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Le lexique-grammaire est-il exploitable pour le traitement des langues ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: halshs-00462422

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00462422

Submitted on 24 Mar 2010

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Le lexique-grammaire est-il exploitable pour le traitement des langues ?

Eric Laporte

To cite this version:

Eric Laporte. Le lexique-grammaire est-il exploitable pour le traitement des langues ?. Takuya Naka-

mura, Eric Laporte, Anne Dister, Cédrick Fairon. Les Tables. La grammaire du français par le

menu. Mélanges en hommage à Christian Leclère, Presses universitaires de Louvain, pp.207-218,

2010, Cahiers du Cental. �halshs-00462422�

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Le lexique-grammaire est-il exploitable pour le traitement des langues ?

Éric Laporte

Université Paris-Est

Abstract

The Lexicon-Grammar of French is a dictionary with structured syntactic-semantic information. In order to assess its exploitability in language processing, we survey four criteria: readability, degree of formalisation, degree of validity of information content, and richness in information. We contribute concrete examples to inform this discussion. We compare the significance of the criteria, in order to evaluate the validity of the priorities retained and of the compromises adopted in the course of the construction of the Lexicon-Grammar.

Keywords : lexicon, syntax, lexicon-grammar, parsing, language resource, language processing

Résumé

Le lexique-grammaire du français est un dictionnaire contenant des informations syntaxico- sémantiques structurées. Pour évaluer son exploitabilité dans le traitement des langues, nous passons en revue quatre critères : sa lisibilité, son degré de formalisation, le degré de validité de son contenu informatif, et sa richesse en informations. Nous proposons des exemples concrets susceptibles d'éclairer le débat sur cette question. Nous pesons l'importance de ces critères, afin d'évaluer la validité des priorités retenues et des compromis adoptés tout au long de l'élaboration du lexique-grammaire.

Mots-clés : lexique, syntaxe, lexique-grammaire, analyse syntaxique, ressource linguistique, traitement des langues

1. Introduction

Le lexique-grammaire (LG) du français est une grande base de données lexicales, syntaxiques et sémantiques. Il n'a pas été conçu pour être exploité dans le traitement des langues dès le début de sa construction, c'est-à-dire vers 1968, en tout cas pas uniquement. Toutefois, par la suite, certains auteurs du LG ont fait état de cette potentialité d'exploitation, qui a été pour beaucoup dans le fait que l'élaboration du LG a rencontré un soutien durable, s'est poursuivie au-delà des premières années, s'est étendue à d'autres langues que le français, et est toujours vivante actuellement.

Certains chercheurs ont mis en doute que le LG soit exploitable pour le traitement des langues, généralement en privé. Quelques auteurs ont exploité des portions substantielles du LG des verbes français pour l'analyse syntaxique automatique de phrases (Roche, 1999 ; Paumier, 2001 ; Blanc, 2006). D'autres ont étudié les obstacles

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Manuscrit auteur, publié dans "Les Tables. La grammaire par le menu. Volume d'hommage à Christian Leclère, Takuya Nakamura, Cédrick Fairon, Anne Dister, Eric Laporte (Ed.) (2010) 207-218"

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à l'exploitation du LG en traitement des langues (Hathout et Namer, 1997, 1998 ; Gardent et al., 2005, 2006). Dans cet article, nous approfondissons la réflexion sur cette question, et nous apportons au débat des exemples concrets sur quatre points : la lisibilité visuelle du format, le degré de formalisation, le degré de validité et la richesse en contenu informatif

1

.

C'est avec une admiration sincère que nous dédions cette étude à Christian Leclère, un des principaux auteurs du LG des verbes distributionnels du français, et un des piliers du Laboratoire d'automatique documentaire de linguistique (LADL).

2. Lisibilité visuelle

Un simple coup d'œil sur un extrait du LG (fig. 1) montre que la lisibilité de son format a été une priorité dans sa conception.

Figure 1. Extrait de la table 31R (Boons et al., 1976) dans la version 1.1.

