• Aucun résultat trouvé

Le nouveau seuil de revente à perte : vers une abolition progressive de l’interdiction ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le nouveau seuil de revente à perte : vers une abolition progressive de l’interdiction ?"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02752984

https://hal.inrae.fr/hal-02752984

Submitted on 3 Jun 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de

Le nouveau seuil de revente à perte : vers une abolition progressive de l’interdiction ?

Claire Chambolle

To cite this version:

Claire Chambolle. Le nouveau seuil de revente à perte : vers une abolition progressive de

l’interdiction ?. Colloque : Le nouveau droit des pratiques restrictives de concurrence, Feb 2006,

Perpignan, France. �hal-02752984�

(2)

Le nouveau seuil de revente à perte : Vers une abolition progressive de l’interdiction ?

Claire Chambolle

1

Introduction

La loi du 2 août 2005 redéfinit le seuil de revente à perte jusqu’ici établi par la loi dite Galland de 1996. Désormais, l’article L442-2 du Code de Commerce définit le seuil de revente à perte d’un produit comme l’ancien prix d’achat effectif établi par la loi Galland

«[…] minoré de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20% à compter du 1

er

janvier 2006.».

2

Les avantages financiers auxquels l’article de loi fait référence sont communément dénommés « marges arrière » et comprennent à la fois les rabais et ristournes versés en différé par le fournisseur aux distributeurs, et la rémunération de la coopération commerciale. Le montant des avantages financiers déductible est également plafonné. Il est en effet, précisé plus loin que : « […] le montant minorant le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat n’excède pas 40% du montant total de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur, exprimés en pourcentage du prix unitaire net du produit ».

3

La diminution progressive de ce nouveau seuil de revente à perte est programmée puisque le plafond de marge arrière sera réduit à 15% au premier janvier 2007 et pourra par la suite être encore abaissé à 10% puis 0%. Le seuil de revente à perte deviendrait alors le prix dit « trois fois net ». Cependant, la poursuite de cette réduction jusqu’à l’intégration de la totalité des marges arrières (prix trois fois net) est soumise aux conclusions d’un rapport qui doit être remis au parlement à la fin décembre 2007 .

Cette réforme fait suite au double constat de dérive inflationniste affectant les produits de marques nationales et les marges arrière. Le rapport de la commission Canivet faisait état d’une hausse de 11,5% des prix des produits de marques nationale contre une augmentation de prix d’environ 4% pour les prod uits premiers prix ou les marques de distributeurs entre 2000 et 2003. Ce même rapport soulignait l’accroissement constant du montant des marges arrière qui représentaient en moyenne 22% du prix d’achat effectif en 1998 et près de 32% en 2003. Les analyses économiques et juridiques s’accordaient pour reconnaître que la définition artificielle du seuil de revente à perte, dans la mesure où son franchissement n’occasionnait pas de « perte » au distributeur, était à l’origine de ces dérives.

Cet article propose dans un premier temps de revenir brièvement sur la dérive inflationniste qui a été involontairement agencée par la loi Galland et sur l’impact que l’on peut attendre de la réforme entrée en vigueur au premier janvier 2006. Nous nous interrogerons ensuite successivement sur l’opportunité d’abaisser progressivement le seuil de

1Chercheur à l’INRA et associée au Laboratoire d’Econométrie de l’Ecole Polytechnique.

2 Cf. Article 47 (I) du titre VI relatif à la « Modernisation des relations commerciales » de la loi du 2 août 2005.

3 Cf. .Article 47 (III) du titre VI relatif à la « Modernisation des relations commerciales » de la loi du 2 août 2005.

(3)

revente à perte jusqu’au prix d’achat effectif « trois fois net » et sur celle de l’abolition du principe même de l’interdiction de la revente à perte.

