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POUR UNE PRATIQUE CONSTRUCTIVISTE DE LA REMéDIATION COGNITIVE

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POUR UNE PRATIQUE CONSTRUCTIVISTE DE LA REMéDIATION COGNITIVE

Jean-Louis Paour et al.

De Boeck Supérieur | Développements

2009/3 - n° 3 pages 5 14

ISSN 2103-2874

Article disponible en ligne l'adresse:

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http://www.cairn.info/revue-developpements-2009-3-page-5.htm

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Pour citer cet article :

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Paour Jean-Louis et al., Pour une pratique constructiviste de la remédiation cognitive, Développements, 2009/3 n° 3, p. 5-14. DOI : 10.3917/devel.003.0005

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Résumé

La remédiation cognitive est une forme de prise en charge psychologique accompagnant

la construction de l’intelligence et de ses déterminants affectifs et motivationnels chez l’enfant. La première partie de l’article rappelle l’ancrage de cette pratique clinique dans l’histoire de la psychologie

du développement et en spécifie les principaux fondements théoriques. La seconde partie présente les lignes organisatrices d’une approche

constructiviste dans la conception et la mise en œuvre des pratiques de remédiation. Dans cette perspective, l’accent est porté sur le processus

de conceptualisation, conçu comme l’un des principaux moteurs du développement de la pensée et de l’autorégulation des conduites.

Une réflexion est alors engagée sur les mécanismes et les conditions qui favorisent son émergence chez l’enfant dans les dispositifs

de remédiation cognitive.

Mots-clés

• Développement cognitif

• Remédiation cognitive

• Constructivisme

• Conceptualisation

• Autorégulation

Summary

« Cognitive remediation » refers to a form of psychological treatment oriented towards the development of children’s intelligence as well as its affective and motivational determinants.

The first part of the paper is devoted to the historical and theoretical foundations of this movement in developmental psychology. The second part presents the key aspects of a constructivist approach of cognitive remediation. Within this framework, the cognitive process of conceptualization is regarded as a central factor for the development of thought and self-regulation of behavior. The last part of the paper then reviews mechanisms and conditions that favor its emergence in clinical settings with children.

Keywords

• Cognitive development

• Cognitive remediation

• Constructivism

• Conceptualization

• Self-regulation

Pour une pratique constructiviste de la remédiation cognitive

Jean-Louis Paour Christine Bailleux Patrick Perret

Université de Provence, UFR de Psychologie, Sciences de l’Education,

Centre de recherche PSYCLÉ, 29 av. R. Schuman,

13621 Aix-en-Provence Cedex 1

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Introduction

En réponse à l’accroissement des demandes de prise en charge des troubles du développement et, de façon plus spécifique des troubles de la pen- sée, les professionnels du soin et de l’éducation mobilisent de plus en plus des pratiques dési- gnées sous le terme générique de « remédiations cognitives ». La banalisation du terme, qui corres- pond à un domaine d’intervention psychologi- que spécifique, engendre un risque de confusion auprès des usagers et des professionnels peu fami- liers de cette pratique. Cette forme de prise en charge, dont les instruments et la mise en œuvre reposent sur des fondements théoriques bien explicités, s’est développée à partir de la fin des années 1970 dans le champ de la psychologie du développement. Les auteurs de cet article en éprou- vent les effets dans leurs pratiques cliniques, ensei- gnent ses principes fondateurs auprès de publics variés et contribuent à la recherche scientifique dans ce domaine, depuis de nombreuses années pour le premier d’entre eux. Notre objectif n’est pas ici de rappeler l’histoire ou de faire l’inventaire de ce type de remédiation, ce qui a déjà été fait (voir par exemple, Büchel, 1995a ; Coulet, 1999 ; Paour & Cèbe, 1999). Notre but est d’en exposer les points essentiels à partir de notre manière de la concevoir et de la mettre en œuvre. Nous com- mencerons par définir de manière générale ce qu’est la remédiation cognitive et ses différentes acceptions dans le champ de la psychologie du développement cognitif et socio-émotionnel.

Qu’est-ce que la remédiation cognitive ?

La remédiation cognitive est une méthode de prise en charge des troubles et des fragilités développe- mentales. Elle vise à améliorer durablement le fonctionnement cognitif de l’enfant et le dévelop- pement des instruments de son intelligence, enten- due ici comme sa faculté de comprendre le monde pour mieux s’y ajuster. Le recours aux pratiques de remédiation cognitive comme élément d’un proces- sus de soin repose sur l’idée qu’en aidant l’enfant à rendre plus intelligibles les univers dans lesquels il évolue (le monde physique, l’univers du lan- gage, l’univers des idées et des émotions, celui des apprentissages, des relations sociales, etc.) nous l’ai- dons à s’ajuster aux exigences, aux contraintes et aux potentialités de ces univers. Les pratiques de remédiation cognitive s’adressent donc naturelle- ment, mais pas exclusivement, aux enfants, ado- lescents ou adultes dont l’histoire développementale (influencée par des déterminants biologiques et

socio-culturels) a pu compromettre la construc- tion ou la maîtrise de certaines compétences cog- nitives et conatives. La faible structuration ou le déficit de contrôle de leurs outils de pensée a des conséquences directes sur la capacité des enfants à s’adapter au monde qui les entoure et à ses contraintes, compromettant parfois leurs capaci- tés d’autonomie future. Face à ces difficultés déve- loppementales, la pratique de la remédiation cognitive n’est aucunement revendiquée comme la seule possible dans le processus de soin, mais comme une forme d’accompagnement thérapeu- tique qui a son autonomie et sa cohérence.

