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Les sources archivistiques de la Bibliothèque nationale de France

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HAL Id: hal-03264954

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03264954

Submitted on 18 Jun 2021

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Les sources archivistiques de la Bibliothèque nationale de France

Anne Leblay-Kinoshita

To cite this version:

Anne Leblay-Kinoshita. Les sources archivistiques de la Bibliothèque nationale de France. Histoire croisée du Collège de France et de la Bibliothèque nationale de France, Jun 2021, Paris, France.

�hal-03264954�

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Les sources archivistiques de la Bibliothèque nationale de France

Anne Leblay-Kinoshita, conservatrice du patrimoine

Mesdames et messieurs, c’est pour moi un grand honneur d’intervenir au collège de France pour vous présenter les archives de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Je remercie les organisateurs qui ont permis l’organisation de cette journée en dépit de toutes les difficultés traversées depuis plus d’un an.

J’introduirai mon propos par un extrait d’une lettre de 1919 d’Ernest Babelon alors directeur du cabinet des Médailles et titulaire de la chaire de numismatique de l’Antiquité et du Moyen Âge au collège de France adressée à Charles de la Roncière, directeur du département des Imprimés de la Bibliothèque nationale (BN) au sujet du traitement des conservateurs de la BN qui à son sens ne doit pas être aligné avec celui des archivistes des Archives nationales.

Les archives sont un Bureau détaché de l’Administration centrale du ministère, la Bibliothèque nationale est un établissement scientifique et autonome, elle n’est pas un Bureau (…). Je le répète, comme je vous le disais hier avec une certaine véhémence : c’est avec le Collège de France que le Conservatoire de la Bibliothèque nationale doit être assimilé : ce n’est pas, à moins de déchéance, avec les Bureaux des Archives ou du Ministère1.

Ces propos, au-delà de leur caractère revendicatif, témoignent du peu de considération dont bénéficient alors les archives dont la nature administrative les rend, aux yeux d’Ernest Babelon, peu dignes d’intérêt mais également de l’affinité naturelle entre conservateurs de la BN et professeurs du collège de France, comme l’a évoqué Antoine Compagnon, et dont Babelon constitue l’incarnation.

Je vais donc revenir sur l’histoire de ces archives méprisées, avant de vous présenter les fonds actuellement conservés. J’insisterai enfin plus spécifiquement sur les archives relatives à la consultation des collections à travers le cas des professeurs du collège de France.

      

1 BnF, archives institutionnelles, 2008/150/016.

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1. L’histoire des archives de la Bibliothèque nationale de France

Pour comprendre l’organisation actuelle des archives de la Bibliothèque, je vais en effet remonter le temps et évoquer l’émergence progressive d’un service dédié aux archives.

Pour que nous soyons tous d’accord sur une définition, je me permets de rappeler la définition officielle française actuelle des archives : « Les archives sont l'ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité ». (Code du patrimoine, L211-1).

1.1.Des archives non distinguées des collections (avant la Seconde guerre mondiale)

L’émergence de la notion d’« archives » à la BN semble tardive car dans leur jeune âge les archives sont assimilées à l’administration de la bibliothèque puis en vieillissant, une partie d’entre elles accède au noble statut de collections.

Probablement, un des premiers documents évoquant explicitement les archives et le processus que je viens de décrire est une note de l’administrateur général Pierre Roland-Marcel du 27 juillet 1929 concernant l’encombrement du secrétariat :

À M. Emile Leroy

Avant de partir, donnez des ordres à M. [Illisible] pour qu’il fasse sortir de la pièce du haut tous les rossignols (archives, registres, etc.) qui l’encombrent inutilement. Deux lots sont à faire :

Dépt des Mss Archives nationales

On expédiera ensuite les dits rossignols aux points indiqués.2

Finalement, aucun versement n’aura lieu aux Archives nationales. Cette situation est confirmée en 1936, lorsque la BN obtient le 13 octobre une dérogation aux dispositions du décret du 21 juillet 1936 qui prévoit les versements dans les dépôts d’archives d’État des papiers des ministères et des administrations qui en dépendent, étape-clé pour l’archivistique française et les Archives nationales, mais qui apparaît dans un premier temps sans grande conséquence pour les archives de la BN. Après cette dérogation, l’administrateur général

