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Pourquoi et comment désarmer? : le discours public de la SFIO et du Labour sur le désarmement (1925-1932) : étude d'histoire comparée

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Pourquoi et comment désarmer?

Le discours public de la SFIO et du Labour sur le désarmement

(1925-1932) : étude d’histoire comparée

Mémoire

Damien Huntzinger

Maîtrise en histoire

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Pourquoi et comment désarmer?

Le discours public de la SFIO et du Labour sur le désarmement

(1925-1932) : étude d’histoire comparée

Mémoire

Damien Huntzinger

Sous la direction de :

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Résumé

Pour les partis politiques attachés à des idéaux pacifiques et internationalistes, comme les partis socialistes, la période de préparation à la Conférence mondiale du désarmement, soit entre 1925 et 1932, put paraître pleine de possibilités pour la réduction des armements nationaux. Bien que ces partis aient partagé un lien transnational, par leur adhésion à l’Internationale ouvrière socialiste, ils étaient avant tout des organisations évoluant dans des cadres nationaux différents. Ainsi, les positions qu’ils mirent de l’avant afin de convaincre leur électorat respectif ne purent être totalement semblables. Dans ce mémoire, le discours public, ainsi que les arguments le sous-tendant, de la SFIO et du Labour concernant le désarmement entre le 12 décembre 1925 et le 3 février 1932 est décrit, analysé et comparé. Les raisons du désarmement, les appréciations des développements sur la question autant dans le contexte de la SDN que dans les autres réunions internationales ainsi qu’au niveau strictement national pour les deux partis sont l’objet de cette étude.

Il apparaît que la SFIO et le Labour ont présenté des arguments similaires afin de justifier le désarmement. De plus, bien qu’ils aient tous deux appuyé un potentiel rôle d’arbitrage pour la SDN, alors que les socialistes ont insisté sur leur rôle de lobbyistes, les travaillistes tablèrent plutôt sur les responsabilités des chefs d’État et des « grands hommes » dans le processus, tout particulièrement lorsque leur parti fut au pouvoir. Les travaillistes démontrèrent également une ouverture pour toute avancée du désarmement, même minime, alors que les socialistes préférèrent manifestement les ententes globales. Finalement, des approches nationales aux implications différentes furent promues : l’organisation de la nation en temps de guerre en France et la promotion d’un esprit de paix en Grande-Bretagne.

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Abstract

For political parties which held pacifist and internationalist ideals, particularly socialist parties, the period leading to the World Disarmament Conference of Geneva, between 1925 and 1932, might have appeared as full of possibilities for national arms control and reduction. While these parties shared a transnational link, through their membership in the Labour and Socialist International, they were, first and foremost, organisations active at the national level. As such, the policies that they advocated in order to convince voters could not be totally similar. In this master’s thesis, the public discourse, as well as the underlying arguments, advocated by the French Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) and the British Labour party on the disarmament process between December 12, 1925 and February 3, 1932 are described, analysed and compared. The reasons to disarm, the opinions on the disarmament process at the League of Nations and on other international stages as well as at the national level for both parties, are the subjects of this study.

It appears that the SFIO and the Labour employed similar arguments in order to explain the importance of disarmament. Moreover, even though they both supported a potential arbitration role for the League, while the French Socialists considered themselves principally as lobbyists, the British Labourites insisted on the responsibilities of heads of states and other “great figures” in the process, particularly when their party held power in the United Kingdom. The Labour party also demonstrated openness towards any progress on disarmament, even small developments, while the SFIO favoured a more general approach. Finally, the two parties promoted national endeavours with very different implications: the organisation of the nation during wartime in France and the promotion of a global, if somewhat vague, peace spirit in the United Kingdom.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des illustrations ... vi

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... viii Introduction ... 1 Contexte ... 1 Historiographie ... 4 Problématique ... 14 Sources et méthodologie ... 16 Plan de démonstration ... 22

Chapitre 1 – Pourquoi réaliser le désarmement? ... 24

Arguments pacifistes ... 24

Arguments économiques ... 30

Arguments militaires ... 40

Conclusion ... 53

Chapitre 2 – Le désarmement au sein de la Société des Nations ... 54

Quel rôle pour la Société des Nations? ... 54

Quels rôles pour les partis de gauche au sein de la Société des Nations? ... 71

Conclusion ... 74

Chapitre 3 – Le désarmement hors de la Société des Nations ... 77

Dossiers internationaux traités hors des instances de la Société des Nations ... 77

Initiatives traitées dans le cadre national ... 92

Conclusion ... 105

Conclusion ... 107

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Liste des illustrations

Illustration 1 : Ernest Goodwin, « It’s the Child That Costs Us Too Much » : p. 35. Illustration 2 : Exide Batteries, « In Nine out of Ten British Ships » : p. 102.

