se sont déroulés par téléphone puisque la période où j’ai commencé à démarcher des soignants pour débuter mes entretiens est tombée dans la première quinzaine du confinement lié au COVID-19.

J’ai donc dû m’adapter à la difficulté de rencontrer les soignants sur leur lieux d’exercices puisqu’ils m’ont fait part du manque de temps qu’ils avaient à m’accorder pour répondre à mes questions à cause de la surcharge de travail, du remaniement des services et des circonstances auxquelles ils doivent faire face contre le coronavirus.

Mon outil de recherche a donc été l’entretien semi-directif puisqu’il présente plusieurs avantages que je vais expliciter par la suite. En effet, ce type d’entretien m’a permis de préparer un « guide d’entretien » (voir annexe 2 page II), qui consiste à préparer des questions inaugurales et des questions de relance au cas où. Chaque question inaugurale correspond à un thème particulier que je cherche à éclairer. Autre avantage, c’est que cela m’a permis d’avoir une trame pour structurer la discussion et donc de ne pas m’éloigner des thèmes que je voulais aborder. J’ai opté pour des questions ouvertes pour que la personne interrogée m’apporte son expérience, lui laisser au maximum la parole et peut être soulever d’autres thèmes auxquels je n’avais pas pensé. Ce type d’entretien m’a paru évident au vue du thème général que j’aborde pour ce travail de fin d’étude, l’apport d’expérience de chacun est essentiel car l’émotion et sa gestion est propre à chacun et la mort n’est pas vécu de la même façon par tout le monde.

Nos entretiens ont duré entre 20 et 30 min, j’ai pu les enregistrer par le biais du haut-parleur et du dictaphone, avec l’accord de mes interlocuteurs qui apparaitront sous des prénoms fictifs dans mes retranscriptions. Ceci m’a permis de me concentrer pleinement sur l’échange et donc de retranscrire dans la journée même l’entretien afin que les idées soient fraiches dans ma tête.

(voir annexes 3 à 6 pages III à XXX pour les retranscriptions)

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CHOIX DE LA POPULATION INTERROGEE ET DES LIEUX DEXERCICE

La population que j’ai choisi d’interroger correspond à des infirmiers de tout âge, novices ou ayant de l’expérience professionnelle, diplômés depuis peu ou pas et ayant vécu des décès, pour voir si ces paramètres entre en jeu dans la façon de gérer ses émotions.

J’ai choisi d’interroger que des infirmiers car ils sont confrontés aux décès, à la souffrance des patients, ils sont souvent en première ligne, et cela peut faire surgir des émotions, puisque cela a un impact sur la relation soignant soigné.

Pour mes entretiens j’ai voulu voir s’il y a une incidence sur la gestion des émotions, sur le vécu de la mort pour le soignant selon les lieux d’exercice. J’ai interrogé des infirmiers de long et de court séjour car il me paraît intéressant de constater ou non si le rapport à la mort est le même selon l’âge des patients rencontrés. Interroger ces soignants de différents secteurs permet de voir si les émotions qui en découlent sont sensiblement pareil ou non et si le type de prise en charge (longue durée, courte durée ou urgence) interfère.

Après l’accord de l’établissement où j’ai fait une demande d’entretien (voir annexe 1 page I), j’ai pris contact avec les cadres des services d’un USLD, d’oncologie et d’USIC. Je n’ai pu faire qu’un entretien au près d’une infirmière de l’USLD qui m’a rappelée sur son temps de pause pour qu’on procède à l’entretien. Les autres demandes que j’avais effectuées dans cet établissement n’ont pas été fructueuses à cause des circonstances décrites un peu plus haut.

