• Aucun résultat trouvé

La longue marche des crêtes neurales

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La longue marche des crêtes neurales "

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

ffi/S 2000

médecine/sciences 2000 ; 16 : 776-83

La longue marche des crêtes neurales

Les mouvements cellulaires au cours du développement

embryonnaire, comme par exemple lors de la formation des crêtes neurales, contribuent à l'élaboration du plan

d'organisation du corps chez la plupart des espèces animales et permettent la mise en place et le déroulement de programmes de différenciation cellulaire

cohérents. Les études réalisées in vivo et in vitro sur différentes espèces (poulet, souris, xénope ou poisson-zèbre) ont montré que la migration des crêtes neurales fait intervenir une multitude d'acteurs moléculaires :

molécules d'adhérence, éléments du cytosquelette, facteurs de transcription et facteurs de signalisation dont l'activité est très précisément coordon née dans l'espace et le temps. Ce modèle est source d'informations précieuses pour la

compréhension des mécanismes de contrôle de la migration, y compris lors de la dissémination métastasique.

<1111111

776 n • 6-7, vol. / 6 , juin-juillet 2000 IJliS2000

0 n a longtemps sous-estimé l ' i mportance de la migra­

tion dans l 'élaboration du p l a n d ' o rga n i sa t i o n de l ' a n i m a l au c o u rs du dével oppement embryo n n a i re. E l le était souvent confi née au rôle margi­

nal de fi nition, ou bien on considérait qu'el le ne concerna it qu'un nombre restrei nt de cel l u les. Ce n 'est que relativement récemment qu'on a pu a p p réc i e r son i m porta nce dès l es étapes les plus précoces du dévelop­

pement embryo n n a i re . A i ns i , chez tous les vertébrés et nombre d'i nver­

tébrés, l a construction du feu i l l et mésoderm ique à l'origine de tout le squelette, des muscles et des organes i nternes n'a l ieu que grâce à un phé­

n o m è n e de m i g r a t i o n de g r a n d e ampleur à partir du feu i l let supérieur de l'embryon : c'est la gastru lation. Le passage évol utif dans le règne animal d'espèces primitives à deux feu i l lets e m b ry o n n a i res s i m p l es v e rs des espèces beaucoup plus élaborées à trois feu i l lets a donc nécessité la m ise en place, et son contrôle spatio-tem­

porel, de la m igration de popu lations entières de cel l u les et non plus de quelques cel l u l es isolées. Après l a gast r u l at i o n , d ' a u t res m i gr a t i o n s contr i buent à l 'organogenèse : par exemple, lors de la formation du sys­

tème nerveux péri phériq ue, d u rant l'établ issement de la musculature des membres et des viscères, ou bien

Jean-Loup Duband

j . L . Duband : Laboratoire de biologie molé­

culaire et cel l u l a ire du développement, UMR 7622, Cnrs et Un iversité Pierre-et­

Marie-Curie, 9, CjUai Saint-Bernard, 75252 Paris Cedex 05, France.

encore pendant la formation du rei n . Enfi n, des popu l ations cel l u la i res (cel­

l u les germ i n a l es et ce l l u l es l y m ­ p h oïdes ) v o n t e n t r e p re n d re d e s m i grations pou r a l ler coloniser des organes dans lesquels el les vont ter­

m i n e r l e u r d i ffé re n c i a t i o n . E n t re a utres i ntérêts, ces événements m igra­

toi res vont permettre à des popu la­

tions cel l u la i res issues d'une région don née de l'embryon de traverser des envi ronnements variés et, par là, de recevoir des signaux qui vont orienter leur différenciation et être respon­

sables de la ségrégation de l ignages cel lu l a i res différents. I nversement, i l s permettent aussi à certaines cel lu les i s s u e s d e rég i o n s d i ffé rentes d e l'embryon d e s e loger dans un terri­

toi re cible précis où el les vont i nter­

agir localement et échanger des i nfor­

mations avant de s'engager dans des programmes de différenciation cohé­

rents et concertés.

Au c o u rs d u d é v e l o p p e m e n t e m b ryonna i re, t o u s l e s modes d e migration sont observés : cel lu les iso­

lées, en amas ou en nappe ; m igration divergente vers des tissus variés ou convergente vers un s i te u n i q u e ; transport passif par les fl u i des ou m igration active à travers une matrice extrace l l u l a i re ou en contact avec d'autres ce li u les ; m igration i nvasive avec traversée de parois vasculaires ; m i grat ion orientée par c h i m i otac­

tisme ou « au hasard » . Tous ces évé-

(2)

nements m igrato i res ont fa it l 'objet d'études p l u s ou m o i n s poussées, chacun présentant des spécific i tés i ntéressantes dans la chronologie des événements cel l u l a i res ; mais i l est un système cel l u l a i re qui a de tout temps eu les faveu rs des chercheurs : l es crêtes neura les. A cela, p l usieurs ra i­

sons : tout d'abord, c'est un phéno­

m è n e m a s s i f q u i c o n c e r n e tout l'embryon, tant a u n i veau c rânien que tronca l . I l s'étend sur u ne durée d'un à deux jours, voi re plus pou r certai nes régions. I l est à l'origine de la formation d'un très grand nombre de types cel l u l a i res, d'un i ntérêt pri­

mordial notamment pour le dévelop­

pement cranio-facial. Il résume à l u i seu l presque l ' i ntégral ité du registre des événements cel l u l a i res qui ponc­

tuent la migration. Sur le plan expéri­

m e nta l , i

1

est poss i b l e c h ez l es espèces ov i pa res (oiseaux, a m p h i ­ b iens, poissons) d 'accéder d i recte­

ment dans l 'embryon à la popu lation des cel l ules des crêtes neura les au début de la m igration, ce qui est pra­

tique pour des manipu lations

in situ.

Enfin, ce système peut être transposé dans des conditions de cu lture

in vitro

q u i reprod u i sent assez fidèle­

ment l a dyn a m i que du développe­

ment

in vivo.

L'histoi re naturelle des crêtes neura les est résu mée sur l a

figure 1 .