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Liste des abréviations

CMD : Conférence mondiale du désarmement de Genève (1932-1934) CP : Commission préparatoire de la Conférence mondiale du désarmement ILP : Independent Labour Party

IOS : Internationale ouvrière socialiste LNU : League of Nations Union PCF : Parti communiste français SDN : Société des Nations

SFIO : Section française de l’Internationale ouvrière TUC : Trades Union Congress

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Remerciements

Bien que la lecture, la recherche, le dépouillement et l’analyse des archives ainsi que la rédaction soient des activités solitaires, la production de ce mémoire n’aurait pu aboutir si je n’avais bénéficié du soutien de certaines personnes. Il est donc de mise qu’elles soient saluées et que leur apport soit reconnu.

Monsieur Talbot Imlay pour sa disponibilité et sa direction avisée.

Messieurs Andrew Barros et Pierre-Yves Saunier pour leur lecture ainsi que leur évaluation rigoureuse de ce mémoire.

Charles, Éliane, Jean-Michel, Julien et Maryliz du GRESA qui furent d’un soutien précieux dans les premières étapes de cette recherche et qui m’ont permis de rester en mouvement.

Boutet, pour sa présence et ces discussions qui ne manquent jamais de remettre les choses en perspective.

Par-dessus tout, je dois toute ma gratitude à Marilyne qui m’a tant aidé et appuyé au cours des quatre dernières années, tout spécialement grâce à une combinaison parfaitement dosée de patience et d’impatience. À toi qui es la seule à avoir lu, par choix, le résultat intégral de cette recherche, merci.

Ceci étant, les omissions, maladresses et autres imperfections qui pourraient être présentes dans ce mémoire sont, bien entendu, exclusivement miennes.

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Introduction

Il y eut des heures où l’on pouvait se demander si le verbe désarmer n’était pas, dans toutes les langues, un verbe irrégulier qui n’aurait pas de première personne et ne se conjuguerait qu’au futur. Édouard Herriot, 22 juillet 19321

Contexte

Après les dévastations de la Grande Guerre, l’idée de réduire les armements des États bénéficiait d’un large appui populaire ainsi que d’un engagement clair des gouvernements, celle-ci étant enchâssée dans le Pacte de la Société des Nations (SDN), lui-même partie intégrante du traité de Versailles mettant fin au premier conflit mondial2. Néanmoins, les

premières démarches dirigées depuis Genève échouèrent à recueillir une adhésion assez large des pays membres. L’enjeu de la vérification du désarmement de l’Allemagne, imposé par le traité de Versailles, ainsi que l’exclusion de celle-ci du forum international furent certaines des pierres d’achoppement des tentatives initiales. La signature du traité de Locarno, en octobre 1925, donna cependant un second souffle aux efforts de désarmement. Les nations d’Europe occidentale s’étant entendues sur l’intégration de l’Allemagne à la SDN, l’organisation internationale chargea, en décembre 1925, une Commission préparatoire (CP) de mettre la table pour la tenue d’une Conférence mondiale du désarmement (CMD). Pourtant, le constat formulé en juillet 1932 par Édouard Herriot, alors chef du gouvernement français, rend bien compte des difficultés auxquelles devait faire face la CMD, qui siégeait alors à Genève depuis moins de six mois. Après six ans de préparation et près de deux années de conférence proprement dite, le retrait de l’Allemagne en octobre 1933, quelques mois après l’arrivée au pouvoir du Parti nazi, marqua l’échec de la CMD. Ainsi, moins de quinze ans après l’engagement formel pris par les États de réduire leurs armements, les divergences de conception du désarmement entre les principaux membres de la SDN eurent raison des efforts en ce sens pour la période de l’entre-deux-guerres. Le contrôle des armes resta néanmoins une notion importante pour quantité

1 Propos tenus devant la Conférence mondiale du désarmement à Genève, rapportés dans Le Petit Parisien du

23 juillet 1932.

