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Quand l'automédication devient une conduite dopante chez les travailleurs

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Academic year: 2021

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Submitted on 8 Jun 2020

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Quand l’automédication devient une conduite dopante

chez les travailleurs

Audrey Moco-Daijardin

To cite this version:

Audrey Moco-Daijardin. Quand l’automédication devient une conduite dopante chez les travailleurs. Psychologie. COMUE Université Côte d’Azur (2015 - 2019), 2019. Français. �NNT : 2019AZUR2027�. �tel-02860264�

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Quand l’automédication devient une

conduite dopante chez les travailleurs

Audrey MOCO-DAIJARDIN

LAPCOS

Présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en discipline de

psychologie

d’Université Côte d’Azur

Dirigée par : Édith Galy & Bruno Dauvier Soutenue le : 9 décembre 2019

Devant le jury, composé de :

Christine Bonardi, Maitre de conférences en psychologie, spécialité psychologie sociale, Université de Nice

Anne Congard, Professeure des universités en psychologie différentielle de la santé, Université de Nantes

Catherine Hellemans, Professeure, Université Libre de Bruxelles

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Quand l’automédication devient une

conduite dopante

Rapporteuses

Anne Congard, Professeure des universités en psychologie différentielle de la santé, Université de Nantes

Catherine Hellemans, Professeure, Université Libre de Bruxelles Examinatrice

Christine Bonardi, Maitre de conférences en psychologie, spécialité psychologie sociale, Université de Nice

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Quand l’automédication devient une conduite dopante chez les travailleurs

Le travail de notre recherche s’appuie sur la compréhension du lien entre l'automédication et la conduite dopante. En effet, nous comprenons que le processus de choix en matière de thérapie de soin pour soigner ses maux et prendre soin de sa santé peut être transformé à des fins d’amélioration ou de conservation de la performance des individus dans le cadre du travail.

Notre recherche met l'accent sur les facteurs contextuels des conditions de travail, les facteurs individuels qui influencent la santé des individus au travail, la façon dont ils pratiquent l’automédication et comment tous ces éléments peuvent influer sur les comportements de consommation des individus au travail. Nous savons que le comportement de dopage est spécifié dans l'objectif à atteindre et l'obstacle auquel l'individu est confronté (Laure, 2000). En effet, nous pouvons noter d'une part qu'il existe plusieurs types de comportements de consommation et qu'ils ne sont pas tous addictifs. D'autre part, que l'automédication est une pratique de consommation commune et quotidienne qui se produit en fonction du contexte dans lequel les gens évoluent. En effet, il est observable dans de nombreux environnements, tels que : le sport, les études, le monde du travail. L'objectif de cette pratique peut varier, allant de la gestion de douleur au maintien du niveau de performance au travail (en réduisant le stress, la fatigue, etc.). Entre autres, la pratique d’automédication est mise en place pour gérer les problèmes de santé reconnus, identifiés et jugés bénins, en ayant recours de manière autonome à la consommation de produits.

Dans le cas des situations de travail, nous supposons que lorsque les individus doivent faire face à des obstacles au travail, en ce sens, lorsque les individus sont confrontés à une situation de travail qui bloque temporairement leur propre bien-être, l'automédication est alors déviée en conduite dopante qui leur permet de gérer l'obstacle en consommant des produits. Nous supposons aussi que la conduite dopante peut être un régulateur de la situation de travail et de l'environnement auquel l'individu est confronté. Pour vérifier nos suppositions, à travers cette recherche, nous avons essayé de répondre à cette question : comment l'automédication peut-elle être détournée à des fins de conduite dopante ? Pour étudier cela de plus près, nous avons construit une méthodologie basée sur deux outils. En premier lieu, 17 entretiens avec des travailleurs, pour identifier et évaluer les éléments et mécanismes issus des conditions de travail et des comportements de consommation pouvant expliquer le comportement de consommation au travail et de surcroît la conduite dopante. Nos résultats nous ont permis de voir que la phase d’autodiagnostic prenait une part importante dans le comportement de consommation des individus. Ces premiers résultats nous ont alors aidés à créer un questionnaire en ligne auquel 219 participants ont répondu. Pour ce deuxième outil, nous avons utilisé l'analyse en réseau, en ayant recours au logiciel JASP 10.02 pour nous aider à visualiser et à comprendre le lien entre l'automédication et la conduite dopante.

Les résultats de notre recherche indiquent en effet que des facteurs contextuels et individuels ont un impact sur l’état psychologique des individus au travail, les amenant à développer une consommation au travail. Nous avons aussi vu que la pratique d’automédication participe à la mise en place d’un comportement de consommation au travail.

Mots-clés : automédication, conduite dopante, performance, condition de travail, comportement de consommation, environnement, santé.

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When self-medication becomes a doping behaviour in workers

The work of our research is based on an understanding of the link between self-medication and doping behaviour. Indeed, we understand that the process of choice in terms of treatment to treat diseases and take care of one's health can be transformed in order to improve or preserve the performance of individuals in the workplace.

Our research focuses on the contextual factors of working conditions, the individual factors that influence the health of individuals at work, how they practice self-medication and how all of these factors can influence people's consumption behaviours at work. We know that doping behaviour is specified in the objective to be achieved and the obstacle faced by the individual (Laure, 2000). Indeed, we can note on one hand that there are several types of consumer behaviours and that they are not all addictive. On the other hand, that self-medication is a common and daily consumption practice that occurs according to the context in which people evolve. Indeed, it is observable in many environments, such as : sports, studies, the world of work. The goal of this practice can vary, ranging from pain management to maintaining performance levels at work, reducing stress, fatigue, etc. Among other things, the practice of self-medication is put in place to manage recognized, identified and considered benign health problems. By using the consumption of products independently.

In the case of work situations, we assumed that when people face barriers to work, in that sense, when individuals are faced with a work situation, which temporarily blocks their own well-being. Self-medication is then diverted into a doping behaviour, which allows them to manage the obstacle by consuming products. We also assumed that doping behaviour could be a regulator of the working situation and the environment facing the individual. To verify our assumptions, through this research, we have tried to answer this question: how can self-medication be diverted for doping purposes? To study this more closely, we built a methodology based on two tools. First, 17 interviews with workers, to identify and evaluate the elements and mechanisms derived from working conditions and consumption behaviours, which may explain the consumption behaviour at work and, moreover, the doping. Our results allowed us to see that the self-diagnosis phase play an important role in the consumption behaviour of individuals. These initial results helped us create an online questionnaire to which 219 participants responded. For this second tool, we used network analysis, using JASP 10.02 software to help us visualize and understand the link between self-medication and doping behaviour.

The results of our research indicate that contextual and individual factors have an impact on the psychological state of individuals at work, leading them to develop consumption at work. We have also seen that the practice of self-medication also contributes to the establishment of consumer behaviour at work.

Keywords : self-medication, doping behaviour, performance, working conditions, consumption behaviour, environment, health.

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Contrat de diffusion

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Remerciements

Je remercie en premier lieu Édith Galy et Bruno Dauvier, ma directrice et mon co-directeur de thèse, pour leur temps, leur soutien et encouragements avec les hauts et les bas qu’a connu ce doctorat. Merci à vous d’avoir pris le temps de m’écouter, de m’accompagner tout au long de ces trois années.

Je remercie tous ceux qui m’ont accordé de leur temps, tous ceux qui m’ont donné, tous ceux qui m’ont inspirée, tous ceux qui m’ont révélée à moi-même, tous ceux qui m’ont soutenue, tous ceux qui ont cru en moi, tous ceux qui ne m’ont pas abandonnée, tous ceux qui m’ont poussée à aller plus loin dans ma réflexion, tous ceux qui m’ont fait me remettre en question pour de bonnes raisons, merci à vous tous où que vous soyez.