E l le commence entre le pre­

m ier et le deuxième jour de dévelop­

pement chez le poulet, le hu itième et l e neuvième chez l a sou r i s et a u cours d e la troisième semaine d e ges­

tation chez l 'homme. Les cel l u les qui l e s c o m posent sont i ss u es d e l a région de l 'embryon à l a frontière entre le futur épiderme ( l 'ectoderme) et le futur système nerveux centra l (le tube neura l), au moment où ceux-ci se sépa rent l ' u n de l ' a utre. E l l es s'appel lent crêtes neurales parce que, chez certa ins amphi biens chez les­

quels el les ont été décrites pour l a première fois, el les forment des pro­

t u bérances tra n s itoi res c a racté r i s ­ tiques sur le sommet du tube neural, peu après leur constitution . Après u ne phase de spécification pendant laquel le el les reçoivent l es signaux de l 'environnement qui vont dicter leur devenir, les cel l u les des crêtes neura les se d issocient du tube neural par u n mécan isme fa isant i nterven i r u ne transition ép ithé l i o-mésenchy­

mateuse : c'est la phase de dél a m i na­

tion. Chez l a pl u part des espèces, cette phase est aussitôt su ivie par l a m igration proprement d ite q u i , u n e fois termi née, est prolongée p a r un regroupement des cel l u les, prél ude à leur d ifférenciation term inale. La l i ste des dérivés cel lu la i res issus des crêtes

neura les est i mpressionnante et, en cela, révélatrice d u potent i e l que recèle la m igration pour créer une grande d i vers i té cel l u l a i re à part i r d'une population un ique : neurones, c e l l u l es g l i a l e s et c e l l u l es d e Schwann du système nerveux péri ­ phérique, cel l u les pigmenta i res, cel­

l u l es endocri nes, ou encore tissus conjonctifs, cart i l agi neux, osseux et muscu laires dans la région crân ienne qui englobe la face, le crâne et le cou [ 1 ] . La somme des don nées accumu­

l ées a u cours des deux derni ères déce n n i es permet m a i ntena n t u ne mei li eure compréhension des méca­

nismes moléc u l a i res qui régissent le développement des crêtes neura les, et l a i sse entrevoi r des perspectives plus générales sur l 'étude des proces­

sus fonda menta ux de la m igration cel l u la i re, tant dans les cas physiolo­

giques normaux que pathologiques.

1 Gomment les suivre 7 A la recherche

des marqueurs des crêtes neurales ou la quête du Graal A l'exception de l'embryon de pois­

son-zèbre, qui offre des propriétés de tra nsparence exceptionnel les, et de l 'amphibien axolotl, chez lequel les

G)

Spécification

@

Délamination

@

Migration

@

Agrégation

@

Différenciation

Fig u re

1 . Les principales étapes du développement des cellules des crêtes neurales. Les cellules du primordium des crêtes neurales (cnp, en rouge) apparaissent à la frontière entre l'ectoderme superficiel (e, en gris) et la plaque neu­

rale (pn, en bistre) en fin de neurulation, suite à un phénomène complexe de spécification impliquant des induc­

tions et des informations de position (grandes flèches) provenant de l'ectoderme, de la plaque neurale et du méso­

derme somitique (ms) voisins. La spécification est suivie de la délamination des cellules des crêtes neurales (en) du tube neural (tn) et de leur migration le long de voies précises (flèches fines). Une fois rejoints les territoires cibles, les cellules cessent leur migration et se regroupent en amas, préludes à la différenciation en ganglions du système nerveux périphérique. À quelques petites nuances près (notamment le stade de la fermeture de la plaque neurale en tube neural), cette séquence d'événements est la même quel que soit le niveau de l'axe antéro-postérieur consi­

déré pour toutes les espèces de vertébrés supérieurs, des poissons aux mammifères. gs : ganglion sensoriel; n : notochorde.

DliS2000 u ' 6-7, vol. 16, juinjuillet 2000 777

0 0

0

(3)

llliS 2000

précurseurs mélanocytaires sont pré­

cocément pigmentés, i

1

n'est quasi­

ment pas possible de visua l i ser les c rêtes neura l es en m i gration dans l'embryon. D'où le développement : de techn iques permettant de pister les cel l u les. La mise au point et l'app l ica­

tion des chimères ca i l le-pou le déve­

loppées par N i cole Le Douari n i l y a trente ans ont représenté une percée tech nolog i q u e déc is ive, car e l l e a permis d'établ i r avec précision la l i ste et la cartographie des dérivés des crêtes neurales et de préciser les par­

cours de m igration [2] . Par la suite, l'util isation de traceurs fluorescents tels que le D i l ou du dextran couplé à l a r h o d a m i n e, i n j ectés d a n s l ' e m b ryon, a perm i s d ' aff i n e r les connaissances dans des espèces dans l esq u e l l es l ' a pproche par les c h i ­ mères n'était pas possible, e t a aussi fourni des i nformations sur la dyna­

m i que des événements à l 'échelon d'une population cel l u l a i re restrei nte [3, 4] . En marge de ces approches expéri mentales qui ont l ' i nconvén ient d'être dél icates, la recherche de mar­

queurs moléculaires des crêtes neu­

ra les a été et continue d'être un enjeu majeur de ces dernières a nnées. En effet, on ne dispose pas encore du marqueur parfait (si tant est qu'un tel marqueur existe ! ) q u i permette de d istinguer chez différentes espèces a n i males l ' i ntégral ité de la popu lation des crêtes neurales à tous les niveaux, depu is leur spécification j usqu'à leur d ifférenciation. C'est chez le pou let ou l a ca i l l e que l 'on possède les meil leurs out i l s : l'anticorps H N K- 1 , notamment, est couramment employé pour su ivre l es crêtes neura les en m igration à tous les niveaux axiaux a i ns i que leurs p r i n c i pa u x dérivés nerveux. Cet anticorps reconnaît un groupement glycosidique porté par des l ipides ou des glycoprotéi nes de surface portant des domai nes i mmu­

noglobu l i nes. Cependa nt, c'est un m a r q u e u r méd i ocre des m é l a n o ­ blastes e t des dérivés non-nerveux des crêtes neu rales c râ n ien nes et, a ut res i n co nvén i ents, i l peut être exprimé par des cel l u les ne dérivant pas des crêtes neurales et il n'est uti­

l isable ni chez l'amph ibien xénope, ni chez la souris [5 ] . Chez cette der­

n ière, d'a i l leurs, on est loin de possé­

der un marqueur aussi « u n iversel >>

qu'H N K-1 et on doit se contenter de pl usieurs marqueurs souvent peu spé-

7 7 8 no 6· 7, vol. 16, juin-juillet 2000 JDIS 2 000

1

cifiques qui ne permettent de su ivre que certains l ignages issus des crêtes neura les à des niveaux axiaux et à des stades de la migration donnés [6] . On citera pêle-mêle : AP2 , qui permet de repérer les crêtes neura les crâ­

n i en nes et t ro n c a l es en début de m i g r a t i o n ; Pax-3 po u r c e rta i n e s crêtes troncales e t u ne sous-popu la­

tion de crêtes crâ n iennes, les crêtes card iaques ; Ret et Phox2b pou r les crêtes à l 'origine du système nerveux e n t é r i q u e ; le réce p te u r du N G F

(nerve growth factor)

de basse affi n ité p75 pour les crêtes troncales et enté­

riques ; enfi n, certa i ns gènes de l a fam i l le Hox pour les crêtes neurales r h o m be n c é p h a

1

i q ues (c'est- à - d i re p rove n a nt du cerveau postérieur).