Les entrées lexicales sont faciles à identifier visuellement et à comparer : ce sont les lignes de la table. De même, les propriétés syntaxico-sémantiques sont matérialisées par l'alignement vertical des valeurs qu'elles prennent : ce sont les colonnes. Ce format tabulaire permet de croiser sur un même écran des dizaines d'entrées et des dizaines de propriétés. Ainsi, lorsqu'il code une entrée, le lexicologue a sous les yeux la description d'entrées comparables, pour peu que chaque table regroupe une classe d'entrées suffisamment homogène. Cette visualisation facilite le codage. Elle n'est réalisable qu'avec des étiquettes (ou intitulés) de propriétés répétées sur chaque écran, et donc très succincts : chaque intitulé occupe au plus une trentaine de caractères.

S'il existait des lexiques syntaxico-sémantiques complets et satisfaisants pour le traitement des langues, s'il existait un consensus dans la communauté scientifique sur

1

Nous remercions le CNRS pour son soutien à ce travail par l'intermédiaire du Laboratoire d'Informatique Gaspard-Monge (LIGM).

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les propriétés à renseigner ou sur les entrées lexicales à distinguer, ou s'il était prouvé que la perspective de construire de tels lexiques de façon entièrement automatique n'est pas largement utopique, alors le format tabulaire de la figure 1 ne serait peut-être pas d'actualité. Mais nous en sommes loin. Ce format facilite notamment la discussion scientifique sur la construction manuelle de lexiques pour le traitement des langues, discussion qui a besoin de se développer : dans le LG, par exemple, certaines entrées verbales ne sont pas codées, comme celles de basculer et boiter dans la figure 1 ; certaines constructions, notamment pronominales, ne sont pas représentées ; les entrées adjectivales sont en construction...

Chaque propriété syntaxico-sémantique décrit partiellement une construction.

L'intitulé "N0 est Vpp" dans la figure 1 représente une phrase à interprétation statique constituée du sujet N

0

de la construction de base, de la copule être, et du participe passé du verbe. Dans le cas de l'entrée s'évanouir dont la construction de base est illustrée par Luc s'évanouit, la construction à sens statique en question est celle de Luc est évanoui. La propriété "N0 =: N-hum" indique que le sujet N

0

de la construction de base peut être occupé par un groupe nominal dénotant une entité non humaine. Pour l'entrée blouser décrite dans cette figure, cela correspond à des phrases telles que Le chemisier blouse.

Pour que les intitulés de propriétés soient mnémoniques, ils ont été construits à partir de symboles représentant des valeurs de traits : N pour substantif, est pour le verbe être, pp pour participe passé ; mais pour qu'ils soient succincts, on n'y a généralement pas précisé les traits correspondants, respectivement ici : catégorie grammaticale, verbe support, temps/mode.

Il serait hasardeux d'exploiter le LG dans un système de traitement des langues sans s'assurer qu'il peut être achevé et mis à jour, et donc qu'il existe sous un format lisible et éditable. Pourtant, peu d'auteurs ont pris en compte ce critère dans leur évaluation du LG. Hathout et Namer (1997, 1998), Gardent et al. (2005, 2006), par exemple, n'y font aucune allusion. Ils raisonnent en consommateurs et ne prennent pas en compte le début de la chaîne de production. La majorité des acteurs du traitement des langues considère d'ailleurs l'élaboration manuelle de ressources linguistiques comme un des cauchemars du domaine, un écueil à éviter et une source d'erreurs. Cette attitude découle probablement de goûts intellectuels des informaticiens, mais elle est objectivement irrationnelle, et le domaine devrait à notre avis la remettre en question.

Pour Gardent et al. (2005, 2006), le format du LG n'est pas standard, car les constructions ne sont pas sous la forme de structures de traits, avec noms de traits et noms de valeurs, comme celles utilisées par les systèmes actuels. En adoptant de telles conventions, les deux propriétés ci-dessus sont représentées par des formules telles de la figure 2, ou par des formules équivalentes en XML, encore moins concises.

construction:[predicate:[part-of-speech="verb", mode="participle", tense="past"],

support-verb:[part-of-speech="verb", lemma-list:[value="être"]],

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arguments:(constituent:[position="0",

distribution:[component:[category="NP"]]])]

constituent:[position="0",

distribution:[component:[category="NP", human="false"]]]

Figure 2. Deux propriétés sous la forme de structures de traits.