      

2 BnF, archives institutionnelles, A39.

(4)

Julien Cain semble toutefois porter une attention plus grande à l’organisation des archives de la Bibliothèque. Il écrit au conservateur des Manuscrits que ce département « aura le devoir de classer d’une manière très précise les fonds qui sont versés dans ses collections

3

» et en 1937 il fait recruter Paulette Boundal, aide bibliothécaire, pour le traitement des archives du secrétariat.

1.2.La centralisation des archives et le rôle marquant de Thérèse Kleindienst

Le tournant semble toutefois dater de la Seconde guerre mondiale. Par une décision du 2 août 1943, Bernard Faÿ crée un service d’archives rattaché au secrétariat général de la bibliothèque, à la tête duquel il nomme une jeune archiviste paléographe, Thérèse Kleindienst (1916-2018), future secrétaire générale de la BN entre 1962 et 1984. Le secrétaire général Raphaël Labergerie justifie ainsi dans une note de service : « Les exigences chaque jour accrues de la vie administrative ou technique de la réunion des Bibliothèques nationales soulignent la caducité de son service d’archives. Des incidents récents ont montré qu’il était impossible de laisser les choses plus longtemps en l’état

4

». Cette décision est la conséquence de pertes de documents dans un contexte politique sensible. Après une phase d’étude, Thérèse Kleindienst élabore un système complexe reposant sur trois outils :

- Une indexation des dossiers sur fiches,

- Une cotation selon un plan de classement s’inspirant de celui du service des archives et des bibliothèques du secrétariat d’État et de la Marine,

- des cahiers d’enregistrement des dossiers.

Julien Cain, de retour à la tête de la Nationale en octobre 1945, confirme rapidement par une note circulaire de février 1946 l’organisation proposée par Thérèse Kleindienst qui prévoit en outre une meilleure centralisation des dossiers d’affaires au secrétariat général

5

. La pérennisation de cette organisation est vraisemblablement une des conséquences des traumatismes de la Seconde guerre mondiale à la BN

6

au niveau des collections avec la question des archives maçonniques mais également au niveau de l’administration – nous retrouvons ainsi les « deux natures » des archives. Les archives permettent en effet de faire

      

3 BnF, archives institutionnelles, A39, 17 août 1936.

4 BnF, archives institutionnelles, A43, sans date.

5 BnF, archives institutionnelles, A39, note circulaire de l’administrateur général du 30 janvier 1946.

6 De même que les destructions et pertes d’archives au ministère des Affaires étrangères ont entraîné une complète réorganisation des archives dans ce ministère voir : Anne Leblay-Kinoshita, Anne-Sophie Maure,

« Destructions, reconstitutions, instructions. Les leçons de l’année 1940 au ministère des Affaires étrangères : de la reconstitution des fonds d’archives à la mise en place de nouvelles pratiques », 1940, l’empreinte de la défaite, Témoignage et archives, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 105-126.

(5)

valoir les droits des victimes de la période

7

et d’incriminer les coupables. Pour les papiers de l’ancien secrétaire général qui ont échappé aux destructions –volontaires-

8

, Thérèse Kleindienst reçoit des consignes précises : « Ne disperser aucun papier Labergerie dans les dossiers. Tout doit rester groupé. Les classer à part

9

».

Toute l’organisation des archives administratives, pendant un demi-siècle va reposer sur la méthodologie mise en place par Thérèse Kleindienst jusqu’à son départ à la retraite en 1984 puis celui d’Odile Schlumberger, qui s’occupe des archives de 1945 à 1985. Certains des outils élaborés à cette époque constituent encore nos outils de travail quotidiens.