J’ai donc encore dû m’adapter à la situation, puisque je ne voulais pas baser mon analyse que sur un entretien. J’ai donc usé de mes connaissances plus ou moins proches. Par ce biais-là, j’ai effectué quatre autres entretiens téléphoniques sur leur temps personnel. Pour ces personnes qui sont des connaissances, j’ai fait attention à ne pas leur parler du contenu de mon cadre de référence pour ne pas qu’ils s’informent ou qu’ils soient influencer, afin que leurs réponses soient le plus naturelles et subjectives possibles. Je leurs ai donc exprimé juste le thème général : gestion des émotions face au décès.

Au final, j’ai effectué cinq entretiens avec quatre infirmières venant d’un USLD, d’un EHPAD, du bloc opératoire et des urgences et un infirmier des urgences. Ceci m’a permis d’avoir les différents secteurs que j’avais prévu à départ, c’est à dire : court et long séjour.

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3.2 ANALYSE DES DONNEES

Pour cette partie concernant l’analyse des données recueillies dans les entretiens, j’ai décider d’aborder de l’aborder par thématique. Ces thématiques je les ai définie en fonction de ma question de départ, de mon cadre de référence et de ce que de ce que je recherchais auprès de mes interlocuteurs. Il en est ressorti trois thématiques : l’émotion, la mort et la gestion des émotions associée à l’intelligence émotionnelle.

PREMIERE THEMATIQUEMOTION

Nous remarquons après avoir fait un recueil de données concernant la thématique « émotion », que les infirmiers, peu importe leur niveau d’expérience, définissent l’émotion comme un

« ressenti » (Annexe 3 : page III, ligne 22 ; Annexe 4 : page VIII, ligne 25 ; Annexe 5 : page XV, ligne 26 ; Annexe 7 : page XXVIII, ligne 24), comme « quelque chose qui se reçoit » (Annexe 4 : page VIII, ligne 22 ; Annexe 6 : page XXV, ligne 11), « se voit et se vit » (Annexe 5 : page XV, ligne 26) selon les situations. Ceci me rappelle la façon dont j’ai décrit ma situation. En effet, je parle de l’émotion qui est « palpable » (page 3) quand l’ASH sort de la chambre en voyant le résident décédé et je dis aussi que je « ressens » (page 4) les émotions de l’IDE et de l’AS alors que personne parle. Lorsque je parle de ce qui se passe dans la situation, je remarque que je traduis les émotions par ce que je vois et observe comme par exemple :

« elles ont toutes les deux des larmes au coin des yeux, leur faciès est triste » (page 4).

Nous remarquons que ces soignants donnent souvent des exemples qu’ils classent en deux catégories : les « positives » et les « négatives » comme l’ont fait Aristote et Sillamy, car selon eux, l’émotion entrainerait une réaction soit plaisante donc positive, soit désagréable donc négative (page 13). Celles qui ressortent le plus sont : la joie, le plaisir pour le côté positif et la colère, la tristesse et les pleurs pour le côté négatif. Nous constatons que les principaux exemples qui ressortent font partie des émotions dites primaires du modèle multidimensionnel de Plutchick (page 14). Gamora compare même les émotions à des couleurs pour en exprimer la multitude. Elle parle d’un « panel » (Annexe 4 : page IX, ligne 32 et 46) d’émotion, d’un

« champ immense » (Annexe 4 : page IX, ligne 41) voire « infini » (Annexe 4 : page IX, ligne 42), allant de « couleurs chatoyantes au noir » (Annexe 4 : page IX, ligne 31). Nous pouvons envisager que pour Gamora les couleurs représenteraient son humeur. Ainsi les couleurs

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chatoyantes seraient symbole des moments heureux alors que les noires seraient associées à la tristesse par exemple.

Parmi les infirmiers interrogés, trois d’entre eux parlent de la place des émotions dans le travail, ils expriment la normalité d’en avoir même sur leur lieu d’exercice. Selon eux, les émotions seraient d’autant plus présentes et importantes quand ils sont confrontés à des situations difficiles comme faire face aux décès, à la maladie, aux souffrances et aux urgences qui font partie de leur quotidien professionnel. Selon la majorité des IDE interrogés, les émotions seraient permanentes et donc feraient partie de leur quotidien. Ils sont en accord pour exprimer le fait que celles-ci font réagir, elles troublent et interpellent.