Ces conventions sont manifestement incompatibles avec les exigences de compacité de l'édition manuelle sur format tabulaire. Les structures de traits sont un standard destiné à d'autres usages que la visualisation lisible. Les projets Comlex (Grishman et al., 1994) et FrameNet (Fillmore et Atkins, 1994) n'ont pas non plus adopté un format de structures de traits pour l'édition et la mise à jour des lexiques. Dans la recherche, le respect des standards doit être accompagné d'une remise en question plus ouverte que dans l'ingénierie. C'est au contraire l'expérience issue de la construction du LG ― et d'autres projets producteurs de lexiques à grande couverture pour le traitement des langues, mais il en existe peu ― qui a vocation à nourrir la construction des standards et des normes. C'est le sens de la réflexion sur le format du LG effectuée par le projet Genelex (Alcouffe et al., 1993), qui fut une des sources du projet de normalisation Eagles. Le projet Lexsynt a également donné l'occasion de tenir compte du LG lors de l'élaboration de la norme LMF (Francopoulo et al., 2006).

3. Degré de formalisation

Un des obstacles à l'utilisation du LG en traitement des langues est son degré de formalisation. Il est plus formalisé que le TLF (Dendien et Pierrel, 2003), dans lequel les propriétés syntaxico-sémantiques sont décrites par du texte ou suggérées par des exemples, et non spécifiées par des intitulés normalisés ; mais il l'est moins qu'un analyseur syntaxique.

3.1. Représentation des propriétés

Les propriétés syntaxico-sémantiques y sont représentées par des intitulés succincts (cf. section 2), moins précis que les formalismes utilisés par les analyseurs syntaxiques et les grammaires pour représenter les constructions syntaxiques. Par exemple, dans l'intitulé "N0 V vers N", qui représente une construction illustrée par Des animaux divaguent vers le fleuve, le symbole N représente un groupe nominal, déterminant compris, comme le fleuve. Dans l'intitulé "N0 V N1 Dnum N", qui représente la construction de Luc loue son studio 400 euros, le même symbole N représente cette fois-ci un substantif, alors que le déterminant, ici 400, est symbolisé séparément par Dnum. Hathout et Namer (1997) notent ainsi que certaines informations sont implicites, non entièrement spécifiées ou représentées de façon non uniforme.

Dans les années 2000, les projets Lexsynt et LMF ont suscité chez les spécialistes de l'analyse syntaxique un renouveau de l'intérêt pour le LG. Cela a motivé la recherche de solutions à cette insuffisance de formalisation, notamment à travers l'utilisation de

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réseaux de transitions récursifs (Paumier, 2001 ; Blanc, 2006) ou de formules plus précises que les intitulés. Cependant, de telles formules ne sauraient être aussi concises que ceux-ci (cf. section 2) : la solution n'est donc pas de substituer simplement ces formules aux intitulés, qui gardent leur raison d'être. Gardent et al. (2005) préconisent plutôt que les informations du LG soient rendues utilisables dans des systèmes de traitement des langues par un prétraitement qui les ferait passer à un niveau de formalisation équivalent à celui de la norme LMF, et éventuellement soient encodées en XML

2

. Constant et Tolone (2008) transcodent ainsi les informations du LG sous la forme d'ensembles de structures de traits comparables à celles de la figure 2. Ce traitement relie entre elles les propriétés qui contribuent à décrire une même construction, par exemple les deux propriétés mentionnées dans la section 2 : le LG lui-même ne les relie pas explicitement (Gardent et al. 2005), si ce n'est à travers le symbole N

0

contenu dans les deux intitulés. Le traitement de Constant et Tolone (2008) produit des formules plus appropriées au traitement des langues, mais ne résout pas définitivement le problème, car le métalangage syntaxico-sémantique varie de système à système et de théorie à théorie, et LMF ne cherche pas à le normaliser. Il est difficile de représenter les propriétés syntaxico-sémantiques par des formules à la fois complètes et satisfaisantes pour tous les systèmes et toutes les théories. D'autres traitements du même type peuvent donc être envisagés en parallèle.