2 Voir tout particulièrement l’article 8 du traité. Les articles 1 à 26 composent le Pacte de la Société des

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d’organisations non gouvernementales, comme la Women’s International League for Peace and Freedom, œuvrant autant au niveau national qu’international ainsi que pour la population de manière plus large3. Un décalage apparaît donc entre un certain mouvement

inter- ou transnational citoyen pour la paix et les positions adoptées par les gouvernements nationaux. Or, un type d’organisation peut, et existe spécifiquement pour, faire le pont entre la population et les gouvernements : les partis politiques. Ceux-ci s’apparentent aux mouvements sociaux en ce sens qu’ils cherchent à influencer les actions de l’État. Leur stratégie est toutefois différente puisqu’ils envisagent d’occuper le pouvoir pour diriger les destinées d’un pays plutôt que d’arriver à leurs fins par la persuasion des acteurs étatiques.

Pour les personnes qui s’intéressent aux liens entre le désarmement et les partis politiques, le mouvement socialiste est tout particulièrement digne d’intérêt puisque celui-ci portait les idéaux de paix depuis longtemps, ceux-ci s’incarnant dans les politiques des différents partis socialistes nationaux. L’organisation internationale les réunissant depuis la fin du XIXe siècle, la Deuxième Internationale, ne s’était pas prononcée clairement sur les moyens

de s’opposer aux guerres ou de mettre un terme aux conflits armés qui éclataient. Sa critique du capitalisme ainsi que la notion plus précise voulant que celui-ci porte en son sein les germes des guerres4 plaçait néanmoins les socialistes dans une trajectoire

résolument pacifiste. Toutefois, l’absence de ligne de conduite formelle pour le mouvement socialiste européen dans le cas du déclenchement d’une guerre et l’ancrage national des partis la composant mirent à mal l’organisation internationale en 1914. Devant le déclenchement des hostilités, presque tous les partis de gauche du continent accordèrent leur soutien à la défense nationale et votèrent les crédits de guerre, se positionnant ainsi en porte à faux face à l’appel à l’union des prolétaires de tous les pays lancé par Karl Marx dans son Manifeste du Parti communiste de 1848. À la lumière de cet échec de la solidarité ouvrière, l’entre-deux-guerres apparaît comme un moment charnière pour le socialisme, et ce, autant à l’échelle internationale, comme nous venons de l’évoquer, que pour les partis nationaux.

3 Les travaux de Thomas Davies et de Carl Bouchard, entre autres, font état de ce large support populaire pour

le désarmement et pour plusieurs autres aspects de l’action de la SDN. Nous traiterons de ceux-ci un peu plus loin.

4 La citation apocryphe de Jean Jaurès voulant que « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte

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C’est notamment le cas des partis français et britannique. En France, la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) connut une scission traumatisante en 1920 alors que la majorité des membres choisit de joindre l’Internationale communiste dirigée par Moscou, fondant ainsi le Parti communiste français (PCF) en confisquant les moyens financiers et matériels de la SFIO. Le retour d’une bonne part des membres défectionnaires, désenchantés par l’approche de Moscou, et le contexte de la deuxième moitié des années 1930 permit toutefois à la SFIO de constituer le groupe le plus important du gouvernement de coalition du Front populaire entre 1936 et 1938. En Grande-Bretagne, le Labour connut une montée en popularité au lendemain de la guerre, bénéficiant notamment de l’élargissement du droit de vote aux femmes, ce qui l’amena à remplacer le Parti libéral comme solution de rechange au Parti conservateur. Il parvint même à former le gouvernement, minoritaire toutefois, en 1924 ainsi qu’en 1929-1931. Néanmoins, cette montée en popularité ne s’accomplit pas sans heurts puisqu’elle s’accompagna d’un certain recentrage politique qui déplut à une branche fondatrice et très vocale du parti, l’Independent Labour Party (ILP). Cette transformation d’un groupe de pression représentant un segment de la société, la classe ouvrière, à un parti politique aspirant à représenter l’entièreté de la population britannique amena donc des tensions internes importantes.

Au niveau international, la remise sur pied d’une organisation pouvant réunir les partis socialistes nationaux ne fut pas chose aisée après les déchirements de la Grande Guerre. Ce sont donc deux regroupements internationaux socialistes aux objectifs communs, mais privilégiant des moyens différents5 qui virent le jour après 1918. Ce n’est qu’en 1923 que

l’union de 35 partis, majoritairement européens, fut réalisée au sein de l’Internationale ouvrière socialiste (IOS). Ce regroupement s’opéra toutefois « au prix de redoutables

5 Un mouvement plus centriste dirigé notamment par des membres du Labour privilégiait l’évolution

démocratique tandis que l’Union des partis socialistes pour l'action internationale, communément appelée « Internationale Deux et demie », était constituée des partis français (SFIO), autrichien (SDAPÖ) ainsi que des regroupements indépendants allemand (USPD) et britannique (ILP) et privilégiait la lutte révolutionnaire de classe. Pour plus d’informations, voir la thèse d’André Donneur, Histoire de l’Union des partis socialistes

pour l’action internationale, 1920-1923, Genève, Institut universitaire de hautes études internationales, 1967;

ainsi que Julius Braunthal, History of the International Vol. 2: 1914-1943, New York, Frederick A. Praeger, 1967.