Tout ceci montrerait que les infirmiers interviewés sont globalement d’accord pour définir

« l’émotion », mais certains vont plus dans les détails, et quelque fois, nous nous rendons compte en comparant leurs réponses qu’il y a quelques points qui divergent.

En effet, Shuri nous dit que la démonstration d’émotion peut perturber la relation avec ses collègues de travail et aussi avec les patients, et donc que « certaines émotions sont bonnes à montrer, d’autres un peu moins » (Annexe 5 : page XV, lignes 28-29). Ceci dénote avec Gamora qui affirme que « les émotions se partagent » (Annexe 4: page VIII, ligne 24) ou encore Natasha qui dit qu’ « il ne faut pas avoir peur, il faut pas trop les cacher » (Annexe 3 : page VII, lignes 140-141), parce que c’est humain et normal d’en ressentir. Nous pouvons nous poser la question de l’impact de la démonstration des émotions sur notre relation à l’autre.

En comparant les entretiens, nous constatons auprès de Gamora et de Pepper que les émotions seraient propre à chacun, elles sont les seules à exprimer le fait qu’elles seraient personnelles et individuelles. Ceci peut, en effet, sous-entendre que les émotions ne seraient pas vécues et exprimées de la même manière selon l’individu comme nous l’expose Gamora en disant

« chaque individu a ses propres émotions en fonction de son expérience, en fonction de son éducation, (…) de son appartenance à un groupe » (Annexe 4 : page VIII, lignes 23-24). Ceci peut nous mener à nous interroger sur le lien qui pourrait exister entre l’expression des émotions et le vécu de l’individu, car peut être que certaines émotions sont « jugées » en fonction des normes sociales, éducation, voire religion. « Il y a une pudeur par rapport aux émotions »

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(Annexe 4 : page VIII, ligne 26), puisqu’elles ramènent à l’intime et donc au fait que celles-ci sont propres à chacun.

Gamora fait aussi le lien entre émotions, affects et sentiments et nous exprime oralement la difficulté à définir le terme en disant « les mots ne suffisent pas à les exprimer » (Annexe 4 : page VIII, ligne 33). Elle nous expose le fait que les émotions passeraient par le corps, elle parle surement de sensation vécue. Je remarque que lors de ma description de la situation d’appel, je traduis les émotions par des choses qui passent par le corps : « Carole tremble, elle n’a pas les gestes assurés » (page 4), « j’aperçois quelques larmes » (page 4). Tout ceci nous montre encore la difficulté à définir simplement ce qu’est l’émotion. Comme nous l’avons vu, ce concept est assez abstrait, car il est compliqué de le dissocier de la sensation, de l’affect et de l’ humeur.

Une seule des infirmières, Pepper, nous parle de l’utilité des émotions. Selon elle, elles nous permettraient d’avoir des souvenirs d’expériences et elles ferraient de nous « des êtres humains doués d’empathie » (Annexe 7 : page XXVIII, ligne 22). Ceci pourrait donc faire le lien avec la théorie de Darwin (page 14) qui a décrit les émotions comme étant communicantes, nous apportant une capacité d’adaptation. L’expérience émotionnelle pourrait nous aider à nous adapter aux prochaines situations que nous vivrons. Ainsi les émotions nous permettraient d’entrer en communication avec l’autre puisque nous sommes capables de nous identifier à autrui dans ce qu’il ressent, c’est l’empathie.

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DEUXIEME THEMATIQUE :MORT

Après avoir fait le recueil de données sur cette thématique, nous constatons que la mort est quelque chose de fréquemment rencontré chez les soignants : « bien sûr que dans ma vie professionnelle j’ai été plein de fois confrontée à des décès et je le serai encore » (Annexe 4 : page IX, lignes 52-53). Quand je pose la question à Pepper si elle a déjà été confronté à des décès, elle me réponds « oui, plusieurs fois » (Annexe 7 : page XXIX, ligne 44 ) et « ça fait partie de notre métier » (Annexe 3 : page III, ligne 44 ) comme le dit Natasha.