Par ailleurs, un travail systématique sur les intitulés de propriétés a été engagé au LIGM, afin d'élever légèrement leur degré de formalisation, sans toutefois en modifier substantiellement les conventions, la compacité ou la lisibilité. Ainsi, les cartouches horizontaux qui matérialisent une classification des propriétés dans les versions imprimées des tables ont été supprimés en 2003-2004 : ils contribuaient certes à la lisibilité, et apportaient des informations, mais faisaient des intitulés de colonnes des objets complexes constitués de plusieurs étiquettes. Lors de la suppression de ces cartouches, les informations qu'ils contenaient ont été incorporées aux intitulés. Autre exemple, en 2009, la propriété "(N1)(de V1 W)" codée dans la classe de verbes 12 a été réintitulée "Qu Psubj =: Qu Ni Vsubj W = (Ni) (de Vi-inf W)". Cette propriété relie la construction illustrée par Le ressort empêche la bague de glisser à celle de Le ressort empêche que la bague glisse ; l'emploi du symbole N

1

pour désigner le sujet qui subit la montée, ici la bague, était critiquable car ce symbole désigne déjà par ailleurs l'ensemble de la complétive objet, ici que la bague glisse ; c'est pourquoi il a été remplacé par N

i

.

3.2. Documentation des propriétés

Les propriétés syntaxico-sémantiques n'étant pas définies avec précision par leurs intitulés, elles sont documentées dans des publications scientifiques (pour les verbes

2

Ce décalage entre le LG et les formalismes habituels de dictionnaires pour le traitement des langues explique probablement que certains spécialistes du domaine ne considèrent pas le LG comme un dictionnaire. Il a pourtant les caractères les plus fondamentaux d'un dictionnaire, notamment sa structure en entrées lexicales et de son contenu informatif.

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distributionnels, Gross, 1975 ; Boons et al., 1976a, 1976b ; Guillet et Leclère, 1992).

Mais cette documentation n'est pas suffisante :

- aucun de ces quatre ouvrages n'a été publié en traduction anglaise ; - l'un d'entre eux est peu diffusé (Boons et al., 1976b) ;

- les définitions ne sont pas toujours assez précises pour les spécialistes d'analyse syntaxique, qui ne sont pas toujours spécialistes de syntaxe ;

- et un même intitulé recouvre parfois des propriétés différentes suivant les classes ; ainsi "N0 =: N-hum" indique que le sujet N

0

de la construction de base peut être occupé par un groupe nominal dénotant une entité non humaine, le verbe conservant son sens canonique (cf. ci-dessus Le chemisier blouse), sauf dans la classe 31H où ce même intitulé indique que la phrase prend alors un sens métaphorique, comme dans Le paysage sommeille à comparer avec Luc sommeille.

Hathout et Namer (1997) jugent ainsi l'interprétation des tables difficile. Pour remédier à ce problème, la documentation la plus complète, qui est celle de Guillet et Leclère (1992 : 409-430) a été entièrement revue, étendue à toutes les propriétés et traduite en anglais, au cours d'un travail collectif auquel a pris part Christian Leclère.

3.3. Délimitation des classes

Le LG répartit les entrées lexicales dans des classes. L'appartenance d'une entrée à une classe implique certaines propriétés syntaxico-sémantiques caractéristiques, qui délimitent la classe. Les auteurs ont choisi pour cela les propriétés les plus importantes : le nombre de compléments essentiels dans la construction de base, l'introduction de ces compléments par des prépositions, la possibilité qu'ils soient constitués d'une complétive, etc. Ainsi, la classe 9 (Gross, 1975) regroupe les verbes dont la construction de base est N

0

V N

1

à N

2

, où le complément essentiel direct N

1

peut être occupé par une complétive, mais où le complément essentiel N

2

indirect en à ne le peut pas, comme dans Luc dit qu'il pleut à tout le monde. Cependant, les propriétés définissant les classes sont documentées de façon imprécise, soit informellement dans les textes, soit par des formules du même type que les intitulés.