I . Impacts attendus de la réforme au 1er janvier 2006

Le mécanisme ayant conduit à la hausse des marges arrière et à celle des prix à la consommation des produits de grandes marques peut s’expliquer de la façon suivante. Les producteurs de produits de grandes marques ont progressivement accrû le prix unitaire facturé en compensant les pertes que cette augmentation des prix de gros pouvait entraîner chez les distributeurs par de plus fortes marges arrière. Ce mécanisme permettait au producteur de contrôler le prix de revente de leurs biens dans la mesure où progressivement, les prix de revente se sont établis au niveau du prix unitaire facturé. En effet, les détaillants refusant d’offrir les produits de grandes marques à un prix plus élevé que leurs concurrents se sont alignés sur le seuil de revente à perte, renonçant à toute concurrence intra- marque, tout en s’assurant un profit garanti par la marge arrière. Ce mécanisme simple a pu fonctionner notamment en raison de l’existence d’une forte puissance d’achat des distributeurs (cf. Allain, M-L. et C. Chambolle, 2005).

La coordination entre producteurs et distributeurs pour installer ce mécanisme a pu être aussi bien implicite, chacun comprenant l’heureuse conjonction des intérêts individuels, qu’explicite, faisant alors apparaître de véritables pratiques de collusion verticale. La décision n°05-D-70 du 19 décembre 2005 du Conseil de la Concurrence donne l’exemple d’un mécanisme d’entente verticale facilité par la règle d’interdiction de revente à perte. Dans cette affaire, le Conseil de la concurrence condamne les sociétés Bunea Vista Home Entertainment (BVHE), éditeur de cassettes vidéo pré-enregistrées et plusieurs des ses distributeurs, notamment Carrefour et Casino, pour entente verticale sur un prix de revente aux consommateurs entre 1995 et 1999. En effet, BVHE a fortement incité ses clients sus-nommés à respecter le prix de vente aux consommateurs « conseillé » à savoir le prix unitaire apparaissant sur la facture majoré de la TVA. Ce prix de revente conseillé est donc ici le seuil de revente à perte tel qu’il était défini par la loi Galland. Parallèlement, BVHE a systématiquement accordé à ces mêmes clients un ensemble de ristournes, pourtant dîtes

« conditionnelles », à leur taux maximal prévu. Ces ristournes se sont ainsi avérées constituer une rémunération de services fictifs, leur finalité réelle étant d’offrir une contrepartie aux distributeurs pour cet alignement sur le seuil de revente à perte. En outre, la société BVHE a mis en place un système de contrôle des prix en magasin de ses clients et a rappelé à l’ordre tout distributeur qui s’écartait du prix conseillé, l’invitant à respecter la règle d’interdiction de la revente à perte.

La redéfinition du seuil d’interdiction de la revente à perte adoptée au 1

e r

janvier 2006 pourrait avoir les effets suivants.

Tout d’abord, la réforme ne devrait pas affecter l’évolution des prix et des marges arrière pour des produits dont le pourcentage de marge arrière est inférieur à 20%. Certains, en particulier les agriculteurs, redoutent au contraire que pour les produits traditionnellement à faible taux de marge arrière, cette réforme encourage, ou plutôt légitime, l’accession à un montant minimal de marge arrière de 20%.

Ensuite, pour les produits sur lesquels la marge arrière excède 20% du prix d’achat

effectif, les producteurs vont perdre le contrôle des prix finaux et les distributeurs devront à

nouveau se faire concurrence sur les prix de ces produits. En effet, les distributeurs ne

pourront plus aligner leurs prix sur le seuil de revente à perte pour l’ensemble des produits de

grandes marques: ils seraient alors amenés à réaliser des marges avant négatives qu’ils ne

parviendraient plus à compenser par les marges arrière. En outre, le nouveau seuil de revente

(4)

à perte ne sera plus le même d’un distributeur à l’autre. En effet, auparavant les prix unitaires sur facture d’un produit étaient uniformes entre les distributeurs. Les producteurs opéraient ainsi la différenciation tarifaire sur les marges arrière. Cette technique présentait deux avantages pour le producteur : d’une part, contrôler le prix de revente au consommateur, et d’autre part, préserver une certaine opacité sur les négociations. Désormais, la part des marges arrière excédant 20% et qui sera déduite du prix d’achat effectif pour obtenir le nouveau seuil étant variable d’un distributeur à l’autre, le seuil de revente à perte sera propre à chaque distributeur. Un distributeur très efficace dans sa négociation avec le producteur sera ainsi en mesure de fixer un prix de revente plus faible qu’un distributeur disposant d’une puissance d’achat moindre.