La remédiation cognitive, en tant que pratique psychologique, s’est développée dans le champ de la psychologie du développement (Case, Sandieson & Dennis, 1986 ; Feuerstein et al., 1980 ; Haywood, Brooks & Burns, 1992 ; Paour, 1985, 1988, 1991). Par son histoire et par la spé- cificité des modèles théoriques de référence qui l’inspirent, elle n’est en soi assimilable à aucun des paradigmes dominants dans le champ actuel des prises en charges psychologiques (psychody- namique, cognitivo-comportemental ou systémi- que). Cette approche clinique vise à provoquer un accroissement de l’efficience cognitive générale dans le but d’améliorer durablement l’adaptation globale, l’autonomie et le bien-être de l’enfant et de l’adolescent. Elle est également appliquée chez les adultes et – de plus en plus – chez les person- nes âgées (p. ex. Klauer, 2002). Elle repose sur l’hypothèse que l’intelligence de l’enfant (comme celle de l’adulte) s’appuie sur un ensemble de savoirs et de savoir-faire relativement généraux, transférables et modifiables, ainsi que sur des caractéristiques affectives et motivationnelles qui en favorisent ou en entravent l’épanouissement.

Plus concrètement, les pratiques de remédiation cognitive offrent à l’enfant des occasions d’« expé- rience d’apprentissage médiatisée », dans la confrontation à des activités dont les propriétés sont conçues pour favoriser chez lui l’émergence de nouvelles compétences. La notion d’« expé- rience d’apprentissage médiatisée » a été proposée par Feuerstein pour désigner une forme d’expé- rience relationnelle particulière dans laquelle un adulte médiatise le fonctionnement et la pensée de l’enfant dans une situation problème pour l’aider à en abstraire le sens et à tirer de sa résolution une compétence qui dépasse le cadre restreint du problème posé (voir pour des synthèses Büchel, 1995a ou Coulet, 1999). Le mouvement socio- constructiviste en psychologie développementale (Bruner, 1983 ; Deleau, 1990 ; Vygotsky, 1985) a largement montré que les expériences d’appren- tissage médiatisées constituent le contexte d’étayage et de sécurité psychique privilégié au

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sein duquel se réalisent nombre d’acquisitions essentielles. Les praticiens de la remédiation cog- nitive mobilisent ce format relationnel (et les mécanismes qui y sont à l’œuvre) dans l’accompa- gnement des troubles ou des fragilités susceptibles d’entraver le développement (Haywood, 2004).

Ajoutons à cette présentation générale que l’uti- lisation clinique de la remédiation cognitive a une parenté évidente avec le courant de l’évaluation dite

« dynamique » (Büchel, 1995b ; Paour, Jaume &

de Robillard, 1995 ; Tzuriel & Haywood, 1992).

Celle-ci complète les bilans psychologiques tradi- tionnels par l’évaluation d’une zone proximale de développement et de potentiels d’apprentissage en proposant des aides chaque fois que l’enfant est en échec, afin de mieux comprendre la nature et la profondeur des difficultés sous-jacentes.

L’analyse des effets de ces aides constitue souvent une évaluation plus fiable des limitations et des res- sources qu’une évaluation de type statique neutra- lisant mal les multiples facteurs (cognitifs, affectivo-motivationnels, relationnels, culturels) qui font obstacle à l’expression des compétences.

L’évaluation dynamique est ainsi particulière- ment utile avec les jeunes enfants et avec les per- sonnes présentant des déficiences intellectuelles modérées à sévères qui sont difficilement capables de mobiliser spontanément leurs compétences (Saldaña, 2004). Elle présente enfin l’intérêt d’as- socier l’évaluation à la démarche de soin en signa- lant les zones d’émergence, les compétences sur lesquelles travailler et les types d’aides qui peu- vent s’avérer utiles.

Pour une approche constructiviste de la remédiation cognitive

Sans trop schématiser, on peut dire que les propo- sitions de remédiation ont été élaborées au cours de l’histoire du mouvement en référence à trois cibles cognitives principales : (a) l’amélioration de processus généraux de traitement, (b) l’acqui- sition de stratégies cognitives et l’amélioration des processus métacognitifs1et (c) l’acquisition de concepts. Même si telle ou telle proposition est davantage centrée sur une cible cognitive don- née, cela n’implique pas qu’elle ne porte pas éga- lement sur les autres. A ce titre, toutes les propositions partagent de manière plus ou moins explicite l’objectif de contribuer à l’acquisition de stratégies cognitives et au développement de la

métacognition. Cependant, les perspectives d’in- tervention qui découlent de l’importance accordée à l’une de ces trois cibles, se distinguent les unes des autres essentiellement par trois dimensions : (1) par la nature des compétences cognitives visées ; (2) par la conception théorique des méca- nismes développementaux qui président à la construction de ces compétences cognitives ; (3) par la nature des déterminants conatifs dont on souhaite susciter la transformation et les voies de cette transformation.

