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Sortir de l’hébergement d’insertion vers un logement social en Ile-de-France : des trajectoires de relogement, entre émancipation et contraintes

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Academic year: 2021

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Submitted on 6 Oct 2014

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Sortir de l’hébergement d’insertion vers un logement social en Ile-de-France : des trajectoires de relogement,

entre émancipation et contraintes

Marie Lanzaro

To cite this version:

Marie Lanzaro. Sortir de l’hébergement d’insertion vers un logement social en Ile-de-France : des trajectoires de relogement, entre émancipation et contraintes. Architecture, aménagement de l’espace.

Université Paris-Est, 2014. Français. �NNT : 2014PEST1026�. �tel-01071536�

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Ecole Doctorale « Ville, Transport et Territoires »

Sortir de l’hébergement d’insertion vers un logement social en Ile-de-France Des trajectoires de relogement, entre émancipation et contraintes

T OME 1

Thèse pour l’obtention du doctorat en URBANISME, AMENAGEMENT et POLITIQUES URBAINES

Présentée par Marie LANZARO Sous la direction de Jean-Claude DRIANT

Soutenue publiquement le 04 Avril 2014 devant un jury composé de :

M. Jean-Yves AUTHIER, Professeur à l’Université de Lyon II, UMR Max Weber – Rapporteur.

M. Jean-Claude DRIANT, Professeur à l’Université Paris Est Créteil, Lab’Urba – Directeur de thèse.

Mme Férial DROSSO, Professeure émérite, Université Paris Est Créteil, Lab’Urba – Examinateur.

Mme Maryse MARPSAT, Administrateur de l’INSEE – Examinateur.

M. Numa MURARD, Professeur émérite, Université Paris Diderot, Centre de sociologie des pratiques et des représentations politiques – Rapporteur.

M. Philippe WARIN, Directeur de recherche au CNRS, UMR PACTE – Examinateur.

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A François

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R EMERCIEMENTS

Une thèse est un travail profondément solitaire mais c’est aussi le fruit de nombreuses rencontres. Je me permets de prendre le temps de remercier ici les nombreuses personnes qui de près ou de loin ont contribué et rendu possible la réalisation de cette recherche.

La première rencontre est celle avec mon directeur de thèse Jean-Claude Driant. Je tiens ici à le remercier pour ses conseils avisés, ses nombreuses relectures, sa grande disponibilité et ses mots toujours justes et confiants. Je le remercie également pour sa contribution à la réalisation de mon travail de terrain.

Je tiens également à citer trois femmes enseignantes qui ignorent sûrement le rôle qu’elles ont joué dans mes choix universitaires et notamment celui de poursuivre mon cursus en thèse. Tout d’abord ma professeure d’arts plastiques de première et terminale. C’est elle qui, la première, en nous dispensant des cours sur Le Corbusier a suscité mon intérêt pour penser la ville, le logement et leurs habitants.

Ensuite, la première doctorante chargée de TD que j’ai croisée dans ma carrière universitaire à Nanterre. Alors qu’elle nous enseignait les techniques d’enquête en sociologie, j’enviais son statut de jeune chercheuse comme d’enseignante. J’ai très souvent pensé à elle lorsque je suis passée de l’autre côté du décor. Enfin, l’enseignante qui, en master, m’a initiée aux thématiques de l’immigration et de la pauvreté et m’a accompagnée dans l’apprentissage de la recherche et dont la figure d’enseignante chercheuse m’a confortée dans le choix de la recherche et de l’enseignement.

Je remercie plus généralement, les nombreux enseignants et chercheurs qui ont accepté de me rencontrer à différentes étapes de ma recherche et ceux que j’ai croisés au détour d’un colloque et qui à travers une remarque, une question ou une suggestion de lecture ont guidé ma réflexion et mon propos. Et je remercie particulièrement celles qui ont accepté de lire certains passages de cette thèse.

Je remercie enfin très chaleureusement l’ensemble des membres de mon jury, Jean-Yves Authier, Férial Drosso, Maryse Marpsat, Numa Murard et Philippe Warin d’avoir accepté de relire ce travail et de me permettre de le discuter avec eux.

Tous mes remerciements aussi au Lab’Urba et à l’Institut d’Urbanisme de Paris pour les bonnes conditions dans lesquelles ils permettent à leurs doctorants de réaliser leur recherche et de communiquer autour de celle-ci. Je tiens tout particulièrement à saluer et remercier Tianamala Ramaroson, Nadine Rosier et Brigitte Quigniot pour leur disponibilité et leur bonne humeur rendant les conditions de travail à l’IUP d’autant plus agréables.

Je remercie également l’AORIF, la DRIHL, le Lab’urba et la FNARS Ile-de-France pour leur appui financier et logistique dans la mise en œuvre de mon enquête par questionnaire.

Merci Alexandre Fabrer qui a accepté de faire passer les questionnaires avec un grand souci d’écoute dans la collecte des propos des personnes relogées.

Je veux remercier tout particulièrement les personnes hébergées ou relogées qui ont accepté de me livrer une parcelle de leur histoire et qui m’ont accordé leur confiance.

Je n’oublie pas les divers acteurs qui m’ont ouvert les portes de leurs structures et qui ont accepté de

me faire part de leur expérience. Je les en remercie.

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Cette thèse est imprégnée de l’ambiance des divers endroits au sein desquels elle a été rédigée et des personnes auxquels ils sont associés, je tiens ici à la citer. Elle est d’abord empreinte de la fraicheur et rigueur qu’impose la BNF mais aussi de la chaleur des amitiés que j’y ai retrouvées. Cette thèse s’est aussi imprégnée du parfum des lavandes et des couleurs de Roussillon ; de l’air marin et de l’horizon de Saint-Samson-sur-Rance, d’Agon-Coutainville et de Villers-sur-Mer et bien entendu de l’hospitalité et de l’affection que j’y ai trouvées.

Elle est aussi et surtout empreinte de l’atmosphère chaleureuse et conviviale de l’institut d’urbanisme et de l’écoute bienveillante que j’y trouvais. Je tiens à remercier mes compagnons de route et particulièrement : François Valegeas, Pauline Gaullier, Camille Devaux, Maud Le Hervet et Daniel Mathus mais aussi Cecilia Almeida, Hélène Béguin, Rosa Cetro, Garance Clément, Mathilde Cordier, Hernan Cortes Carvajal, Camille Gardesse, Jean-Amos Lecat Deschamps, Sylvaine Le Garrec et Mariana Tournon.

Merci à mes amis, non doctorants, qui, bien qu’il ne soit pas facile de saisir en quoi consiste ce

« travail » de thèse ont toujours été présents, même à des milliers de kilomètres, et m’ont encouragée et soutenue jusqu’au point final (notamment dans les relectures). Je tiens particulièrement à remercier Alice, Jessie, Alexandre et Jean-François.

Je tiens ici aussi à mentionner Margot, Jeanne, Clémentine et Adèle, qui sans le savoir m’ont permis de relativiser mon implication dans ce travail.

Merci à mes parents pour la confiance qu’ils m’ont toujours accordée, pour n’avoir jamais remis en cause un seul de mes choix et pour m’avoir toujours encouragée et appuyée lorsque j’en avais besoin.

Je les remercie pour leurs qualités – et « défauts » – dont j’ai hérités et qui ont trouvé dans cette thèse un terrain propice à leur épanouissement…

C’est une pensée particulière que j’adresse à mon frère, Jules. J’aurais en effet aimé pouvoir le rassurer dans son propre travail car bien que nous soyons tous deux engagés dans des processus d’écriture très différents j’ai endossé le rôle d’éclaireuse… A défaut d’avoir pu lui frayer le chemin et renverser les obstacles qui le jalonnent, je tenais à ce qu’il sache que je demeure à ses côtés pour les franchir.