Le premier effet de cette réforme est donc de renforcer la pression concurrentielle qui s’exerce entre les distributeurs. Selon Steiner (1993) et Allain (2002) le rapport de force entre producteurs et distributeurs dépend directement du rapport de l’intensité de la concurrence inter- marques et de la concurrence intra- marque. Ainsi, la réforme pourrait en premier lieu renforcer le pouvoir des producteurs vis -à-vis des distributeurs. Certains producteurs pourraient en conséquence accroître leurs prix de vente aux distributeurs. Une telle hausse des prix de gros liée au pouvoir accrû des producteurs pourrait alors limiter la baisse des prix finaux attendue.

Toutefois, la réforme pourrait également renforcer la concurrence entre producteurs.

En effet, un article de Jullien et Rey (2000) montre que les pratiques de prix de revente imposés facilitent la collusion entre producteurs. Ainsi, la réforme mettant fin à l’alignement des prix de vente sur les prix unitaires facturés, un producteur peut plus difficilement surveiller les prix de ses concurrents ce qui limite la soutenabilité d’une éventuelle collusion.

Par ailleurs, un article de Rey et Vergé (2002) montre que même en l’absence de collusion les pratiques de prix de revente imposées sont à même d’annuler complètement aussi bien la concurrence en aval que la concurrence en amont.

Finalement, la réaction des industriels et des distributeurs à la réforme peut être également analysée au travers de la menace qu’exerce sur leurs profits le développement récent du hard-discount. En effet, la part de marché des maxidiscomptes est passée de 8,8%

en 1999 à 13,4% en 2005. Cette évolution affecte à la fois les producteurs de grandes marques dont le s produits ne sont pas présents dans les rayons des maxidiscomptes, et les autres formats de distribution. Cette croissance du hard discount a été facilitée en partie par la loi Galland qui a empêché les distributeurs d’utiliser les grandes marques comme produits d’appels pour attirer les consommateurs et faire ainsi concurrence aux maxidiscomptes. Ainsi, de l’industriel ou du distributeur, le nouveau rapport de force pourrait désavantager celui qui a le plus souffert des parts de marché gagnées par les maxidiscomptes. Sur ce point, les distributeurs ont en général deux avantages sur les producteurs. D’abord, la plupart d’entre eux ont développé leurs propres points de vente maxidiscompte et profitent donc en partie du succès croissant de ce format. Ensuite, les distributeurs commercialisent une part croissante de marques de distributeurs et continuent ainsi de renforcer leur indépendance vis-à-vis des producteurs de grandes marques. Ainsi les producteurs de grandes marques les plus affectés par la progressio n du hard-discount pourraient avoir intérêt à baisser leurs prix.

Cette réforme permettra donc, en réactivant la concurrence entre les distributeurs, de

faire baisser les prix à la consommation dans la grande distribution. Le législateur a déjà

programmé d’aller plus loin en abaissant progressivement le seuil de revente à perte au « prix

trois fois net ». Nous discutons dans la section suivante de l’opportunité de cette évolution.

(5)

II . La baisse progressive du seuil au prix trois fois net

Le prix dit « trois fois net » est le prix d’achat effectif minoré de la totalité des avantages financiers accordés par le fournisseur au distributeur.

4

Pour considérer l’opportunité de faire évoluer le seuil vers ce prix trois fois net, il faut en fait analyser la pertinence de la règle d’interdiction de la revente à perte relativement à son objectif éventuel de lutte contre les prix prédateurs. En effet, la lutte contre les prix bas dans la grande distribution peut a priori trouver une justification théorique dans la lutte contre les pratiques prédatrices.