Dans les paragraphes qui suivent, nous présente- rons les axes organisateurs de la démarche qui guident nos propres activités cliniques et de conception d’outils et qui fondent l’approche constructivistede la remédiation cognitive.

Ancrer la remédiation dans le processus de conceptualisation

La conceptualisation désigne le processus par lequel nous formons une représentation explicite des propriétés et du fonctionnement d’une classe d’objets, d’une activité ou d’un phénomène.

L’étude de ce processus fondamental est au cœur de l’histoire de la psychologie développemen- tale (Bang & Giliéron, 1983 ; Campbell &

Bickhard, 1986 ; Case, 1998 ; Karmiloff-Smith, 1992 ; Piaget 1975). S’y référer nous conduit à pri- vilégier certains objectifs de remédiation plutôt que d’autres, en mobilisant dans le processus de prise en charge des mécanismes développemen- taux spécifiques. Certains concepts ont un rôle particulièrement organisateur dans le développe- ment et structurent la manière dont les enfants se représentent le monde : relations catégorielles, ordinales, numériques, spatiales et temporelles, interpersonnelles, théorie de l’esprit… consti- tuent des socles utiles et parfois indispensables pour aborder efficacement les apprentissages scolaires et sociaux.

Fonder la remédiation sur des objectifs de conceptualisation nous semble par conséquent une des meilleures voies pour aider à la construc- tion de ces concepts, dans le cadre d’un travail en prévention (Bailleux et al., 2005 ; Cèbe, Paour &

Goigoux, 2004 ; Cèbe et al., 2003) ou pour induire les changements structuraux espérés2 dans le cadre d’un travail de remédiation (Paour, 1995 ; Büchel & Paour, 2005). En effet, la maî- trise de tous les corpus de connaissances – aussi Pour une pratique constructiviste de la remédiation cognitive

1. Le concept de métacognition désigne (Flavell, 1987):

a) la connaissance de ses propres connaissances et de son fonctionnement cognitif, b) le contrôle volontaire que l’on exerce sur son fonctionnement cognitif.

2. Le terme structural réfère ici à l’organisation du système cognitif et affectivo-motivationnel. Des chan- gements de nature structurale sont censés accroître l’efficience des processus de résolution de problème et d’apprentissage de manière relativement générale, durable et fonctionnellement intégrée.

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bien scolaires que professionnels – dépend de l’acquisition de concepts organisateurs des domai- nes concernés (théoriques comme pratiques) qui constituent autant de cibles potentielles et uti- les pour l’intervention. Par exemple, nous pen- sons qu’amener les jeunes enfants à conceptualiser leurs procédures efficaces de com- paraison, de catégorisation, d’ordination et de numération constitue une stratégie reine de pré- vention et de remédiation des difficultés d’ap- prentissages fondamentaux car ces activités sont au cœur de l’exercice maîtrisé de la lecture et du calcul au cycle 2 (Cèbe, Paour & Goigoux, 2004 ; Paour & Bailleux, 2009). De même, la conceptualisation des expériences émotionnel- les et relationnelles favorise la régulation de soi et constitue à ce titre un travail utile dans la prise en charge des enfants et des adolescents présen- tant des troubles (TDA/H, trouble du comporte- ment, formes légères de troubles autistiques) dans lesquels le déficit de contrôle et de décen- tration est premier (Haywood, 1992).

Amener les enfants et les adolescents à se repré- senter explicitement les procédures qu’ils utili- sent dans leurs interactions avec les objets comme avec les individus (c’est-à-dire à les concep- tualiser) a plusieurs avantages. Premièrement cette conceptualisation contribue au développe- ment de systèmes relationnels, tels que ceux de l’ordre ou des appartenances catégorielles, indis- pensables pour aborder dans de bonnes condi- tions les apprentissages scolaires de base.

Deuxièmement, nous savons que le développe- ment conceptuel des dimensions de l’informa- tion potentialise les capacités exécutives et favorise chez l’enfant l’autorégulation cognitive (Paour, Blaye & Perret, 2002). Troisièmement, l’appui sur des répertoires de connaissances pro- cédurales antérieures (les enfants comparent, catégorisent et ordonnent avant de comprendre ce qu’ils savent faire) encourage une approche active des tâches proposées et à terme des prises de conscience stratégiques et métacognitives.

Enfin, la centration sur la compréhension pré- sente également l’avantage de favoriser le trans- fert des acquis. Non seulement les concepts ont vocation à être transférés mais de plus les acti- vités de conceptualisation favorisent leur utili- sation stratégique.