Enfin, je voudrais remercier mon formidable partenaire solidaire.

Malgré la houle et malgré les montagnes russes émotives que je lui ai faites emprunter durant ces

quatre années, il a toujours été confiant et patient et s’est attaché à ce que je mène et conclue cette

thèse dans les meilleures conditions possibles. Merci.

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S OMMAIRE

Remerciements ... 5

I NTRODUCTION ... 15

1. La recherche en élaboration ... 15

2. Posture et protocole de recherche ... 34

3. Plan de la thèse ... 46

P ROLOGUE METHODOLOGIQUE ... 51

I. Saisir les trajectoires de relogement... 52

II. Enquêter auprès de personnes sans logement et assistées : spécificités et invariants ... 82

C ONCLUSION ... 106

P REMIERE PARTIE : L E SYSTEME DE L HEBERGEMENT A LA FIN DES ANNEES 2000 : ENTRE HERITAGES ET SOUCI DE MODERNISATION ... 109

C HAPITRE 1 : L’ HEBERGEMENT A LA FIN DES ANNEES 2000, UN SYSTEME MIS EN DIFFICULTE POUR FAVORISER L ’ INSERTION ... 115

Section 1. L’ASH, une assistante en marge(s) ... 116

Section 2. L’ASH un dispositif d’insertion ... 132

C ONCLUSION ... 164

C HAPITRE 2 : L A « REFONDATION » DE L ’ HEBERGEMENT : F AVORISER LA « FLUIDITE DES PARCOURS » ET LES SORTIES DE L ’ HEBERGEMENT ... 167

Section 1. Le choix de la refondation du système et d’une approche « logement d’abord » ... 168

Section 2. Refondation et accès au logement des personnes hébergées ... 185

C ONCLUSION ... 209

C ONCLUSION PREMIERE PARTIE ... 211

D EUXIEME PARTIE : INSERTION ET RELOGEMENT EN PRATIQUES ... 215

C HAPITRE 3 : H EBERGER DANS UNE PERSPECTIVE D ’ INSERTION ... 219

Section 1. L’accès conditionnel à une structure d’hébergement d’insertion ... 220

Section 2 : Les conditions de l’insertion ... 230

C ONCLUSION ... 247

(11)

C HAPITRE 4 : « B RICOLAGES » ET VARIABLES D ’ AJUSTEMENT FACE A LA CONTRAINTE DE

L ’ OFFRE ET DU SYSTEME ... 251

Section 1. Anticiper la dépendance à l’égard de l’offre et du système d’attribution ... 253

Section 2. Assurer la mise en relation de l’offre et des demandes ... 273

C ONCLUSION ... 291

C HAPITRE 5 : A CCOMPAGNER VERS ET DANS LE LOGEMENT OU LA S ECURISATION DES RELOGEMENTS ... 295

Section 1. Accompagner vers l’autonomie dans le logement ... 296

Section 2. Assurer la pérennité des relogements ... 307

C ONCLUSION ... 321

C ONCLUSION DEUXIEME PARTIE ... 322

T ROISIEME P ARTIE : T RAJECTOIRES DE RELOGEMENT M OBILITES ET CHOIX SOUS CONTRAINTES ... 327

C HAPITRE 6 - F AIRE FACE A L ’ ABSENCE DE LOGEMENT ... 331

Section 1. Les circonstances qui aboutissent à l’absence de logement ... 332

Section 2. Les cheminements qui mènent à l’hébergement ... 347

Section 3. Le recours à l’hébergement institutionnel ... 361

C ONCLUSION ... 379

C HAPITRE 7 : E VOLUER DANS L ’ HEBERGEMENT – LES CONDITIONS D ’ UNE MOBILITE ( INFRA - ) RESIDENTIELLE ... 385

Section 1. Démarches et ajustements dans une perspective d’insertion et de sortie de l’ASH ... 386

Section 2. La portée des mesures prises en vue de s’en sortir ... 419

C ONCLUSION ... 452

C HAPITRE 8 : A CCEDER ET S ’ INSERER DANS UN LOGEMENT SOCIAL N EGOCIATIONS , AJUSTEMENTS ET EXPERIENCES DE LA CONTRAINTE ... 455

Section 1. Accepter ou refuser le logement proposé ... 456

Section 2. Logements obtenus : in-satisfactions et adaptations à la marge ... 479

CONCLUSION ... 513

C ONCLUSION TROISIEME PARTIE ... 514

C ONCLUSION GENERALE ... 517

(12)

B IBLIOGRAPHIE ... 529

T ABLE DES TABLEAUX ... 555

T ABLE DES GRAPHIQUES ... 558

T ABLE DES SCHEMAS ... 558

L ISTE DES SIGLES ……….559

T ABLE DES MATIERES ... 563

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I NTRODUCTION

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(16)

Introduction

I NTRODUCTION

L’objet de cette thèse est de décrire et d’analyser les trajectoires de relogement de personnes hébergées provisoirement au sein de structures institutionnelles œuvrant à leur insertion sociale, à la fin des années 2000 en Ile-de-France.

Dans cette introduction, nous exposerons, dans un premier temps, le cheminement personnel et intellectuel qui nous a menée

1

au sujet des conditions de sorties de l’hébergement institutionnel, puis à l’objet de recherche que sont pour nous les « trajectoires de relogement ». Pour cela, nous définirons les termes du sujet, ferons état des travaux existants et soulèverons les points de tension qui nourrissent notre problématique. Nous expliciterons, dans un deuxième temps, notre ancrage théorique. Nous développerons alors notre grille d’analyse de la procédure de relogement par les trajectoires résidentielles des personnes ciblées et plus particulièrement de celles qui en bénéficient effectivement. Nous préciserons finalement notre choix pour l'Ile-de-France et présenterons brièvement le protocole méthodologique adopté

2

.

1. L A RECHERCHE EN ELABORATION

Le sujet de cette thèse est le résultat d’une construction progressive au cours des deux années d'un master en urbanisme et aménagement de l’espace.

C’est par la précarité de l’emploi

3

que nous sommes arrivée à la question de l’exclusion du logement.

Dans le cadre de notre recherche de master 1, nous nous sommes en effet attachée à relever les diverses situations en matière de logement et d’habitat rencontrées par les individus occupant un emploi à temps partiel, sous qualifié ou limité dans le temps, et marqué bien souvent par la pauvreté monétaire

4

. En plus d’être confrontés à des conditions de logement moins confortables et moins décentes que les ménages dont les membres occupent un emploi stable, certains d’entre eux se trouvaient exclus du logement ordinaire

5

et contraints d’occuper des habitats précaires tant d’un point

1

Nous avons pris le parti dans l’écriture de cette thèse d’employer la première personne du pluriel tout en accordant les participes passés au singulier féminin. L’emploi du nous est académique mais renvoie à une chercheuse.

2

A cette introduction succède un prologue méthodologique qui décrit et analyse plus finement notre enquête.

3

Le mot précaire, renvoie à ce qui est fragile, instable sur la durée et qui ne s’exerce que grâce à une autorisation révocable.

Appliquée au marché du travail, cette notion renvoie à la fois à un travail qui serait dévalorisé et peu rémunérateur et non pérenne dans la durée.

4

D’un point de vue monétaire, un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu'il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté (60% de la médiane des niveaux de vie). Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation. Enfin, le revenu disponible d'un ménage comprend les revenus d'activité, les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d'autres ménages et les prestations (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs (Source INSEE).