Le contexte de la fin des années 1980 et des années 1990 s’avère défavorable à la réorganisation des archives, pour divers motifs :

- un contexte global avec l’arrivée de la micro-informatique et l’abandon progressif des anciennes pratiques de secrétariat (enregistrement du courrier, chrono, etc.) entraînant un processus de « décentralisation »

10

.

- un contexte spécifique à la Bibliothèque après l’annonce présidentielle le 14 juillet 1988 de la création d’une bibliothèque d’un genre nouveau : la vie parallèle de deux organismes dont l’un, établissement public pour une bibliothèque de France (EPBF), fonctionne plutôt en mode projet autour de quelques personnalités comme en témoigne un rapport sur les archives remis en 1994 lors de la fusion des deux entités (BN et EPBF) :

Dans les sites d’Ivry, Masséna et Pl. Valhubert, j’ai été reçue sans a priori, et tout à fait naturellement. Il ne faut cependant pas oublier que la plupart des employés sont, dans ces sites, très jeunes, et que, s’ils sont compétents pour la tâche administrative qui est la leur, ils ne comprennent pas toujours que la constitution des archives commence dans leur bureau même11.

      

7 Émile Albert Joseph Leroy, secrétaire trésorier (10 octobre 1882-9 octobre 1943). Entré à la BN le 1er janvier 1926 comme secrétaire trésorier. A remplacé M. Mortreuil, admis à faire valoir ses droits à la retraite. Appelé secrétaire général à partir de 1932 (non officiel). A cessé ses fonctions le 1er juillet 1941 à la suite d’un rapport de Bernard Faÿ : « 27 mai 1941. M. Leroy malgré les réels services qu’il a rendu à la maison, a commis des négligences administratives d’un caractère grave, et je vous demande de le relever de ses fonctions ». Réintégré dans ses fonctions de SG de 1941 à sa mort (BnF, archives institutionnelles, dossier de personnel d’Émile Leroy).

8 BnF, archives institutionnelles, A39, Jacques Renoult à Jean Laran. 6 septembre 1944. Coté également au dossier de Labergerie.

9 BnF, archives institutionnelles, A39, 12 septembre 1944.

10 La littérature sur le sujet semble assez limitée. Quelques références témoignant de cette évolution : Dubois Catherine, Durand-Gasselin Stéphanie, « La secrétaire et le traitement de texte ou Le bureau et les nouvelles technologies », Linx, hors-série n°4, 1991. Texte et ordinateur. Les Mutations du Lire-Écrire. pp. 289-296.

11 BnF, archives institutionnelles, A43, « Rapport sur l’organisation des archives de la bibliothèque nationale de France » (26 octobre 1994).

(6)

Du côté de la BN, l’ancien service des archives semble vivoter dans son nouveau rattachement à la direction administrative et financière.

1.3. « Vingt après » : la création de la mission pour la gestion de la production documentaire et des archives

On assiste à un processus de recentralisation à partir des années 2000 avec le regroupement des archives de la BN précédemment conservées à Versailles et Richelieu et de celles de l’EPBF puis de la BnF. Les importantes opérations immobilières sur le site Richelieu entraînent également le transfert de plusieurs centaines de mètres linéaires d’archives jusqu’alors conservés dans les bureaux.

Parallèlement se font progressivement jour des préoccupations quant à la politique d’archivage de l’établissement. L’arrivée de Jean-Noël Jeanneney, historien de formation, à la présidence de l’établissement en mars 2002 donne une nouvelle impulsion avec le recrutement d’un conservateur du patrimoine expérimenté, Catherine Dhérent, qui s’attache à valoriser les archives historiques mais également à mettre en pratique les normes de recordsmanagement (dont la première publication de la norme ISO 15489 date de 2001) au

travers d’un nouveau plan de classement déployé dans une nouvelle interface informatique.

Ce nouvel élan transparaît dans l’exposé des motifs du comité technique paritaire du 10 mars 2004 pour la création de la mission est fait selon les termes suivants : « Le président et la directrice générale ont souhaité rénover la politique d’archivage de la Bibliothèque nationale de France. Le président l’a rappelé dans ses objectifs prioritaires de l’année 2004

12

».