D’un point de vue économique, une pratique de prix prédateur n’est pas souhaitable car elle risque d’entraîner l’élimination de concurrents efficaces et de menacer ainsi l’intensité de la concurrence à long terme sur le marché. Toute la difficulté réside alors dans la distinction entre un prix bas, vecteur d’une saine concurrence, et un prix prédateur. Sur ce point, le test d’Areeda et Turner introduit en 1975 fait encore aujourd’hui référence. Selon cette règle, un prix peut être considéré comme prédateur s’il est inférieur au coût marginal de production du bien ou, par défaut, à une approximation plus facilement vérifiable de ce coût : le coût variable moyen. D’un point de vue économique, une tarification à un prix inférieur à ce coût variable moyen pourrait en effet menacer la survie d’un concurrent de même efficacité.

Dans le contexte de la distribution des produits, le coût marginal du distributeur désigne le coût supplémentaire de distribution d’une unité de produit en plus. La meilleure approximation de ce coût marginal ou par défaut du coût variable moyen est donc probablement le coût d’achat effectif d’une unité de produit en plus au producteur, autrement dit le prix trois fois net. En effet, la plupart des autres coûts liés à l’activité de distribution sont par nature fixes, puisqu’il s’agit des actifs matériels ( magasin, linéaire…) et des coûts de main d’œuvre. Ces coûts fixes n’apparaissent pas dans le coût marginal de distribution d’un produit.

Néanmoins, le prix trois fois net pourrait, selon certains de ses détracteurs, être un seuil « excessivement bas », dans la mesure ou une partie de l’ensemble des avantages financiers attribués à un produit comprend notamment les ristournes dites « conditionnelles ».

De fait, puisque leur montant est inconnu ex ante, les distributeurs pourraient intégrer un montant maximal de ristourne de façon à abaisser artificiellement leur seuil de revente à perte, même si ultérieurement le montant de ristourne effectif s’avère inférieur. Autrement dit, il est probable que le seuil du prix trois fois net anticipé soit inférieur au prix trois fois net ex réel, soit après vérification des remises conditionnelles effectives. La circulaire du 8 décembre 2005 relative aux relations commerciales précise sur ce point qu’ : « […] il appartiendra à celui qui prendra la responsabilité d’imputer ces ristournes dans le prix d’achat effectif de justifier auprès de l’autorité de contrôle, le cas échéant a posteriori, de la licéité de cette prise en compte. »

5

. Cette disposition devrait inciter le distributeur à ne pas mésestimer le seuil de prix trois fois net.

Ce nouveau seuil de revente à perte sera certainement suffisamment faible pour mettre en difficulté certains petits commerçants moins efficaces que les grands distributeurs.

Toutefois, du point de vue de l’efficacité économique pure, il n’y aucune raison d’empêcher

4 Sommairement, le prix net facturé est le prix unitaire apparaissant sur la facture dont on déduit les remises inconditionnelles apparaissant sur la facture ; on déduit ensuite les ristournes conditionnelles pour obtenir le prix

« deux fois net », et enfin l’ensemble des rémunérat ions accordées au titre de la coopération commerciale pour obtenir le prix « trois fois net ».

5 Section 4.1.2 , Circulaire du 8 décembre 2005 relative aux relations commerciales.

Commentaire [a1] : ou rien…

(6)

légalement l’élimination d’un concurrent moins efficace. Si l’on reconnaît une certaine dimension de service public au maintien d’un réseau de petits commerçants, alors il faut mettre en place en parallèle des garde- fous permettant d’assurer la survie de ce type de commerce.

Finalement l’évolution du seuil de revente à perte vers le prix trois fois net redonne progressivement à la loi une certaine cohérence vis-à-vis de la théorie économique qui condamne les pratiques prédatrices. Autrement dit, si l’on décidait d’adopter une règle «per se » pour lutter contre les pratiques de prix prédateurs, ce serait précisément la règle d’interdiction de la revente à perte au seuil de prix trois fois net qu’il faudrait adopter. Ceci nous amène donc naturellement à analyser la pertinence d’une règle d’interdiction « per se » de la revente à perte pour lutter contre les prix prédateurs dans le secteur de la distribution.