Je remercie mes amis, pour leur bienveillance, leur temps, leurs encouragements, leur joie de vivre, leur motivation, leur soutien, leur présence, avec vous j’ai vécu beaucoup de choses, parfois plus qu’inattendues ! Un grand merci, Maria pour m’avoir soutenue dans la relecture, la mise en page, de m’avoir encadrée comme une pro jusqu’au bout ! Merci à Max et Popo d’avoir été présents jusqu’au bout ! Merci à ma « audréééé » ma petite Lorraine de Marseille, d’être là depuis le début, tu as été témoin depuis le premier jour de tout ce que j’ai vécu pendant cette thèse, mon soutien, ma coach, mon modèle spirituel et j’en passe ! En somme, tout ce qui m’a permis d’avancer contre vents et marées ! Merci à vous mes « potos ». Je remercie mon « potomitan », sans qui je ne serais pas là, finalement, tu vois, je vais finir par « quitter l’école », c’est grâce à toi que je suis là aujourd’hui, alors je te dois tout. Merci de tes mots, de ta foi en moi, de ton soutien, de ta présence, bref, tu es témoin des événements de ma vie, depuis que j’ai ouvert les yeux sur Terre, toi, une guerrière acharnée qui n’a cessé que de vouloir notre bonheur, réussite et bien être. Alors aujourd’hui, si je réussis à finir mes études, c’est grâce à toi et pour toi pour que tu sois fière de moi, car tout cela, c’est toi qui es en est la créatrice, sois fière ! Je remercie la « Familia » # O.R.A.J, sans vous, je n’aurais jamais trouvé la quiétude nécessaire pour faire tout ça, les seuls à me faire oublier tous les soucis et m’apprennent à vivre la vie comme il se doit ! Un gros merci à toi ma poule, d’avoir été ma mini-experte scientifique ! Hommage à ceux qui sont partis pendant ces années et dont je sais que le soutien existe encore, même si nous essuyons encore nos larmes, on tient toujours debout grâce à vous. Un grand merci aussi à Mme Samuel, dont les récits passionnants m’ont inspiré pour produire cette thèse.

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Sommaire

INTRODUCTION

-PREMIÈRE PARTIE -CADRE THEORIQUE

CHAPITRE PREMIER : MUTATION CONTEMPORAINE DU TRAVAIL

I. ORGANISATION STRUCTURELLE DU TRAVAIL II. LA PERFORMANCE AU TRAVAIL

CHAPITRE II :COMPRENDRE L’AUTOMEDICATION

I. QU’EST-CE QUE L’AUTOMEDICATION ? II. LA PRATIQUE D’AUTOMEDICATION

CHAPITRE III : DOPAGE SPORTIF

I. CONTEXTE HISTORIQUE II. LA PRATIQUE DU DOPAGE

CHAPITRE IV : LA CONDUITE DOPANTE

I. QU’EST-CE QUE LA CONDUITE DOPANTE ? II. LES DETERMINANTS DE LA CONDUITE DOPANTE

CHAPITRE V : CONDUITE DOPANTE ET COGNITION SOCIALE

I. QU’EST-CE QUE LA COGNITION SOCIALE ?

CONCLUSION

CHAPITRE VI : PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

I. PROBLEMATIQUE II. HYPOTHESES GENERALES

-DEUXIÈME PARTIE-MÉTHODOLOGIE

CHAPITRE PREMIER :EXPERIMENTATION 1 — COMPRENDRE LES LIENS ENTRE LES CONDITIONS DE TRAVAIL ET LES COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION AU TRAVAIL

I. PROCESSUS DE MIS EN PLACE DES ENTRETIENS II. HYPOTHESES OPERATIONNELLES

III. RESULTATS EXPERIMENTATION 1 IV. DISCUSSION EXPERIMENTATION 1

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CHAPITRE II :EXPERIMENTATION 2 — ANALYSE DU PROCESSUS ET DES DETERMINANTS DES COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION AU TRAVAIL

I. PROCESSUS DE CREATION ET DE MISE EN PLACE DU QUESTIONNAIRE II. RESULTATS EXPERIMENTATION 2

III. DISCUSSION EXPERIMENTATION 2

CONCLUSION

CHAPITRE III :CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES

I. RAPPEL DE LA PROBLEMATIQUE

II. PARTICULARISME DE NOTRE DEMARCHE DE RECHERCHE III. LIMITES ET PERSPECTIVES DE NOS TRAVAUX

BIBLIOGRAPHIE TABLE DES MATIERES TABLE DES ILLUSTRATIONS ANNEXES

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Introduction

L’automédication est une pratique courante qui concerne près de 80 % des Français (Ipsos, 2017). Elle dépend des motivations et des objectifs de l’individu, puisque c’est lui qui va mettre du sens dans le fait d’y avoir recours à certains moments de sa vie. Cette pratique ne se limite pas seulement aux médicaments en vente libre en pharmacie, elle peut aussi dépendre de conseils, d’informations, de rites, de reliquats, etc. Nous pouvons alors nous interroger sur la toxicité entraînée par l’usage de produits sans avis d’experts médicaux, mais aussi sur le prix d’accès à certains produits, la prise en charge de certains maux ou troubles. L’automédication est un comportement qui se définit par un ensemble de manifestations voire d’actions propres à un individu. En effet, pour pouvoir continuer à être en bonne santé ou apprécier une activité, ce dernier va mettre en place un comportement de consommation pour gérer des symptômes qu’il va reconnaître, juger bénins et comme ne nécessitant pas le diagnostic d’un expert médical. Il va alors consommer un ou des produits, pour gérer des douleurs qui peuvent entraver une performance, par exemple. Cette dernière peut être d’ordre physique (sport), intellectuelle, etc. De plus, l’automédication sous-entend également le terme autonomie, qui vient remettre en question la responsabilité de l’individu quant aux soins qu’il souhaite se prodiguer, que ces derniers soient licites ou illicites.

L’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA) représente les industriels qui produisent et commercialisent des produits de santé disponibles en pharmacie sans ordonnance. Selon elle, l’automédication : « Consiste, pour les individus, à soigner leurs maladies grâce à des médicaments autorisés, accessibles sans ordonnance, sûrs et efficaces dans les conditions d’utilisation indiquées (O.M.S., 2000), avec le conseil du pharmacien ». Cependant, cette définition se limite au recours à des médicaments d’automédication et ne prend pas en compte, dans sa globalité, la conception de se soigner seul par ses propres moyens. En effet, il faut se poser la question de la pratique d’automédication au quotidien. Comprendre son recours, observer la population qui la pratique (femmes, hommes, étudiants, sportifs, travailleurs, etc.), à quel moment elle va être privilégiée (au travail ? en période de stress ?), pourquoi elle va être mise en place (pour gagner du temps ? éviter les médecins ?) De ce fait, pour pouvoir comprendre cette pratique, il est nécessaire de prendre en compte ses enjeux et ses limites. Bien qu’observable dans de nombreux milieux, dont le monde professionnel, la pratique d’automédication peut être détournée et avoir des résultats bien éloignés de ses objectifs princeps de soin.

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Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéressons au comportement de consommation des travailleurs, que ce soit pour se soigner ou bien en lien avec le travail. Nous nous intéressons aussi aux déterminants et conditions qui vont favoriser le comportement de consommation des travailleurs. Cet usage de produits à des fins de performance au travail transforme dans ce cadre l’automédication en conduite dopante, qui deviendra une réponse aux circonstances auxquelles l’individu est confronté. Elle aura alors un but, un sens et un intérêt pour l’individu.