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ambigüités6 », minant la possibilité qu’une position idéologique forte et rassembleuse

puisse être affirmée. Les points sur lesquels l’IOS put se positionner furent ceux où un large consensus émergeait d’entre ses membres, les questions épineuses étant évacuées et leur règlement laissé à l’initiative des partis nationaux. L’organisation se positionna donc en faveur d’un désarmement universel pouvant assurer une paix à long terme sans développer de discours clair sur les moyens d’y parvenir. Dans une longue résolution portant « sur la paix impérialiste et sur la tâche de la classe ouvrière » adoptée au congrès de fondation de 1924, il fut affirmé « [qu’]une paix durable ne peut être assurée par la classe ouvrière que si elle impose le désarmement universel sur terre, sur mer et dans les airs. Désarmer exclusivement les peuples vaincus, c’est renforcer les dangers de domination impérialiste par la force; le désarmement universel supprime ces dangers7. » Cette résolution, énonçant

un principe fort, mais réservée sur les moyens, laissait donc le champ libre aux partis nationaux dans la formulation de politiques pouvant mener au désarmement universel. Invariablement, les positions adoptées par les différents partis ne pouvaient que différer de manière plus ou moins importante, ceux-ci évoluant dans des contextes nationaux distincts. Ainsi, ce mémoire se penchera sur les positions concernant le désarmement mises de l’avant par la SFIO et le Labour entre 1925 et 1932. Il convient toutefois, avant d’aller plus loin, de faire un retour sur les travaux existants qui portent sur les deux axes de ce mémoire, soit le désarmement dans le contexte politique large de l’entre-deux-guerres dans un premier temps et les partis socialistes français et britannique ensuite.

Historiographie

Le changement de donne internationale provoqué par la fin de la Guerre froide a ravivé l’intérêt pour les études traitant d’un monde multipolaire. Ainsi, il existe un intérêt renouvelé, tout spécialement palpable depuis une quinzaine d’années, pour l’histoire politique de l’entre-deux-guerres, dont le désarmement fait partie. Les études portant sur le sujet gravitent autour de trois axes distincts, définis par le type d’acteur se retrouvant au

6 Alain Bergounioux, « L’I.O.S. entre les deux guerres », Hugues Portelli, dir., L’Internationale socialiste,

Paris, Les éditions ouvrières, 1983, p. 27.

7 « Les Résolutions du Congrès international de Hambourg - Résolution sur la paix impérialiste et la tâche de

la classe ouvrière » contenu dans « Rapports des Délégués du Parti à l’Internationale », Parti Socialiste –

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centre de leurs interrogations : l’État-nation, la SDN ainsi que les acteurs et organisations non étatiques.

Le premier axe qui nous intéresse et qui constitue l’approche dominante dans l’historiographie regroupe donc les études qui se penchent sur le rôle de l’État-nation. Les travaux qui s’inscrivent dans cette veine traditionnelle envisagent les États comme acteurs principaux des développements de la période. Bien que les sources exploitées majoritairement soient les documents diplomatiques et les archives personnelles des protagonistes les plus en vue de la période, un élargissement s’est opéré depuis le début des années 1980. En joignant à ces sources officielles les dossiers d’entreprises et de banques, entre autres, il fut possible d’envisager un élargissement du cadre de l’histoire des relations internationales, formulant une véritable histoire internationale. L’interprétation qui avait dominé jusque-là résumait l’époque à un long déclin précipité par l’utopie pacifiste ambiante et menant à l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 ainsi qu’à l’embrasement de 19398. Les développements du début des années 1980 permirent de s’en distancer et

menèrent Jon Jacobson à déclarer en 1983, sans grandes nuances et de manière plutôt optimiste, que la discipline se trouvait devant une nouvelle histoire internationale des années 19209. Portée entre autres à l’époque par Charles Maier et reprise plus récemment

par Patrick Cohrs et Robert Boyce10, cette perspective accorde une place importante aux

aspects économiques des années 1920 et présente, globalement, les années 1918-1924 comme une période de stabilisation économique et politique de l’Europe et les années 1925-1930 comme le véritable ordre d’après-guerre. Les années 1924-1926 sont ainsi considérées comme le moment charnière où, tout particulièrement grâce au plan Dawes et au traité de Locarno, l’ordre international à même de réaliser les promesses de la fin de la guerre fut mis en place, avant de voir son élan brisé par la crise économique des années

8 Voir notamment E.H. Carr, The Twenty Years’ Crisis 1919-1939, Londres, Macmillan, 1948 (1939) ainsi

que Sally Marks, The Illusion of Peace: International Relations in Europe 1918-1933, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2003 2e ed. (1976).