      

12 BnF, archives institutionnelles, 2013/033/001.

(7)

2. Les sources disponibles, leur répartition et leur accès

2.1.Où sont désormais conservés les documents concernant la Bibliothèque ?

À l’exception d’une copie d’un inventaire des livres, daté de 1518, conservée à la Bibliothèque nationale d’Autriche et de quelques documents conservés aux Archives nationales (françaises), la plupart des archives de l’Ancien Régime et des archives couvrant la fin du XVIII

e

siècle et le XIX

e

siècle, dites « Archives modernes », sont conservées par le département des Manuscrits, selon la logique évoquée plus tôt d’intégration dans les collections. Les deux séries sont décrites dans le catalogue BnF archives et manuscrits et une grande partie est numérisée.

Des outils de travail des bibliothécaires du XVII

e

siècle au début du XX

e

siècle (catalogues anciens, registres de dons et d’acquisitions, registres de prêts) sont conservés par le département Littérature et art.

La mission pour la gestion de la production documentaire et des archives conserve les archives de l’administration centrale (secrétariat général, administration générale puis direction générale, présidence) et les archives administratives (dossiers de personnel, archives comptables, etc.) à peu près depuis la fin du XIX

e

siècle.

Elle conserve des archives de l’association pour une Bibliothèque de France puis de l’EPBF (établissement public pour une bibliothèque de France) chargés du projet de définition et de construction de la « nouvelle bibliothèque ».

La mission accueille également une partie des archives des départements des collections.

C’est le cas notamment :

- du département des Monnaies, médailles et antiques, qui remontent au XVII

e

siècle, très consultées, en cours de numérisation,

- du département des Cartes et plans qui remontent au début du XIX

e

siècle,

- en partie du département des Estampes et de la Photographie et du département de la Musique.

Le département des Manuscrits n’a pas versé ses archives à la mission, de même que le

département des Estampes et de la photographie pour les archives les plus anciennes, puisque

les fonds étaient alors intégrés aux collections. Dans les deux cas, les fonds ont déjà été

(8)

décrits, cotés et les notices figurent dans les catalogues de la BnF, soit dans BAM, soit dans le Catalogue général.

Sans être exhaustif, on peut également citer les fonds suivants qui ne sont malheureusement pas tous signalés dans le catalogue :

- registres et déclarations de dépôt légal, - dossiers d’exposition,

- demandes d’autorisation d’accès à la Bibliothèque nationale (1868-1924),

- archives de l’agence des travaux de la Bibliothèque nationale (XIX

e

-XX

e

siècles), - reportages photographiques (fin XIX

e

siècle-2005)

- archives de l’association La Joie par les livres (1962-2008), etc.

2.2. Quelles sont les modalités d’accès ?

Une grande partie de ces fonds constituée pour l’essentiel d’archives publiques est communicable selon les modalités fixées par le chapitre 3 du livre II du code du patrimoine.

Une partie est décrite dans le catalogue BnF archives et manuscrits au fur et à mesure de l’avancée du travail de description ou de reprise.

Au désarroi des lecteurs, ce sont souvent les fonds les plus récents, et donc pas forcément les plus accessibles au regard des délais fixés par le Code du patrimoine, qui sont signalés Cette situation est pour partie le fruit de l’histoire évoquée plus haut. Parmi les raisons que l’on peut évoquer :

- Les modalités de classement et de description mises en place en 1943 et la longue période pendant laquelle elles ont été en œuvre posent des difficultés d’accès. Le système était adapté à un usage de recherche interne ponctuel. Il offre des points d’accès via le fichier ou le plan de classement mais aucune description de la réalité matérielle. Derrière une cote peuvent se cacher deux feuillets comme plusieurs mètres linéaires de documents. Je renvoie à l’article publié sur ce sujet par Anaelle Lahaeye dans le carnet hypothèses dédié au projet de recherche « La Bibliothèque nationale sous l’Occupation », inscrit au plan quadriennal de recherche 2020-2023 de la Bibliothèque

13

.