Le lien entre automédication et conduite dopante n’est pas inconnu du monde du sport, notamment à travers la notion de dopage. En revanche, l’approche psychologique et ergonomique, qui tend à comprendre et identifier les mécanismes sous-jacents au lien automédication et conduite dopante dans le cadre du travail, reste relativement nouvelle. Pour comprendre cela, nous nous sommes intéressés à une littérature scientifique pluridisciplinaire. Dans l’ensemble, cette dernière nous dit que l’automédication est une pratique assez privilégiée par l’ensemble de la population française (Lecomte, 1998 ; Raynaud, 2008 ; Haxaire, 2002 ; Ipsos, 2017 ; Afipa, 2017), que son usage dépendra de l’environnement dans lequel se trouve l’individu, mais aussi du sens qu’il lui donne (Hautefeuille, 2008 ; Fainzang, 2001, Queval, 2012 ; Markus & Kitayama, 1991). De plus, sa présence dans le milieu de travail, pour répondre aux besoins des individus (physiques et psychologiques) peuvent la transformer en conduite dopante (Hélardot, 2009 ; Laure, 2000 ; Johnson, 2012 ; Loose & Siadou-Martin, 2015).

C’est à partir des notions issues de la littérature que nous nous sommes positionnés sur l’idée que si les personnes bénéficient d’une certaine autonomie dans leur façon de soigner leurs maux, elles pourraient avec la même autonomie gérer un obstacle au travail pour améliorer ou conserver leur propre performance. Toutefois, l’idée s’avère beaucoup plus complexe que cela. En effet, pour comprendre le lien entre automédication et conduite dopante, il faut aussi s’intéresser au type de consommation et à l’usage de produits par l’individu. S’ajoutent à cela les motivations liées à l’environnement de travail, puisque nous nous intéressons à une population active. Pour poursuivre notre réflexion, nous nous sommes aussi intéressés à la perception des individus quant à leur propre comportement de consommation, mais aussi à l’environnement de travail dans lequel ils évoluent.

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L’objectif de cette thèse est avant tout de fournir des éléments qui permettent de mieux comprendre le lien entre l’automédication et la conduite dopante, notamment en identifiant grâce à des outils méthodologiques les processus qui conduisent l’individu à modifier son comportement de consommation, en passant d’une pratique d’automédication à des fins de soins à une conduite dopante permettant de gérer le travail et ses aléas.

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- PREMIÈRE PARTIE -

CADRE THEORIQUE

« Le délire c’est la théorie d’un seul, tandis que la théorie est le délire de plusieurs. »

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Chapitre premier : Mutation

contemporaine du travail

I.

Organisation structurelle du travail

A. Les conditions de travail contemporaines

Comprendre les comportements de consommation liés au travail suppose de s’interroger sur la situation organisationnelle du travail, sur l’omniprésence de la notion de performances et plus largement, sur les déterminants qui poussent l’individu à consommer un ou des produits. Méda (2001) nous explique ainsi la place du travail dans notre quotidien :

« Nous vivons donc aujourd’hui avec un concept du travail qui est un “monstre”, le produit de la juxtaposition et de l’assemblage non repensé de ces trois dimensions du travail : le travail comme facteur de production, comme essence de l’homme et comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. » (Méda, 2001, p.28.)

Selon l’auteure, le travail est porteur de production, sa valeur vient en premier lieu du fait qu’il soit générateur de ressources. Ce n’est pas ce qu’il contient qui importe, mais son efficacité qui est prônée. Le but est de produire plus avec moins de travail (efficience), ce qui selon Méda (2001) est en contradiction avec l’idée de travail-œuvre pour l’homme.

Depuis l’ère industrielle, les conditions de travail ont continuellement changé, aboutissant à une transformation majeure du travail et à une crise de l’emploi. Les travaux de Lazarsfeld, Jahoda & Zeisel (1982) sur les chômeurs de Marienthal illustrent bien la notion de travail comme une sphère importante pour l’évolution de l’individu au quotidien, en matière d’interaction, d’activité ou encore d’identité. En effet, les auteurs ont révélé cinq fonctions du travail :

- Structure temporellement la vie ; - Définit l’identité sociale ;

- Crée des contacts sociaux ; - Donne des buts ;

- Force à l’action.

Ainsi, il serait très réducteur de penser le travail seulement comme une source de revenus. Il participe à l’identité psychique de l’individu, en lui permettant de se définir au sein même de la

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société. Aborder le travail et ses conditions suppose de penser aussi l’humain dans son activité, en ce sens son épanouissement et la préservation de son capital santé au travail. En effet, il faut être attentif à l’individu qui travaille en prenant en compte son équilibre psychologique et physique, comme le souligne l’O.M.S. : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (Constitution de l’O.M.S., 2006). D’ailleurs, l’efficience des organisations en dépend grandement, il est donc important pour ces dernières de s’intéresser à la santé au travail, afin d’apprendre à détecter les maux, les analyser, les anticiper, et ainsi limiter l’impact sur la performance tant du travailleur que de l’organisation.

B. Santé au travail

Depuis un peu plus de 20 ans en France, les conditions de travail ont beaucoup changé, ayant parfois des conséquences néfastes sur le bien-être de l’individu au travail (par exemple : troubles musculosquelettiques, stress, intoxications aux produits chimiques, etc.). Ces dégradations ont eu un certain retentissement au sein des entreprises, formant des obstacles qui empêchent leur bon fonctionnement et développement. Dans ce cadre, la performance au travail et la santé sont liées et doivent représenter un objectif commun :

« Santé des travailleurs et performance de l’organisation peuvent tenir ensemble, pour ne pas dire “doivent” tenir ensemble : par exemple, la préservation et/ou le développement des marges de manœuvre des différents acteurs sont, certes, favorables à leur épanouissement professionnel, mais ils déterminent également la capacité de l’organisation à faire face aux variabilités de la production et aux changements quotidiens » (Coutarel & petit, 2009, p.140).

De ce fait, il n’est donc pas judicieux pour une entreprise de fixer ses objectifs que sur la rentabilité, elle doit prendre en compte l’humain et surtout penser qu’un travailleur en bonne santé va de pair avec la performance de l’entreprise.

Le monde du travail que nous connaissons aujourd’hui se caractérise par des dynamiques multiples. Que cela soit à travers les méthodes de production, les techniques de travail, ou encore la rentabilité, le management, etc. Cette mutation contemporaine entraîne depuis un peu plus d’une vingtaine d’années une « précarisation et une flexibilisation de l’emploi et des temps de travail » (Hélardot, 2009, p.21). L’auteur ajoute que cela serait dû à la « normalisation des emplois précaires, le développement du travail à temps partiel, et la banalisation des temps de travail flexibles et irréguliers » (Hélardot, 2009, p.21). Cela s’observe d’autant plus que, depuis le début des années 80, les différentes innovations

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instaurées autour des organisations du travail ont vu apparaître différents types de maux, notamment les pénibilités liées aux efforts physiques, mais aussi en matière de charge mentale, de contraintes de temps (travail dans l’urgence), etc. De plus, la particularité des entreprises à s’appuyer de plus en plus sur l’engagement personnel du salarié à travers la motivation individuelle réduit la frontière entre vie privée et professionnelle. Cette précarisation entraîne, selon Hélardot (2009), de nouveaux enjeux, notamment en matière de santé au travail car elle se caractérise par un cumul des contraintes (personnelles, relationnelles, marchandes, etc.) associées à une intensification des rythmes de travail, qui conduisent à une sollicitation importante des ressources psychologiques et physiques des salariés, avec pour conséquence à long terme l’apparition de troubles musculosquelettiques ou de troubles d’ordre psychosocial.