Chez le xénope, ce sont surtout les crêtes neurales crâ n iennes qui ont fai t l'objet d'études e t on dispose mainte­

nant comme marqueurs d'ADAM 1 3, u ne disi ntégri ne, et des facteurs de transcription à doigts de zi ne, Zic.

Chez l 'oiseau, il existe un autre out i l précieux, le facteur d e transcription Slug, qui est exprimé par les cel l u les du pri mordium des crêtes neurales, et il constitue à ce jour un des marqueurs les plus précoces de cette popu lation [7] . Il est exprimé aussi par les crêtes neurales crâniennes en migration non seulement chez le poulet mais aussi chez le xénope. Chez la souris, on dis­

pose de l'équivalent, Snai l, un autre facteur de transcription de la même fam i l le. Par a i l leurs, le récepteur de type B de l'endothél i ne-3 s'avère un excel lent marqueur des mélanoblastes précoces tant chez la souris que chez le poulet [8] . Grâce à l'apport de la génomique, de nouveaux marqueurs sont progressivement disponibles : cela va d'ld2, un régu lateur transcription­

ne! sé l ectivement exprimé par les crêtes neurales crâniennes migratrices et prémigratrices [9] , à certaines molé­

cules d'adhérence comme les cadhé­

ri nes-6B et 7 [ 1

0] (mis 2000, no 1, p. 128),

RhoB une petite GTPase asso­

ciée au cytosquelette [ 1 1 ] , en passant par la noél i ne, un facteur sécrété tout récemment caractérisé [ 1 2 ] . L'i ntérêt majeur de ces différents marqueurs est qu'ils ont été sélectionnés pour leur exp ress i o n très spéc i f i q u e à u n moment particulier d u développement des crêtes neura les : la spécification, l a délamination, la m igration, c e q u i en fait des outi ls précieux pour m ieux appréhender certai nes anomal ies acci-

dentelles ou i ndu ites expérimentale­

ment, par la transgenèse par exemple.

1 Par où passent-elles

?

Un code de la route plutôt répressif

!

Les cel l u les des crêtes neura les ne m igrent pas au hasard. E l l es quittent le tube neural à un stade bien précis de son développement et se déplacent selon des trajets parfa itement défi nis tant dans l'espace que dans le temps, qui diffèrent le long de l 'axe rostro­

caudal. Ainsi les trajets sont-ils sensi­

b l ement d i fférents selon que l ' on considère les niveaux crânien, cervi­

cal, troncal ou sacré. On peut néan­

moins dégager des ca ractéristiques communes à toutes les voies de m igra­

tion quel les qu'el les soient. Les cel­

l u les des crêtes neurales occupent tou­

j o u rs des m atrices extrace l l u l a i res constituées d'un réseau de fibres de col lagènes et de fibronectine et bor­

dées par la lame basale d'épithél iums tels que l'ectoderme, le tube neural ou les somites

(figure 2A).

Au cours des phases i n itiales de la m igration, les espaces occupés sont restreints, totale­

ment acel l u l a i res et souvent l i m ités par des épithél i ums. Une telle organi­

sation spatiale des voies de m igration laisse à penser qu'el les constituent des cou loirs bal isés qui permettent aux cel l u les de rejoindre leurs territoi res cibles : c'est la morphologie des tissus traversés q u i d i ctera it le tracé des vo i es de m i grat i o n . Con séq uence importante : les m u ltiples di rections prises par les cel lu les sont en grande partie responsables de la ségrégation des l ignages issus des crêtes neurales ; les cel l u les ém igrant, par exemple, sous l'épiderme donneront les méla­

nocytes, tandis que cel les émigrant le long du tube neural vont fournir le sys­

tème nerveux périphérique.

Cependant, la structure des voies de m igration n'est pas seu le cause du choix des routes empruntées par les c e l l u les c a r certa i n es rég i o n s de l 'embryon présentent apparemment nombre des caractéristiques requises pour la migration et, pourtant, ne sont pas colonisées par les cel l u les des crêtes neura les. Chez les oiseaux et les mammifères, c'est le cas notam­

ment, dans la région troncale, de la

notochorde et de la moitié caudale

de chaque som ite. Les somi tes sont

des un ités répétées du mésoderme de

(4)

® @

Récepteurs à activité tyrosine kinase :

Eléments des matrices extracellulaires :

Sémaphorines :

R C

Molécules d'adhérence intercellulaire :

Partie rostrale du somite

Partie caudale

du somite R

Fig u re

2. A. Les principales voies de migration des cellules des crêtes neurales dans la regton troncale chez l'embryon d'oiseau. Les cellules des crêtes neurales (en rouge), une fois séparées du tube neural (tn), se répartissent tout d'abord entre le tube neural et J'ectoderme (e) puis, plus ventralement, dans une poche entre le tube neural, le dermomyotome (dmt) et le sclérotome (sc) issus du somite. Selon que les cellules font face à la partie rostrale ou caudale du somite, elles vont être bloquées dans leur migration (au niveau caudal, partie droite du schéma) ou au contraire la poursuivre (au niveau rostral, partie gauche du schéma) pour ensuite contourner le sclérotome en lon­

geant la lame basale du myotome pour rejoindre les parties ventrales de J'embryon où elles vont former le ganglion sympathique et la médul/osurénale. Certaines s'accumulent le long du tube neural pour former le ganglion sensoriel.

Enfin, d'autres cellules vont secondairement envahir l'espace entre J'ectoderme et le dermomyotome pour donner les mélanocytes. Il apparaÎt donc que les cellules des crêtes neurales suivent préférentiellement les lames basales des épithéliums (lignes noires épaisses) et évitent certaines régions comme la notochorde (n) et la partie caudale du sclérotome. B. Répartition des molécules guides. Répartition dans les moitiés caudales (C) et rostrales (R) du scléro­

tome et à la surface des cellules des crêtes neurales de l'éphrine 8 et de son récepteur EphB, de la sémaphorine Ill et de son récepteur, la neuropiline, de molécules des matrices extracellulaires (F-spondine, collagènes et protéogly­

canes) et de la T-cadhérine. Ao : aorte ; mn : mésonéphros.

part et d'autre du tube neural à l'ori­

gi ne du derme, des m uscles squelet­

tiques et des vertèbres. B ien que rien ne semble distinguer les moitiés ros­

trale et caudale du som ite sur le plan m o rp h o l og i q u e, l e s c e l l u l es des crêtes neurales n'envahissent que sa partie rostrale

(figure 2A).