Précisons ici que la notion de « conceptualisa- tion » déborde très largement la sphère concep- tuelle entendue en un sens restreint (celle des objets et des notions). Ainsi, tous les aspects de l’expérience humaine et en particulier ceux relevant des registres affectifs, communication- nels, interactifs, motivationnels, normatifs, moraux… sont susceptibles d’être conceptualisés

et d’autoriser ainsi une prise de contrôle accrue sur le fonctionnement et la conduite. L’idée cen- trale que nous défendons ici est que les proces- sus de conceptualisation ont non seulement un effet structurant et organisateur sur le fonc- tionnement cognitif, les apprentissages et le développement cognitif mais également sur l’ensemble du développement de la personne en accroissant l’autonomie de sa pensée et de son comportement.

L’approche constructiviste du

développement de la conceptualisation

Concevoir une prise en charge cohérente en remédiation cognitive ne repose pas seulement sur la définition d’un objectif (l’acquisition de telle ou telle compétence transversale), mais égale- ment sur l’identification des mécanismes de son développement puisque c’est précisément ces mécanismes développementaux que les expé- riences d’apprentissage médiatisées vont cher- cher à activer ou à réorganiser. De ce point de vue, il ne suffit pas de se proposer de faire acquérir des concepts pour inscrire d’emblée l’intervention dans une démarche constructiviste : encore faut- il que cette intervention repose sur une concep- tion constructiviste de la formation de ces concepts. Nous en précisons ici les aspects théo- riques essentiels.

Sous couvert de référence au constructivisme piagétien, on a souvent proposé des interventions laissant une part importante à l’apprentissage par l’action et par la découverte. Si cette orien- tation peut paraître a prioriséduisante, son appli- cation rencontre deux difficultés majeures. Tout d’abord, l’action n’est réellement constructive (participe à la construction conceptuelle) qu’à la condition d’être mise au service de la pensée (un outil représentable) et non poursuivie pour elle- même : l’action n’est pas en soi source de pro- grès. Ensuite, il est assez paradoxal de proposer ce type de démarche à des enfants en difficulté d’apprentissage ou présentant un retard de déve- loppement qui ont fait la démonstration de leur difficulté à apprendre par eux-mêmes. Ce qui fonde le constructivisme piagétien et néopiagé- tien, ce n’est pas l’importance de l’activité en elle-même mais la récursivité du processus déve- loppemental en fonction de laquelle un niveau donné d’acquisition et de connaissances consti- tue l’assise du niveau suivant par l’abstraction de propriétés générales (logique, règles, système relationnel) du niveau antérieur. Du même coup, le constructivisme distingue deux modes d’ap- prentissage : l’un qui est essentiellement alimenté par les informations de l’environnement ou orienté vers l’environnement (procédural, associatif,

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perceptivo-moteur) et un second (basé sur l’abs- traction, la redescription représentationnelle, la conceptualisation) qui est alimenté par les connaissances antérieures dans l’intention de comprendre leur organisation. Ces deux appren- tissages se distinguent essentiellement par leur finalité : l’apprentissage procédural est orienté vers la réussite et l’apprentissage conceptuel vers la compréhension. Les caractéristiques de l’en- vironnement en déterminent par ailleurs le bon fonctionnement. On a tendance à penser que l’apprentissage procédural en est davantage dépendant puisque c’est l’organisation immé- diate de l’environnement qu’il retient. Cependant l’apprentissage conceptuel l’est tout autant.

Indirectement d’abord parce que la conceptuali- sation suppose que l’enfant ait préalablement acquis des connaissances procédurales. Plus directement ensuite, parce que la conceptualisa- tion requiert une suite de traitements cognitifs exigeants, coûteux et optionnels dont le déploie- ment est plus ou moins soutenu et encouragé par le contexte socio-éducatif. On aura compris que la prise en compte du constructivisme en remédiation ne se limite pas à proposer des apprentissages par l’action et la découverte, mais à créer les conditions de l’apprentissage concep- tuelpar l’action et la découverte, ce qui va sup- poser beaucoup d’efforts de médiation3. Le constructivisme décrit le processus de la conceptualisation selon cinq étapes principales : 1. l’acquisition maîtrisée (stable) de connaissan- ces procédurales (visuelles, motrices, verba- les) dont les applications réussies sont implicitement organisées par un système rela- tionnel ;

2. la représentation efficace de leurs déroule- ments ;

3. un changement de centration de l’attention : du résultat des procédures aux procédures elles- mêmes ;

4. l’identification des éléments constitutifs des procédures (états et relations) ;

5. l’abstraction des systèmes relationnels consti- tutifs des concepts : interrelations entre les états qui permettent de dépasser la séquentia- lité des procédures.

Pour une pratique constructiviste de la remédiation cognitive

3. Au sens large, la médiation désigne l’ensemble des moyens déployés par le médiateur, des outils (matériel, tâche, organisation et déroulement des interventions) aux caractéristiques de son interaction avec le patient (enrôlement, questionnements, guidages, régulations et soutiens).