Elles ne figurent pas dans les tables : ainsi, la table 9 n'a pas de colonne intitulée "N0 V N1 à N2". Or cette propriété sert de référence pour la représentation des autres constructions, comme "N0 V à N2" (Luc téléphone à tout le monde), et pour les propriétés distributionnelles, comme "N0 =: N-hum" : la numérotation des arguments, ici N

0

et N

2

, fait le lien

3

. Ces conventions semblent avoir compliqué la compréhension des propriétés par les utilisateurs. Gardent et al. (2005), par exemple, se demandent si les indices font référence à la position du constituant dans la construction de base ou dans une autre.

3

Dans la version imprimée de la table 34L0 (Boons et al., 1976a), la numérotation des arguments de certaines constructions est indépendante de celle de la construction de base, et des cartouches horizontaux lèvent l'ambiguïté informellement. Lors de la suppression des cartouches horizontaux, les intitulés de cette table ont été rendus conformes aux conventions des autres tables.

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Pour formaliser la définition des classes, il a été décidé de renseigner une table des classes, dans laquelle les propriétés sont attribuées non plus à des éléments lexicaux, mais à des classes entières (Constant et Tolone, 2008). Ce travail est en cours.

3.4. Délimitation des entrées lexicales

Comme pour tout lexique au sens linguistique, les objets de base du LG sont les entrées lexicales. En cas de polysémie, les entrées sont séparées : les entrées de foncer (dans Luc fonce au port et dans Le pigment fonce les couleurs) sont distinguées l'une de l'autre de la même façon que foncer l'est de fonder (dans Luc fonde une agence).

Plusieurs constructions peuvent relever d'une même entrée ; ainsi, le LG ne consacre pas d'entrée distincte à Les couleurs foncent : il rattache cette construction à la même entrée que Le pigment fonce les couleurs, à travers une propriété intitulée "N1 V".

Certaines classes font exception à ce principe. Ainsi, Luc saupoudre du sel sur les frites est décrit dans la classe 38LS avec la construction canonique N

0

V N

1

Loc N

2

, où Loc désigne une préposition locative. La construction croisée Luc saupoudre les frites de sel est spécifiée dans cette entrée sous l'intitulé "N0 V N2 (de N1)", mais elle est également décrite indépendamment, de façon plus détaillée, dans la classe 37M4, avec une numérotation indépendante des arguments. Dans l'avenir, nous souhaitons rendre ces tables homogènes avec les autres sur ce point.

La spécification de plusieurs constructions dans une même entrée a parfois été mal acceptée par les utilisateurs. Ainsi, Gardent et al. (2005), à propos de la classe 1, ajoutent des entrées lexicales correspondant au remplacement d'une infinitive complément (Max commence par examiner Luc) par un complément humain (Max commence par Luc).

4. Degré de validité

Gardent et al. (2006) notent que certaines informations contenues dans le LG peuvent être incorrectes. Plusieurs sources d'erreurs expliquent en effet la présence d'informations invalides.

Il existe d'abord des erreurs matérielles. Des anomalies des programmes de gestion des tables ont inversé tous les signes + et - dans certaines entrées, par exemple traîner là

4

dans la classe 1. J'ai moi-même introduit au cours de la révision des intitulés (cf.

section 3.1) plusieurs erreurs que j'ai corrigées en 2009.

Ensuite, certains verbes supports ont été codés dans le LG des verbes distributionnels, comme faire dans Luc fait du tennis ou subir dans Le pétrole subit une hausse.

Comme il existe des tables de noms prédicatifs décrivant tennis ou hausse, il est nécessaire de collationner ces entrées et d'éliminer les entrées de verbes supports.

4

Gardent et al. (2005) prennent cette entrée comme exemple, mais ne mentionnent pas l'erreur.