Une tel le restriction de la m igration vise proba­

blement à cloisonner la popu lation de crêtes neurales, qui est au départ répart i e u n iformément le long d u tube neura l d e façon à constituer des ga ngl i o n s sensoriels s p i n a u x b i e n i ndividual isés. Les molécu les guides ont été activement recherchées ; elles appartiennent à pl usieurs catégories : éléments des matrices extracel l ul a i res ( F-spondine, col lagènes, protéogl y­

canes), molécules d'adhérence inter­

cel l u l a i re (T-cadhérine), sémapho­

ri nes et récepteurs à activité tyrosi ne ki nase de la fam i l l e des éphri nes [ 1 3- 1 5 ] . Toutes ces molécules sauf une, la thrombospondine-1 , sont réparties

dans la moitié caudale du som ite et ont pour effet d'empêcher l a m igra­

tion des cel l u les dans cette région

(figure 28).

Ce qui est frappant, c'est la redondance des systèmes i n h i bi­

teurs, révélant par là l ' i m porta nce vitale de la séparation des sous-popu­

l ations des crêtes neura les en fl ux d is­

ti ncts.

Néanmoi ns, on peut se poser la ques­

tion de l 'existence d'un déterm i nisme précoce des crêtes neura l es ou de certa i nes sous-popu la ti ons q u i l es prédestine à se déplacer dans une d i rection donnée. Le débat est encore ouvert. Ce rta i nes expér i e n ces de greffe hétérotopique suggèrent que tel n'est pas le cas : les crêtes neurales se com portent p l utôt en fonction de l 'endroit où el les sont greffées et non pas de leur l ieu d'origi ne. De même, si le tube neura l est retourné de 1 80°

dans le sens dorsa-ventral, les cel­

l u les « remontent » le chemi n [ 1 61 . Le propos doit être cependant nuancé :

dans l a région du cerveau postérieur, les cel l u les des crêtes neurales en m igration expriment le même réper­

toi re de gènes homéoti q ues de l a fam i l le Hox que l a région du tube neural d'où el les proviennent, et cela pourrait détermi ner à l a fois les trajets e m p ru ntés et les dérivés obte n u s

(pour d iscussion,

voir

[ 1 7, 1 8]). D e

même, i l n ' est p a s exc l u q u e l e s mélanoblastes issus des crêtes neu­

ra l es p u i ssent être « progra m més » pou r se d isperser dans la voie sous­

épiderm ique [ 1 9] .

Quels sont les éléments des matrices extrace l l u l a i res i mp l i q ués dans l a m igration ? Diverses expériences réa­

l isées

in vitro

ont montré que les cel­

l u l es des crêtes neurales peuvent se déplacer sur des supports variés de fibronecti ne, col lagènes, l a m i n i ne et vitronecti ne.

A priori,

il semble donc que ces cel l u les soient assez i ndiffé­

rentes au type de substrat auquel el les sont confrontées, ce qui pourrait leur

IJVS2000 n ' 6- 7, vol. 16, jllin-juilll'l 200U 779

(5)

IWS 2000

permettre d'enva h i r de nombreuses rég ions de l 'embryo n . Cependa nt, dans le déta i l , l a situation est p l us complexe ; la lami n i ne en particul ier permet une migration sensiblement p l u s rapide que l es a utres compo­

santes matriciel les, ce q u i pourrait avoir des incidences

in vivo.

Quoi qu' i l en soit, on ne sait toujours pas p o u r l ' he u re q u e l s é l éments sont effectivement uti l isés par les cel l u les dans l'embryon . On peut penser que toutes ces composantes servent en association pour l a m igration et que c'est la proportion relative de l'une ou l'autre et leur conformation dans l'espace qui i mportent. Seu le l 'ana­

l yse détai l lée de mutants condition­

nels d'embryons dépourvus de l'une ou l'autre des molécu les matricielles pou rra nous donner une réponse plus précise.

Un certai n nombre de poi nts reste encore à élucider. En particu l ier, i l est flagrant que la popu lation des cel­

l u l e s reste grou pée e n c o u r s de m igration. La configuration des voies de m igration y contribue très proba­

blement et, notamment, le fait que les cel l u les m igrent très activement sur la laminine pourrait éviter un éparp i l le­

ment de l a popu lation ( l es l a m es b a s a l e s des é p i t h é l i u m s o n t u n e répartition spat i a l e beaucoup p l u s restrei nte q u e les matrices d e fibro­

necti ne-collagène). Ce n'est toutefois pas la seu le raison : il est possible que les cel l u les des crêtes neurales en m igration expri ment des moléc u l es adhésives spécifiques leur permettant de se reconnaître m utuel lement. Ce rôle est-i l dévol u par exemple à la cadhérine-7 ?

1 Comment migrent-elles

?

Les intégrines

dans le rôle

du grand timonier

Du fait de leur i nteraction avec les mol écu les des matri ces extra ce li u­

laires, d'une part, et de leur capacité à structurer le cytosquelette et à trans­

d u i re des signaux mécano-chimiques, d'autre part, les i ntégri nes constituent le moteur principal de l a locomotion cel l u l a i re

(mis 1 999, n ° 5, p. 72 1 ).

En outre, il est mai ntenant bien éta b l i qu'el les jouent aussi un rôle dans le contrôle de la prolifération, la diffé­

renciation et la mort cel l u l a i re [20] . Les i ntégri nes sont des hétérodimères

780 1! 0 6·7, vol. l6, juinjuillel 2000 JlliS2000

de chaînes a et � [2 1 ] et, à l 'heure actuel le, on ne compte pas moins de 2 4 récepteurs d i fférents, dont cer­

t a i n s, com m e a5 � 1 et a6 � 1 , n e reconnaissent qu'une moléc u le des matrices, respectivement la fibronec­

t i n e et l a l a m i n i n e, t a n d i s q u e d'autres offrent u n large éventai l de l igands. I nversement, à chaque molé­

cu le matricielle correspondent plu­

sieurs i ntégri nes différentes. On est donc confronté à un système très c o m p l ex e avec u n e redo n d a n ce apparente. Est-ce à dire que tous les récepteurs sont équivalents et i nter­

changeables ? I l est clair mai ntenant qu'une cel lule répondra différemment à une même molécule des matrices selon qu'el le i nteragira avec elle par des intégri nes distinctes : tantôt, elle se d é p l acera, t a n tôt, e l l e restera i mmobi le ; tantôt, elle prol iférera, tan­

tôt elle restera quiescente et engagera un processus de différenciation.