III. Vers une abolition du principe d’interdiction de la revente à perte ?

Actuellement, le « groceries order » qui interdit la revente à perte depuis 1987 en Irlande selon à peu près les mêmes termes que la loi Galland est fortement remis en cause. Un rapport d’expert publié en 2005 conclut à la nécessité de supprimer la règle d’interdiction de la revente à perte et pose explicitement la question de renforcer en contrepartie les dispositions relatives aux pratiques de prix prédateurs du “Competition Act” datant de 2002.

De même un rapport de l’OCDE daté de février 2006 conclut que : « [..]Dans les nations qui disposent déjà de lois contre les prix d’éviction prédateurs et la tromperie des consommateurs, les coûts de la loi sur la revente à perte pour les consommateurs sont susceptibles d’excéder les avantages.» (p 17, OCDE, Février 2006). La France est concernée au premier chef par cette conclusion puisque les prix prédateurs constituent un abus lorsqu'ils sont le fait d’une entreprise en situation de position dominante et sont déjà condamnés à ce titre par l'article L.420-2 du Code de commerce. Autrement dit, ajouter une règle d’interdiction per se de la revente à perte introduit une redondance dans le Code de commerce concernant la tarification des distributeurs

6

.

Afin de faire l’analyse coût -bénéfice du principe d’interdiction per se de la revente à perte, en retenant le seuil théorique du prix trois fois net, il faut d’abord évaluer le risque d’erreur consistant à empêcher une revente à perte pourtant non prédatrice, et probablement bénéfique aux consommateurs. La théorie économique apporte de nombreux éléments permettant d’apprécier ce risque.

En effet, il existe de nombreuses explications économiques aux pratiques de revente à perte qui diffèrent du motif de prédation

7

. Si ces pratiques ont d’autres fondements économiques rationnels que celui de la prédation d’un concurrent, une règle d’interdiction per se risque fort d’empêcher des prix bas bénéfiques aux consommateurs. Nous passons donc rapidement en revue les explications alternatives aux reventes à perte fournies par la théorie économique, en nous concentrant sur celles qui apparaissent pertinentes pour l’activité de distribution.

Nous retenons en particulier, les pratiques de prix d’appel du distributeur lorsque l’information des consommateurs sur les prix ou les caractéristiques des produits est imparfaite mais aussi de simples pratiques de prix optimales d’un distributeur multi-produit, dès lors qu’il existe des comp lémentarités entre les produits qu’il offre.

6 Nous rappelons ici que la règle d’interdiction de la revente à perte ne concerne que l’activité de « revente » d’un produit non transformé, même partiellement, par celui qui le revend. Cette loi ne concerne donc que la

« revente » par des distributeurs et non la « vente » par les producteurs.

7 Pour une revue plus détaillée de ces pratiques, voir Chambolle (2003).

Commentaire [a2] : Bizarrement place ; tombe comme un cheveu sur la soupe…

reintegrer plus loin dans le texte ?

(7)

Concernant les prix d’appel, Tirole (1988) propose un modèle simple fondé sur la notion de bien d’expérience. Les consommateurs découvrent sa qualité après avoir acheté et consommé le bien. Ainsi, une fois le bien acheté à la première période, si le consommateur constate qu’il est de qualité haute, on supposera qu’il revient chez ce distributeur à la période suivante. Si au contraire le bien consommé est de qualité basse, le consommateur ne l’achètera plus à la deuxième période. Supposons que le coût d’approvisionnement en bien de qualité haute est supérieur au coût d’approvisionnement en bien de qualité basse. Le distributeur qui offre le bien de qualité haute peut alors avoir intérêt à le revendre à perte en première période pour signaler qu’il offre un bien de qualité haute. Le consommateur anticipera alors que le distributeur ne prend le risque de réaliser des pertes à la première période que s’il est certain de réaliser un profit positif sur la vente de son produit à la période suivante. La revente à perte de son produit permet dans ce cas au distributeur de garantir au consommateur la qualité élevée de son produit. Ce modèle traduit bien l’idée d’un prix d’appel, se manifestant ici par une revente à perte, et utilisé par les distributeurs pour faire découvrir un produit aux consommateurs. Dans ce cas, la revente à perte est manifestement bénéfique puisqu’elle apporte un signal aux consommateurs.