9 Jon Jacobson, « Is There a New International History of the 1920s? », The American Historical Review,

Vol. 88, No. 3 (juin 1983), p. 617-645.

10 Charles S. Maier, Recasting Bourgeois Europe: Stabilization in France, Germany, and Italy in the Decade

after World War I, Princeton, Princeton UP, 1988 (1975) ; Patrick O. Cohrs, The Unfinished Peace after World War I: America, Britain and the Stabilisation of Europe 1919-1932, Cambridge, Cambridge UP, 2008 ;

Robert Boyce, The Great Interwar Crisis and the Collapse of Globalization, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2009.

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1930. Cette approche a atteint un degré de maturité certain qui s’illustre dans les deux synthèses produites par Zara Steiner en 2005 et 201111, généralement reconnues comme

magistrales12.

Malgré ces efforts de synthèse qui témoignent de l’atteinte d’un niveau de maturité certain de l’historiographie, des aspects spécifiques de la période continuent d’être l’objet de nouveaux travaux. C’est notamment le cas de la politique sécuritaire de la France qui a bénéficié d’un nouveau regard au cours des dernières années. La théorie classique postulait que la France aurait tenté de maintenir l’Allemagne dans une position d’infériorité, militaire et autant que possible économique, en s’agrippant aux dispositions du traité de Versailles; y voyant sa seule garantie de sécurité. Maurice Vaïsse, dans sa thèse publiée en 1980, rend très bien compte de cette interprétation, tout en la nuançant légèrement avec certaines tentatives d’ouvertures françaises qui n’ont pas abouti13 . Pour quantité

d’historiens et d’historiennes, la France aurait donc été un frein aux ententes plus larges sur les affaires européennes qui auraient pu permettre une détente sur le continent. Ainsi, plusieurs ont insisté sur « l’intransigeance française » pour expliquer l’échec de la CMD. L’historien Peter Jackson s’est toutefois penché sur ces questions au cours des dernières années et plusieurs de ses publications jettent une nouvelle lumière sur la politique de sécurité française pour l’entre-deux-guerres. D’abord esquissés dans différents articles14,

ses arguments sont finalement réunis dans un ouvrage récent où Jackson souligne les élans d’internationalisme juridique de la diplomatie française 15 . Ceux-ci se traduisirent

notamment par des efforts d’intégration et d’enchevêtrement des intérêts allemands et

11 Zara Steiner, The Lights that Failed: European International History 1919-1933, Oxford, Oxford UP,

2005 ; Zara Steiner, The Triumph of the Dark: European International History 1933-1939, Oxford, Oxford UP, 2011.

12 Pour une discussion critique abordant principalement le second volume de Steiner mais traitant aussi du

premier, voir H-Diplo Roundtable Review, Vol. XV, No. 4 (27 septembre 2013) [en ligne] http://www.h-net.org/~diplo/roundtables/PDF/Roundtable-XV-4.pdf (Page consultée le 23 juillet 2015)

13 Maurice Vaïsse, Sécurité d’abord. La politique française en matière de désarmement, 9 décembre 1930 –

17 avril 1934, Paris, A. Pédone, 1980.

14 Peter Jackson, « France and the Problems of Security and International Disarmament after the First World

War », Journal of Strategic Studies, Vol. 29, No. 2 (avril 2006) p. 247-280 ; Peter Jackson, « Post-War Politics and the Historiography of French Strategy and Diplomacy Before the Second World War », History

Compass, Vol. 4, No. 5 (septembre 2006), p. 870-905 ; Peter Jackson, « French Security and a British

‘Continental Commitment’ after the First World War: a Reassessment », English Historical Review, Vol. 126, No. 519 (avril 2011) p. 345-385.

15 Peter Jackson, Beyond the Balance of Power: France and the Politics of National Security in the Era of the

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britanniques sur le continent européen ainsi que par la promotion des mécanismes d’arbitrage pouvant incarner les garanties de sécurité souhaitées par Paris.