Nous proposons d’illustrer ce processus au moyen de l’exemple de la conceptualisation des relations ordi- nales. Ce travail fait l’objet de la construction d’un outil d’éducation et de remédiation, actuellement en cours de développement, pour des enfants de cycle II (Paour & Bailleux, 2009 ; Paour, Bailleux, Cèbe &

Goigoux, en préparation).

Le traitement et la prise en compte de l’ordre des informations sont omniprésents dans les apprentis- sages de la grande section de maternelle (automati- sation des comptines numériques et alphabétiques ; apprentissage de listes ordonnées telles que les jours de la semaine, les mois, les saisons ; segmentation phonologique ; reproduction de rythmes ; découverte et application d’algorithmes simples, etc.). Ils sont éga- lement directement impliqués dans l’entrée dans les apprentissages scolaires fondamentaux comme la lecture et le calcul. Ainsi, pouvoir suivre et repro- duire un ordre et comprendre que l’ordre constitue une caractéristique distinctive (ABBA) constituent des compétences indispensables pour le développement de la conscience phonologique, le déchiffrage en lec- ture, opérer les mises en correspondance terme à terme nécessaires au comptage, sérier les objets et coordonner les sériations, etc. De façon générale, la compréhension de l’ordre constitue un cadre concep- tuel essentiel pour résoudre une infinité de problèmes (découvrir la logique d’un ordre, rechercher l’ordre dans une série, remettre en ordre, faire et dire en ordre, comprendre une histoire…) et acquérir des systèmes conceptuels plus complexes qui sont intrin- sèquement ordonnés (relations numériques, spatia- les, temporelles, causalité physique et sociale…) ainsi que les contenus disciplinaires qui leur sont associés. Cependant la notion d’ordre est rarement, voire jamais, abordée pour elle-même et de façon explicite, comme s’il allait de soi pour un enfant de comprendre la relation qu’il y a entre taper dans ses mains en respectant un rythme, découper des mots en syllabes et apprendre à lire. Si la majorité des enfants se saisissent des concepts sous-jacents aux activités organisées par les relations ordinales, toute une série de conditions handicapantes (déficits, trou- bles ou retards cognitifs, langagiers, sensoriels, moteurs et psychiques) sont susceptibles de freiner cette conceptualisation dont le retard ou l’inachève- ment devient à son tour un déterminant des difficul- tés ultérieures d’apprentissage et d’ajustement.

Très tôt, l’enfant (autour de 16-18 mois) peut spon- tanément produire des arrangements d’objets qui ont la forme d’alignements même s’ils ne résultent pas d’une intention d’aligner mais de la répétition d’une procédure de placer à côté et qui peut d’ailleurs être favorisée par le contexte physique (entre les deux jambes, le long d’un objet plus volumineux, sur un rebord…). Aligner constitue d’ailleurs un traitement des objets dont les adultes font fréquemment la démonstration aux jeunes enfants avec lesquels ils interagissent même s’ils n’attirent pas nécessaire- ment leur attention sur la procédure elle-même. Dans

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C’est cette dynamique développementale de la conceptualisation que les pratiques constructi- vistes de la remédiation cognitive cherchent à sus- citer. Dans le même temps, elle s’accompagne de transformations affectives et motivationelles qui constituent tout autant l’enjeu des prises en charge.

L’implication des dimensions conatives (processus affectifs et motivationnels)

On présente, non sans raisons, ces facteurs cona- tifs comme la dimension énergétique du proces- sus développemental : moteur ou frein de la conceptualisation. Nous savons effectivement que conceptualiser est une activité attentionnellement coûteuse car elle dépend de traitements analyti- ques (pour isoler les éléments des systèmes rela- tionnels à construire) et synthétiques de mise en interrelation des éléments isolés. La conceptuali- sation implique donc des traitements cognitifs dont le coût suppose qu’ils soient soutenus par des formes de motivations intrinsèques – orientées vers la compréhension – et pas seulement extrin- sèques – orientées vers la réussite. Les prises en charge visent donc à transformer le rapport de l’enfant à l’exercice même de sa pensée au cours du processus de conceptualisation.

Soutenir et développer l’estime de soi est un autre des objectifs. On oublie cependant souvent que les déterminants affectivo-motivationnels n’ont pas qu’un rôle dynamique mais qu’ils sont aussi le produitdu fonctionnement cognitif (Borkowski, 2001; Csikszentmihalyi & Csikszentmihalyi, 1988;