Un article de Gerstner et Hess (1987) propose une autre explication théorique aux stratégies de prix d’appel. Selon eux, il existe des biens de référence (les grandes marques) dont les consommateurs connaissent le prix et sur lesquels ils se basent pour comparer entre eux les distributeurs avant de décider lequel fréquenter. Les autres biens font l’objet d’achats d’impulsion, autrement dit les consommateurs ne décident de les acheter qu’une fois dans le magasin. Les distributeurs offrant un assortiment des deux types de produits peuvent avoir intérêt à revendre à perte les produits de références en compensant leurs pertes à court terme par de plus fortes marges sur les biens qui sont la cible des achats d’impulsion.

8

Enfin, d’après l’article de Ramsey (1927) les pratiques de revente à perte peuvent aussi simplement refléter la tarification optimale d’un monopole multi-produits lorsqu'il existe des complémentarités entre les produits qu'il offre aux consommateurs. Si les distributeurs ne sont pas en situation de monopole, ils sont néanmoins en concurrence imparfaite

9

et disposent en général d’un pouvoir de marché local suffisant pour que ce résultat de Ramsey puisse leur être appliqué. Par ailleurs, l'activité d'un distributeur est par nature multi-produits puisque sa fonction première est de regrouper un ensemble de produits et de les mettre à la disposition du consommateur. De plus, comme nous l’avons précédemment mentionné, les consommateurs une fois parvenus dans un point de vente, hésitent à encourir un nouveau coût de transport pour fréquenter un point de vente co ncurrent et constituent ainsi une clientèle souvent

« captive ». Selon Chambolle (2005a), la combinaison de ces deux dernières caractéristiques fait naturellement apparaître des complémentarités entre les produits offerts par les distributeurs. En effet, même si les produits sont a priori indépendants, le consommateur préfère regrouper ses achats dans un même point de vente et les transforme ainsi en biens complémentaires. Le résultat de Ramsey s'applique donc parfaitement à la tarification optimale d'un distributeur. Concrètement, un distributeur revendra à perte un produit dont la demande est très sensible au prix (grandes marques) afin d'attirer les consommateurs qui achèteront d'autres produits complémentaires à des tarifs peu attractifs mais dont la demande est moins sensible au prix.

8 Lal et Matutes (1994) proposent une explication similaire aux pratiques de revente à perte, en insistant sur la présence de coûts de shopping qui incitent les consommateurs une fois rendus dans un point de vente, à consommer l’ensemble des produits dont ils ont besoin sur place.

9 En 2005, cinq groupes se partagent en France près de 90% des parts de marché de la grande distribution à dominante alimentaire.

(8)

Ces pratiques de revente à perte trouvent donc de nombreux fondements, indépendants de la volonté d’éliminer un concurrent et une règle d’interdiction de la revente à perte per se entraîne un fort risque d’erreur. En outre, comme nous l’avons mentionné les pratiques de prix prédateurs sont déjà condamnées, dans le secteur de la distribution comme dans tout autre secteur, lorsqu’elles sont le fait d’une entreprise en situation de position dominante. Ce double constat plaide pour l’abandon du principe même d’interdiction de la revente à perte.

Quelques éléments peuvent toutefois être avancés pour nuancer ce jugement. D’une part, les pratiques de revente à perte « non-prédatrices » ne sont pas toujours profitables aux consommateurs. Bien souvent, ces pratiques sont utilisées par le distributeur afin de capturer une partie du surplus du consommateur (différence entre ce que le consommateur serait prêt à payer pour le bien et ce qu’il paye effectivement). Ainsi, l’interdiction d’une revente à perte non prédatrice n’est pas forcément nuisible au consommateur. D’autre part, les explications de théorie économique spécifiques au secteur de la distribution (notamment celles liées à l’existence de coûts de shopping) en font un secteur plus particulièrement exposé à l’apparition de ces pratiques de revente à perte qu’un autre secteur ce qui pourrait peut être justifier l’existence d’une réglementation additionnelle et spécifique au secteur.

