Collection
PROFIL LITTÉRATURE dirigée par Georges Décote
Série
ORAL DE FRANÇAIS
Madame Bovary
FLAUBERT
12 sujets corrigés
• Structure du roman • Emma Bovary
• Charles Bovary • Léon et Rodolphe • Homais
• La peinture sociale • L'espace dans Madame Bovary
• Les objets dans Madame Bovary • Le point de vue dans Madame Bovary • La satire du romantisme
• Le bovarysme • Réception et influence de l'œuvre
JOËL DUBOSCLARD JEAN-BENOÎT HUTIER agrégés des lettres
H ATI E R
© HATIER, PARIS, JANVIER 1995 ISSN 0750-2516 ISBN 2-218 1734-2 Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction, même partielle, par tous procédés, en tous pays, faite sans autorisation préalable est illicite et exposerait le contrevenant à des pour- suites judiciaires Réf : loi du 11 mars 1957, alinéas 2 et 3 de l' article 41.
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Titres à consulter
dans le prolongement de cette étude sur S u r le t h è m e d e l'ennui, d u mal d e vivre
- Maupassant, Une vie
(« Profil d'une œuvre », 103 Jeanne ou l'échec d'une vie, chap. 5 ; un roman de l'échec, chap. 7 ; l'ennui existentiel, chap. 11).
- Flaubert, L'Éducation sentimentale (« Profil d'une œuvre » , 81 les échecs de Frédéric Moreau, chap. 4).
S u r la s a t i r e s o c i a l e - Flaubert, Madame Bovary
(« 10 textes expliqués », 108 le bal de la Vaubyessard, une satire de la société aristocratique, p. 35-41).
- Flaubert, Madame Bovary
(« Profil d'une œuvre », 19 la satire des mœurs de province, chap. 4).
- Maupassant, Une vie
(« Profil d'une œuvre », 103 le peuple, la noblesse, le clergé, chap. 6).
S u r la q u e s t i o n d u p o i n t d e v u e - Flaubert, Madame Bovary
(« Profil d'une œuvre », 19 la question du point de vue, chap. 6).
- Duras, Moderato Cantabile
(« Profil d'une œuvre », 121 le problème du point de vue, chap. 9).
- Bazin, Vipère au poing
(« Profil d'une œuvre », 158 un point de vue original, chap. 11).
Structure du roman
INTRODUCTION
Nous commencerons par étudier la structure d'ensemble du roman, en observant particulièrement l'ouverture et la clôture du récit, et l'articulation entre les trois parties qui le composent.
A l'intérieur de chacune de ces parties, on dégagera le principe d'une structure cyclique.
Enfin, il faudra être attentif à l'alternance entre les temps forts du récit et les moments statiques, où l'action s'immo- bilise. On s'interrogera également sur le sens des répéti- tions d'événements ou de situations.
1. ÉTUDE
DE LA STRUCTURE D'ENSEMBLE
La c o u r b e é v o l u t i v e d u r é c i t Le roman comporte trois parties, composées respective- ment de 9, 15 et 11 chapitres ; ces trois parties comptent respectivement 80, 190 et 140 pages (Éd. Folio). Cette dis- position, à la considérer d'une manière toute formelle, est satisfaisante du point de vue de la symétrie : deux blocs moins importants encadrent la masse centrale.
Sur le plan du contenu, nous remarquons d'autre part que le cœur de la partie centrale, c'est-à-dire les chapitres 8, 9 et 10, correspond au « sommet » de la destinée d'Emma :
c'est la période de l'adultère avec Rodolphe, où l'héroïne oublie la platitude de son mariage et n'est pas encore assaillie par les problèmes d'argent, comme dans la troi- sième partie.
Aux extrémités du roman, nous avons, au début, un long crescendo, et à la fin, un long decrescendo : avant le mariage de Charles et d'Emma (chap. 1, 2 et 3 de la première par- tie), Emma elle-même est à peine connue du lecteur, et il faudra encore trois chapitres (chap. 4, 5 et 6) au romancier pour cerner les causes de l'insatisfaction de son héroïne. A la fin du roman, dans les chapitres 10 et 11, on découvre la ruine financière, morale, puis physique, de Charles après la disparition d'Emma : le personnage s'éteint petit à petit.
Ainsi, le drame se noue lentement, insensiblement, à l'intérieur des psychologies, et se dénoue dans une fin de vie lamentable, un glissement vers la mort.
O u v e r t u r e e t c l ô t u r e s u r le p e r s o n n a g e d e C h a r l e s
Les observations qui précèdent attirent notre attention sur le fait que le romancier a choisi d'ouvrir et de clore son récit sur le personnage de Charles. Ceci, à soi seul, signale l'importance du personnage; il n'est pas secondaire dans le roman, même s'il est plat de caractère (voir ci-dessous, chap. 3, p. 18).