La capacité des cel l u les des crêtes neura l es à i nteragi r avec un gra nd nombre de composantes des matrices extrace l l u l a i res se refl ète d a n s l a grande variété d'i ntégrines expri mées au cours de la m igration. Ce réper­

toi re varie au cours du temps : chez le pou let, parmi les récepteurs à la lami­

n i ne, l ' i ntégrine a6� 1 disparaît de la surface des cel lu les au début de la m igration pour ne réapparaître qu'à la différenciation des neurones senso­

riels [ 22 ] . I n versement, l ' i n tégrine a4� 1 , un récepteur à l a fibronecti ne, c o m m e n ce à être e x p r i m ée a u déclenchement de l a m igration [23 ] . Le registre d'i ntégri nes pourrait même avoir une incidence sur le parcours emprunté par la cel l u le. Si l'on modi­

fie par exemple le patron d'expres­

sion d'i ntégri nes dans des cel l u les de sarcome normalement capables d'uti­

l iser les mêmes voies de m i gration que les crêtes neura les quand on les i njecte dans l 'embryon de pou l et, cel les-ci investissent prématurément la voie sous-épidermique [ 2 4] . Les analyses fonctionnel les

in vitro

mon­

trent que, dans les cel lu les des crêtes neurales, seu les certai nes intégri nes sont impl iquées di rectement dans les phénomènes d'adhérence et de moti­

l i té. Il s'agit, notamment pour la fibro­

necti ne, des intégri nes a4� 1 , a8�1 , et av�1 [23, 2 5 ] . Pour autant, ces i nté­

gri nes n'ont pas toutes l es mêmes fonctions. L'i ntégrine av�1 , par son assoc i a t i o n avec l e cytosq u e l ette

d'acti ne, part i c i pe ra i t à l ' a n c rage transitoire de la cel l u l e pendant le déplacement et aurait un rôle dans la traction. L'i ntégri ne a4� 1 , à l ' i nverse, ne serait pas ancrée au cytosquelette mais serait pl utôt impliquée dans l a dynamique d e l ocomotion p a r son activité de signa l i sation [26] . Ceci suggère que, bien q u ' i l pu isse y avoir u ne certa i n e redondance fonction­

nel le, comme l ' i ndiquent les expé­

riences d'i nactivation de gènes par recombi naison homologue [2 7], les i n tégri nes possèdent des fonctions défi n i es et coopèrent entre e l l es durant le déplacement de l a cel l u le.

Au cours de l a locomotion, l 'activité des i ntégri nes ne se borne cependant pas à promouvoi r l 'adhérence et à régler l'organisation du cytosquelette.

En particul ier, i l est apparu, grâce à des études

in vitro,

qu'el les répri ment l 'ad hérence i nterce l l u l a i re rel ayée par la N-cadhérine au cours de la m i g rat i o n , e m pêc h a n t a i n s i u n e cohésion trop i mportante, a u sein de la popu lation cel l u l a i re, qui pourra it ra lent i r le dép lacement [28] . Para­

doxa lement, au moins

in vitro,

l ' i nté­

grine a5 �1 ne semble impliquée n i dans l 'adhérence, n i dans la migra­

tion, b i e n q u 'e l l e soit consi dérée comme le principal récepteu r de l a fi bronectine. Cependant, l e s sou ris déficientes en cette i ntégri ne présen­

tent un taux anormalement élevé de figures apoptotiques dans les crêtes neurales en route vers les arcs bran­

ch i aux, ce q u i suggère qu'elle est essentielle au mai ntien de la survie des cel l u les [29] . Les crêtes neura l es possédera i e n t d o n c u n r e g i s t re étendu d'i ntégri nes en relation avec les différentes m issions à accompl i r dans u n envi ron nement très fl uc­

tuant : certa i nes assureraient u n rôle dans l 'adhérence et la locomotion, d ' a u t res d a n s l a régu l a t i o n de l ' express ion des autres molécu l es adhésives, d'autres enfi n dans la pro­

l i fération, la survie et peut-être la dif­

férenciation.

1 Pourquoi migrent-elles

?

BMP-4 ou l'invitation au voyage

Au cours des an nées récentes, des progrès substantiels ont été accomplis dans l a compréhension des méca­

n i smes moléc u l a i res q u i accompa­

gnent la délami nation des crêtes neu-

(6)

raies, principa lement au niveau tron­

ca l . Il ressort que la formation des c rêtes n e u ra l es n 'est q u ' u n des mail lons de la chaîne complexe des événements qui met en place et struc­

ture la future moelle épi n ière selon l 'axe dorsa-ventral [30] . Parm i l es acteurs moléculaires qui interviennent, certa i ns membres de la fam i l l e du TGF-�, les

bane morphogenetic pro­

teins

4 et 7 (8MP-4 et 8MP-7) [3 1

L

produ its tout d'abord par l'ectoderme superficiel qui est relayé par le tube neural l u i -même, vont tour à tour spé­

cifier l'identité de tous les types cel l u­

laires de la partie dorsale du tube neu­

ra l , d o n t l e s c rêtes n e u r a l e s . Cependant, ces dernières présentent une si ngu larité qui les distingue de toutes les autres cel l u les du tube neu­

ral : ce sont les seules à entreprendre une migration, ce qui suggère qu'el les reçoivent un signal supplémentai re responsable de ce comportement. La recherche d'un tel signal n'a abouti qu'à . . . 8MP-4 ! En effet, les études réal isées tant

in vivo

qu'

in vitro

mon­

trent clairement que 8MP-4 seu le suf­

fit à provoquer la délami nation des crêtes neurales suivie de leur migra­

tion [32, 34] . De plus, dans certai nes conditions, elle peut aussi i ndui re la migration des cel lu les du tube neural qui ne sont pas naturel lement desti­

nées à l e fa i re [ 3 5 ] . P l utôt q u ' u n signal spécifique qui s'ajoute à cel ui de 8MP-4 pou r i nduire la migration des crêtes neura l es, i l est poss i b l e qu' i l existe un signal i n h ibiteu r q u i restreigne le potentiel migratoire de toutes les cel lules du tube neural à l'exception des crêtes neura les, soit d i rectement, soit i nd i rectement, en bloquant l'action de 8MP-4. Noggin, un inh ibiteur diffusible des 8MP, est un candidat de choix car i l est en effet exprimé dans le tube neura l j usqu'au moment même du début de la migra­

t i o n des c rêtes n e u ra l es et i l est capable de réguler l'action de 8MP-4 sur le tube neural [33 ]

(mis

7

994, no 7, p. 84).

Cependant, l'action de Noggin ne peut rendre compte à elle seule du fait que l a délamination n'a

1

ieu que dans l a partie dorsale du tube n e u ra l . D'a utres facteu rs te l s q u e

Sanie hedgehog,

q u i possède u ne activité antagoniste des 8MP dans l a spécification des types cel lulaires de la moelle épi n ière, ou les protéi nes de la fam i l le Wnt i nterviennent peut-être dans ce phénomène [61 .

Selon l es modèl es actuels, 8M P-4 pou rrait agir sur les cel l u les des crêtes neurales en contrôlant d i rectement o u i nd i recte ment l ' exp ress i o n de gènes codant pou r des molécu les adhésives et des éléments associés au cytosquelette, tous acteurs de la tran­

s i t i o n é p i t h é l io-mése n c h y m ateuse

(figu re 3).