5

Dans l’acception de l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), un logement est défini du point

de vue de son utilisation, de sa forme et du statut d’occupation. « C'est un local utilisé pour l'habitation : séparé, c'est-à-dire

complètement fermé par des murs et cloisons, sans communication avec un autre local si ce n'est par les parties communes

de l'immeuble (couloir, escalier, vestibule,...) ; indépendant, à savoir ayant une entrée d'où l'on a directement accès sur

(17)

Introduction

de vue juridique que physique

6

(Lanzaro, 2008). Face au constat contre-intuitif, et quelque peu naïf, que l’emploi ne préservait pas toujours de conditions de logement précaires ou de l’absence de domicile, nous avons poursuivi nos recherches dans le cadre d’un mémoire de recherche en master 2 autour du recours à l’hébergement à Paris. Toujours très intéressée par le lien entre logement, emploi et pauvreté, nous ciblions un public donné : les travailleurs hébergés en structures généralistes d’urgence ou d’insertion

7

. Nous souhaitions alors comprendre leur recours à cette aide et leur présence au sein de ces structures d’assistance. Notre recherche nous a finalement conduite au résultat suivant : à leur arrivée dans l’hébergement, les personnes accueillies ne disposaient que très rarement d’un emploi. Ce n’est, en effet, qu’au cours de leur prise en charge qu’elles retrouvaient un emploi. Pour autant, nous observions que les ressources acquises ne leur permettaient pas de sortir à court terme du dispositif et d’accéder à un logement ordinaire de droit commun

8

(Lanzaro, 2009).

C’est à propos des sorties de l’hébergement, et plus précisément du passage de l’hébergement vers le logement, que nous avons décidé de poursuivre nos recherches en thèse en choisissant de conserver comme terrain l’Ile-de-France. Il n’était plus question de cibler un public en particulier mais d’observer, parmi les personnes hébergées, celles qui parvenaient à sortir de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) pour accéder à un logement de droit commun. Ce choix nous a conduit finalement sur une frange bien particulière d’individus dépourvus de logement à qui l’on avait proposé une place d’hébergement, qui avaient accepté une prise en charge dans l’ASH, et qui y demeuraient jusqu’à ce qu’un logement social de droit commun leur soit proposé et attribué. L’enjeu était dès lors de comprendre les conditions de sorties de l’hébergement et autour de cet enjeu de la sortie, comment se rencontraient et interagissaient les trajectoires personnelles et les logiques institutionnelles.

Ce sujet nous situe à la croisée de plusieurs champs de recherche (sans-abrisme, précarité, trajectoires résidentielles, politiques sociales et du logement) et de plusieurs disciplines (l’urbanisme, la sociologie et l’ethnologie). Il illustre, en effet, notre affiliation à l’urbanisme, l’aménagement et les politiques urbaines, par définition pluridisciplinaires. Pour autant, notre thèse ne traite pas en soi de l’itinérance et des carrières de sans-domicile

9

, du système d’hébergement ou de l’accès au parc social

10

mais bien

l'extérieur ou les parties communes de l'immeuble, sans devoir traverser un autre local. Les logements sont répartis en quatre catégories : résidences principales, secondaires, logements occasionnels et vacants » (source INSEE).

6

François Clanché propose une grille d’analyse des différents degrés de précarité du logement et des habitats à partir de critères d’occupation physique, temporel et juridique. Le logement au sens de l’INSEE représente la stabilité maximale sur tous les volets. Dans sa grille d’analyse, plus on s’éloigne de cette stabilité et du confort d’un local indépendant, personnel, dont l’occupation est pérenne plus les logement et habitat sont précaires (Clanché, 2000) [voir en annexes p.XX la grille que nous avons élaboré sur cette base là].

7

Nous expliciterons l’organisation du système de l’hébergement de l’urgence vers l’insertion et la distinction entre structures généralistes et spécialisées dans la première partie la thèse.

8

Nous entendons par logement ordinaire de droit commun, un logement indépendant, soit un local destiné à l’habitation, confortable et décent, dont l’occupation est pérenne et encadrée par un contrat d’occupation soumis à la loi de 1989 ou bien actée devant un notaire.

9

Bien que notre acception des trajectoires, nous le verrons, peut se rapprocher du concept de carrière tel que l’emploie

H.Becker (1985).

(18)

Introduction

des contingences qui rendent possibles une sortie de l’ASH, en direction du parc social de droit commun.

A partir de la définition des termes du sujet, d’un état de la littérature existante et du contexte politique dans lequel cette recherche a débuté, nous retracerons le cheminement intellectuel qui nous a permis de problématiser le sujet de la sortie de l’hébergement en l’objet que nous qualifions de « trajectoires de relogement ». Dans la mesure où notre approche se veut empirique et inductive, c’est en réalité par des allers et retours entre le terrain, nos premiers résultats et la littérature existante que nous y sommes parvenue. En conséquence, la réflexion traduite ici relève d’une reconstruction a posteriori et se verra complétée dans la suite de notre développement.

1. Hébergement et insertion : entre émancipation, contraintes et probation

Dans le sens commun, l’hébergement s’entend comme l’action de loger, d’abriter ou encore de recevoir quelqu’un chez soi, généralement à titre provisoire. Il peut prendre plusieurs formes telles que l’hébergement chez un tiers (dans la famille, chez un compatriote, etc.) mais aussi une forme institutionnelle au sein de structures répondant à une mission d’intérêt public, d’accueil et de mise à l’abri provisoire de « personnes en difficultés ». Ces types hébergements ne se distinguent pas tant du point du vue de la précarité de cette position résidentielle que par la forme qu’ils prennent et par la relation à l’hôte qu’ils impliquent (solidarité et éventuellement familiarité contre assistance et réglementation).

L’hébergement institutionnel, dont il est question dans cette thèse, se distingue du logement tant d’un point de vue physique, juridique, que du point de vue des temporalités d’occupation. L'hébergement prend le plus souvent la forme d’une chambre individuelle ou partagée dans une structure collective, ou celle d'un logement indépendant, mais dans lesquels les personnes hébergées peuvent être appelées à partager les autres espaces de vie (cuisine, sanitaires etc.). En tant qu’aide sociale, il relève du code de l’action sociale et de la famille (CASF), alors que le logement dépend du code de la construction et de l’habitation (CCH). Le statut d’occupation est celui d’ « hébergé » ou de « résident » et le contrat de séjour qui lie l’hébergé à l’association gestionnaire stipule une prise en charge limitée dans le temps dont la vocation est de mener à l’insertion.

10

Sur ces différents points nous renvoyons le lecteur aux travaux d’une part de Pascale Pichon, Claudia Girola, Patrick

Decleck, Patrick Gaboriau, Daniel Terrolle [pour le volet sans-abrisme et itinérance] mais également à ceux de Charles

Soulié, Julien Damon et Patrick Pelège [sur le système d’assistance] et enfin aux travaux de Catherine Bourgeois, Catherine

Grémion, Patrick Simon, Sylvie Tissot et François Bonnet, Mirna Safi (et al.) [sur le volet accès au logement social].

(19)

Introduction

a. Les fonctions d’assistance et d’insertion

L’aide sociale à l’hébergement est instituée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

11

. Son périmètre d’intervention s’élargit au cours des années 1970 et peu à peu sa mission de « réadaptation » se meut en « réinsertion ». Les structures qui composent cette aide sociale tendent, au cours des années 1980 et 1990, à se diversifier et à se spécialiser dans l’accueil de personnes mises en difficulté pour accéder ou se maintenir dans un logement de droit commun.