Références Bibliographiques

Allain, M-L. (2002), The Balance of Power Between Producers and Retailer: A differentiation Model, Recherches économiques de Louvain, 68, 3, 359-370.

Allain, M.L. et C. Chambolle, (2005) “Loss-Leaders Banning Laws as Vertical Restraints”, Journal of Agricultural & Food Industrial Organization, Vol. 3: 1, Article 5.

Chambolle C. (2005a), « Stratégies de revente à perte et réglementation », Annales d'Economie et Statistiques, 77, p 1-21.

Chambolle, C. (2005b), Economie Industrielle: « Quels outils pour réglementer les prix de la grande distribution? », La microéconomie en pratique, Les Cahiers Français,327, p54-57.

Chambolle, C. (2003), « Faut- il interdire la revente à perte ? », Revue Française d'Economie, 3, vol XVII, p 80-109.

Gerstner E. et Hess J. (1987), « Loss leader pricing and rain check policy », Marketing Science 5, p.187-201.

Jullien, B. et P.Rey (2000) « Resale Price Maintenance and Collusion » IDEI Working Paper.

Lal R. and Matutes C. (1994), « Retail Pricing and Advertising Strategies », Journal of Business, 67,3, p. 345-370.

Ramsey F.J. (1927), « A Contribution to the Theory of Taxation », Economic Journal, 37, p.

47-61.

Rey, P et T.Vergé (2002) « Resale price Maintenance and horizontal cartels » IDEI Working

Paper.

(9)

Steiner, R.L (1993), The Inverse Association Between the Margins of Manufacturers and Retailers », Review of Industrial Organization, 8, 717 :740.

Tirole, J. (1988), Theory of Industrial Organization, MIT Press.

Rapports

Décision n°05-D-70 du 19 décembre 2005 du Conseil de la Concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des cassettes vidéo pré-enregistrées.

Restrictive Practices (Groceries) Order 1987 - A Review and Report of Public Consultation Process, 2005.

OCDE, “Resale Below Costs Sales Laws and Regulations”, DAF/COMP(2005) 43, 01-feb-2006.

What is the impact of a minimum price rule?, Report prepared for the Ministry of

Economic Affairs, Oxera Consulting, June 2005.

Références

Documents relatifs

PARFUMERIE HYGIENE SHAMPOOINGS 600ML SHAMPOING CLASSIC H&S PARFUMERIE HYGIENE APRES-SHAMPOOINGS, SOINS 200ML A/SH.ANTI-CASSE ELSEVE PARFUMERIE HYGIENE APRES-SHAMPOOINGS, SOINS

− de l’application de la règle du seuil de revente à perte 124. Par ailleurs, certains distributeurs ont précisé que les prix conseillés par Kärcher leur servaient de

60 Correspondant aux valeurs possibles de la TVA sur les produits alimentaires (à l’exclusion de certains produits alimentaires ne bénéficiant pas de la TVA réduite). 61

Les relevés des prix catalogues confirment l’alignement des prix de Carrefour sur les prix évoqués : seuil de revente à perte pour les produits Chicco, Goliath, Hasbro et

Dans ce contexte, les distributeurs, qui étaient tenus de respecter le seuil de revente à perte tel que défini par la loi Galland, fixaient généralement les prix de revente

Dans ce contexte, les distributeurs, qui étaient tenus de respecter le seuil de revente à perte tel que défini par la loi Galland, fixaient généralement les prix de revente

Le présent contrat garantit à l'Assuré ou à ses bénéficiaires la perte financière subie lors de la revente du bien immobilier, acquis auprès de la Contractante, lorsque la revente

Ce franchissement de seuil résulte d’une perte de droits de vote