L’intérêt pour l’histoire du désarmement et du contrôle des armes est bien présent dans les travaux abordant la perspective axée sur les États-nations. Au cours des dernières années, il s’est notamment manifesté par la publication d’un numéro spécial du Journal of Strategic Studies en avril 2006 portant sur cet enjeu. Les articles qui y furent publiés soulignèrent notamment le rôle des États, et surtout des grandes puissances, comme acteurs centraux des processus de désarmement16 ainsi que l’impossibilité de succès des programmes de

désarmement forcé17. De manière plus large, les travaux sur le désarmement et le contrôle

des armes dans l’entre-deux-guerres qui adoptent une perspective étatique abordent le sujet selon trois axes, soit le rôle d’un État précis dans le processus18, les impacts de ce dossier

sur les relations entre deux États19 ou la relation entre le projet de désarmement global et les

développements au sein de la SDN20. Toutefois, l’approche accordant une place et un rôle

prépondérant aux États occulte invariablement la présence ou le rôle d’autres d’acteurs qui ont aussi influencé la question durant l’entre-deux-guerres. Ainsi, les deux approches qui suivent, tout en s’inscrivant également dans l’histoire politique de l’entre-deux-guerres, tentent de mettre en lumière ces aspects ignorés par la vision dominante privilégiant le rôle des États.

16 David Stevenson, « Britain, France and the Origins of German Disarmament, 1916-1919 », p. 195-224;

Andrew Webster, « From Versailles to Geneva: The Many Forms of Interwar Disarmament », p. 225-246 ; Edward M. Spiers, « Gas Disarmament in the 1920s: Hopes Confounded », p. 281-300 ; Andrew Barros, « Disarmament as a Weapon: Anglo-French Relations and the Problems of Enforcing German Disarmament, 1919-28 », p. 301-321 ; tous dans Journal of Strategic Studies, Vol. 29, No. 2 (avril 2006).

17 Philip Towle, « Forced Disarmament in the 1920s and After », p. 323-344; Martin S. Alexander & John

F.V Keiger, « Limiting Arms, Enforcing Limits: International Inspections and the Challenges of Compellance in Germany post-1919, Iraq post-1991 », p. 345-394 ; tous dans Journal of Strategic Studies, Vol. 29, No. 2 (avril 2006).

18 Voir notamment Philip Towle, « British Security and Disarmament Policy in Europe in the 1920s »,

Ahmann, Birke & Howard, dir., The Quest for Stability: Problems of West European Security 1918-1957, Oxford, Oxford UP, 1993, p. 127-153 ainsi que Carolyn J. Kitching, Britain and the Problem of International

Disarmament 1919-1934, Londres, Routledge, 1999.

19 En plus de Barros, déjà cité, voir notamment Andrew Webster, « An Argument without End: Britain,

France and the Disarmament Process, 1925-34 », Martin S. Alexander & William J. Philpott, dir.,

Anglo-French Defence Relations Between the Wars, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 49-71.

20 Voir notamment Zara Steiner, « The League of Nations and the Quest for Security », p. 35-70 ainsi que

Maurice Vaïsse, « Security and Disarmament: Problems in the Development of the Disarmament Debates 1919-1934 », p. 173-200 tous deux dans Ahmann, Birke & Howard, dir., The Quest for Stability: Problems of

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Traditionnellement, la SDN était présentée comme une organisation internationale moribonde et paralysée par les questions de sécurité tout au long de son existence. Les quinze dernières années ont toutefois vu la publication de plusieurs travaux levant le voile sur des aspects qui dépeignent une autre image de la SDN. Plutôt que de ne se pencher que sur les raisons de l’échec de 1939, cette nouvelle approche souligne les apports de l’organisation au cours des 25 années où elle fut en fonction. L’implication continue d’États qui n’étaient pas ou plus membres de la SDN, comme les États-Unis, l’Allemagne d’avant 1926 ou le Japon d’après 1933, dans les sections techniques de cette dernière est notamment considérée comme une manifestation de l’influence positive de l’organisation internationale, tout comme le fait qu’une majorité de ces sections furent reprises par l’ONU lors de sa formation21. C’est donc principalement sur le rôle de ces sections techniques que

les études réhabilitant la SDN se penchent. Les contributions à l’organisation économique mondiale22, à la protection des populations déplacées par les conflits23 ainsi qu’au

développement du système de mandats qui aurait constitué un terreau fertile pour les idées anticoloniales24, pour ne nommer que ces aspects25, ont ainsi bénéficié de l’attention des

historiennes et des historiens au cours des dernières années. Leurs travaux font ressortir le fait que plusieurs aspects du monde international actuel portent encore la marque des habitudes développées à Genève dans l’entre-deux-guerres. Les questions de sécurité restent toutefois celles où il est plus ardu de souligner l’influence bénéfique de l’organisation internationale, le désarmement étant encore aujourd’hui présenté comme son « calice empoisonné26 ». Seule exception notable, quelques articles de l’historien Andrew

Webster traitent de certaines évolutions positives s’étant produites à Genève bien qu’ils

21 Ne mentionnons que l’Organisation d’hygiène de la SDN qui précéda l’Organisation mondiale de la Santé

(OMS), et la Commission internationale de coopération intellectuelle qui devint l’UNESCO.