A partir du milieu des années 1980, l’offre de logement accessible à bon marché se contracte. Le

« parc social de fait »

12

se réduit, les loyers dans le parc privé augmentent et la demande la moins solvable se reporte sur le parc social qui se révèle dans l’incapacité d’amortir l’ensemble des demandes (Arbonville, 2000). Face à ce constat, l’Etat se préoccupe de « concevoir des dispositifs facilitant l’accès et le maintien dans un logement, tout en développant une offre immobilière spécifique en direction de ceux que l’on appelle désormais « les plus démunis » » (Ballain, Jaillet, 1998 p.129). L’Etat, en tant que garant de la solidarité nationale, promeut le droit au logement (lois de 1982

13

, 1989

14

, 1990

15

) et se dote d’outils pour en garantir l’effectivité. L’hébergement institutionnel en est un.

A travers ces initiatives, les pouvoirs publics orientent le volet social des politiques du logement (Fribourg, 1998) vers les personnes considérées comme étant confrontées à des difficultés de logement. Il est alors question de celles qui, en raison de « l’inadaptation de leurs ressources, de leurs conditions d’existence », ne parviennent pas par elles-mêmes à accéder ou à se maintenir dans un logement décent (Article 1 de la loi du 31 mai 1990, dite loi Besson). L’ASH propose ainsi une mise à l’abri et une intervention sociale à toutes « personnes et familles dont les ressources sont insuffisantes, qui éprouvent des difficultés pour reprendre ou mener une vie normale notamment en raison du manque ou de conditions défectueuses de logement, et qui ont besoin d’un soutien matériel, psychologique et, le cas échéant, d’une action éducative temporaire» (article 185 du CASF) dans une visée d’insertion sociale.

11

Un historique détaillé en est fait dans le premier chapitre.

12

L’expression « parc social de fait » renvoie au parc locatif privé dont le profil des occupants correspond à celui du parc social public mais qui propose, bien souvent, des logements de moindres qualité et confort que ceux relevant du parc social public. Ce parc social de fait (à travers notamment les hôtels, les logements dégradés etc.) a toujours joué un rôle de premier accueil, de passage mais également de variable d’ajustement face aux difficultés d’accès au parc de logement ordinaire de qualité (voir sur ce point Levy-Vroelant, 2000).

13

Loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs.

14

Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

15

Loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du droit au logement.

(20)

Introduction

L’objectif de ce dispositif

16

est dès lors de porter assistance en mettant à l’abri les personnes en détresse mais également d’agir sur elles et de les mener vers les lieux repérés comme étant ceux de l’insertion (Pelège, 2004). L’hébergement n’est donc pas une fin en soi mais le support d’une démarche d’insertion « qui doit conduire la personne accueillie vers une plus grande autonomie personnelle » (Circulaire DAS n°91-19). L’hébergement est conçu comme un palliatif de l’absence de logement dans le temps, mais aussi comme un sas supposé mener à l’insertion et, par ricochets, à un logement de droit commun.

Cet objectif d’insertion se substitue à celui d’intégration sociale qui prévalait dans les années 1970. La principale distinction entre ces deux notions relève de leur dimension collective pour l’une et individuelle pour l’autre. L’insertion, que l’on peut définir comme « un phénomène global et multidimensionnel » qui n’est « ni seulement un emploi, ni seulement un logement, ni seulement une formation… mais, avec tout cela, une reconnaissance sociale, un sentiment d’utilité, un sentiment d’appartenance, une identité personnelle. » (Maurel, 1990 p.708), vise en effet à « pallier les défaillances des mécanismes d’intégration

17

à un niveau essentiellement individuel » (Loriol, 1999 p.9). L’individu fait l’objet d’une intervention « pour atteindre un état qui est jugé préférable […]

[dès lors] l’insertion est essentiellement pensée comme un dispositif s’adressant à des personnes à normaliser

18

en vue d’une adaptation à la vie professionnelle et sociale » (Loriol, 1999 p.10-11).

Les personnes à qui bénéficie l’ASH sont considérées comme étant en difficulté, ce qui justifie une mise à l’abri et la dispense d’une intervention sociale dans une logique réparatrice et d’adaptation au monde qui les entoure.

b. Emancipation et contraintes

Au cours des années 1970, certains intellectuels et militants assimilent le travail social à des institutions répressives voire disciplinaires. « Le développement du travail social est présenté comme un prolongement possible des procédures de surveillance et de correction qui, depuis le « grand renfermement des pauvres », assurent le maintien de l’ordre social » (Ion, Tricart, 1984 p.21)

19

. Un

16

Par dispositif, nous entendons d’abord un ensemble d’institutions, d’acteurs, de techniques, de réglementations (Castel, 2009) dont l’objectif est ici de mener à l’insertion. Nous entendons, ensuite, les dispositifs comme une réaction à une tension entre une intervention, ses raisons et ses effets. Ceux-ci permettraient de recadrer ou de réajuster une intervention antérieure dont les effets sont inachevés ou incomplets au regard du problème initial (Raymond, 2005). Dans cette perspective les dispositifs d’insertion, d’hébergement, seraient pensés comme un moyen de réguler a posteriori, de pallier les effets de mesures adoptées précédemment afin d’en limiter au mieux les dysfonctionnements ou effets négatifs.

17

L’intégration renvoie à un groupe ou à une société dont les membres « se sentent liés les uns aux autres par des croyances, des valeurs, des objectifs communs, le sentiment de participer à un même ensemble sans cesse renforcé par des interactions régulières » (Loriol, 1999 p.7-8)

18

Normaliser est ici à entendre comme l’action de faire devenir ou redevenir normal ou bien encore de rétablir une situation antérieure, jugée normale.

19

Voir à ce propos le numéro de la revue Esprit en date d’avril-mai 1972, intitulé « Pourquoi le travail social ».

(21)

Introduction

champ de la recherche sur les dispositifs d’habitats assistantiels s’inscrit dans cette approche. Les structures d’hébergement sont dans certains cas appréhendées, en référence aux travaux d’E. Goffman et de M. Foucault, comme des « institutions totales », « disciplinaires » ou d’« enfermement » (Pelège, 2004), de contrôle (Bernadot, 2007)

20

ou bien encore comme des institutions contraignantes (Coulon, Capodano, 2000).

Par institutions, Murielle Darmon entend des instances de socialisation dont la vocation est, dès les premières années de l’existence et, tout au long de la vie, de former et transformer les individus (Darmon, 2006).

Dans le cas des structures que nous considérons, leur vocation (par la mise à l’abri et la dispense d’une intervention sociale) est de faire accéder les personnes accueillies à l’autonomie et l’insertion et ainsi de rétablir leur situation vers une position jugée normale. Si dans le sens commun, l’autonomie renvoie au droit et à la liberté pour les individus de se gouverner par leurs propres lois et de déterminer librement les règles auxquelles ils se soumettent (Dictionnaire le Robert, 2003), dans une logique d’intervention sociale, la visée même d’autonomie est, selon Stéphane Rullac, largement empreinte d’un processus de socialisation. L’autonomie, en tant que capacité à se gouverner par ses propres lois, est « très souvent présentée comme une promesse de liberté, de libre arbitre et même de bonheur » alors même qu’« il s’agit de la capacité à gérer ses propres dépendances (physiques, psychiques et sociales), dans le cadre d’une socialisation » (Rullac, 2010 p.31). L’auteur soulève le fait qu'atteindre cette liberté et ce libre arbitre implique de la part des personnes assistées qu’elles assimilent la norme et les contraintes qui pèsent sur elles. Les pratiques d’accompagnement social ne tendent dès lors

« que vers des objectifs de liberté relative […]. L’autonomie représente donc une acceptation de perdre sa liberté fondamentale en tant qu’être humain pour acquérir une liberté relative en tant qu’être socialisé.» (Rullac, 2010 p.31). Dans un contexte d’injonction à l’autonomie (Duvoux, 2009 ; Astier, 2010), les structures d’hébergement peuvent effectivement être assimilées à des institutions de socialisation.