Un rapport de la DARES, datant de juillet 2014 et analysant les conditions de travail des Français, indique qu’il y a une intensification du travail chez les salariés depuis quelques années. L’enquête indique qu’en 1984, le rythme de travail contraint chez les salariés était de 6 %, alors qu’en 2013, il s’élevait à 35 %. Ces conditions de travail génèrent du mal-être et de la souffrance (ex. : injonctions contradictoires, interruptions fréquentes dans l’activité de travail du salarié, manque d’information et de communication, etc.), et entraînent peu à peu de l’insatisfaction au travail, avec son lot de conséquences sur le bien-être de l’individu : « l’estime de soi, l’identité au travail et l’épanouissement personnel [...] » (Hélardot, 2009, p.24.) Ainsi, un sentiment d’isolement et de culpabilité apparaît. Naît alors la nécessité de tenir bon au travail pour le salarié. Ainsi, selon Hélardot (2009), plusieurs ressources s’offrent à lui :

- Le soutien social : entraide mutuelle des salariés, de la famille. Le risque est de rapporter les soucis du travail à la maison.

- Le médecin du travail : il peut avoir un rôle de conseiller, d’aide et de prévention ou encore apporter des solutions.

- Faire un travail sur soi : peut entraîner une usure de la personnalité.

- La consommation médicamenteuse : « les salariés ont recours, soit pour rétablir un état psychocorporel défaillant, soit pour atténuer les répercussions pénibles du travail sur la santé physique et le bien-être moral. » (Hélardot, 2009, p.27).

Cette dernière ressource, mentionnée par l’auteur, nous indique comment des conditions de travail peuvent changer le comportement de consommation de l’individu. En effet, face aux impacts physiques et/ou psychologiques que peut engendrer un cadre de travail difficile,

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l’individu peut décider de consommer un produit pour soigner des symptômes qu’il juge bénins ou parce qu’il les a reconnus et pense donc savoir comment les soigner. En revanche, face à un obstacle au sein même de son activité de travail, le comportement de consommation de l’individu peut changer de nouveau. Les objectifs de consommation changent aussi et peuvent aider au maintien de la performance au travail, ou encore réduire les conséquences délétères du travail sur la santé. C’est dans ce cadre que nous observons que l’individu ne s’épanouit plus, il subit alors le travail.

En novembre 2014, la division de la médecine du travail de la SUVA (assurance Suisse) a publié une étude sur la consommation de neurostimulants au travail. 10 171 personnes actives ou en formation âgées de 15 à 74 ans et domiciliées en Suisse ont participé à cette étude. Les participants ont répondu à un questionnaire mis en ligne. Les résultats indiquent que la consommation d’antidépresseurs concerne de manière plus importante les 35 à 45 ans soit 31 % des sondés. En revanche, la prise de tranquillisants et de somnifères est plus élevée dans la classe d’âge des 45 ans et plus. S’ajoute à cela que les personnes qui ont le plus recours à ce type de médicaments les utilisent à des fins de réduction du stress au travail (tenir le rythme du travail, gérer la pression des délais, des instructions floues, concurrence féroce, etc.), ainsi les résultats de l’étude nous montrent que face à un mal-être lié aux conditions de travail, les ressources peuvent être multiples « pour tenir bon ». Derrière ce terme se cache alors une multitude de motivations, par exemple conserver son salaire, maintenir un niveau de vie décent. Ainsi, l’individu pour tenir bon s’enfonce dans une précarité psychologique dont il pallie les effets en ayant recours à différentes ressources qui lui sont accessibles.

C. Implication au travail

Nous constatons aujourd’hui que la durabilité d’une entreprise passe par sa « flexibilité, la qualité, l’innovation et finalement l’exploit sans cesse renouvelé » (Laure, 2000, p.33). C’est ce qui se nomme l’implication organisationnelle. Laure (2000) explique : « […] en amenant l’individu à coupler les objectifs de l’organisation à ses propres objectifs (adhésion), celui-ci s’engage moralement (attachement) à canaliser son énergie (efforts) pour son développement personnel et celui de l’organisation » (Laure, 2000, p.36). Dès lors, elle dépend non seulement de l’implication des salariés, mais aussi du partage des buts de l’organisation. Elle peut être définie comme : « […] l’investissement physique et intellectuel total de l’agent durant la plus grande partie possible du temps de travail rémunéré dans l’exécution de sa fonction » (Maugieri, 2013, p.19).

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L’implication organisationnelle se compose de trois dimensions : ➔ L’adhésion aux buts et aux valeurs de l’organisation ;

➔ Le désir de rester dans l’organisation ;

➔ La volonté de fournir des efforts importants pour l’organisation. Elle est garantie par trois systèmes (Maugieri, 2013) :

- La surveillance et le contrôle strict : c’est un système répressif où la motivation est régie par la peur et les sanctions.

- Le système de rémunération : ici, le système s’appuie sur les avantages pécuniaires, les bénéfices obtenus, mais aussi sur les autres éléments qui conditionnent l’environnement de travail, par exemple le collectif, le bien-être, etc. - L’appropriation des objectifs de l’entreprise : c’est l’indication de buts clairs, précis, qui incitent l’individu à partager les valeurs de l’entreprise, tout en donnant le meilleur de lui-même. Le but est d’obtenir la reconnaissance de ses pairs et de faire de lui un élément important dans la réussite collective.

Ainsi, Allen et Meyer (1990) distinguent trois niveaux d’implication : - Affectif : les individus adhèrent aux buts de leur organisation.

- Raisonné/calculé : les individus basent leurs relations avec l’entreprise sur ce qu’ils perçoivent en retour de leurs efforts et le coût que cela peut avoir s’ils décident de quitter l’organisation.

- Normatif/moral : se présente quand les individus entrent en cohésion avec les attentes comportementales et normées de leur entreprise.

Le premier niveau (affectif) implique émotionnellement l’individu, il va se sentir responsable de la prodigalité ou pas de l’entreprise. Ce sont des individus qui vont montrer un haut niveau de performance, ayant une attitude positive au travail et qui désirent rester au sein de l’entreprise. Le second niveau (raisonné) correspond à un gage donnant/donnant. En effet, les individus ajustent leur intérêt en fonction des bénéfices perçus par l’entreprise par rapport à leurs efforts. La récompense doit être à la hauteur de leurs attentes. Enfin, le troisième niveau (normatif) correspond à des individus obéissants, centrés sur les règles et les formalités, faisant preuve de grande prudence. Leur comportement est similaire à ceux du premier niveau.

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Toutefois, beaucoup d’auteurs n’adhèrent pas à cette théorie des trois niveaux.

Klein et collaborateurs (2012) expliquent, par exemple, que beaucoup de définitions ont été données sur l’implication mais qu’il n’y a pas d’accord commun sur le sens même d’implication organisationnelle, sa structure ou encore la façon dont cette dernière est mesurée. Ils vont plus loin en demandant si l’implication est un état psychologique, une attitude ou un comportement. Ce manque de clarté dans la définition même de l’implication organisationnelle a, selon eux, mené à une mauvaise interprétation de celle-ci. Maugieri (2013) ajoute que très souvent, dans les ouvrages français, les termes motivation, satisfaction et implication sont utilisés indifféremment. Il explique en premier lieu que la motivation est une force, utilisée dans un but précis. Elle se distingue en trois dimensions : l’attitude, l’intention et le comportement. Selon l’auteur, lorsque nous parlons de motivation au travail, il faut adjoindre le principe de volonté de l’individu à se mobiliser pour produire cette énergie/force. Cela est alors visible par le biais de l’effort physique ou intellectuel qui se traduit par la performance, qui peut ensuite être évaluée. De ce fait, elle s’observe à travers l’activité de travail et par des indicateurs tels que : - Le turn-over - L’absentéisme - La prise de drogues - Un comportement de retrait - L’alcoolisme - Le départ de l’entreprise.

