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Dynamique syntaxique en français non standard. Changement de valence et changement de sens

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Academic year: 2021

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Dynamique syntaxique en français non standard.

Changement de valence et changement de sens

Cécile Avezard-Roger, Nizha Chatar-Moumni

To cite this version:

Cécile Avezard-Roger, Nizha Chatar-Moumni. Dynamique syntaxique en français non standard.

Changement de valence et changement de sens. Changement et dynamique en syntaxe. Études

de cas, E.M.E, pp.167-182, 2009. �halshs-00638235�

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Ch C ha an n ge g em me en nt t e e t t d d yn y n a a mi m iq q u u e e e e n n s s y y n n t t a a x x e e

Etudes de cas

Françoise GUERIN Denis COSTAOUEC

avec la collaboration de

Cécile Avezard-Roger Nizha Chatar-Moumni

Caroline Lachet

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Dynamique syntaxique en français non standard : Changement de valence et changement

de sens

Cécile AVEZARD-ROGER Nizha CHATAR-MOUMNI

n rencontre en français non standard des énoncés du type :

Ce film, il déchire ! Ce quartier craint !

Voilà le contrôleur, viens, on trace !

où les verbes déchirer, craindre et tracer n’appellent pas de fonction objet alors que dans les contextes ci-dessous, la fonction objet, impliquée par le verbe, est nécessairement exprimée pour former un énoncé complet, syntaxiquement et sémantiquement :

Marie a déchiré sa robe.

Marie craint le froid.

Marie trace un trait à la règle.

Ces quelques exemples soulèvent, entre autres, la question suivante : avons-nous affaire à la même unité verbale pouvant figurer dans des constructions syntaxiques différentes ou alors à deux unités distinctes ? Autrement dit, s’agit-il ici de variation syntaxique ou de variation lexicale, ou encore des deux à la fois ?

A partir de l’observation de données issues de trois sources différentes – un recueil de corpus spontané, une enquête menée auprès d’étudiants en Sciences du langage, licence deuxième année (corpus L2) et des

O

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exemples « in vivo » tirés de blogs sur Internet – on essaiera de dégager quelques-uns des contextes qui favorisent cette dynamique.

Les verbes abuser, assurer, craindre, déchirer et tracer ont retenu notre attention dans la mesure où :

- Ils sont caractéristiques d’un usage « jeune, innovant, montant », contrairement à des verbes comme creuser, fouetter, gratter ou encore toucher pour lesquels on trouve également un usage intransitif mais caractéristique d’un usage argotique ancien. 1

- Il est assez difficile de savoir, face à ce type de productions, si on a affaire à une seule et même unité (polysème) dont le sens varierait en fonction de la construction syntaxique, ou bien à deux unités lexicales distinctes (homonymes).

C’est précisément ce qui nous amène à penser que nous sommes en présence d’un phénomène linguistique relevant de la dynamique.

L’exemple du verbe abuser, étymologiquement user mal, user avec excès illustre ce questionnement :

Salut à tous, salut Jeff ! J'ai vu qu'il y avait un nouveau javascript qui empêche "d'abuser de la ponctuation", et je trouve que c'est une bonne idée. (CommentCaMarche.net)2

Knet, t'abuses un peu…t'exagères avec tes histoires de goûts. Ça n'a rien à voir, c'est de la critique, pas du "j'aime, j'aime pas". (Forum de discussion du site Mad Movies)

1 Cf. les bases lexicales consultées : Le Trésor de la langue française informatisé (TLFI), la Base historique du vocabulaire français et le Dictionnaire de l’Académie française (9ème édition).

2 Nous présentons les exemples tirés de blogs et autres tels que nous les avons trouvés, avec les fautes d’orthographe, de ponctuation, etc.

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Le verbe abuser, dans ces deux contextes, bien que présentant des valeurs proches, voit son sens glisser vers celui d’exagérer lorsqu’il n’appelle pas de fonction objet. Il est intéressant de noter que l’usage intransitif du verbe abuser est attesté dès le XIVème siècle. Pourtant, en français contemporain, il est clairement senti comme appartenant à la « langue des jeunes ».

Quelques réflexions autour de la notion de

« transitivité »

Le sujet traité dans le cadre de cet article fait appel à la notion de transitivité. Rappelons que, selon qu’ils reçoivent ou non une fonction objet, les verbes sont traditionnellement classés comme :

• transitif direct (manger) ou indirect (parler) ;

• intransitif : partir ou

• transitif et intransitif : rire et rire de quelque chose (avec une légère nuance sémantique) ; voler et voler quelque chose (avec une différence sémantique nette).