En outre, ces institutions sont, dans leur fonctionnement, fortement réglementées et encadrent strictement la vie quotidienne des personnes hébergées. L’existence d’un règlement intérieur (relatif aux horaires d’ouverture et de repas, aux droits de visite, etc.), de sanctions en cas de non respect du

« Le travail social se trouvait alors critique comme appelé à servir de nouvelles formes de contrôle social, plus sophistiquées que celles, policières ou paternalistes, qui avaient cours au siècle précédent, plus déguisées […] mais non moins coercitives, normalisatrices des comportements déviants […] et qui s’incarnaient dans toutes les formes de résistance à l’ordre social. » (Donzelot, Roman, 1998 p.7-8). En décrivant les étapes de la formation du travail social, Janine Verdès Leroux met en évidence la façon dont s’est peu à peu constitué « un corps d’agents spécialisés, destinés, dans un premier temps, à conjurer les menaces que faisait peser le mouvement d’organisation naissant de la classe ouvrière et, dans un second, à rendre impossible toute mise en cause directe de l’ordre établi en étendant la domination à toutes les sphères de la vie des dominés » (Verdès Leroux, 1978 p.57).

20

Cette dimension de contrôle est surtout relevée dans les structures spécifiquement destinées aux migrants (dont la vocation

serait plus de les loger de façon pérenne, jusqu’à leur départ) et dans une moindre mesure les structures sociales (Bernardot,

1999, 2007).

(22)

Introduction

dit règlement et l’existence d’un contrat d’insertion auquel les personnes doivent se tenir, conduisent Céline Coulon et Xavier Capodano à assimiler les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) à des structures contraignantes. Ces contraintes apparaissent d’ailleurs pour ces auteurs comme des filtres de sélection dans le processus d’admission d’évolution et de sortie de l’hébergement (Coulon, Capodano, 2000 ; Bernardot, 2007). En conséquence l’acceptation de ces contraintes est présentée comme une condition d’admission puis d’émancipation

21

vis-à-vis de l’ASH.

A défaut d’appréhender les structures d’hébergement comme des institutions disciplinaires ou totales

22

, nous les analyserons comme des institutions de socialisation, contraignantes. Des instances donc, qui, dans une logique d’émancipation, agissent sur les individus pour les mener vers les lieux repérés comme étant ceux de l’insertion et qui, pour se faire, recourent à des pratiques contraignantes.

c. L’hébergement à la fin des années 2000 : une réponse pour les « surnuméraires du logement » ?

Les structures d’hébergement sont donc pensées pour mettre à l’abri des personnes « en difficulté » et pour favoriser leur insertion sociale. Or, dès les années 1990 et, avec encore plus d’acuité, à la fin des années 2000, la vocation de l’hébergement est questionnée. L’hébergement apporterait finalement une réponse aux « surnuméraires du logement »

23

.

En 2008, dans son rapport annuel sur le mal logement, la fondation Abbé Pierre

24

dénonce l’utilisation qui est faite du secteur de l’hébergement. Elle le présente comme « le point névralgique de la crise économique et sociale que traverse notre société, le lieu où doivent être pris en charge les effets des processus de désaffiliation qui laissent de nombreux individus sans capacité de rebond, mais aussi les conséquences d’une crise du logement qui se traduit par une insuffisance d’offre de logements accessibles. S’y projette aussi l’insuffisance ou l’inadaptation d’autres politiques que celle du logement dont les effets sont en quelque sorte externalisés. […] C’est ainsi que le secteur de l’hébergement apparaît alimenté à la fois « par le bas », quand il doit répondre à des personnes

21

Nous entendons par émancipation le processus d’affranchissement, qui libère et rend les personnes hébergées indépendantes vis-à-vis de l’assistance.

22

Elles agissent effectivement comme lieu de résidence, sur un plus ou moins long terme, mais pas, ou rarement pour celles que nous avons enquêtées, comme un lieu de vie et de travail. En outre les résidents ne sont pas coupés du monde extérieur, tout est même fait pour privilégier les liens avec le droit commun et le passage vers celui-ci.

23

Dans le sens commun « surnuméraire » renvoie à ce qui dépasse, ce qui excède un nombre ou la quantité fixés, soit ce qui est en trop. Dans cette acception, sa connotation est péjorative. Or, cette référence à l’acception de Robert Castel évoque les individus qui ne parviennent plus à se ménager une place dans la structure sociale, qui sont invalidés dans la conjoncture et l’organisation de la société. Le drame des surnuméraires « tient à ce que les nouvelles exigences de la compétitivité et de la concurrence, la réduction des opportunités d’emploi font qu’il n’y a désormais plus de place pour tout le monde dans la société où nous nous résignons à vivre. » (Castel, 2009 p.348).Ce concept renvoie donc aux responsabilités de la société dans ce processus d’invalidation de valides.

24

Notons que René Ballain, auteur auquel nous nous référons souvent, est l’un des contributeurs réguliers à la rédaction des

rapports annuels sur le mal logement de la fondation Abbé Pierre.

(23)

Introduction

fortement désocialisées ou victimes d’une succession de ruptures. Mais aussi « par le haut » quand ceux qui le sollicitent sont d’abord des salariés plus ou moins précaires – aux ressources faibles ou instables – qui n’ont pas trouvé à se loger » (Fondation Abbé Pierre, 2008 p.79). Ce sont divers processus et, dans certains cas, les effets pervers du système économique, du marché du logement ou encore les impensés de certaines politiques publiques, qui alimenteraient les structures d’hébergement.

L’ASH serait ainsi peu à peu détournée de ses publics cibles et de ses missions principales.

Au cours des années 1990, selon certains auteurs (Ballain, Jaillet, 1998), la croissance des phénomènes de pauvreté et de précarité met en cause les découpages classiques de l'offre de logement (logement de droit commun pour les plus modestes, d’une part, et logements spécifiques au vu des « handicaps » et particularités de certains publics, d’autre part). Il serait en effet de plus en plus difficile de distinguer les populations qui relèveraient de « la pauvreté marginale, […] ou du handicap de celles des

« valides invalidés » » (Ballain, Jaillet, 1998 p.139) et on assisterait à la « pathologisation de la précarité » (Ballain, Jaillet, 1998). Ces auteurs pointent, en effet, le fait que les publics visés par la loi Besson (les démunis et les défavorisés) sont effectivement, pour certains, « des individus brisés, marginalisés depuis longtemps, « hors jeu », qui relèvent d’une conception thérapeutique ou éducative de l’accompagnement social » mais que ceux-ci « sont loin de constituer la masse de ceux qui transitent par ce dispositif. Beaucoup ont un profil tout simplement banal qui ne relève d’aucune pathologie sociale, tels ces ménages aux revenus modestes ou incertains, tels encore ces visages trop colorés, refusés par les organismes HLM ou par les propriétaires privés » (Ballain, Jaillet, 1998 p.138). Ils les qualifient dès lors de « surnuméraires » ou d’« indésirables » dans la sphère du logement, « soupçonnés d’être de mauvais payeurs ou de « déranger » le voisinage, sans pour autant cesser d’être normaux. S’ils empruntent la voie des Plans pour le logement des plus démunis, c’est qu’ils ont épuisé les autres filières d’accès au logement. Ils en attendent un logement, mais se trouvent pris dans les mailles d’un dispositif tutélaire. » (Ballain, Jaillet, 1998 p.138).