Haywood, 1992). C’est bien ce qu’indique la recher- che des contributeurs à la performance scolaire qui montrent que les déterminants les plus directs et les plus forts de la performance ne sont pas les mesures en amont de sa production (d’estime de soi ou d’attente de réussite) mais bien l’efficacité perçue (sentiment d’auto-efficacité) en cours de production (Pelgrims, sous presse). Ainsi, conce- voir la motivation comme une résultante de l’ac- tivité cognitive et pas seulement comme une énergie initiale déplace les efforts pour transformer les déterminants affectivo-motivationnels4. C’est en les situations de co-construction avec les jeunes enfants, les adultes ont également tendance à poursuivre en ali- gnement les productions de l’enfant. Une autre expérience commune de l’ordre est celle du feuilletage des livres que les parents exécutent généralement du début à la fin du livre. Même si ce type d’activités et de médiations par- ticipent des premières expositions aux relations ordinales, elles ne peuvent pas encore constituer une base solide de leur représentation car elles ne conservent pas l’ordre – souvent arbitraire – qui vient d’être construit ou mon- tré. D’ailleurs, le jeune enfant qui a réalisé un alignement par répétition de la procédure « placer à côté » se mon- tre ensuite incapable de parcourir son alignement dans l’ordre (par exemple toucher tous les objets alignés en suivant un même sens et sans en sauter). En revanche, les connaissances qui conservent un ordre donné de manière sta- ble et donc répétable pourront servir à la construction des relations ordinales dès qu’elles seront représentables et que l’enfant sera attentif à leur organisation.

Ces connaissances sont diverses et multiples mais deux formes nous ont paru suffisamment bien représentées chez tous les enfants pour les choisir comme appuis pour aider à développer la conceptualisation des relations ordina- les. La première consiste en la capacité à parcourir la totalité d’un alignement d’objets discrets (de points, par exem- ple) en suivant un même sens de parcours et sans sauter d’élément (Bastien, 1987). Les autres formes de connaissances qui stockent des ordres et sont implicitement – aux yeux du jeune enfant – organisées selon une relation ordinale sont les listes ordonnées connues de l’enfant (comptines, début de la série numérique, suite des jours, petit-moyen-grand, etc.) et sa connaissance du déroulement ordonné de scénarios sociaux (Nelson, 1986) (toilette, repas, habillement, courses, jeux, visite, etc.) et d’histoires dont les étapes ont été bien mémorisées. A partir du moment où l’enfant pourra se représenter clairement les différents éléments/étapes de ces ordres, il sera en mesure d’en comprendre l’organisation implicite s’il est attentif à leurs propriétés. Reste alors à trouver des activités conduisant l’enfant à porter son attention sur les propriétés de la procédure. C’est ce que nous ver- rons avec les principes de la mise en œuvre de la remédiation cognitive.

La représentation des connaissances implicitement ordonnées dépend des outils de représentation dont l’enfant dispose et tout particulièrement – mais pas exclusivement puisque l’imagerie mentale et la motricité sont égale- ment engagées – du langage. Elle s’appuie en effet sur un lexique utile pour désigner les relations ordinales (avant, après, ensuite, ordre, aligner, demain, hier…) même s’il n’est pas encore constitué en systèmes relationnels puisqu’ils sont à construire. Leur représentation dépend également d’autres cadres conceptuels préalables comme par exemple un certain niveau de théorie de l’esprit nécessaire pour comprendre certains scénarios sociaux. Enfin, l’abstraction des éléments des connaissances procédurales maîtrisées (suivi d’alignements et scénarios bien connus) et de leurs interrelations implique des capacités d’autorégulation permettant de dépasser la finalité des procédures pour être attentif à leur organisation.

4. Bien entendu, le sentiment d’auto-efficacité initial a généralement un impact sur la performance mais – et c’est déterminant – la performance peut être soustraite à son influence à chaque fois qu’on arrive à proposer un environnement de résolution et d’apprentissage soute- nant un fonctionnement plus efficient (Paour & Asselin de Beauville, 1998).

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cherchant à induire chez l’enfant une démarche régulière de conceptualisation que l’on peut espé- rer transformer de manière durable sa représenta- tion de son propre fonctionnement cognitif, de ses potentialités, et in finel’estime de soi. Replacer l’enfant ou l’adolescent dans une dynamique posi- tive de changement fait partie des objectifs fonda- mentaux de la remédiation : la démarche vise à sortir d’une spirale d’échec dans laquelle faible efficience, sentiment d’incompétence5et motiva- tion extrinsèque interagissent et ne font qu’ac- croître le sentiment de perte de contrôle sur son propre fonctionnement. Bien que cet objectif soit régulièrement mis en avant, il n’est généralement pas pleinement intégré dans le travail de remé- diation, comme nous cherchons à le faire, mais abordé de manière parallèle et extérieure aux acti- vités conceptuelles et métacognitives elles-mêmes.

Principes de mise en œuvre

Notre conception méthodologique de la remédia- tion se déploie autour de trois axes que sont (a) la création de micro-mondes, (b) le développement de tâches et d’activités qui leur sont associées et (c) l’attention portée à la qualité et à la nature des médiations proposées afin d’exploiter les micro- mondes de façon optimale. Ces trois axes s’articu- lent dans un cadre général de prise en charge garant du climat de sécurité et de confiance néces- saire à l’expression d’une pensée autorégulée, débarrassée du souhait de (dé)plaire ou de la peur de l’échec, centrée sur le fonctionnement et la co- élaboration.