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Enfin, les auteurs ont cherché à infléchir légèrement leurs jugements d'acceptabilité dans le sens de la tolérance. Gardent et al. (2005) trouvent ainsi certaines constructions assez peu probables. La description de deviner, par exemple, marque comme acceptable la construction N

0

deviner N être Adj (Luc devine cette question être cruciale, classe 6). Il faut toutefois noter que je te devine être capable d'autant de répartie est attesté

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sur un blog dans un message de septembre 2008. Les auteurs du LG des verbes distributionnels du français n'ont pas cherché à appuyer leurs décisions sur des attestations dans des corpus. C'était irréalisable à l'époque (Boons et al., 1976 : 37). Un contrôle de la validité plus objectif aurait été lourd et aurait compromis la faisabilité du projet. La couverture en informations a été préférée à l'objectivité.

Aujourd'hui, confronter le LG avec un corpus serait un travail intéressant, mais il serait irréaliste de prétendre relier à des attestations toutes les informations contenues dans le LG. Ce dictionnaire représente un balayage du vocabulaire (13 000 entrées verbales, mais toutes n'ont pas été codées) croisé avec un balayage de 460 propriétés syntaxico-sémantiques, au cours duquel on teste les mêmes constructions sur les entrées rares comme godailler que sur les entrées fréquentes comme bouillir. Un corpus représente également un balayage croisé, mais partiel, sans la garantie que la totalité des combinaisons soit passée en revue ; il n'atteste pas d'inacceptabilités. Le choix de couvrir une grande masse d'informations justifie d'ailleurs en partie aussi celui d'un degré de formalisation limité (cf. section 3) : un appareil formel plus complexe n'aurait-il pas freiné l'application de tant de tests ?

La présence d'erreurs dans le LG ne doit pas faire oublier ses points forts en ce qui concerne la validité.

Le fait que l'on puisse repérer des erreurs est en soi un signe de falsifiabilité du LG au sens épistémologique : il se prononce explicitement sur des points vérifiables. Il reste d'ailleurs assez neutre par rapport aux différentes théories syntaxiques. Ses auteurs se sont concentrés sur des phénomènes relativement vérifiables, c'est-à-dire ceux pour lesquels l'observation est plus reproductible. Ils ont ainsi marqué l'aspect processif ou statique de certaines constructions, comme N

2

V N

1

, illustré par Le rideau cache le sac, statique, à comparer à la construction de base de la même entrée, Luc cache le rideau derrière le sac, processive ; mais dans le cas de la construction N

1

V Loc N

2

, le marquage de ce trait sémantique n'a pas été jugé suffisamment reproductible pour être systématisé : si l'aspect est nettement processif dans Le volet claque contre le mur, et nettement statique dans Le carton tient contre la caisse, l'intuition sémantique est moins claire dans Le frein frotte sur la jante. D'une manière générale, les auteurs du LG se sont entourés de précautions méthodologiques en vue d'assurer la reproductibilité de leurs observations (Laporte, 2008), et le recours à l'intuition y est plus sévèrement encadré que, par exemple, dans Levin (1993), d'où une base empirique plus solide

6

.

5

http://capmetz57.over-blog.com/article-22749572-6.html, 2 décembre 2009.

6

Beth Levin connaissait pourtant le travail de Boons et al. (1976) (communication personnelle).

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Il arrive qu'un cadre théorique ait une difficulté à prendre en compte un fait observé dans le LG : c'est probablement ce que Hathout et Namer (1997 : 5) entendent par

« certaines transformations sont linguistiquement incorrectes, dans le cadre théorique considéré » (HPSG), et illustrent par la construction N

1

se V auprès de Nhum de ce Qu P (Luc se réjouit auprès de Marie de ce que le film sorte)

7

. Cependant, l'incorrection se situe plutôt du côté du cadre théorique que du phénomène observé. La neutralité par rapport aux théories syntaxiques explique par ailleurs le choix d'un degré de formalisation limité. Un formalisme plus complexe, nécessairement plus dépendant d'une théorie, n'aurait-il pas gêné l'observation éventuelle de faits auxquels cette théorie n'aurait pas été adaptée ?