- Le classement peut évoluer dans le temps en fonction des évolutions sociétales (nouveaux sujets de recherches). Les dossiers de personnel autrefois éliminés ou du

      

13 https://arcbn2gm.hypotheses.org/549 (Consulté le 11/06/2021).

(9)

moins échantillonnés sont désormais valorisés. En outre, auparavant communicables en fonction de la date de naissance de l’agent, ils sont depuis 2008, communicables en fonction de la date de la pièce la plus récente du dossier.

- La description des versements récent est « normalisée » depuis la réorganisation des années 2000 et facile à traduire dans le langage informatique dédié (xml-ead).

On retiendra donc de cette partie que pour toute recherche, une exploration des archives de la Bibliothèque est presque toujours guidée par les archivistes, avec les avantages et les inconvénients que cela peut poser dans une démarche scientifique.

3. Les archives relatives à la consultation

Ces archives sont l’objet d’un grand nombre de demandes de la part des chercheurs dans le cadre de recherches biographiques, souvent dans l’espoir de nourrir l’histoire du travail intellectuel. Je vais évoquer très rapidement les grandes typologies de documents dont le repérage s’apparente comme m’a un jour répondu de façon enthousiaste une lectrice à un véritable jeu de piste.

3.1.Les sources sur les lecteurs

Selon la date et le type d’accréditation, les archives ne sont pas conservées par le même département, ni sur le même site.

De façon très synthétique, la Bibliothèque conserve :

- des registres d'enregistrement chronologique et parfois alphabétiques des lecteurs par

département des collections (imprimés / manuscrits / monnaies, médailles et antiques /

estampes) (1854-1967), quasiment tous conservés par le département des manuscrits, à

l'exception des registres du département des imprimés pour la période 1868-1967,

conservés par le département Littérature et art, et des registres du département des

Estampes et de la photographie pour la période 1837-1947, conservé par ce

département,

(10)

- des registres puis des liasses de demandes d'autorisation d'accès à la Bibliothèque nationale, classés par ordre chronologique et alphabétique (1868-1927) (2009/042), conservées par la mission pour la gestion de la production documentaire et des archives,

- des registres d'enregistrement chronologiques des prêts conservés par le département Littérature et art, la correspondance y étant relative étant conservée par le département des Manuscrits,

- plusieurs milliers de fiches appelées abusivement « cartes de lecteurs » couvrant le XX

e

siècle,

- des données d’inscription des lecteurs inactifs de plus de 5 ans de 1999 à 2013 sous forme excel et jpeg pour les photographies.

3.2. Reconstituer l’histoire des consultations à travers le cas de professeurs du Collège de France

Ces sources ne permettent pas forcément une recherche aisée par nom de personne. Elles apparaissent en outre lacunaires et ne reflètent pas la réalité de la fréquentation de la Bibliothèque. Après une recherche infructueuse sur les noms de Marcel Mauss et Georges Blin, j’ai effectué la recherche dans les doubles de cartes de lecteurs sur un panel un peu plus large, ce qui m’a permis de constater l’absence de nombreuses figures du collège au XX

e

siècle alors que nous savons que certains d’entre eux ont fréquenté la Bibliothèque

14

.

Reconstituer l’histoire des consultations s’avère tout aussi complexe puisque ces informations ne sont pas conservées ou de façon très lacunaire, à travers les registres de prêts et quelques rares bulletins de commandes conservés pour des raisons inconnues

15

, qui rendent difficiles

      

14 La recherche a été effectuée sur les noms suivants : Charles Andler, Henri d’Arbois de Jubainville, Arsène d’Arsonval, Georges Blin, Geroges Blondel, Pierre Boutroux, Henri Breuil, Jean Brunhes, René Cagnat, Lucien Cayeux, Maurice Croiset, Edmond Faral, Emmanuel Fauré-Fremiet, Bernard Faÿ, Louis Finot, Paul Foucart, Ferdinand André Fouqué, Edouard Fuster, Charles Gide, Stéphane Gsell, Louis Havet, Sylvain Lévi, Marcel Mauss. Seuls des doubles pour les noms suivants ont été trouvés : Charles Andler, Bernard Faÿ, Sylvain Lévi.