En peignant Charles, Flaubert peint aussi l'élément essen- tiel du malheur qui attend Emma : la médiocrité de son futur mari. Le romancier insiste sur la faiblesse et l'intelligence limitée de Charles, pour ancrer par avance la déception d'Emma dans une réalité bien connue du lecteur : l'insuffi- sance de Charles aux yeux de celle qui sera Madame Bovary, héroïne désignée par l'état d'épouse de Charles Bovary.
Et si le roman se clôt sur la mort de Charles, causée par le chagrin, c'est pour marquer que ce récit est l'histoire tra- gique de deux être appelés à devenir funestes l'un pour l'autre : Charles était par nature voué à faire le malheur d'une Emma exaltée, et Emma, par son infidélité et sa légè- reté en matière d'argent, était destinée à faire le malheur d'un époux naïf.
L ' e n c h a î n e m e n t d e s t r o i s p a r t i e s
Il est intéressant d'examiner où se placent les coupures entre les parties du roman, par rapport à l'histoire.
On remarquera que la première partie s'achève sur le départ de Tostes, quand les époux Bovary choisissent de s'établir à Yonville, bourg plus important, supposé pouvoir dissiper l'ennui chronique d'Emma.
La troisième partie commence quand Emma, qui a revu Léon à l'opéra de Rouen, s'apprête à se lancer avec lui dans un second adultère (après l'échec catastrophique de son aventure avec Rodolphe, qui l'a plongée dans une longue dépression).
Le début des deuxième et troisième parties correspond donc à l'espoir d'un renouvellement dans la perspective de vie d'Emma. Or, à considérer l'issue des événements, c'est toujours une fois que le renouvellement s'est concré- tisé, mais s'est révélé trompeur, que l'échec apparaît.
Cette évolution peut fournir le schéma de chacune des trois parties.
- Première partie : Emma jeune fille s'ennuie à la ferme (chap. 3) et attend du mariage la révélation de l'amour (chap. 6). Mais son mariage la déçoit, l'ennui s'approfondit.
Espoir de renouvellement, en quittant Tostes pour Yonville.
- Deuxième partie : espoir non concrétisé avec Léon (chap. 6). Espoir concrétisé avec Rodolphe (chap. 9), qui néanmoins abandonne Emma (chap. 13). Chute de l'héroïne dans le désespoir et le dégoût de la vie (chap. 13-14).
L'espoir renaît avec Léon (chap. 15).
- Troisième partie : Concrétisation de l'espoir par l'adul- tère hebdomadaire avec Léon (chap. 5), l'oubli des réalités conjugales et financières (chap. 6). Chute dans la ruine par endettement, abandon par Léon (chap. 7), suicide (chap. 8).
On voit que chaque partie constitue une sorte de cycle qui s'ouvre sur l'attente, par Emma, d'un changement positif de sa vie, et se clôt sur la déception, ou même le désespoir (suicide), parce que la réalité n'a pas rejoint le rêve.
2. LA STRUCTURE CYCLIQUE DE CHACUNE DES PARTIES
Chacune des parties forme donc un cycle qui va de l'ennui à l'ennui plus profond, après le passage par une apothéose illusoire. Il est intéressant de voir comment le romancier est habile à utiliser trois fois ce schéma ternaire, en le modulant à chaque reprise.
• Première partie
Ici, le génie de Flaubert consiste à lier et à opposer le des- tin respectif des époux Bovary. La vie conjugale, qui est le comble du bonheur pour Charles, coïncide précisément avec le début des désillusions d'Emma et l'attente vague d'autre chose (chap. 5). Dans la vie d'Emma, l'apothéose va être représentée alors par l'épisode du bal à la Vaubyessard (chap. 8). Nous sommes au sommet de la courbe : rêve et réa- lité se confondent pour Emma, qui espère avoir désormais accès au monde aristocratique.
La phase descendante et déceptive est marquée par le chapitre 9 où, de retour dans le quotidien de son ménage, Emma connaît un ennui plus profond et même des troubles nerveux.
• Deuxième partie
Nous retrouvons dans cette partie les mêmes éléments de fond, mais les phases d'attente et de désillusion font l'objet d'un travail plus complexe. Les six premiers chapitres sont dominés par l'amitié amoureuse d'Emma et de Léon, qui s'achève avec le départ du jeune homme pour Paris (pour raisons d'études). C'est une phase d'attente, puisque cette liaison demeure platonique et qu'elle paraît ne pas devoir connaître de suite. Mais, très habilement, Flaubert a construit un « mini-cycle » de l'attente-déception-attente à l'intérieur même de cette phase : après le départ de Léon, Emma a des accès de coquetterie ; elle compense sa déception par l'achat de toilettes coûteuses et paraît mûre pour l'adultère (chap. 7). Elle attend de nouveau quelque chose.
La phase heureuse connaît une apothéose rapide : c'est l'amour avec Rodolphe, dans la forêt (chap. 9). A partir de là,
LI
TTÉRATURE PROFIL D'UNE ŒUVRE
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