22 Patricia Clavin, Securing the World Economy: The Reinvention of the League of Nations, 1920-1946,

Oxford, Oxford UP, 2013.

23 Claudena Skran, Refugees in Inter-War Europe: The Emergence of a Regime, Oxford, Oxford UP, 1995. 24 Susan Pedersen, The Guardians: The League of Nations and the Crisis of Empire, Oxford, Oxford UP,

2015; Erez Manela, The Wilsonian Moment: Self-Determination and the International Origins of Anticolonial

Nationalism, Oxford, Oxford UP, 2007.

25 Susan Pedersen présente un bilan très complet des influences bénéfiques des différentes sections techniques

de la SDN dans son article « Back to the League of Nations », The American Historical Review, Vol. 112, No. 4 (octobre 2007), p. 1091-1117.

26 Zara Steiner, The Lights that Failed: European International History 1919-1933, Oxford, Oxford UP, 2005,

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soient surtout axés sur des personnalités précises, escamotant plus aisément le rôle des États dans ces contextes particuliers27.

Finalement, le troisième axe traitant de l’histoire politique de l’entre-deux-guerres place les acteurs non étatiques au cœur de ses préoccupations. C’est donc des mouvements initiés par de simples citoyens ou citoyennes, ainsi que des liens entre ceux et celles-ci qu’il est question. Tout comme l’intérêt marqué pour la SDN, cette approche est relativement récente alors qu’un nombre assez important de travaux sur le sujet a été publié au cours des dix dernières années. Autour de la question du désarmement, c’est d’abord par une série de publications sur le pacifisme européen que cet enjeu fut exploré28 avant que le cadre ne soit

élargi à une gamme plus diversifiée d’acteurs. Depuis le milieu des années 2000, les mouvements citoyens de soutien à la SDN ont bénéficié d’une nouvelle attention qui permet de sortir l’organisation de sa seule relation avec les États membres29. Soulignons

tout particulièrement l’ouvrage de Thomas Davies qui traite des campagnes transnationales pour le désarmement30. En testant sur un cas plus ancien l’assertion du rôle positif et central

joué par la militance transnationale sur certains enjeux fondamentaux de la société occidentale, Davies remet en perspective la portée réelle des campagnes menées par la société civile dans ces dossiers, alors que son influence aurait été surévaluée au cours des dernières années31.

Il est important de souligner la contribution de l’approche transnationale aux trois axes que nous avons abordés, bien que ce soit dans une moindre mesure dans le cas du premier.

27 Andrew Webster, « The Transnational Dream: Politicians, Diplomats and Soldiers in the League of

Nations’ Pursuit of International Disarmament, 1920-1938 », Contemporary European History, Vol. 14, No. 4 (2005), p. 493-518; Andrew Webster, « “Absolutely Irresponsible Amateurs”: The Temporary Mixed Commission on Armaments, 1921-1924 », The Australian Journal of Politics and History, Vol. 54, No. 3 (2008), p. 373-388.

28 Martin Ceadel, Pacifism in Britain, 1914-1945: The Defining of a Faith, Oxford, Clarendon Press, 1980 ;

Norman Ingram, The Politics of Dissent: Pacifism in France, 1919-1939, Oxford, Clarendon Press, 1991.

29 Les publications sont multiples, voir notamment Jean-Michel Guieu, Le rameau et le glaive : Les militants

français pour la SDN, Paris, Presses de Sciences Po, 2008 ; Carl Bouchard, « “Formons un chœur aux

innombrables voix…” : Hymnes et chants pour la paix soumis à la Société des Nations », Relations

internationales, No. 155 (2013/3), p. 103-120.

30 Thomas R. Davies, The Possibilities of Transnational Activism: The Campaign for Disarmament between

the Two World Wars, Leyde, Martinus Nijhoff, 2007.