Lucien Tesnière (1959 : 238) a introduit la notion de valence, conçue comme l’aptitude d’un verbe à accepter ou non un certain nombre d’expansions lexicales qu’il nomme actants3. Il classe ainsi les verbes en fonction du nombre d’actants qu’ils régissent et distingue entre verbes monovalents, bivalents et trivalents.

Toutefois, des verbes identifiés comme monovalents (ou intransitifs selon la tradition) peuvent dans certains contextes accepter une fonction objet :

Aboyer des insultes.

Pianoter la réponse sur son ordinateur.

On sentait là, sous sa poitrine, de gros battements qui la haletaient4.

3 Par opposition aux circonstants, expansions lexicales ne rentrant pas dans la valence du verbe.

4 Exemples empruntés à Meri LARJAVAARA, 2000, Présence ou absence de l’objet : limites du possible en français

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• A l’inverse, des verbes analysés comme bivalents (transitifs5 selon la tradition) peuvent fonctionner sans objet :

Attends, j’explique !

Andréas Blinkenberg (1960 : 108-109) note, pour ce dernier type d’exemple, que « la possibilité d’une intransitivité occasionnelle par ellipse existe pratiquement pour tous les verbes transitifs, si la situation s’y prête ». On parle ici simplement d’une ellipse de l’objet6, le verbe expliquer n’en devient pas pour autant monovalent. En revanche, dans le cas des verbes qui nous intéressent, il ne s’agit pas d’ellipse de l’objet, rendue possible par la situation, mais d’un changement à la fois syntaxique et sémantique.

Blinkenberg (1960 : 113) souligne également qu’« aucune limite précise ne sépare la transitivité elliptique de l’intransitivité qui peut résulter d’une ellipse régularisée »; la question de la transitivité, pour cet auteur, est au croisement de la sémantique et de la syntaxe. Les verbes sont perpétuellement en équilibre instable, passant d’une construction transitive à une construction intransitive, ou inversement, au gré des habitudes langagières. Ce processus cyclique, dont le pivot est la fréquence des emplois elliptiques, doit donc être analysé dans une perspective dynamique7 ; dans ce

contemporain….

5 Sans distinguer la transitivité directe de la transitivité indirecte dans la mesure où cette distinction relève simplement de la morphologie de la fonction.

6 C’est la situation de communication et les besoins langagiers qui favorisent l’ellipse de l’objet : « Un verbe transitif évoque par lui-même un actant générique, et la situation dans laquelle il est employé rend souvent inutile la spécification de cet actant (phénomène que BLINKENBERG appelle brachylogie) : d’où les emplois elliptiques et absolus. » (Blinkenberg, 1960 : 10 ).

7 « Pour la compréhension de la transitivité en tant que fait syntaxique général, il faudra reconnaître le caractère foncièrement dynamique du problème (…) »

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domaine comme dans d’autres, la langue évolue et s’adapte pour faire face aux besoins de la communication.

On prendra l’exemple du verbe voler, emprunté à Blinkenberg, pour illustrer cette dynamique.

Dans le vocabulaire de la fauconnerie, au XIIème siècle, le verbe voler est utilisé dans des expressions comme le chasseur vole le faucon dans le sens de chasser le héron, la perdrix, etc. avec un faucon. Ce verbe distribue, avec ce sens, une fonction objet. Voler connaît, par la suite, de fréquents emplois elliptiques du type :

Les meutes et les chasses à courre sont inconnues en Espagne ; mais tirer, voler, et des battues aux grandes bêtes sont les chasses ordinaires. (Saint Simon, cité par Blinkenberg, 1960 : 12)

Il prend alors le sens plus général de chasser :

Sur une route, je rencontrai un de leurs chefs qui volait avec des faucons. (Legrand d’Aussy, cité par Blinkenberg, 1960 : 12)

La fréquence des emplois elliptiques permet alors des constructions du type : voler le héron, voler la perdrix dans le sens de chasser le héron, chasser la perdrix. On notera que le rôle sémantique assumé par l’objet a basculé de

« chasseur » à celui de « chassé », d’instrument à patient.