Nous pouvons supposer que la plupart des infirmiers relativisent sur ce qu’est la « mort ».

Gamora la défini comme quelque chose de « possible, comme quelque chose qui peut arriver » (Annexe 4 : page XI, ligne 114) puisqu’ « on est pas éternel » (Annexe 4 : page XI, ligne 121),

« la mort est quelque chose d’inévitable » (Annexe 4 : page VI, ligne 125). Pour les soignants interrogés c’est quelque chose de « normal» (Annexe 4 : page XII, ligne 135) , « on nait et on meurt » (Annexe 5 : page XXIII, ligne 281), « on est tous nés pour mourir » (Annexe 5 : page XXIII, ligne 256) comme nous le dit Shuri, Tony ajoute « qu’un décès est une logique dans le système de santé » (Annexe 6 : page XXVII, ligne 77). Nous pouvons faire le lien avec ce que nous énonce Catherine Mercadier quand elle définit la mort en expliquant que cela s’apparente à notre futur plus ou moins proche, mais qu’il en reste inéluctable (page 11).

Nous remarquons sur l’échantillon d’infirmier interrogés, que chacun apporte son vécu face au décès et sa définition du terme « mort » en fonction des situations marquantes qui ont été vécues.

En effet, Gamora et Pepper nous parle du décès d’un jeune patient. Gamora nous raconte que c’est faire face au désespoir de la mère qui a été vécu le plus difficilement pour elle, car pour cette maman le décès de son fils était « impossible, c’était de l’injustice » (Annexe 4 : page X, ligne 69). Nous pouvons supposer que certain soignant peuvent vivre le décès d’un jeune patient difficilement, puisque le décès c’est quelque qui devrait arriver aux personnes beaucoup plus âgées, cela suivrait l’ordre des choses, c’est à dire que ce n’est pas aux parents de voir mourir leurs enfants, cela pourrait correspondre à l’une des « mort » qu’a défini Sophie Sébastien, ici cela serait la « mort acceptable » qui dépendrait de l’âge convenable du décès (page 11).

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Natasha rejoint Gamora sur le fait que ce n’est pas le décès ou la fin de vie qui est le plus difficile à vivre « c’est les émotions de la famille » ( Annexe 1 : page III, ligne 56-57).

Pepper nous parle d’une autre notion : l’ « attachement » (Annexe 7 : page XXIX, ligne 46).

Cet attachement qu’elle a eu envers le patient qu’elle a suivi de l’annonce de son lymphome à son décès. Dans ma situation d’appel nous pouvons supposer l’attachement de l’AS envers son résident, puisqu’elle connaissait ses habitudes depuis des années, elle connaissait très bien sa femme et surement sa famille, ceci j’ai pu le supposer par le fait qu’elle soit très émue par son décès. Ceci nous mène à nous interroger sur ce qui pourrait entrainer un attachement ressenti par le soignant envers son patient, et sur le fait qu’il nous est souvent rappeler qu’il ne faut pas s’attacher pour rester professionnel mais est-ce que le contexte pourrait jouer sur cette attachement ? Shuri fait aussi référence à cette notion, quand elle nous parle d’une patiente qui avait insisté pour lui dire au revoir avant que celle-ci décède. L’attachement pourrait conduire le soignant à vivre le décès comme un moment de rupture qui clorait la relation soignant-soigné, tel que nous le décrit Catherine Mercadier (page 12). Cette clôture de relation a pu être marqué par la toilette mortuaire qui a était faite dans ma situation, qui pourrait symboliser le dernier hommage du soignant envers le patient (page 12). Pepper dit avoir trouvé « que c’était injuste parce qu’il était jeune » (Annexe 7 : page XXIX, lignes 51-52) et qu’il était papa d’un petit garçon, cette façon de vivre ramène à l’âge convenable du décès que nous a décrit Sophie Sébastien quand elle définit la mort « injuste et acceptable » pour les soignants (page 11). Ceci peut nous mener à nous poser la question de l’attachement entre soignant et soigné, car il serait possible que cela influe sur le vécu de la perte du patient pour le soignant. Par ces partages d’expériences, cela nous mène à réfléchir sur la mort qui peut être vécue comme injuste, y-a-t- il un âge pour mourir ?