La prem i è re m o l éc u l e d'adhérence intercel l u l a i re exprimée par les cel l u les du neuro-épithél i u m est l a N-cadhérine ; e l l e persiste sur ces cel l u l es durant l ' i ntégra l ité du processus d ' é m i gration des crêtes neura l es, mais cel les-ci la perdent dès lors qu'el les ont entamé leur m igra­

tion. Cette disparition de la N-cadhé­

rine est supposée rendre i rréversible la séparation des crêtes neurales du reste d u tube n e u ra l . E n effet, le mai ntien de l'expression de la N-cad­

héri ne dans les crêtes neurales après i njection d'un vecteur d'expression adénoviral qui code pour cette pro­

téi ne provoque une accumulation de cel lu les dans la partie dorsale du tube neural [ 1 0] . En revanche, la nature du signal qui réprime l'expression de la N-cadhéri ne au moment précis de la dél a m i nation est i ncon n u e . Après leur spécification, les cel l u les des pri­

mord iums des crêtes neura les dans le tube neura l expri ment très spécifique­

ment la cadhéri ne-68 . Comme la N­

cadhérine, elle disparaît de la surface des crêtes neurales dès leur délami­

n at i on . Sa fonction est i nconn u e, mais cette expression fugace dans les crêtes neurales, non seu lement en fai t un marqueur excel lent des pri mor-

?

di ums des crêtes neura les, mais sug­

gère aussi qu'elle participe au déter­

m i n isme de cette popu lation . A l a p l ace des cadhéri nes N e t 68, les crêtes neura l es en migration expri­

ment l a cadhéri ne-7 probab lement aussi sous l 'effet de 8MP-4. Il est à noter que l 'expression de la cadhé­

ri ne-7 ne semble pas

a priori

i ncom­

patible avec la locomotion car elle présente une affi n ité de l iaison beau­

coup plus fa ible que la N-cadhérine [ 3 6 ] . A côté des cadhéri nes, Rho8 const i tue i ndub itabl ement une des c ibles les plus i ntéressantes de 8MP- 4. Il s'agit d'une GTPase responsable de l 'organ i sation d u cytosq u e l ette d'actine dans la cel l u le, qui participe d i rectement à l a délami nation des crêtes neurales mais pas, semble-t-il, à leur m igration [ 1 1 1 . On sait encore peu de choses, en revanche, sur le contrôle de l 'expression et de l'acti­

vité des i ntégri nes a u cours de l a délami nation des crêtes neurales, si ce n'est que l ' i ntégrine a6�1 disparaît au profit d'a4�1 nécessaire au dépla­

cement. Néanmoi ns, il est fort pos­

sible que ce so it a ussi 8MP-4 q u i contrôle c e changement d u répertoi re d'i ntégri nes, étant donné que certai ns membres de l a fam i l l e du TGF-� peu­

vent expér i mental ement acc roître l 'adhérence des cel l u les des crêtes neurales à la matrice extrace l l u l a i re [32 ] .

Le facteur d e transcription Slug est- i l un i nterméd iaire entre 8MP-4 e t les molécules adhésives, responsable du départ en m igration des crêtes neu-

BMP4 j_ BMP4 ?

1�

Nogg1n--1

1 1

----+

@ ----+ � ----+

Spécification Délaminati01

Migration

N-cadhérine

Cellule progénitrice neuroépithéliale

N-cadhérine Cadhérine-68 Slug Rh

oB

lntégrine a6P

1

Cellule de primordium de crête

neurale

Slug Rh

oB

Cadhérine-7 lntégrine a4P1

Cellule de crête neurale prémigratoire

Cadhérine-7 lntégrine a4P

1

HNK-1

Cellule de crête neurale en migration

Fig u re

3. Séquence présumée des événements cellulaires au cours de la spé­

cification, la délamination et la migration des cellules des crêtes neurales.

Les étapes contrôlées par BMP-4 sont indiquées, ainsi que les changements importants et rapides dans le répertoire des molécules adhésives (intégrines et cadhérines) et dans l'expression de Slug et de RhoB à chacune des étapes du processus.

1

III!S2000 n°6-7, vol. 16, juin-juillet 2000 781

(7)

JlliS 2000

raies ? L'i n h i bition de l'expression de SI ug par des ol igonucléotides anti­

sens abo l i t l 'émergence des crêtes neura les, ce qui suggère que ce pour­

r a i t ê t re l e c a s [ 7 ) . C e p e n d a n t , diverses expériences récentes i nd i ­ q u ent q u e S l ug n ' est p a s sous l e contrôle direct d e BMP-4 [ 3 3 ) mais plutôt de la noéline-1 [ 1 2 ) . Quel les sont les cibles molécul a i res de Slug ? Pour l 'heure, seu le une activité de répression de l'expression gén ique a pu être attribuée aux membres de la fam i l l e Snai l . En particul ier, il a été montré tout récemment chez la souris que S na i l rép r i m e l'expression du gène de la E-cadhérine [3 7, 38) . Or cel le-ci est rencontrée dans l ' ecto­

derme mais pas dans le neuroépithé­

l i u m qui, à l ' i nverse, exprime la N­

c a d h é r i n e . L a fro n t i è re entre l e domaine d'expression d e l a E-cadhé­

rine et cel u i de la N-cadhérine consti­

tue probablement la zone de déterm i­

n a t i o n des ce l l u l e s des c rêtes neura l es. Il est donc possi b l e que S l ug, en répri mant l a E-cad hérine, défi n isse l a pop u l ation du pri mor­

dium des crêtes neurales, mais cela reste encore à prouver. E n effet, i l n'est pas établ i que l a spécification et l a fo r m a t i o n des c rêtes n e u ra l es requièrent nécessai rement l a perte de l'expression de l a E-cadhérine.