Dans les trois cas, il s’agissait de cartes permanentes.

15 Recueil d’origine inconnue acquis en vente publique en 2017 à Caen contenant quelques centaines de bulletins de demande vraisemblablement autographes datant de la fin du Second Empire et du début de la IIIe République, collés par ordre alphabétique des demandeurs. Il y a rarement plus d'un bulletin par demandeur. Parfois le bulletin est accompagné d'une coupure de presse mettant en avant la notoriété du demandeur. Les bulletins sont parfois annotés : date, nom du demandeur écrit de manière plus lisible. Nous ignorons qui a réalisé ce recueil relié. Il semble concerner la salle de travail des Imprimés, l'ensemble des bulletins semble dater de l'administration générale de Jules-Antoine Taschereau (1858-1874), aucun bulletin ultérieur n'ayant pour le moment été identifié.

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toute analyse. Je renvoie sur ce sujet au compte rendu de Mathieu Bera sur l’ouvrage de Jean- François Bert L’atelier de Marcel Mauss qui illustre les difficultés d’une telle démarche : « Il s’avère que les quelques bulletins d’emprunts conservés et retrouvés par l’auteur ne sont pas représentatifs et surtout, pris isolément, ne peuvent être caractérisés, c’est-à-dire comparés (sans perdre de vue non plus que les emprunts sont eux-mêmes des traces du travail de lecture, celle-ci s’effectuant sans doute pour une part bien plus considérable en salle)

16

».

Il me semble qu’en revanche les archives de la Bibliothèque dans leur globalité, au-delà de la consultation, offrent des informations contextuelles importantes sur l’histoire de la Bibliothèque à même d’éclairer les conditions de travail des chercheurs. L’exemple suivant peut sembler anecdotique :

Monsieur l’administrateur général,

Voulez-vous permettre à un vieil habitué de la bibliothèque nationale de vous adresser une requête, dont très certainement vous ne contesterez pas le bien –fondé ? Les multiples améliorations dont nous vous sommes à la fois redevables et reconnaissants, rendent d’autant plus sensible, par contraste, certain inconvénient que je me permets de vous signaler, et dont en tout cas le remède est facile. Il s’agit des portes qui se trouvent tout au fond de la salle, dans la partie réservée au personnel. Depuis plusieurs semaines, plusieurs mois même, ces portes grincent d’une façon contineu, véritablement exapérante pour quiconque est un tant soit peu nerveux. Or, comme à certaines heures de la journée, elles lvirent passage aux employés plusieurs fois par minute, c’est un supplice ininterrompu. Même les oreilles bouchées, on continue d’entendre17 !

Toutefois n’est-ce pas ces tout petit riens du quotidien qu’évoque Arlette Farge à propos de la salle de lecture de la Bibliothèque de l’Arsenal dans Le goût de l’archive quand elle décrit le martèlement des talons d’une lectrice ou le cliquetis d’une chevalière en or contre un ongle

18

? Les archives de la Bibliothèque montre comment la petite et la grande histoire de la Bibliothèque peut influer sur les sciences : la création d’une salle de travail réservée aux chercheurs en 1868 offre un lieu de travail plus favorable à la recherche, l’accélération du catalogage mise en œuvre par Léopold Delisle facilite le repérage et la localisation des

      

16 Matthieu Béra, « Jean-François Bert, L’Atelier de Marcel Mauss. Un anthropologue paradoxal », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 168 | 2014, mis en ligne le 03 avril 2015, consulté le 10 juin 2021.

URL : http://journals.openedition.org/assr/26314 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.26314.