En ce qui concerne la satisfaction, il s’agit plus d’une manifestation affective :

« La satisfaction résulte de l’adéquation entre les perceptions que la personne a des différents aspects de son emploi et les perceptions qu’elle a quant à ce que devraient être les différentes facettes de son travail. La satisfaction (elle) dépend du niveau de divergence entre ce que la personne désire et ce qu’elle en retire » (Prat dit Hauet, 2006, p.128).

Enfin, Maugieri (2013) ajoute aussi que les éléments du travail qui peuvent freiner la motivation et la satisfaction des salariés sont les besoins éprouvés, c’est-à-dire matériels, physiques ou psychologiques.

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II. La performance au travail

Selon les propos du psychiatre et addictologue M. Hautefeuille (2008), il semblerait qu’à l’heure actuelle dans notre société nous nous devons d’être le meilleur en tout, que cela soit dans la vie familiale, en société, au travail, etc. C’est selon lui le culte du surhumanisme, en ce sens que tout ce qui est demandé à l’Homme actuellement majore le culte de la compétition et de la performance. Il doit de plus en plus aller au-delà de ses capacités humaines et répondre à des démarches qui ne lui sont pas naturelles. Pour illustrer ses propos, il prend le cas du dopage des cadres qui passe souvent d’une banale automédication à une véritable addiction. Queval (2012) démontre, quant à elle, qu’il existe au sein même de notre société un culte de la perfection et de la performance. Cette recherche constante de la perfection devient une obsession, une sorte de nouvelle addiction. C’est l’incitation à cultiver une santé et à la garder qui fait partie prenante du quotidien des individus, une sorte d’hygiène bien conçue. De ce fait, la santé est comme une valeur et un symbole social du corps ; cette dernière viendrait marquer la différence entre les individus et leur capacité à maintenir leur compétitivité et leur performance. L’organisation pousse les individus à avoir une performance au-delà de ce qu’ils ont pour habitude de produire au quotidien ou de ce qu’ils seraient capables de produire.

A. Stress et anxiété organisationnelle

L’anxiété est une émotion négative caractérisée par des manifestations somatiques telles que de la fatigue, des palpitations, de la crainte, une surestimation du danger. Elle peut aboutir de façon plus grave à une crise de panique (Colasanti & Nutt, 2014). Elle mobilise les ressources cognitives de la personne, ce qui entraîne une mauvaise perception des situations et conduit à adopter des comportements inappropriés. Par exemple, dans le cadre de l’implication au travail, les auteurs Pasquier & Valéau (2011) nous disent qu’elle est très souvent perçue comme positive car l’individu a un comportement qui correspond aux attentes de l’organisation. Cependant, cela n’est pas toujours le cas. Laure (2000) la compare même au mythe de Sisyphe. Les auteurs expliquent que si l’implication affective et normative aboutit à un certain bien-être au travail, des émotions négatives peuvent à l’inverse amener à un comportement de repli sur soi et glisser vers une implication calculée/raisonnée pouvant créer de l’anxiété.

Les manifestations cliniques de l’anxiété touchent, en général, les systèmes cardio-respiratoires, les muscles, l’appareil digestif, urinaire et neurosensoriel. Les symptômes sont divers ainsi que leurs fréquence et intensité. Colasanti & Nutt (2014) expliquent qu’il s’agit d’un « état motivationnel qui favorise l’adaptation, mais qui, quand elle est excessive, est source de détresse pour l’organisme dont elle détériore les performances. » (Colasanti & Nutt,

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2014, p.29.) Pour illustrer, les auteurs proposent de l’imaginer comme un continuum (cf. figure 1). À l’une des extrémités se trouve l’anxiété légère, qui peut aider l’amélioration de la productivité et la motivation, à l’extrême opposé se trouve l’anxiété intense régie par : « fight or flight [qui] favorise la survie en réponse au danger » (Colasanti & Nutt, 2014, p.69). De plus, en apparaissant à des moments et à des endroits inhabituels, l’anxiété peut devenir pathologique.

Cette anxiété peut persister chez l’individu et être handicapante au quotidien, tout comme le stress, qui lui est plus d’ordre physiologique et se définit dans la difficulté de l’organisme à affronter une situation devant laquelle il n’arrive pas à se défendre suffisamment selon Wiart (2005). D’ailleurs, l’auteur fait mention des différents facteurs susceptibles d’engendrer du stress : la nouveauté, son imprévisibilité, son imminence, sa durée et son ambiguïté. Toutefois, elle insiste sur le fait que ces facteurs s’avèrent être finalement la réponse à des caractéristiques internes de l’individu. Ainsi, dans le cas de la nouveauté, il est rare selon elle que dans la vie de tous les jours nous soyons confrontés à des situations totalement inconnues, puisque le monde qui nous entoure, nos proches, notre culture et d’autres caractéristiques encore, sont autant de clés qui permettent généralement d’affronter et d’interpréter les situations inattendues. Elle traduit alors cette problématique face à la nouveauté comme un manque de confiance en soi de l’individu, qui n’arrive pas à mobiliser les connaissances et capacités nécessaires pour contrer la situation. L’auteur considère alors cet état psychologique par lequel passe l’individu comme « une image de soi faite d’impuissance » (Wiart, 2005, p.408). Pour que la réponse à la situation soit pertinente, il faut qu’elle ait été évaluée correctement, en considérant le danger réel qu’elle peut représenter. Or, pour pouvoir identifier la situation comme un potentiel danger, il faut que les événements adéquats aient été considérés. Ainsi, plus les situations difficiles sont promptes, moins l’individu a de temps pour prioriser ses choix et se protéger des quelconques effets que cela pourrait avoir sur lui. À l’inverse, plus l’événement prend du temps à venir, plus le ressenti du stress est important. Tout cela dépend également de la prédisposition de la personne au stress, puisque c’est ce qui va influencer en partie sa perception de la situation, mais également la durée de la situation. Il faut aussi noter que le stress se déroule en deux temps. En premier lieu, la phase d’alarme face à l’objet stressant (Wiart, 2005) qui a des effets biologiques et psychiques. Lecoeur (2011) explique :

« La réaction d’alarme fait suite à une attaque subite de l’environnement sur l’organisme qui réagit alors de manière violente (augmentation de la tension artérielle, du

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14 rythme cardiaque, sudation, cortège de réactions musculaires liées à la fuite ou à la contre-attaque). Cette réponse est due à la décharge d’adrénaline par la médullosurrénale et elle pourrait être mortifère. » (Lecoeur, 2011, p.53.)

Ainsi, en phase d’alarme, nous observons une cascade de modifications biologiques, notamment sur le plan neurochimique et physiologique, avec le rythme cardiaque qui s’accélère, les muscles tendus. Il y a aussi une réaction comportementale, l’individu pourra soit fuir la situation, en ce sens la confronter ou ne pouvoir rien faire et être complètement pétrifié. Enfin, nous ne pouvons ignorer les effets psychologiques de cette phase d’alarme du stress. En effet, l’individu pourra se trouver dans un état émotionnel assez difficile, en ressentant par exemple de la peur ou du désespoir.