Parallèlement, on le rencontre avec le sens de s’approprier, dans l’argot des voleurs qui volent dans des chasses qui ne sont pas à eux. C’est là qu’il prend le sens plus général de voler sur les grands chemins.

On peut également citer l’exemple du verbe charrier qui illustre aussi le phénomène qui nous intéresse. Pour A. Blinkenberg (1960 : 111), ce verbe est « un transitif né », qui, ensuite, « s’emploie elliptiquement avec un nom de fleuve comme sujet, dans le sens très précis de

« charrier des glaçons » : la Seine charrie. » A force

(Blinkenberg, 1960 : 19).

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d’emplois elliptiques, ce verbe est devenu intransitif et a pris le sens de « se moquer, exagérer » : tu charries !

Dans le cadre de cet article, nous nous intéressons à quelques verbes qui vont présenter des traits de sens différents en fonction des structures syntaxiques dans lesquelles ils apparaissent. Considérons l’exemple de tracer :

(a) Les flèches servent à tracer le parcours (corpus L2) (b) Faut tracer, il nous suit (corpus L2)

En (a), tracer signifie « baliser, marquer, flécher, tirer»;

en (b), il correspond à « s’enfuir, partir rapidement, filer droit devant, se sauver ». La structure intransitive est répertoriée dans le TLFI8 et signalée comme en usage dans la Marine et chez les skieurs :

« 1. MAR. Aller vite (parce qu'on fait une forte trace, un grand sillage). Ça trace! Nous traçons comme un torpilleur (Merrien 1958 ).

2. SKI Faire la trace (Petiot 1982). Les guêtres sont indispensables lorsque le skieur est appelé à « tracer » dans la neige poudreuse (Franco, Le Ski, 1967, cité par Petiot 1982).

Le TLFI recense également un usage populaire de tracer intransitif :

« 3. Pop. Marcher vite, filer. Ce qu'il trace! (Caput 1969). Sa voiture trace drôlement (GDEL) ».

A partir des deux structures, transitive et intransitive, il est possible de dégager un trait de sens commun que l’on formulera de la manière suivante : mouvement rapide qui laisse une empreinte, réelle ou figurée, sur un support (mer, neige, chemin, route, etc.).

8 Les bases lexicales consultées sont le Dictionnaire de l’Académie (9ème édition), la base de connaissance lexicale de l’ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), le Trésor de la langue française informatisé (TLFI) et la Base historique du vocabulaire français.

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Le cas du verbe toucher est également intéressant. On considérera les contextes suivants, relevés en français contemporain :

(a) Il lui a touché le menton (corpus L2)

(b) Celui-là, il touche, sa mère, il est mort, c’est un intello, sa mère ! (Caubet 2001 : 163-164)

Toucher prend le sens de « palper, tâter » en (a) et celui d’« être brillant, doué » en (b). Ces deux emplois de toucher renvoient à un noyau sémantique identique, l’idée d’un contact, réel ou figuré.

Notons que le TLFI répertorie un usage particulier de toucher :

« Porter la main sur les touches, sur les cordes d'un instrument de musique pour en tirer des sons » (…) Toucher du clavecin, du luth, de l'orgue; toucher joliment d'un instrument de musique. [Le curé] avait du goût pour la musique et touchait agréablement de l'harmonium poussif (Arnoux, 1960 : 20). P. méton. Jouer, exécuter. Toucher un air, un morceau de musique. Je prie Eugénie de me chanter une romance, de me toucher quelque chose sur le piano (KOCK, Cocu, 1831 : 110).

Se dégage de cet emploi, l’idée du maniement habile d’un instrument. Dans ce cas, il semblerait que c’est la fréquence de l’emploi elliptique – sans expansion en fonction objet – qui a donné naissance à l’usage que l’on retrouve en (b), avec le sens de « bien connaître un domaine, avoir une compétence dans un domaine, maîtriser » :

T'as un problème sur ta voiture ? Demande à Eric, il touche bien en mécanique !9

9 Exemple extrait d’un dictionnaire électronique sur Internet : Dictionnaire de la zone. Tout l’argot des banlieues (http://www.dictionnairedelazone.fr/). On trouve également le synthème toucher sa bille, avec un sens équivalent.