En conséquence l’aide sociale à l’hébergement serait certes mobilisée pour répondre à des difficultés mais accueillerait des personnes qui logiquement devraient relever du logement ordinaire. Le recours à l’ASH s’inscrirait dès lors dans une visée de construire des conditions d’accès au logement pour les

« surnuméraires du logement » (Ballain, Jaillet, 1998)

25

.

Or, le choix de recourir à l’ASH n’est pas anodin pour porter assistance aux personnes « en difficulté ». Le passage par ces institutions socialisatrices suppose que les personnes hébergées – telles que soient leurs difficultés – fassent « leurs preuves » pour accéder à un logement de droit commun (Maurel, 2004). Dès lors, en plus de voir le provisoire se pérenniser, ces habitats de passage

25

Dans ces termes, ces individus, qui, dans les années 1990 et 2000, sollicitent l’aide sociale (à l’hébergement ou non)

auraient, dix ans plus tôt, été intégrés par eux-mêmes à la sphère du travail ou au logement et auraient mené une vie ordinaire,

plus ou moins éloignée de l’aide sociale.

(24)

Introduction

deviennent un logement probatoire pour les plus pauvres et les précaires. C’est par l’acquisition d’une position insérée et par la démonstration de leur autonomie que les personnes hébergées sont appelées à sortir de l’ASH et parvenir à un logement de droit commun, lui-même supposé consacrer leur insertion et autonomie.

2. Les personnes sans logement et hébergées : des « acteurs affaiblis »

Si l’on se penche désormais sur les personnes, celles qui sont prises en charge dans l’ASH le sont du fait des difficultés qu’elles rencontrent et qui se manifestent notamment dans la sphère du logement.

Dans le langage courant, elles sont appréhendées sous une pluralité de dénominations et incarnent la figure même de l’exclusion (Guillou, 1994 ; Bresson, 1997 ; Damon, 2002). Nous décrirons ici brièvement leurs caractéristiques et expliciterons la manière dont nous les appréhendons dans le cadre de notre analyse.

a. Une pluralité de dénominations possibles

Dans le sens commun, « sans-abri », « SDF », « sans-domicile », « clochard », « mal logé » etc., sont autant de termes employés pour qualifier les personnes qui se trouvent exclues du logement. Dans la recherche, leur acception, plus ou moins stricte, renvoie à différents degrés de précarité au regard du logement et de l’habitat (Damon, 1996 ; 2002).

Cécile Brousse (2006) distingue les « sans-abri » des « sans-domicile fixe » et des « sans-domicile ».

Selon elle, les « sans-abri » sont les personnes dépourvues de toute solution pour s’abriter du froid et des intempéries. Le sigle « SDF » renvoie aux personnes dépourvues de domicile personnel et fixe.

Cette dénomination se veut plus large dans la mesure où elle inclut aussi les personnes qui passent d’un hébergement à un autre, « elle repose [donc] moins sur le critère de l’habitat que sur celui de la précarité du statut d’occupation » (Brousse, 2006 p.15). Dans la statistique publique, l’INSEE et l’Institut National des Etudes Démographiques (INED) recourent au terme de « sans-domicile »

26

. Dans leur acception, une personne est qualifiée de « sans-domicile » un jour donné si, la nuit précédente, elle a eu recours à un service d'hébergement ou si elle a dormi dans un lieu non prévu pour l'habitation (rue, abri de fortune) (Brousse, 2006)

27

. A l’échelle européenne, la grille ETHOS (European Typology on Homlessness and Housing Exclusion) élaborée par la Fédération Européenne

26

C’est cette acception là qui est retenue dans l’enquête de l’INSEE (intitulée d’ailleurs Sans-domicile) en 2001 puis en 2012 et par l’INED dès 1995 à Paris, puis en 1998 (auprès des jeunes) et en 2002 (auprès des personnes qui recourent à des services itinérants).

27

Cette définition reprend l’acception du Conseil National de l’Information et de la statistique (CNIS) qui s’est attaché dès le

début des années 1990 à saisir et appréhender le sans-abrisme. En ciblant les services d’assistance, l’INSEE exclut les

personnes sans logement contraintes de dormir à l’hôtel, à leurs frais, celles hébergées chez un particulier ou qui occupent un

logement sans titre. En revanche en enquêtant les points de repas chauds, la possibilité de toucher les personnes sans-abri

reste ouverte.

(25)

Introduction

des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-abris

28

(FEANTSA) préfèrent le terme de personnes sans-logement pour désigner celles qui disposent d’un abri dans des institutions ou foyers.

Celui-ci nous semble plus juste pour appréhender les personnes que nous enquêtons dans la mesure où celles-ci sont souvent domiciliées

29

dans une association ou bien dans le centre qui les accueille. Nous les désignons donc comme des personnes sans-logement et précisons cette acceptation en y accolant la caractéristique d’hébergées.

Ces dénominations renvoient néanmoins toutes à un manque, à l’absence de logement, et se réfèrent toutes à la norme d’occupation d’un logement de droit commun – ce qui ne s’avère jamais satisfaisant en soi. Pour autant, et c’est ce qui justifie que nous nous résignions à une appréhender les personnes ciblées comme des personnes sans logement et hébergées, ces approches partent du principe qu’une position en marge du logement n’est jamais attachée à un individu et n’est jamais strictement opposable et isolable vis-à-vis des autres positions résidentielles. L’exclusion du logement ne peut se référer à un état statique et figé qui impliquerait une scission entre « intégrés et exclus » (Bresson, 2010). Maryse Marpsat et Jean-Marie Firdion estiment ainsi qu’« être sans-domicile n’est pas une caractéristique attachée à des personnes, qui constitueraient ainsi une population distincte de celle disposant d’un logement, mais une situation qui peut n’être que transitoire » (Marpsat, Arduin, Frechon, 2003). En recourant à cette dénomination de personnes sans logement et hébergées

30

nous considérons les frontières entre le logement et l’absence de logement comme poreuses rendant les passages d’une situation à une autre possibles (Marpsat, Arduin, Frechon, 2003). En conséquence, nous estimons que la condition d’exclusion du logement et d’hébergement n’est pas attachée à l’individu et qu’elle renvoie à une situation transitoire.

b. Des personnes – plus – vulnérables

Deux enquêtes ont été menées par l’INSEE auprès des personnes sans-domicile. La première a eu lieu en 2001 et la seconde en 2012. Au cours de cette période, l’INSEE note une augmentation de près de 50% du nombre de personne sans-domicile et une évolution dans leurs profils (Yaouancq, Lebrère, Marpsat, et al. 2013).

En 2012 ce sont 141 500 personnes qui sont recensées par l’INSEE comme étant sans domicile. La proportion de couples et des femmes parmi elles tend à augmenter. En 2012, les femmes représentent deux cinquièmes des personnes sans-domicile alors qu’en 2001 elles représentent un tiers de cette population. Les couples représentent désormais 20% des personnes sans-domicile en 2012 contre 14%

en 2001. La proportion des personnes seules ou avec enfant demeure, quant à elle, à peu près stable.

28

Il s’agit d’une organisation non gouvernementale fondée en 1989. Voir en annexes p.XXI la grille ETHOS.

29

Il est ici question de l’adresse administrative des personnes [nous développerons ce point plus bas].

30

Cette dénomination nous rapproche de celle adoptée par l’INSEE et l’INED.