Le deuxième temps est caractérisé par une phase de résistance qui permet l’adaptation de l’individu. Lecoeur (2011) nous dit : « L’organisme peut ensuite s’adapter si les attaques sont régulières et ainsi développer des stratégies de survie pour ramener le corps à l’équilibre (homéostasie). » (Lecoeur, 2011, p.53.) Si l’adaptation échoue, le niveau de stress reste élevé trop longtemps et peut aboutir à l’épuisement de l’organisme. Néanmoins, cela ne se révèle pas toujours vrai. En effet, il arrive que l’habituation s’installe face à un stress qui dure en raison d’une situation fixe. L’auteur parle alors de stress chronique, soit une condition où l’individu n’a finalement plus vraiment le choix.

En ce qui concerne le monde professionnel, l’accord national interprofessionnel du stress au travail du 2 juillet 2008 définit le stress organisationnel comme suit :

« Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme, mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses » (l’accord national interprofessionnel du stress au travail du 2 juillet 2008, p.118).

L’accord met aussi en lumière différents indicateurs qui peuvent montrer la présence de stress organisationnel comme :

« par exemple, un niveau élevé d’absentéisme, notamment de courte durée, ou de rotation du personnel en particulier fondée sur des démissions, des conflits personnels ou des plaintes fréquentes de la part des travailleurs, un taux de fréquence des accidents du travail élevé, des passages à l’acte violent, contre soi-même ou contre d’autres, même peu nombreux,

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15 une augmentation significative des visites spontanées au service médical sont quelques-uns des signes pouvant relever la présence du stress au travail » (l’accord national interprofessionnel du stress au travail du 2 juillet 2008, p. 118).

Ainsi, nous comprenons que le stress organisationnel provient de deux éléments : 1) la perception par l’individu de la situation de travail imposé par l’organisation, qui peut présenter une demande et des contraintes excessives ; 2) la perception des moyens que l’organisation fournit à l’individu pour pouvoir répondre à cette demande et ces contraintes. Si la différence entre les demandes et les moyens est trop élevée, l’organisation génère alors une situation de stress organisationnel (Laure, 2000). S’agissant de perception, une même situation de travail ne sera donc pas vécue de la même façon par deux individus, ainsi une situation peut être caractérisée par des facteurs organisationnels stressants, mais le stress généré véritablement dépend de facteurs individuels. L’accord national interprofessionnel du stress au travail du 2 juillet 2008 souligne aussi que pour identifier les problèmes liés au stress au travail, il faut analyser les facteurs suivants :

- L’organisation et les processus de travail - Les conditions et l’environnement de travail - La communication

- Les facteurs subjectifs.

Ces éléments fourniront des informations sur les conditions dans lesquelles les individus travaillent, ainsi que les moyens mis à leur disposition pour pouvoir répondre à la demande de l’organisation. Ainsi, pour illustrer ces propos, nous reprenons les arguments de Légeron (2008) qui détaille quelques facteurs de stress au travail :

1) La charge de travail : il s’agit de la quantité importante de travail, des exigences à respecter, temps restreints, délais courts, etc. S’ajoute à cela la quantité d’information que l’individu doit traiter (demande cognitive), les objectifs, le suivi de la performance, le zapping, soit l’interruption entre chaque tâche : mails, téléphone, appels, etc.

2) Les changements : l’adaptation constante des travailleurs, que ce soit aux conditions de travail elles-mêmes avec l’apport de nouvelles technologies, les changements économiques (ex. : fusion d’entreprises), du rythme, de l’environnement (ex. : changement de locaux), la précarisation de l’emploi, l’inconnu, l’incertitude.

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3) Les frustrations : les attentes des individus ne sont parfois pas en phase avec les résultats obtenus, il y a alors déception. Cela s’observe aussi au cours de travaux exigeants, qui n’aboutissent pas en raison d’une décision stratégique.

4) Les relations : que cela soit avec l’extérieur (clients, consommateur, etc.) ou en interne (collègues, hiérarchie, etc.).

D’autres données (cf. Tableau 1 et 2), issues de l’Observatoire de la santé psychologique au travail, nous permettent de mieux comprendre les points soulignés par Légeron (2008). En effet dans son étude nommée STIMULUS (2017), l’observatoire s’appuie sur l’analyse de réponses de 30 000 salariés, évalués de la mi-janvier 2013 à la mi-juin 2017, issus d’environnements professionnels variés. Les résultats indiquent que près de 24 % des salariés sont en état d’hyperstress, c’est-à-dire que les individus ont un niveau de stress à risque élevé pour leur santé (cf. tableau1). De plus, les résultats indiquent aussi qu’il existe des différences en fonction du genre, ce sont les femmes qui ont les niveaux d’hyperstress et d’anxiété (cf. Tableau 2) les plus élevés.

Tableau 1 Récapitulatif du pourcentage d'hyperstress en fonction du secteur d'activité (Étude STIMULU, 2017)

Pourcentage d’hyperstress selon le secteur d’activité

Santé humaine et action sociale 42 %

Arts, spectacle et activités récréatives 31 %

Services 29 %

Activités financières et assurance 28 %

Transports et entreposage 20 %

Commerce 21 %

Production, distribution, assainissement, gestion déchets et dépollution 21 %

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17 Tableau 2 Hyperstress et manifestation anxieuse selon le genre

(Étude STIMULUS, 2017)

Hyperstress selon le genre

Genre Hyperstress Peu de stress

Femme 28 % 46 %

Homme 20 % 55 %

Manifestation anxieuse selon le genre

Genre Niveau élevé d’anxiété Pathologie anxieuse

Femme 57 % 18 %

Homme 47 % 14 %

Ainsi, les résultats nous indiquent que certains secteurs ont plus de stress que d’autres, comme le montre le tableau 1, avec le secteur de la santé humaine et l’action sociale qui indique que 42 % des participants à l’enquête et qui travaillent dans ce secteur sont dans un état d’hyperstress. Enfin, ce sont les femmes qui manifestent le plus de stress avec 28 % des résultats contre 20 % pour les hommes. Elles sont aussi les plus anxieuses à 57 % contre 47 % des hommes.

B. Performance et implication au travail

Laure (2000) a mené entre 1993 et 1998 une étude longitudinale auprès de 21 cadres. L’objectif était de comprendre les relations entre l’implication et le stress professionnel. Lors de la première année de cette étude, les cadres devaient répondre à un questionnaire sur l’implication. Les résultats indiquaient que 17 participants avaient un niveau d’implication élevé, cela s’expliquant notamment par le passage récent au statut de cadre. En 1998, Laure et son équipe mettent en place des entretiens ouverts avec ces mêmes cadres sur l’implication, la performance et le stress organisationnel. Les résultats ont montré que neuf participants manifestaient un processus implication-stress organisationnel. Parmi eux, deux participants avaient entre-temps divorcé, trois manifestaient des difficultés pour gérer à la fois leur vie familiale et leur travail, mais dans l’ensemble tous exprimaient une forte identification à leur entreprise. L’engagement était en revanche moins important et l’effort beaucoup plus calculé, en ce sens que les travailleurs basaient la relation avec leur entreprise sur le coût perçu de leurs efforts (Allen & Meyer, 1990). Les huit autres participants trouvaient un équilibre en s’investissant dans un autre domaine.

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18

L’éventuel déséquilibre entre les valeurs de l’individu et celles de l’organisation peut modifier le comportement de consommation de l’individu. Cela dépendant alors de l’interprétation qu’il fait des conséquences perceptibles (physiquement, psychologiquement et dans sa vie quotidienne) notamment dans le cadre de conditions de travail stressantes. Cela favorise, à terme, un sentiment de défaillance dans sa gestion de la situation. Cela s’apparente, selon Laure (2002), à une peur de l’échec.