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Ces quelques contextes nous incitent à postuler, pour les verbes toucher et tracer, l’existence d’un noyau sémantique commun, présentant des nuances de sens en fonction de la structure syntaxique. Il semble, à partir de ces exemples, que la construction syntaxique a une incidence sur les glissements de sens observés. La variation relève à la fois de la syntaxe et du sens : « On peut en effet considérer que les constructions syntaxiques sont elles-mêmes porteuses de sens, et qu’elles interagissent avec le potentiel sémantique général d’un verbe, au même titre que les éléments lexicaux cotextuels ».10

Quelques facteurs conditionnant la variation Après cette brève discussion théorique, il convient de s’interroger sur les critères qui favorisent la variation observée en synchronie11 pour les verbes retenus dans le cadre de notre réflexion, verbes qui appellent deux constructions syntaxiques différentes et prennent de ce fait des valeurs différentes :

• Abuser

Il abuse de sa générosité/ T’abuses ! (tu exagères vraiment)

• Assurer

J’ai assuré ma voiture/ Ton copain, il assure ! (il est vraiment phénoménal !)

• Craindre

Je crains le froid/ Ta sœur, elle craint ! (elle n’est pas digne d’intérêt, elle est nulle)

10 Guillaume JACQUET, Fabienne VENANT et Bernard VICTORRI, 2005, Polysémie lexicale, p. 118.

11 Rappelons que le corpus est constitué notamment d’une enquête menée auprès d’étudiants en Sciences du langage, licence deuxième année (corpus L2, le questionnaire est donné en annexe) et d’exemples « in vivo » tirés de blogs sur Internet.

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• Déchirer

La maîtresse a déchiré son cahier/ Ce blouson, il déchire ! (il est génial)

• Tracer

Prenez soin de tracer vos lignes à la règle/ Voilà le contrôleur ! Viens, on trace de là ! (Il nous faut partir rapidement).

Il est intéressant de souligner que les étudiants, ayant répondu aux questionnaires, ont spontanément et massivement fait usage des deux structures syntaxiques (cf. questionnaire n°1 en annexe).

Les réponses données au questionnaire n°2 permettent de confirmer que la construction intransitive est réservée à des situations de communication informelles et orales.

• Les verbes abuser et assurer peuvent, pour la plupart des étudiants interrogés, être employés avec

« tout le monde » (ou « n’importe qui ») ; certains précisent qu’ils l’emploient avec « des personnes du même âge » ou d’âge différent, avec « les amis, les parents, la famille ». Si l’on en croit les résultats aux questionnaires, l’usage de ces verbes n’est pas réservé aux seuls « jeunes », mais semble s’étendre à d’autres classes d’âge.

• Craindre et tracer, dans leur construction intransitive, ne sont, d’après nos étudiants, possibles qu’avec des « personnes du même âge », avec des

« jeunes ». Il ressort en fait de ce questionnaire que l’usage de ces deux verbes est plus restreint, spécifique d’une tranche d’âge.

• La phrase proposée dans le questionnaire n°2 pour le verbe déchirer (J’adore trop ton nouveau blouson : il déchire sa mère !) a suscité un certain nombre de commentaires sur déchirer sa mère plutôt que sur le seul déchirer. Ce syntagme a été analysé par les étudiants comme une « expression » figée « vulgaire », connotée

« trop d’jeunes », ne faisant pas partie de leur

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« vocabulaire », de leur « style de langage », de leur

« registre ».

Le corpus recueilli nous a en outre permis de dégager quelques-uns des contextes qui favorisent l’usage intransitif des verbes à l’étude.

1) Ces verbes figurent généralement dans des énoncés marqués : l’unité assumant la fonction sujet est mise en valeur par dislocation à droite ou à gauche et une reprise anaphorique :

Elle déchire, ta veste (corpus L2).

Waouh, ton sac, il déchire ! (corpus L2) Elle craint, celle-là (corpus L2)

On peut toutefois rencontrer, mais plus rarement, ces verbes dans des structures non marquées du type :

Ce tee-shirt craint (corpus L2)

2) Dans de nombreuses productions, les verbes craindre et déchirer sont actualisés par le pronom ça :

Alors, là, ça craint ! (corpus L2).

Notons que, dans l’exemple ci-dessus, le pronom ça ne prend sa valeur d’indéfini qu’une fois ancré dans la situation de communication. Le corpus nous a cependant fourni d’autres occurrences où ça fonctionne véritablement comme une reprise pronominale d’un élément du contexte linguistique :

Ça craint, ses pompes ! (corpus L2) Ça déchire, ta musique ! (corpus L2)

Ça craint, on est bientôt en mai, je fêterais mon 7ème mois de blog (et je parle toujours autant !) (hellostephanie.over-blog.com).