1 Conclusions

Si les modèles de m igration ti rés des cel l u les embryonnai res, comme cel u i des crêtes neurales, nous apportent peu sur les moteurs molécu la i res à l 'éche l l e de l a cel l u l e, ce sont en revanche de précieux systèmes pour l a compréhension des mécanismes de régu l ation qui i nterviennent dans le déclenchement de la migration et le contrôle de la direction a l ité des cel­

lu les. Cela est d'autant plus vra i que le dérou lement des étapes de m igra­

tion des crêtes neurales n 'est pas sans rappeler le processus de dissém i na­

tion de cel l u les cancéreuses à partir d'une tumeu r : perte d'un état cohésif, m igration a u travers d ' u ne matrice extrace l l u l a i re et au sei n de tissus conjonctifs, et regroupement dans des sites éloignés du tissu d'origi ne. I l y a donc, tant dans les cel l u les cancé­

reuses que dans les cel l u les des crêtes neurales, nécessi té de cha ngement dans l'adhérence cel l u l a i re et adapta­

tion et survie dans des env i ronne-

782 11 ° 6- 7, vol. 1 6, juinjuillet 2000 DVS2000

ments tissu laires très divers. Dans les cel l ules cancéreuses, cependant, on ne peut analyser les étapes précoces de l a d i ssém i nation des cel l u l es à partir de la tumeur parce que c'est un phénomène par nature aléato i re et rare. Le caractère parfaitement prévi­

sible et reproductible de la migration des c rêtes n e u ra l es permet d o n c d'analyser cette étape e t d e recher­

cher la fonction de gènes expri més au moment du départ en migration des cel l ules ou d'en caractériser de nou­

veaux. A cet égard, la découverte du gène S l ug est parfaitement démons­

trative de l ' i ntérêt que présentent des mod è l es de m i gration com me les crêtes neurales. E n effet, i l a été mon­

tré récemment que Snail est impl iqué dans l a répression de la transcri ption du gène de la E-cadhérine, un gène suppresseur de tumeur, au cours de la progression tumora l e chez la souris et chez l'homme. De ce fa it, il peut être considéré comme un proto-oncogène [37, 38) . Ce sont les observations réa­

l isées i n itialement sur l'embryon qui ont conduit à cette découverte

Remerciements

Merci à Muriel Altabef et Sandrine Testaz pour leurs commentai res sur le manuscrit. Merci aussi à tous ceux de l'équipe, Muriel Altabef, Nathalie Desban, Artem jarov, Sandrine Testaz et C l a i re T h i ba u l t, pou r leur entra i n , leur enthousiasme et leur gaieté. Les projets de l'équipe ont reçu le soutien du Cnrs, de l'Uni­

versité Pierre-et-Marie-Curie, l'ARC, la Fonda­

tion pour la recherche médicale, et la Ligue contre le cancer.

RÉFÉRENCES

---

1 . Le Douarin NM, Kalcheim C. The neural crest. 2"d ed. New York : Cambridge Univer­

sity Press, 1 999.

2. Le Douarin NM. A biological cell label­

ling technique and its use 1n experimental embryology. De v Biol 1 973 ; 30 : 2 1 7-22.

3. Branner-Fraser M , Fraser S. Developmen­

tal potential of avian trunk neural crest cells in situ. Neuron 1 989 ; 3 : 755-66.

4. Serbedzija GN, Branner-Fraser M, Fraser SE. Developmental potential of trunk neural crest cells in the mouse. Development 1 994 ; 1 2 0 : 1 709-1 8.

5. Tucker GC, Delarue M, Zada S, Boucaut J(, Thiery JP. Expression of HNK- 1 /NC-1 epitope i n early vertebrale neurogenesis.

Cel/ Tissue Res 1 988 ; 2 5 1 : 457-65.

6. lkeya M, Lee SMK, Johnson J E, McMahon AP, Takada S. Wnt signalling required for expansion of neural crest and CNS progeni­

tors. Nature 1 997 ; 389 : 966-70.

7. Nieto MA, Sargent MG, Wilkinson DG, Cooke j. Control or cel l behavior during ver­

tebrale development by Slug, a zinc finger gene. Science 1 994 ; 264 : 835-9.

8. Shin MK, Levorse ) M, Ingram RS, Tilgh­

man SM. The tempora l requirement lor endotheli n receptor-B signalling during neu­

ral crest development. Nature 1 999 ; 402 : 496-501 .

9. Martinsen BJ, Branner-Fraser M. Neural crest specification regulated by the helix­

loop-hel ix repressor ld2 . Science 1 998 ; 2 8 1 : 988-9 1 .

1 O. Nakagawa S, Takeichi M. Neural crest

emigration from the neural tube depends on

regulated cadherin expression . Develop­

ment 1 998 ; 1 25 : 2 963-71 .

1 1 . Liu JP, jessel TM. A role for rhoB in the delamination of neural crest cel ls from the dorsal neural tube. Development 1 998 ; 1 25 : 5055-67.

1 2. Barembaum M, Moreno T, LaBonne C, Sechrist J, Branner-Fraser M. Noelin-1 is a secreted glycoprotein involved in generation of the neural crest. Nat Cel/ Biof2000; 2 : 2 1 9-25.

1 3 . Debby-Brafman A, Burstyn-Cohen T, Klar A, Kalcheim C. F-spondin, expressed in somite regions avoided by neural crest cel ls, med iates i n h i bition of d i st i nct som ite domains to neural crest migration. Neuron 1 999 ; 22 : 475-88.

1 4. Krul l CE, Lansford R, Gale NW, et al.

Interactions of EpH-related receptors and

ligands confer rostrocaudal pattern of trunk

neural crest migration. Curr Biol 1 99 7 ; 7 : 571 -80.

1 5. Eickholt BJ, MacKenzie SL, Graham A, Walsh FS, Doherty P. Evidence for col lap­

sin-1 functioning in the control of neural crest migration in both trunk and hindbrain regions. Development 1 999 ; 1 26 : 2 1 81 -9.

1 6. Bronner-Fraser M . Neural crest cel l migration in the developing embryo. Trends Ce71 Biol 1 993 ; 3 : 392-7.

1 7. Couly G, Grapin-Botton A, Coltey P, Ruhin B, Le Douann NM. Determination of the identity of derivatives of the cephalic neural crest : incompatibility between How gene expression and lower

j

aw develop­

ment. Development 1 998 ; 128 : 3445-59.

1 8. Tra i nor P, Krumlauf R. Plasticity i n mouse neural crest cel ls reveals a new pat­

terning role for cranial mesoderm. Nat Cel/

Biol 2000 ; 2 : 96-1 02 .

1 9. Erickson CA, Coins TL Avian neural crest cells can migrate in the dorsolateral path only if they are specified as melano­

cytes. Development 1 995 ; 1 2 1 : 9 1 5-24.

20. Giancotti FG. lntegrin signa ling : specifi­

city and control of cel l survival and cel l cycle p rogression. Curr Opin Cel/ Biol 1 997' 9. 691 -700.

(8)

RÉFÉRENCES

---

2 1 . Hynes RO, Lander AD. Contact and adhesive specificities i n the associations, migrations, and targeting of cells and axons.

Ce711992 ; 68 : 303-22.

22. Bronner-Fraser M, Artinger M, Muschler J, Horwitz AF. Developmentally regulated expression of a6 integrin in avian embryos.

Development 1 992 ; fl S : 1 97-2 1 1 . 23. Kil SH, Krul l CE, Cann G, Clegg D, Bronner-Fraser M. The a4 subunit of integrin is important for neural crest cell migrat1on.