Synthèse

À travers ce chapitre, nous avons constaté l’évolution contemporaine du monde du travail en observant de plus près la structure des organisations, et compris comment les conditions de travail ont évolué, au point de devenir parfois délétères. Des effets peuvent alors apparaître sur la santé de l’individu. Nous avons aussi observé que l’implication au travail de l’individu est déterminée par les conditions de travail dans lesquelles il effectue son activité. Plusieurs éléments permettent de jauger le niveau auquel l’individu se situe, mais permettent aussi de comprendre les objectifs qui le motivent.

En résumé, nous pouvons dire que certaines caractéristiques du travail changent la perception de l’individu et que cela peut influencer son comportement de consommation. Ainsi, le stress ou l’anxiété, par exemple, ont des manifestations corporelles que l’individu peut vouloir gérer que ce soit en demandant de l’aide ou en ayant recours à la consommation de produits (Hélardot, 2009 ; Enquête SUVA, 2014 ; Enquête STIMULUS, 2017).

Ce type de comportement de consommation peut être à l’initiative de l’individu. Cela peut se déclencher, dans le cadre du travail, lorsque l’individu rencontre une difficulté ou lorsqu’il souhaite soigner des maux. Ces consommations auront alors différents objectifs, comme soigner des symptômes ou encore aider à conserver la performance au travail.

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Chapitre II :

Comprendre l’automédication

I.

Qu’est-ce que l’automédication ?

De nombreuses études ont montré que certains animaux et insectes se soignent seuls. Il s’agit de la zoopharmacognosie (Sobocinski, 2014). Cette pratique semble plutôt naturelle chez les êtres vivants en général. Elle a notamment beaucoup été étudiée auprès des grands singes. Les primatologues Wangram et Nishida (1983) ont observé pendant 6,5 ans des chimpanzés dans le parc national de Kibalé en Ouganda. Ils ont pu démontrer que l’infection de ténia dans l’intestin des animaux corroborerait avec la quantité de feuilles entières ingérées. D’autres études rapportent les mêmes pratiques. Par exemple, Sabrina Krief, vétérinaire et primatologue, a étudié ce comportement chez une jeune femelle chimpanzé ayant d’importants troubles intestinaux liés à une infection parasitaire assez conséquente. Celle-ci s’est mise à consommer, de façon autonome, de l’écorce et de la résine jaune d’arbuste. Elle était d’ailleurs la seule de son groupe à le faire. Peu de temps après cette consommation, les chercheurs ont pu constater l’absence de parasites dans les selles de l’animal (Krief et al, 2004). La consommation de certaines plantes dans certaines régions du Ouganda s’observe à la fois chez les chimpanzés et les hommes, notamment pour leurs vertus analgésiques (Tambour, 2016).

Ces observations nous questionnent sur l’autonomie du soin. En effet, pouvons-nous parler d’un comportement naturel et instinctif ? L’éthologie, qui étudie le comportement des animaux et des hommes, distingue les comportements innés et acquis. Le premier dépend du patrimoine génétique et le second de l’expérience (c’est-à-dire, les apprentissages au cours de la vie). De ce point de vue, la pratique d’automédication chez les hommes serait donc un acte inné, conforté par le fait qu’elle dépend du système sensoriel de l’organisme humain : somesthésie. Cette dernière regroupe la proprioception, qui est la perception des différentes parties du corps dans l’espace, et la nociception, qui est le système d’alarme face à tout élément considéré comme une agression pour l’organisme, perçu le plus souvent via la douleur. Ainsi, l’objectif de la pratique de l’automédication, pour l’être humain, serait en quelque sorte de veiller et d’anticiper les éléments délétères pour la santé afin que le système sensoriel ne soit jamais alarmé.

Pour mieux comprendre ce que signifie automédication, il faut s’intéresser à l’étymologie même du mot : autos (grec), qui signifie de soi-même et médicatio (latin) qui

(28)

20

signifie emploi de remèdes. La définition du terme devient alors plus globale. En effet, le remède ne sous-entend pas seulement l’aspect médicamenteux des substances, mais un moyen pour gérer, combattre, prévenir une maladie. Lecomte (1998) reprend cette idée : « l’automédication consiste à se soigner sans avis médical » (Lecomte, 1998, p.101).

Nous ajoutons à cette définition la notion de préservation du capital santé, qui s’observe beaucoup dans le milieu sportif : « L’automédication se définit comme la gestion par le sportif de son capital santé sans intervention d’un professionnel de la santé par des moyens médicamenteux ou autres : c’est le selfcare. » (Abitteboul et al., 2011, p.242-243.) L’AFIPA1

considère que l’automédication responsable est une composante du selfcare qui a pour but de traiter : « des symptômes courants et bénins (fièvre, douleur, toux…), mais également quelques maladies spécifiques (crise hémorroïdaire, brûlures d’estomac…). Il peut également y avoir automédication dans le cas de certaines pathologies chroniques, pour lesquelles un diagnostic initial a été réalisé par le médecin (rhinite allergique, arthrose modérée du genou, migraine…) et quand le risque de pathologie grave a été éliminé » (afipa.org/le-selfcare).

Dans le cadre de cette recherche, nous considérons l’automédication comme la pratique par laquelle l’individu va se soigner seul, sans avis médical. Il s’agit d’un moyen complètement autonome pour se soigner, en ce sens que l’individu décide de la façon dont il va gérer/guérir ses maux. Cela passe par le fait de choisir la substance qui est la plus à même de répondre à ses troubles, sans avoir nécessairement recours à un professionnel de santé comme c’est le cas, par exemple, dans la vente en pharmacie de médicaments d’automédication où le pharmacien a obligation de conseiller le client. Nous partons aussi du principe que ce comportement ne concerne pas seulement les médicaments, mais aussi les substances naturelles, les dérivés, etc. Enfin, étant donné que nous nous intéressons à la population active et comme dans le milieu sportif cette dernière est aussi confrontée à la notion de performance, nous combinons la notion de pratique d’automédication à celle du selfcare puisqu’elle a pour but de préserver le capital santé de l’individu pour l’aider à conserver ou améliorer sa performance. De ce fait, pour nous, la notion de pratique d’automédication dans le monde du travail s’appuie sur le fait de se soigner seul, mais aussi de vouloir préserver son capital santé pour le travail.

L’un suppose alors le soin de symptôme, quand l’autre fait plutôt appel à la préservation de la santé en anticipant tout élément qui pourrait la détériorer.

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21

II.

La pratique d’automédication

A. Cadre réglementaire

Le rapport de Coulomb et Beaumelou (2007) fait un état des lieux de l’automédication en France (à cette époque) en s’appuyant sur le contexte réglementaire français du médicament et leur préconisation. Les auteurs expliquent que pour produire et finaliser ce document, il a fallu passer par plusieurs étapes. En premier lieu, le choix d’une définition claire de l’automédication, qui était jusqu’à cette époque considérée comme une catégorie de produits parmi les étales pharmaceutiques. Ils s’accordent alors sur le fait qu’il s’agit bien d’un comportement. En second lieu, ils opèrent une distinction entre la vente des médicaments d’automédication dans le modèle anglophone « O.T.C » (Over The Counter), qui permet un accès entièrement libre aux médicaments, et le système français, qui demande la présence et les conseils du pharmacien. Enfin, la méthode de travail elle-même, utilisée pour mener cette réflexion résulte de la prise en compte du point de vue de professionnels de la santé, mais aussi de patients. Ces éléments sont importants pour pouvoir réellement comprendre et cerner la pratique d’automédication au quotidien.

Sur le plan réglementaire, le Code de la santé publique art. L.5132-6 modifié par Ordonnance 2011-1922 du 22 décembre 2011 — art. 2, les listes I et II mentionnées au 4° de l’article L.5132-1 comprennent :

1° certaines substances classées dangereuses pour la santé conformément à l’article L. 1342-2 ; 2° les médicaments susceptibles de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé

3° les médicaments à usage humain contenant des substances dont l’activité ou les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale ;

4° (abrogé)

5° tout autre produit ou substance présentant pour la santé des risques directs ou indirects.