Création de micro-mondes

Un micro-monde est un dispositif matériel conçu pour aider l’enfant à expliciter (conceptualiser) les procédures qu’il doit utiliser pour résoudre les problèmes qui lui sont posés. Pour reprendre l’exemple présenté plus haut, l’utilisation de la procédure maîtrisée de suivi d’un alignement (tou- jours dans le même ordre et sans sauter d’élé- ments) dans des activités de comparaison de colliers de perles permet de prendre conscience des relations d’ordre qui organisent implicitement la procédure de suivi ainsi que les colliers à com- parer. Dans cet exemple, le dispositif « collier de perle » constitue le micro-monde utilisé pour faire abstraire les propriétés de la procédure de suivi d’un alignement.

Un micro-monde donné tire son intérêt de son adéquation par rapport au répertoire procédural que l’on cherche à faire conceptualiser à partir

des problèmes qu’il permet de poser à l’enfant.

Les micro-mondes thématiques (comparaison, transformations, ordre, nombre, figures, etc.) doi- vent être explorés librement et exploités à fond, sous toutes leurs coutures, pour en découvrir les propriétés, l’organisation, la logique, les systèmes relationnels sous-jacents aux procédures cibles qu’ils suscitent. L’application des procédures a deux conséquences : (a) elle produit un résultat (ce qui en est attendu) et (b) elle renforce la pro- cédure par une activation supplémentaire.

Toutefois, elle ne conduit pas nécessairement ou pas suffisamment à prendre conscience de leurs propriétés générales (car les procédures sont séquentialisées, associatives et fortement finalisées:

elles servent à quelque chose). Faire abstraire les éléments de ces systèmes et leurs relations impli- que de détourner l’attention de l’enfant du résul- tat pour centrer son attention sur la procédure elle-même : on ne se bornera donc pas à faire appliquer les procédures maîtrisées. Il faut trou- ver le moyen de détourner l’attention de l’atteinte du but pour faire prendre en compte et traiter la pro- cédure elle-même. Proposer des objets qui résistent à une procédure constitue un moyen ; proposer des situations qui incitent à travailler directement sur la représentation de la procédure en constitue un autre que nous privilégions. Dans tous les cas, favoriser chez l’enfant ces prises de conscience impose de médiatiser son fonctionnement et ses interactions avec le micro-monde.

Tâches et activités

Optimiser, favoriser, orienter le traitement de l’in- formation et les systèmes de motivation à carac- tère intrinsèque passe nécessairement par l’organisation concrète de tâches, par la manière de les mettre en œuvre et de médiatiser le fonction- nement de l’enfant. L’étape de recherche ou de conception des tâches et des activités est donc une étape importante. Les activités proposées dans ces tâches doivent permettre d’atteindre les objectifs attendus en favorisant l’autorégulation et les prises de conscience conceptuelles et méta- cognitives. La régulation du fonctionnement sera d’autant plus efficace que les tâches seront bien conçues et les activités pertinentes.

La perspective constructiviste invite à ne pas mul- tiplier les tâches pour favoriser le traitement en pro- fondeurde tâches de référence. C’est pourquoi nous proposons d’ancrer les tâches et les activités dans des domaines d’expériences bien circons- crits (les micro-mondes) choisis ou conçus pour être organisés par les systèmes relationnels que l’on cherche à faire abstraire. Ainsi, les micro- mondes sont conçus pour permettre d’en com- prendre leur logique implicite ; ils en sont les Pour une pratique constructiviste de la remédiation cognitive

5. En référence au modèle de Bandura (1997).

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révélateurs. L’abstraction des systèmes relation- nels implique un degré de connaissance des tâches et des actions permettant une représentation suf- fisamment claire et décontextualisée des proprié- tés et des relations que seule l’expérience approfondie et répétée autorise. Introduire des tâches différentes multiplie les propriétés non pertinentes et ne favorise pas la conceptualisa- tion. En revanche, le traitement en profondeur d’un même domaine d’expérience développe les stratégies de découverte et de compréhension, la possibilité de construire des raisonnements plus complexes et l’abstraction des systèmes relation- nels généraux. Ceci favorise par ailleurs grande- ment une attention focalisée sur la tâche et pas un éparpillement de l’attention, source de traitements superficiels liés à la nouveauté.

Le transfert et la généralisation des outils cogni- tifs construits dans le cadre d’un micro-monde constituent également une préoccupation impor- tante pour le praticien. Comme nous l’avons vu plus haut, centrer les objectifs de remédiation sur la conceptualisation contribue au transfert ; cepen- dant ce processus doit être accompagné, sachant que les transferts ne sont pas faciles à obtenir.

Amener l’enfant à réfléchir explicitement aux connaissances nouvelles qu’il construit et aux contextes dans lesquels il pourrait les mobiliser est l’occasion de développer une approche métacogni- tive du transfert et de la créativité. On pourra ainsi proposer : des tâches « secondaires » de transposition analogique ; des tâches parallèles analogues mais moins épurées, plus complexes et réalisées en autonomie, des demandes de démonstration et d’explication à autrui ; des acti- vités de transfert plus éloignées et davantage éco- logiques (jeux éducatifs et de société, tâches scolaires ou professionnelles) susceptibles de sol- liciter partiellement les acquis de la remédiation.