5. Contenu informatif

Gardent et al. (2006 : 145-146) notent que certaines informations sont absentes du LG ou incomplètes, par exemple les fonctions grammaticales et les rôles thématiques, mais que d'autres propriétés, qui ne sont généralement pas utilisées par les analyseurs ou les générateurs, sont présentes, comme l'interprétation temporelle des infinitives.

Le contenu informatif du LG est-il suffisant par rapport aux besoins d'un analyseur syntaxique ? Comment se situe-t-il par rapport aux autres lexiques structurés ?

Les fonctions grammaticales ne sont pas toutes codées, car elles recouvrent des propriétés syntaxico-sémantiques, généralement plus factuelles, avec lesquelles elles font en partie double emploi. Ainsi, la notion de complément d'objet direct se fonde sur différentes propriétés qui ne coïncident pas toujours : position après le verbe, absence de préposition, pronominalisation, passivation (Gross, 1969)... Ce sont plutôt ces propriétés qui sont codées dans le LG, ce qui est plus précis. En particulier, les auteurs du LG des verbes ont joué un rôle pionnier dans la délimitation entre les compléments essentiels (objets) et circonstanciels (adjoints, modifieurs). Ainsi, ils ont décrit comme complément essentiel le complément direct des verbes de la classe 32NM (Luc chausse une grande taille, La pièce sent le jasmin), souvent considéré comme circonstanciel. Il en est de même du complément indirect de nombreux verbes locatifs (Luc place sa voiture contre le mur). Ils ont également recensé de nombreux compléments qui ont un comportement intermédiaire entre ceux d'un complément essentiel et d'un complément circonstanciel, par exemple sur ce point dans Luc se ravise sur ce point.

En ce qui concerne les rôles thématiques et plus généralement la formalisation du sens, les auteurs du LG se sont limités à des phénomènes dont ils ont pu encadrer l'observation par des tests syntaxiques (cf. section 4).

7

Cette construction à trois arguments, qui dénote un acte de parole, coexiste avec une construction à deux arguments (Que le film sorte réjouit Luc) ; dans celle-ci, on ne peut pas toujours considérer que le troisième argument, formellement absent, est en fait sémantiquement présent. Une telle situation est une anomalie par rapport à la plupart des théories actuelles.

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On pourrait citer d'autres lacunes dans le contenu informatif du LG : certaines entrées ne sont pas encore codées, comme basculer et boiter (figure 1) ; les constructions dont la formation est régulière, comme la négation ou les propositions relatives, ont été négligées sauf lorsqu'elles varient en fonction des éléments lexicaux ; certaines constructions, notamment pronominales, ne sont pas codées ; les tables d'adjectifs sont en construction... Toutes ces informations sont certainement indispensables au bon fonctionnement des analyseurs syntaxiques fondés sur des lexiques et des grammaires.

Malgré ces limitations, il est difficile de contester la richesse du contenu informatif du LG, en comparaison avec d'autres lexiques structurés. Le balayage du lexique et le recensement des constructions sont impressionnants. La délimitation systématique entre constructions figées et constructions libres est difficile à trouver ailleurs, si ce n'est dans les lexiques-grammaires d'autres langues.

De telles avancées auraient-elles été possibles avec d'autres options méthodologiques ?

Conclusion

L'idée que le lexique-grammaire est difficilement exploitable pour le traitement des langues découle en partie de la présence d'erreurs et de lacunes, qui peuvent être corrigées, mais aussi d'un sentiment d'étrangeté que ressentent les spécialistes d'analyse syntaxique devant des choix qui sont peu courants dans la plupart des autres projets dont ils ont connaissance. Une prise en compte des différentes données du problème amène à nuancer cette vue, et à justifier la plupart de ces choix par les caractères originaux du lexique-grammaire : un vaste recensement du lexique et des constructions, la priorité donnée aux données factuelles sur les contraintes liées à des théories spécifiques, une exigence de reproductibilité des observations. Or ce sont justement ces caractères qui ouvrent des perspectives d'exploitation du lexique- grammaire dans des systèmes de traitement des langues.

Références

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halshs-00462422, version 1 - 9 Mar 2010

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