La liste I comprend les substances ou préparations, et les médicaments et produits présentant les risques les plus élevés pour la santé.

Source : https://www.legifrance.gouv.fr/

De ce fait, les médicaments relevant de ces listes sont obligatoirement prescrits par un médecin ou professionnel de la santé (cf. figure 1), ils ne peuvent pas être en vente libre, puisqu’une mauvaise utilisation, comme l’augmentation des doses par exemple, peut avoir des

(30)

22

conséquences graves, voire létales, d’autant plus s’il existe une certaine ambiguïté dans la façon d’utiliser le produit. Lecomte (1998) notifie aussi que les médicaments que nous nous procurons en pharmacie ont obtenu l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Plus spécifiquement, les médicaments appartenant à la liste 1 ou 2 ne sont accessibles que sur ordonnance. En revanche, les « hors-liste » sont les médicaments d’automédication. Enfin, la France possède une particularité : le délistage ou switch (cf. figure 1).

Certains médicaments de la liste 1 ou 2 peuvent passer en hors-liste et devenir des médicaments d’automédication, ouverts aux différentes démarches publicitaires et commerciales, mais doivent aussi changer leur nom d’origine. C’est dans ce cadre que le pharmacien détient une place centrale dans l’achat de médicaments d’automédication, car le consommateur n’a pas nécessairement conscience de ces modes de fonctionnement, ou n’est pas forcément au courant du nouveau nom d’un produit.

Figure 1 Schéma « le médicament » de T. Lecomte (1998)

Dès lors, nous pouvons observer que les médicaments issus de la liste 1 ou 2 peuvent devenir des médicaments d’automédication via le switch (délistage). Ils ont alors deux parcours. Ils peuvent être prescrits ou non prescrits et peuvent être remboursés. Toutefois, dans les deux cas, ils peuvent bénéficier d’une campagne commerciale (publicité, prix libre, changement de nom, etc.). D’ailleurs, l’Europe possède elle aussi une réglementation autour de l’automédication. En effet, une directive européenne (2004/27/CE) stipule dans son article 88.2 : « les médicaments qui, par leur composition et leur objectif, sont destinés à être utilisés sans intervention d’un médecin pour le diagnostic, la prescription ou la surveillance du

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23 traitement, au besoin avec le conseil d’un pharmacien, et conçus dans cette optique, peuvent faire l’objet d’une publicité auprès du grand public ». Ainsi, cet article insiste bien sur la possibilité de démarches commerciales auprès du grand public lorsque le médicament permet un usage totalement autonome par le patient/client.

B. Une pratique commune

La pratique d’automédication dépend des motivations et des objectifs individuels, Fainzang (2012) en énumère plusieurs :

- L’autonomie face au traitement que l’individu choisit pour se soigner, ce choix se faisant en fonction de son histoire personnelle ou des conseils de son entourage ; - Les informations récoltées et acquises sur son ou ses maux, soit ce qu’il considère

comme un symptôme à prendre en compte ;

- Le médicament, s’il a été prescrit antérieurement ou pas (reliquat) ;

- Les affects concernant la prise en charge de l’individu par le monde médical dans son passé. C’est-à-dire, s’il a eu un bon suivi, s’il en ressort une expérience positive ou pas ;

- La motivation de l’individu ; - Les obstacles rencontrés ; - Le temps ;

- La pudeur : l’individu ne veut pas consulter de médecin, il est réticent et souhaite cacher son mal ;

- L’inquiétude : dans ce cadre, le recours à l’automédication permet d’éviter d’alerter un ou des proches sur sa santé, mais aussi anticiper la réaction de ce ou ces derniers face au mal ;

- Soigner/guérir les maux bénins, etc.

Lecomte (1998) explique que l’automédication est une pratique commune, qui se fait souvent face à un trouble de santé. L’individu s’autodiagnostique en étant à l’écoute de son corps. Il analyse ses symptômes, leur intensité (ex. : c’est peu douloureux, la douleur est vive), leur durée (ex. : depuis une semaine, deux jours, quelques heures) et décide en premier lieu de ne pas aller voir de médecin, mais de pratiquer l’automédication pour se traiter lui-même ou

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24

une autre personne, le traitement choisi pouvant être de nature médicamenteuse ou naturelle. Cela peut par exemple être un grog (boisson composée d’alcool, d’eau chaude sucrée et de citron), des huiles essentielles, etc. La personne peut aussi décider d’utiliser un médicament qui est soit choisi dans la pharmacie familiale ou personnelle (ex. : reliquats d’anciennes ordonnances), soit acheté en vente libre en pharmacie. Pour illustrer les propos de Lecomte (1998), nous pouvons nous référer à l’enquête IPSOS (2017) qui indique que près de 80 % des Français se tournent vers l’automédication, notamment dans le cadre du soin de maux bénins. De plus, 91 % des individus interrogés ont au moins un médicament dans leur armoire à pharmacie. Enfin, 97 % d’entre eux se sentent à l’aise avec l’automédication. Une autre enquête donne un peu plus d’informations sur le type de population qui a recours à cette pratique. Il s’agit de l’enquête décennale de santé au travail de 2002-2003, reprise par Raynaud (2008). Elle indique que ce sont les femmes et les enfants en bas âge (à l’initiative des mères) qui ont le plus recours à l’automédication et c’est aux âges actifs se situant entre 40 et 50 ans que le comportement d’automédication semble le plus important. Il décroît ensuite pour les deux catégories, hommes comme femmes.

D’autres facteurs s’inscrivent dans le comportement d’automédication. Outre l’âge, le sexe, la santé de l’individu, il y a aussi la catégorie sociale : c’est l’effet diplôme. En ce sens, plus une personne sera diplômée (> bac+ 2), plus elle aura tendance à avoir recours à l’automédication, s’estimant suffisamment compétente pour pouvoir gérer ses symptômes. Cela peut aussi s’expliquer par le fait que les personnes issues de catégories sociales « élevées » ont moins de temps pour aller consulter un médecin en raison de leurs journées de travail souvent plus longues (Laure, 2011). À l’inverse, les personnes ayant un niveau d’étude moins élevé auront plus de méfiance à l’égard des médicaments d’automédication, s’attelant à voir un professionnel de santé dans leur parcours de soin.

Enfin, les personnes issues de la catégorie 30-39 ans exerçant des fonctions issues par exemple du milieu de l’ingénierie, de la santé ou du commerce ajoutent dans leur processus de soins une recherche de performance qui vise à éliminer tout ce qui pourrait l’entraver : fatigue, stress, etc. Il s’agit alors d’une conduite dopante (Laure, 2011). Dans le prolongement de cette idée, Haxaire (2002) parle de l’automédication comme d’une pratique qui prend sens dans la connaissance et la culture du consommateur. Raynaud (2008) décrit ensuite les trois cas de figure (cf. tableau 3) relatés par l’enquête de l’INSEE (2002-2003), qui expliquent les comportements des individus face à l’automédication (cf. tableau 3). L’auteur les résume : « ainsi, les comportements d’automédication en tant que tels correspondent plutôt aux recours

Figure

Tableau 2 Hyperstress et manifestation anxieuse selon le genre   (Étude STIMULUS, 2017)
Figure 1 Schéma « le médicament » de T. Lecomte (1998)
Tableau 3 Les trois cas de figure de l’automédication selon D. Raynaud (2008)
Figure 5 Schéma réadapté et simplifié de Johnson (2012) impact des facteurs environnementaux et  conduite dopante 5
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