Médiations :

Explicitation de l’action et régulation

Le travail de médiation vise à aider l’enfant à pas- ser d’un niveau procédural, implicite et encap- sulé à un niveau conceptuel, explicite et décontextualisé (Karmiloff-Smith, 1992). Toutes les activités indirectes (« détournées ») que nous proposons de mettre en œuvre impliquent la repré- sentation de la procédure à faire traiter et favori- sent l’abstraction conceptuelle et métacognitive.

Pour cela, on va s’appuyer sur le traitement du matériel : comparer (toujours, encore et encore), corriger, évaluer, choisir parmi des possibles, clas- ser les réponses à choix, inférer, prévoir, décrire l’action en cours (penser à voix haute), trouver d’autres réponses ou méthodes possibles et des impossibles et les classer, etc, sont autant de façons

de travailler la conceptualisation. Toutes les tâches et activités doivent encourager à : interpréter, transposer, reproduire à l’identique avec un autre support ou refaire mais différemment, inventer, comparer, produire ou corriger des consignes.

Elles doivent enfin développer la décentration et la co-élaboration et ainsi permettre de : se trom- per volontairement ou de mal faire (un peu…

beaucoup), mettre en relation différentes représen- tations ou différentes étapes d’une même situation ou bien une même situation présentée dans des for- mats différents, d’aider autrui, de co-construire, etc.

Dans toutes ces activités, la maîtrise des procédu- res est la condition sine qua non, la porte d’entrée dans l’explicitation de l’action. Le langage consti- tue la voie royale de cette explicitation. Dans les pratiques de remédiation, il est donc systémati- quement demandé aux enfants de verbaliser leurs procédures, d’indiquer « comment ils ont fait pour » et « pourquoi ». De même, on ne demandera pas

« Qu’est-ce que c’est ? » mais « Qu’est-ce que ça pourrait être ? » « Et pourquoi ? » et « Qu’est-ce que ça n’est pas ? ». Par ces médiations, en contra- riant la tendance spontanée de l’enfant à l’action immédiate et à la réponse évidente, nous l’amenons à penser l’action, ses effets attendus, et à prendre conscience des relations sous-jacentes qui déter- minent l’étendue des possibles ou du nécessaire (Piaget, 1981). Mais l’explicitation a également une fonction de régulation, entraînant la réduction de l’impulsivité et l’augmentation de la réflexivité, le développement des procédures de vérification et à terme le développement du contrôle de l’action et de soi par la parole. De nombreux travaux ont en effet montré que les enfants présentant des troubles du développement (TSA, TDA/H, troubles des conduites, TED) souffrent d’un déficit de lan- gage intériorisé (Berk, 2001 ; Poissant, 2005).

Quand le langage, régulateur du fonctionnement cognitif mais aussi émotionnel, n’est pas présent ou peu efficient, les enfants passent par l’agir pour se faire comprendre, exprimer et réguler leurs émo- tions. Ainsi, les cas de comorbidité entre troubles des apprentissages ou de l’attention et troubles du comportement sont fréquents. Systématiser l’expli- citation vise donc également à développer un lan- gage interne, outil essentiel de l’autorégulation.

Comme nous l’avons vu plus haut, les pratiques de remédiation accordent une place décisive aux variables conatives dans le processus de change- ment : orientation de la motivation, stratégies de régulation émotionnelle, mécanismes de défense et d’attribution. Notre conception constructiviste repose sur l’idée qu’une modification durable de ces dimensions passe nécessairement par la restau- ration ou l’instauration d’une expérience d’être en contrôle de son propre fonctionnement.

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Pour une pratique constructiviste de la remédiation cognitive

Conclusion

Améliorer l’efficience cognitive de manière dura- ble, généralisable et susceptible d’entraîner des développements ultérieurs autonomes est un objectif ambitieux qui suppose de mettre en œuvre de manière organisée, systématique et rigoureuse des conditions connues pour favori- ser la transformation des processus cognitifs, métacognitifs et affectivo-motivationnels.

L’approche constructiviste de la remédiation cog- nitive présentée ici offre aux psychologues clini- ciens du développement et à leurs partenaires

professionnels un cadre théorique et méthodo- logique possible.

On aura compris que cette approche ne correspond ni à un programme clefs en main, défini a priori, ni à la prise en charge d’un trouble spécifique, mais à des principes généraux susceptibles de guider la conception d’un large spectre d’interventions adap- tées à une multitude d’objectifs thérapeutiques. La remédiation cognitive ne saurait donc se réduire à la seule utilisation d’outils consacrés. Bien au contraire, c’est une démarche générale que nous cherchons à promouvoir aussi bien dans la concep- tion d’outils que dans son application clinique.

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