Dans ces exemples, la représentation au moyen du pronom ça est cataphorique, mais elle peut être anaphorique :

Regarde sa tenue, ça craint (corpus L2) Ton pull est laid, ça craint (corpus L2)

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Dans les deux cas (représentation anaphorique ou cataphorique), la structure est le produit d’une mise en valeur par dislocation à droite ou à gauche. Il s’agit, ici aussi, d’énoncés marqués.

Notons que l’actualisation très fréquente par le pronom ça du verbe craindre, témoigne d’une nette tendance au figement ; ça craint devient une expression idiomatique caractéristique du « parler jeune », mais aussi d’un parler dit « populaire ».

3) Le corpus fournit de nombreux énoncés dans lesquels le verbe est déterminé par un marqueur d’intensité tel que grave, trop, sa mère, sa race.

Dominique Caubet (2001 : 735-748) répertorie les exemples suivants :

Le film, il va déchirer sa mère.

Il déchire sa race, ce film.

« L’emploi le plus novateur (…) est celui où sa mère ou sa race se construisent syntaxiquement comme compléments d’objet d’un verbe, généralement intransitif. »(Caubet, 2001 : 744). D. Caubet s’appuie, entre autres, sur un critère intonatif « (…) sa mère/sa race est prononcé comme s’il était l’objet du verbe. »

Pour D. Caubet, ces verbes sont, dans ce type de structure, bivalents, c’est-à-dire aptes à recevoir un large éventail d’expansions lexicales. Or, il semble que cet

« éventail » soit réduit à ces deux expressions idiomatiques.

Sa mère et sa race commutent avec des unités du type grave, vraiment, trop, c’est pourquoi nous ne les analyserons pas comme des unités assumant la fonction objet mais comme de simples synthèmes adverbiaux :

Tu assures grave sur scène (corpus L2)

Diam's tu Déchire grave je t'adorre ; pour mes 10 ans je vais te voir en concert j'ai trop hate je t'adoreeeeeeeee!!!!!

(diams-lesite.com).

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Sarko est-ce qu’il craint trop, même pour ses amis ? (answers.yahoo.com).

coucou plus belle la vie sa déchire grave (plusbellelavie.fr)

4) Les référents des unités assumant la fonction sujet sont, selon les verbes, des animés et/ou des inanimés.

Dans notre corpus, les verbes assurer et abuser, dans leur emploi intransitif, ne sont employés qu’avec un sujet animé :

Je voulais du sel, mais là, t’as abusé (corpus L2) T’abuses, t’aurais pu m’attendre ! (corpus L2) Il a assuré comme un dieu à son concert ! (corpus L2) Il faut que j’assure au partiel (corpus L2)

Dans leur emploi transitif, il semblerait que ces deux verbes puissent être actualisés par un sujet aussi bien animé qu’inanimé :

Cette société a abusé ses employés.

Il a abusé son patron.

Cette mutuelle assure un grand nombre d’enseignants.

Pierre a assuré sa voiture à la MAIF.

Remarquons toutefois que société et mutuelle ne sont pas à proprement parler des inanimés, mais renvoient à un groupe de personnes.

Les verbes craindre, déchirer et tracer acceptent, quant à eux, les deux types de référents :

Toi tu déchires Maurad. C sympa de ta part cke tu fé avec Difool. (Maurad.fr)

Ton concert déchire trop. Merci pour tout !!! (diams- lesite.com)

Le train a tracé ce matin, je ne l’ai pas eu. (corpus L2) Jetrace direct chez moi (corpus L2)

Elle craint, celle-là. tu as vu comment elle s’habille ! (corpus L2)

Ton pull est laid, ça craint ! (corpus L2)

5) Ces verbes sont utilisés, on l’a dit, dans des situations de communication informelles, orales. C’est pourquoi les

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seules modalités verbales représentées dans le corpus sont le parfait ou le prochain, ou encore le verbe sous sa forme nue :

Elle craint celle-là ! Tu as vu comment elle s’habille ! (Corpus L2)

Comment j’ai tracé pour arriver à l’heure en cours ! (Corpus L2)

Je voulais du sel, mais là, t’as abusé ! (Corpus L2) Il a assuré comme une bête ! (Corpus L2)

J’ai déchiré en anglais. (Corpus L2) Ҫa va déchirer ! (Amazon.fr).