(26)

Introduction

Enfin, le nombre de personnes étrangères croît considérablement. 29% de la population enquêtée en 2001 se déclarait étrangère, cette proportion s’élève à 53% en 2012 (Brousse, de la Rochère, Massé, 2002 ; Yaouancq, Lebrère, Marpsat,et al., 2013).

L’enquête de l’INSEE contribue par ailleurs à nuancer le caractère exclu de cette population. Elle montre en effet que les personnes sans-domicile ne sont en rien coupées du reste de la société. Ainsi, et bien qu’entre 2001 et 2012 le rapport à l’emploi des personnes sans-domicile se dégrade, 25%

d’entre elles déclarent occuper un emploi (contre 30% en 2001). Elles sont par ailleurs toujours en contact avec divers acteurs, leurs pairs, les intervenants sociaux mais également les membres de leur famille

31

.

Les personnes sans-domicile enquêtées par l’INSEE en 2001 présentent néanmoins quelques spécificités au regard de celles qui occupent un logement ordinaire

32

. Les premières sont moins diplômées, disposent de revenus plus modestes et sont plus fréquemment au chômage que les occupants d’un logement ordinaire. En outre, quand elles occupent un emploi, elles sont beaucoup moins concernées par les contrats à durée indéterminée (CDI) et beaucoup plus par des emplois de courtes durées. Du point de vue de leurs caractéristiques démographiques, les personnes sans-domicile sont plus jeunes que celles logées dans le parc ordinaire et elles vivent plus souvent seules ou en familles monoparentales. Enfin, les personnes sans-domicile sont majoritairement nées en France ou dans un pays de l’Union Européenne (proportion qui tend à s’inverser en 2012), mais sont plus fréquemment nées à l’étranger que les personnes occupant un logement ordinaire. C’est finalement leur caractère plus vulnérable qui distingue les personnes sans-domicile des personnes logées dans le parc ordinaire et qui les rapproche de celles qui sont mal logées (Brousse, 2006).

c. Vulnérables et assistées, certes, mais pas seulement

Les personnes dont il sera question dans cette recherche occupent des positions résidentielles en marge du logement ordinaire et ont un rapport soutenu à l’assistance. Pour autant, nous nous refusons à les appréhender comme des exclus et préférons adopter une approche en termes de vulnérabilité

33

et de pauvreté (de conditions d’existence et du fait de l’aide sociale reçue (Simmel 1908 ; Paugam, 1991)).

Leurs ressources (matérielles, sociales et culturelles) sont effectivement si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux, acceptables en France (Don-Loye, Gros, 2002) et peinent à atteindre ce qui apparaît être un degré minimum d’aisance. En outre, dans la mesure où elles sont prises en charge

31

Dans l’enquête sans-domicile, 28 % des enquêtés déclarent avoir été en contact avec leur mère dans la semaine qui a précédé l’enquête, 15 % avec leur père et 14 % avec leurs enfants. Enfin 56 % déclarent avec été en contact dans la semaine précédente avec des amis ou des connaissances (Source INSEE enquête Sans-Domicile, 2001 ; pour plus de détails, Brousse (2006) et Brousse, Marpsat et Firdion (2008). Ces données ne sont pas encore disponibles pour 2012.

32

L’ensemble des points de comparaison sont présentés en annexes dans les tableaux pp.XXIV-XXVI.

33

Nous développerons ce point un peu plus bas.

(27)

Introduction

dans l’aide sociale à l’hébergement et qu’elles bénéficient d’une intervention sociale régulière et soutenue, elles entrent dans la catégorie des personnes assistées (Paugam, 1991

34

) – à entendre ici au sens le plus strict du terme : de celle qui reçoit une assistance, ici une aide sociale à l’hébergement.

Or, si les pauvres et les assistés sont appréhendés comme des être dominés et rendus passifs par l’encadrement dont ils font l’objet (Paugam, 1991 ; Duvoux, 2009), il nous parait heuristiquement fécond, dans la lignée des auteurs cités, de ne pas réduire les hébergés, en tant qu’assistés, à des êtres soumis et d’analyser les relations qu’ils entretiennent avec les institutions. Cela implique de reconnaitre que ces acteurs possèdent une marge de manœuvre et d’autonomie suffisante qui leur permet d’intérioriser, de refuser ou de négocier (au sens d’aménager) la contrainte de l’institution.

Jean Paul Payet et Didier Laforgue proposent d’ailleurs le concept d’acteurs faibles

35

pour qualifier les individus frappés d’une disqualification sociale et ciblés le plus souvent par l’action institutionnelle (Payet, Rostaing, Giuliani, 2010). Ils relèvent que dans le traitement institutionnel « le « faible » peut

« (re)devenir acteur » (Payet, Laforgue, 2008 p.13). Dans ses rapports à l’institution pourvoyeuse de l’aide sociale, l’acteur faible ou affaibli fait valoir ses prétentions, mobilise des ressources et contourne des contraintes.

En outre, de nombreux auteurs s’opposent à une vision misérabiliste et considèrent les personnes sans domicile fixe comme des acteurs sociaux. Julien Damon repousse à la fois les caractérisations en tant qu’êtres « dominés » et « anomiques » et celles en termes de « stratèges utilitaristes » pour les appréhender sous l’angle de « bricoleurs » (Damon, 2002). Pascale Pichon et Patrick Gaboriau s’attachent également à mettre en avant les techniques développées par les personnes sans-domicile fixe qu’ils qualifient de « débrouille » et de « combine » (Gaboriau, 1993 ; Pichon, 1998).

Nous partons ainsi du principe que les personnes sans-logement, hébergées, bien qu’affaiblies, demeurent des acteurs sociaux qui opèrent des choix et « bricolent » pour faire face à leurs difficultés, pour aménager et s’arranger, tant bien que mal, avec les différentes sources de contraintes qui se présentent à elles et pour s’en sortir.

Notre posture vis-à-vis des personnes hébergées nous invite, en conséquence, à saisir l’exclusion du logement comme un état transitoire qui implique une entrée et une sortie et dans lequel les personnes conservent une marge de manœuvre.

34

Serge Paugam élabore une typologie des trois grands types de bénéficiaires de l’aide sociale. Il distingue les « fragiles » qui bénéficient d’une intervention ponctuelle, les « assistés » qui eux bénéficient d’une intervention régulière et enfin les

« marginaux » qui n’en bénéficient plus.

35

Il serait même préférable selon eux de recourir au terme d’« acteurs affaiblis », car leur faiblesse est liée aux contextes, à

des situations, et non pas à un état.

(28)

Introduction

3. L’absence de logement et les difficultés pour s’en sortir : une approche en termes de contingences

Si la position d’hébergé renvoie à l’absence de logement, il nous semble fécond de dépasser une approche en termes d’« états de dépossession » pour comprendre les mécanismes qui génèrent ce phénomène (Castel, 1994)

36

. L’analyse des contingences qui rendent possible cette exclusion du logement nous amène à porter notre regard sur deux segments : celui du recours à l’hébergement et celui de la sortie de l’hébergement.

a. L’absence de logement

Dans les textes de loi, les difficultés de logement sont présentées comme l’incapacité ou l’impossibilité pour certaines personnes - en raison de l’inadaptation des ressources ou de leurs conditions d’existence - d’accéder ou se maintenir dans un logement décent. C’est dans le double mouvement de l’accès et du maintien que s’entendent les difficultés. Cette dichotomie a encore plus de sens lorsque l’on se penche sur la question de l’hébergement et de sa sortie. L’ASH, en abritant et en menant à l’insertion, est pensée pour répondre aux difficultés de logement. Or il s’avère que les personnes hébergées, malgré l’intervention sociale dont elles ont bénéficié, demeurent en difficulté pour accéder à un logement. De fait, lorsqu’elles sont prises en charge dans l’ASH, elles sont toujours appréhendées comme étant en difficulté de logement et sont toujours la cible de multiples dispositifs pensés pour garantir le droit au logement.