Dev Biol1 998 ; 202 : 29-42 .

24. Beauvais A, Erickson CA, Goins T, et al.

Changes i n the fibronectin-specific integri n expression pattern modify the m igratory behavior of sarcoma 5 1 80 cells in vttro and in the embryonic environment. } Cel/ Biol 1 995 ; 1 2 8 : 699-71 3.

25. Testaz 5, Delannet M Duband JL. Adhe­

sion and migration of avian neural crest cells on fibronectin require the cooperating activites of multiple integrins of the �1 ana

�3 families. } Cel/ Sei 1 999; 1 1 2 : 471 5-28.

26. Liu 5, Thomas SM, Woodside DG, et al.

Binding of paxi llin to a4 integrins modifies integri n-dependent biological responses.

Nature 1 999; 402 : 676-81 .

27. Hynes RO. Targeted mutations in cell adhesion genes : what we have learned from them ? Dev Biol1 996 ; 1 80 : 402-1 2 . 2 8 . Monier-Gavelle F, Duband ) L . Cross-tal k between adhesion molecules : control of N­

cadherin activity by intracellular signais eli­

cited by �1 and 113 integrins in migrating neural crest cells. } Cel/ Biol 1 997 ; 1 3 7 : 1 663-81 .

29. Goh KL, Yang )T, Hynes RO. Mesoder­

mal defects and cranial neural crest apopto­

sis i n aS integrin-null embryos. Develop­

ment 1 997 ; 1 24 : 4309- 1 9.

30. Lee K), )essell TM. The specification of dorsal cell fates in the vertebrale nervous system. Annu Rev Neurosci 1 999 ; 22 : 261 - 94.

3 1 . Sautier )M, Forest N. Les protéi nes de la morphogenèse osseuse BMP. Med Sei 1 996 ; 1 2 : 364-70.

32. Delannet M, Duband )L. Transforming growth factor-� control of cel l-substratum adhesion during avian neural crest cel l emi­

gration in vitro. Oevelopment 1 992 ; 1 1 6 : 275-87.

33. Sela-Donenfeld D, Kalcheim C. Regula­

tion of the onset of neural crest migration by coordinated activity of BMP4 and Noggin in the dorsal neural tube. Development 1999 ; 1 2 6 : 4749-62.

34. Liem KF, Tremml G, Roel ink H, )essell TM. Dorsal differentiation of neural J?late cells induced by BMP-mediated signais from epidermal ectoderm. Cel/ 1 995 ; 82 : 969- 79.

35. Liem KF, Tremml G, )essel l TM. A role for the roof plate and its resident TGF�-rela­

ted proteins in neuronal patterning i n the dorsal spinal cord. Cel/ 1 997 ; 91 : 12 7-38.

36. Dufour 5, Beauvais-)ouneau A, Delou­

vée A, Thiery ) P. Differentiai function of N­

cadherin and cadherin-7 in the control of embryonic cel l motility. } Cel/ Biol 1 999 ;

1 46 : 501 -1 6.

37. Batl le E, Sancho E, Franci C, et al. The transcription factor Snail is a repressor of E­

cadherin gene expression in epithel ial tumor cells. Nat Cel/ Biol 2000 ; 2 : 84-9.

38. Cano A, Pérez-Moreno MA, Rodrigo 1, et al. The transcriptional factor Snail contrais epithel i a l -mesenc h y m a l tra n s i t i o n s b y repressing E-cadherin expression. Nat Cell BIOl 2000; 2 : 76-83.

TIRÉS À PART

---­

J.L. Duband.

l 0- 1 5 septembre 2000

Ill/S2000

Summary

The odyssey of the neural crest

Duri ng embryon i c development, m a s s i v e d i s p l ac e m ents of ce l l popu lations pa rtic ipate in the sha­

ping of the body plan and fac i l itate the segregation of d istinct lineages arising from a population of precur­

sors or, conversely, the regroup ­ ment of cel ls origi nati ng from diffe­

rent a reas of the body, thereby al lowing concerted differentiation programs to occur. For example, in a l i vertebrates, neural crest cel ls u ndergo a n extensive m igration from tne developing bra i n and spi­

nal cord up to various regions of the body such as the gut, the l imbs, and the face where they give rise to a wide array of cel l types and tis­

sues. Studies on neural crest cel l m igration have necessited the deve­

l op m e n t of strategi es, s u c h a s chick-quai l chimeras and dye !abe­

l i n g, and the search for markers, i n cl uding the H N K-1 epitope, to trace cel rs on their way to their final desti nation. l n addition, they have provided i nteresting i nformations on the mechanism of cel l locomo­

tion driven by integrins, a fam i ly of receptors of t h e extrace l l u l a r matrix, and allowed the discovery of g enes essential for the triggerin g and spatio-temporal control of ce n m igration. Most importantly, one of these ge nes,

Snail,

has been found recentfy to play a key raie in the a c qu i sition of metastatic potential at l ate stages of epithel ia l tumor progression, thereby emphasizing the paral lel existing between m igra­

tion of normal embryonic cel ls and d issemi nation of cancer cel ls.

9th International Magnesium Symposium MAG 2000 à VICHY, France

Web : http://www.inra.fr/clermont/mag2000 Pour information, contacter : Yves Rayssogioer

INRA, Clermont-Ferrand - Theix, F-63 1 22 Saint-Genès-Champanel le, France Fax : 33 (0)4 73 62 46 38 - E-mai l : mag2000 @clermont.inra.fr

IJliS2000 n ' G- 7, vol. 1 6, juinjuillet 2000 783

� �

0 0

0

Références

Documents relatifs

Près de 44 000 cas humains ont été déclarés à l’OMS par 26 pays au cours des vingt derniè- res années (Tableau I) [1, 2] , et le nombre réel de cas est probablement

Cet intérêt pour l’uniformité a été observé à l’occasion de plusieurs manifestations comptables, présentées par Morgan (1967, p. 27) : les congrès internationaux

terms of geometry: the restitution of the spatial organization of the radiometry in the observed landscape by the synthesized image should be as identical as possible

Pour  répondre  à  ces  objectifs,  notre  projet  se  déployait  en  quatre  grands  volets  complémentaires,  les  deux  premiers  (documentation  et 

147 In the zebrafish, I demonstrated that the adult pallial germinal zone derives from the two different progenitor populations: the embryonic “proneural

Abstract— To characterize time of spring emergence following post-diapause development, Delia radicum (L.) (Diptera: Anthomyiidae) from Saskatchewan, Manitoba, and southwestern

This study of the genome sequencing of a large panel of genes has permitted to identify new variants associated with NTD risk in genes involved in vitamin B12 metabolism

Total, intra- and intergroup accession dissimilarity correlations obtained with an increasing number of the three different marker systems (DArT, RFLP, SSR) were computed according