Même si le corpus ici à l’étude est trop restreint pour dégager des tendances générales, il nous a toutefois permis de dresser un premier état des lieux sur la question.

Les commentaires de nos informateurs indiquent que ce type de structure commence à s’étendre au-delà du parler dit « jeune », vers une communauté linguistique plus large et socialement plus diversifiée. Ce processus, on l’a vu, est déjà en cours pour les verbes abuser et assurer.

Par ailleurs, les contextes suivants :

salut samuel, j'espère que tu lieras ce méssage. Tu as tout déchirer au bunker vendredi en normandie. J'espère que tu as passé un bon moment que tu reviendras bientôt. Tu as une très belle voix J'espère que si tu reviens en normandy tu feras ce que t'as dit!!!! tu déchires!!! (reggaefrance.com)

Max a tout déchiré à son examen (corpus L2)

t'as vu diam's sur tf1 hier soir ? ouais elle dechire la culture .... comment son flow est trop de la balle ...ouais clair de la pure bombe intelectuel (jeanmarcmorandini.com)

Il a déchiré le repas. Il ne restait plus rien. (Corpus L2) illustrent bien le caractère cyclique (cf. §1) du processus qui permet à un verbe de passer du statut de verbe bivalent à celui de verbe monovalent et inversement.

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Déchirer voit sa valence à nouveau modifiée : tout en gardant son sens « intransitif », il distribue une fonction objet. C’est à ce stade que l’on peut véritablement mesurer comment la variation syntaxique permet à une unité de s’enrichir sémantiquement. C’est à ce stade également que l’on peut considérer que de la variation syntaxique naît une création lexicale. A l’issue de ce processus dynamique, on obtient deux unités différentes avec deux sens différents, mais avec le même schéma valentiel.

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Questionnaire n°1

Prénom : Sexe :

Age : Niveau d’études/ Classe :

Pour chacun des verbes suivants, proposez une phrase pour illustrer le sens de ce verbe. Si vous pensez que ce verbe peut avoir plusieurs sens, donnez plusieurs phrases pour illustrer ces différents sens.

Exemple : verbe « charrier » La rivière charrie de la boue.

Momo, tu charries ! (= tu exagères) Abuser

Assurer Craindre Crever Creuser

Damer

Déchirer

Donner

Fouetter Gratter Palper Plonger Serrer Tracer Toucher

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Questionnaire n°2

Prénom : Sexe :

Age : Niveau d’études/ Classe : Pour chacune des phrases suivantes, dites :

- si vous avez déjà entendu ce type de construction, et dans ce cas prononcée par qui (quel tranche d’âge à peu près ? fille, garçon ? etc.) ;

- si vous comprenez cette phrase (si oui, essayez d’en expliquer le sens) ;

- si vous acceptez cette phrase et si vous pourriez l’employer vous-même (et dans ce cas, avec qui : personnes du même âge, parents, etc.) ;

- si vous avez d’autres remarques, indiquez-les à la suite.

1. Franchement, sur c’coup-là, t’as vraiment pas assuré ! 2. La piscine, ça creuse : à chaque fois, quand je sors, j’avale un paquet de gâteaux.

3. Et si on allait damer au Mac Do’ ?

4. Ta sœur, habillée comme ça, elle craint : on dirait un épouvantail !

5. Il est en train de crever tout seul dans son coin et tout le monde s’en fout.

6. Tes chaussures, elles fouettent, c’est horrible !

7. En ce moment, j’alterne : je gratte trois mois et après j’me repose six mois !

8. Momo a plongé pour proxénétisme : il a pris 10 ans fermes.

9. J’adore trop ton nouveau blouson : il déchire sa mère ! 10. Si Alex reste avec sa copine, c’est qu’elle a du fric et qu’il arrive à gratter.

11. Quand tu bosses la nuit à Rungis, tu palpes un max.

12. Pour aujourd’hui, j’ai donné, alors lâchez-moi un peu…

13. Merde, le contrôleur : viens, on trace !

14. Tu préfères damer un sandwich ou une pizza ? 15. Max, en informatique, il touche vraiment.

16. T’as abusé de dire ça devant tout le monde.

17. T’as serré hier en boîte ou t’es rentré tout seul ?

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Références

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