- Se trouver dépourvu de logement : un processus à la croisée de l’individuel et du structurel

De nombreux auteurs préconisent une approche de l’exclusion et, dans son prolongement, de l’exclusion du logement, par les processus à l’œuvre.

Cette posture a donné lieu à de nombreuses analyses en termes de processus d’« effritement des liens sociaux » (Paugam, Clémençon, 1993), de « désaffiliation » (Castel, 1994), de « désinsertion » (De Gaulejac Tabada-Leonetti, 1994), de « déliaison » (Autès, 2004) ou encore de « désocialisation » (Vexliard, 1957 ; Pichon, 1998 ; Declerck, 2001). Nous nous sommes principalement penchée sur les approches en termes de vulnérabilité et de ruptures.

Robert Castel distingue plusieurs zones de la vie sociale marquées par une plus ou moins grande vulnérabilité (Castel, 1994). La « zone d’intégration » d’abord, dans laquelle la personne dispose d’un travail régulier et de supports de sociabilité assez fermes. La « zone de vulnérabilité » ensuite,

36

Dans cette perspective, nous laissons de côté l’enjeu de savoir si effectivement le recours à l’hébergement se justifie en

termes de besoins ou s’il répond à l’invalidation de certaines personnes sur le marché du logement notamment.

(29)

Introduction

caractérisée par un rapport au travail plus précaire et une situation relationnelle plus instable. Enfin, une « zone d’exclusion », dans laquelle certaines personnes peuvent basculer si leur rapport à l’emploi et leur situation relationnelle se dégradent. Robert Castel définit ce mouvement de décrochage « par rapport aux régulations à travers lesquelles la vie sociale se reproduit et se reconduit » (le travail et l’insertion socio-familiales) sous le terme de désaffiliation. Celle-ci résulte à la fois d’un déficit de filiation et d’affiliation (Martin, 2010) : « La première figure renvoie au déficit d’inscription dans des liens sociaux primaires (notamment familiaux) et donc de protection rapprochée (par des proches). La deuxième, la désaffiliation, renvoie au déficit d’inscription dans des formes collectives de protection et, en particulier, la protection issue des collectifs de travail » (Martin, 2010 p.61-62), et par conséquent à la faiblesse ou la précarité des supports et des ressources disponibles pour faire face aux aléas de la vie.

Dans cette grille d’analyse, une rupture (telle que la perte de l’emploi, une séparation etc.) peut accroître la vulnérabilité de l’individu, le mettre en difficulté et le faire basculer dans la zone de l’exclusion.

D’autres auteurs adoptent une lecture en termes de ruptures de liens sociaux. Les liens susceptibles de se rompre sont soit des liens de filiation (lien de l’individu avec sa famille), d’intégration économique et professionnelle (rapport à l’emploi plus ou moins intégré) ou de citoyenneté (ce lien repose sur le principe de l’appartenance à une nation et à la reconnaissance de droits et devoirs des citoyens). Ces liens apportent aux individus la protection et la reconnaissance dont ils ont besoin pour mener leur existence sociale et sont complémentaires et entrecroisés (Paugam, 2005). Leur entrecroisement constitue le tissu social qui enveloppe l’individu et le protège. En conséquence, les ruptures de ces liens constituent autant d’épreuves qui peuvent affecter profondément « l’équilibre des personnes » qui en font l’expérience (Paugam, Clemençon 2003). Dans la mesure où ces liens sont interdépendants, leurs ruptures risquent d’apparaitre successivement dans les trajectoires individuelles et aboutir à des situations d’exclusion.

C’est effectivement le résultat auquel parviennent Gisèle Dambuyant-Wargny et Christian Ballouard, qui étudient l’étiologie de la rupture et les facteurs de marginalisation. Selon eux, la rupture s’explique par une imbrication de problématiques qui se matérialisent par un enchaînement de ruptures successives (Dambuyant Wargny, Ballouard, 1998). Néanmoins, le fait de se retrouver sans-domicile ne doit pas, selon ces auteurs, être appréhendé comme le fruit d’un déterminisme, d'une suite d'explications causales, mais plutôt comme une « contingence ». Dans cette perspective, l’analyse des points d’inflexion doit être complétée par celle des points d’ancrages, ceux là même susceptibles d’éviter l’entrée et l’installation dans la grande exclusion.

Une approche en ces termes nous paraît féconde pour saisir l’impact de ruptures dans les trajectoires

qui mènent à l’exclusion du logement et à l’hébergement. Elle suppose de dépasser une démarche qui

(30)

Introduction

se focaliserait strictement sur les individus et interroge de manière plus globale les supports dont ils disposent pour faire face à ces ruptures dans un contexte donné.

Les évènements fondateurs (Girola, 1996) (les ruptures conjugales, les migrations, la décohabitation, la perte d’un emploi, le chômage etc.) s’inscrivent et résonnent dans une histoire personnelle et se révèlent, selon les contextes, plus ou moins déstabilisants. Pour Jean Marie Firdion et Maryse Marpsat, il n’y a ni fatalité, ni hasard dans le fait de se retrouver sans-domicile. C’est dans la combinaison de facteurs contextuels, structurels (nous ajoutons locaux) et de fragilités individuelles que l’on peut, selon eux, comprendre l’exclusion du logement et les inégalités face à celle-ci (Marpsat, Firdion 1996). L’absence de logement doit dès lors s’entendre comme le fruit d’un processus multiple et complexe à la fois déterminé par la structure sociale et par les parcours individuels.

Si dans cette perspective les difficultés rencontrées par les personnes sans-domicile sont appréhendées au prisme du logement, le poids de cette variable dans les difficultés rencontrées ne doit pas pour autant être minoré. En tant qu’offre (quantitative et localisée) et en tant que marché ou système administré et règlementé (dans le cadre du logement social), le logement est un facteur à part entière dont on doit tenir compte pour comprendre la précarité et l’exclusion (Bresson, 2010 ; O’Flaherty 1996 cité par Brousse, Firdion, Marpsat, 2008). Dans cette perspective, le logement n’est alors plus seulement considéré comme réceptacle des difficultés mais comme une source à part entière et parmi d’autres de ces difficultés.

Dans la lignée de ces approches, nous analyserons l’absence de logement et le recours à l’hébergement comme les fruits d’un processus empreint par des ruptures. Pour cela nous nous attacherons à saisir les contingences qui ont conduit à un tel aboutissement. Cela nous amènera à nous positionner à la croisée de l’individuel, du structurel et du conjoncturel

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(Marpsat, Firdion, 2000).

Il n’est donc pas question de vérifier si, effectivement, le recours à l’hébergement se justifie par des besoins en accompagnement social ou s’il répond uniquement à l’invalidation de certaines personnes sur le marché du logement. Nous nous attacherons plutôt à comprendre les circonstances dans lesquelles les personnes se trouvent dépourvues de logement et sont amenées à recourir à l’ASH.

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Lorsqu’elles sont mobilisées, les structures d’hébergement ont pour vocation de mettre à l’abri, de traiter les difficultés rencontrées par les personnes exclues du logement et de faciliter leur sortie de l’aide sociale vers le droit commun. Elles veulent être un passage ou un tremplin, à partir duquel les personnes hébergées peuvent rebondir vers une vie autonome et dans le droit commun. Or, cette

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