Shuri nous expose diverses situations qui lui ont fait surgir des émotions bien différentes.

Dans la première situation qu’elle raconte, elle nous parle de son tout premier décès lors de sa première prise de poste, où elle a ressenti « un peu de stress, de panique » (Annexe 5 : page XVI, ligne 56), associée à « un peu d’angoisse » (Annexe 5 : page XVI, ligne 58). Puis, elle s’est sentie partagée entre la tristesse et la paix. Nous pouvons supposer que la mort a été vécue à cet instant comme une libération pour la patiente car « elle était en souffrance dans ce corps » (Annexe 5 : page XVII, ligne 67). Est-ce que la mort est un symbole de libération ? Cette

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situation nous rappelle un peu ma situation d’appel parce que pour moi c’était ma première expérience de décès, je dis avoir eu « le cœur qui battait très vite »(page3), et j’utilise plusieurs fois le verbe « hésiter » (page 3), ceci pourrait exprimer le même ressenti que Shuri face à son premier décès et j’exprime le fait que j’ai pleuré en sortant du stage. Pourrait-on supposer que le premier décès marque particulièrement le soignant dans sa vie professionnelle ; est-ce que cela permettrait de mieux appréhender les autres ?

Dans sa deuxième situation, elle nous parle d’une mort inattendue en situation d’urgence : un arrêt cardiaque, ceci pourrait correspondre à l’une des définitions de Sophie Sébastien, qui définit la mort « inattendue » comme une mort rapide, pas forcément liée à la maladie traitée, qui surprend (page 11). Ce décès, Shuri ne l’a pas vécu de la même façon. Elle dit avoir ressenti de la colère et avoir été choquée, mais nous comprenons que ce n’est pas par le décès en lui- même. En effet, elle était « dans un état de sidération » (Annexe 5 : page XVII, ligne 107) puisque le corps de la défunte a été utilisé pour apprendre des gestes d’urgences (intubation et massage cardiaque).

Alors que dans sa dernière situation, où elle parle d’une forme d’attachement, elle a ressenti de la tristesse, elle était vraiment très triste : « c’est un décès qui m’a vraiment attristé » (Annexe 5 : page XIX, ligne 144). Nous remarquons aussi que Pepper a « été vraiment triste » face au décès qu’elle décrit dans sa situation. Pouvons-nous donc dire, qu’il existe un lien entre attachement et émotions vécues ?

Shuri, lors de l’entretien, aborde le vécu de décès personnels qui pourraient influencer le vécu de décès dans la vie professionnelle. En effet, elle avait créé une espèce de « distance » (Annexe 5 : page XXIII, ligne 272), mais elle s’est rendue compte que ce n’était qu’une « façade » Annexe 5 : page XXIII, ligne 269), car le décès qu’elle a vécu dans sa vie personnelle l’a

« ramené à un rapport plus réel à la mort » (Annexe 5 : page XXIII, ligne 272). Ceci a eu pour conséquence que les décès après ce vécu ont été plus difficile à surmonter puisqu’elle avait

« moins de détachement, parce que j’avais cette expérience personnelle qui m’a ramené des émotions de tristesse plus importante » (Annexe 5 : page XXIII, lignes 273 à 275). Nous pouvons supposer que les émotions qui surgissent face au décès d’un patient pourraient faire écho au vécu personnel du soignant de la mort (page 13).

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