17 BnF, archives institutionnelles, 2011/001/10042, J. Lenouvel à l’administrateur général, 15 avril 1927.

18 Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989, p. 63.

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ouvrages, la loi sur le dépôt légal de 1925 qui introduit le principe d’un double dépôt auquel doivent désormais se soumettre les éditeurs élargit les ressources (françaises du moins) disponibles, l’électrification progressive des magasins et des salles de lecture dans les années 1910 et 1920 réduit le temps d’attente des ouvrages et élargit les horaires d’ouverture au public, etc.

Pour éclairer le travail intellectuel, on peut recourir aux fonds privés. Ainsi le petit fonds privé de Charles de La Roncière, conservé à la mission, contient plusieurs dizaines de lettres envoyées par une quinzaine de personnages aussi divers que :

Henri d’Arbois de Jubainville (langue et littérature celtes, 1882-1910)

Ernest Babelon (chaire de numismatique de l’Antiquité et du Moyen Âge, 1908-1924) Paul Casanova (langue et littérature arabes, 1909-1926)

Arthur Chuquet (langue et littérature germaniques, 1893-1925) Maurice Croiset (langue et littérature grecques, 1893-1930) Jacques Flach (histoire des législations comparées, 1884-1919) Emile Gley (biologie générale, 1908-1930)

Stéphane Gsell (histoire de l’Afrique du nord, 1912-1932) Georges Lafenestre (histoire et esthétique de l’art)

Sylvain Lévi (langue et littérature sanskrites, 1894-1935) Joseph Loth (langue et littérature celtiques, 1910-1930) Antoine Meillet (grammaire comparée, 1906-1936)

Alfred Morel-Fatio (langues et littérature de l’Europe méridionale, 1907-1924) Paul Pelliot (langue, histoire et archéologie de l’Asie centrale, 1911-1945) Théodore Reinach (numismatique de l’Antiquité, 1924-1928)

On y lit les traces d’une sociabilité scientifique qui perdure au XX

e

siècle où sont évoquées,

en fonction de la proximité des correspondants et de leur parcours professionnels, des

considérations d’ordre personnel ou des échanges d’informations bibliographiques, des

hypothèses de travail ou des demandes de prêt à l’instar de cette lettre envoyée par Joseph

Loth :

(13)

Paris. 28 mars

Mon cher compatriote

J’ai cherché en vain à la Sorbonne et l’Institut, l’ouvrage suivant : Ch. Smith, History of Cork, 2 vol. L’ouvrage ne doit pas être bien vieux, je l’ai trouvé cité dans Borlase, The dolmens of Ireland, mais sans date.

Si la Bibl[iothèque] Nationale le possédait, je vous serais bien reconnaissant de me le faire savoir.

Votre bien dévoué J. Loth

The ancient and present state of the county and city of Cork, Ireland, 1750, 2 vol. 8° Np 719

Conclusion

En conclusion, l’accès aux archives de la Bibliothèque peut parfois apparaître rugueux, mais cette rugosité constitue une des richesses de cet ensemble. Elle rappelle que les archives sont le fruit et les témoins du passé dont la composition mérite l’analyse comme les artefacts distribués au sein de différentes couches stratigraphiques, que leur matérialité peut aussi créer un pont avec le temps présent. Certains ensembles, à l’instar des doubles de « cartes de lecteurs », sont ainsi porteurs d’une forte charge émotionnelle comme en a témoigné le succès public en 2017

20

, mais s’avèrent, sur le plan informationnel, décevants, notamment parce qu’on ignore les modalités de tri et de classement des archives. Toutefois d’autres approches de recherche restent possibles car si la BnF ne conserve pas la mémoire de tout le monde, elle conserve bien toute la mémoire de tout le monde.

      

19 BnF, archives institutionnelles, 2008/150/016, Joseph Loth à Charles de la Roncière, 28 mars (?).

20 Sur les réseaux sociaux et éditions en carte postale de 4 « cartes » : - Michel Galabru, Aimé Césaire, Hannah Arendt, Marguerite Yourcenar

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