31 Pour les interprétations parfois trop optimistes des campagnes transnationales, voir notamment Matthew

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C’est en 1972 que Robert Keohane et Joseph Nye ont démontré que la dichotomie entre politique intérieure et politique internationale ne correspondait plus à la réalité32. Selon les

deux politologues, les passages fluides entre ces deux sphères politiques aménagent des espaces où quantité d’acteurs hors souveraineté évoluent et doivent donc être pris en compte. Progressivement adoptée en histoire depuis le milieu des années 199033, la

perspective transnationale, puisque libérée du carcan et de la temporisation de l’histoire nationale, permet d’aborder les évolutions sociétales sous une nouvelle échelle temporelle34. Pour le XXe siècle, cette approche permet notamment de pousser la réflexion

au-delà du schéma narratif traditionnel de l’histoire internationale qui présente les années 1920 et 1930 comme une série d’échecs internationaux menant de la Première à la Deuxième Guerre mondiale et qui considère 1945 comme le début d’un monde nouveau. Selon l’historienne britannique Patricia Clavin, la perspective transnationale ébrèche ainsi les « conteneurs historiques » que sont les deux conflits mondiaux35. Sans ancrer notre

approche dans l’histoire transnationale, il est tout de même primordial de reconnaître ces influences et ces apports. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet aspect lorsque nous nous prononcerons sur la méthodologie adoptée pour ce mémoire.

Les partis politiques, de par leur projection d’action, se situent au croisement des trois axes que nous avons évoqués sans trouver leur place propre dans une seule de ces catégories. Nous nous attarderons donc maintenant à l’historiographie des partis socialistes français et britannique, deuxième axe de notre recherche. Alors que l’histoire du communisme français a bénéficié de multiples attentions, grâce aux succès du PCF après 1945 entre autres, il fallut attendre le tournant des années 1970 et une remontée aux urnes du parti successeur de la SFIO, le Parti socialiste, pour qu’elle bénéficie du même intérêt. Les études sur le mouvement socialiste français adoptent deux approches principales, soit la biographie des grandes personnalités ou l’histoire des idées telles que partagées au sein du parti. Pour l’entre-deux-guerres, les biographies les plus parlantes traitent du chef de la SFIO, Léon

32 Robert O. Keohane & Joseph S. Nye Jr., dir., Transnational Relations and World Politics, Cambridge,

Harvard UP, 1972.

33 Pierre-Yves Saunier, Transnational History, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013, p. 13.

34 Patricia Clavin, « Defining Transnationalism », Contemporary European History, Vol. 14, No. 4 (2005),

p. 428.

35 Patricia Clavin, « Time, Manner, Place: Writing Modern European History in Global, Transnational and

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Blum, et, bien qu’il en soit encore publié fréquemment aujourd’hui36, c’est l’ouvrage

produit en allemand par Gilbert Ziebura en 1963 et traduit en français en 1967 qui reste la référence37. L’histoire interne du parti et des courants d’idées qui y furent portés est quant à

elle bien vivante. La plupart des études récentes rendent ainsi compte de la réalité d’une frange particulière et plus ou moins large au sein de la SFIO, sans offrir de véritable vision d’ensemble38. On constate la même dynamique avec les recherches publiées dans les

Cahiers Jaurès de la Société d’étude jaurésiennes qui abordent majoritairement des points de doctrine précis. Mentionnons toutefois que le centenaire de la Première Guerre mondiale et, surtout, de l’assassinat de Jean Jaurès ont amené la publication de numéros traitant de thèmes plus proches de nos préoccupations comme l’Armée nouvelle ainsi que l’Internationale et les internationalismes face à la guerre39. Aussi, ce sont certains chapitres

de l’ouvrage de Tony Judt, publié originalement en 1986, qui nous sont de la plus grande aide afin de circonscrire convenablement l’impact des différentes doctrines dans les politiques de la SFIO dans l’entre-deux-guerres40. Judt y souligne notamment une certaine

confusion idéologique au sein du parti, alors que le socialisme porté par Jaurès avant la guerre et par Blum après celle-ci combinait les buts du marxisme avec les méthodes démocratiques et républicaines. Ultimement, cette confusion ne sera résolue que par la menace et l’expérience du fascisme dans la deuxième moitié des années 1930. Finalement, sur les aspects se rapportant spécifiquement à la guerre, l’ouvrage de Richard Gombin, bien que remontant à 1970, s’avère être tout particulièrement précieux pour notre étude puisque la sécurité internationale est une question « qui touche directement aux fondements du socialisme français et à des options autres que de pure politique étrangère41. »

L’histoire du Labour de l’entre-deux-guerres a longtemps été conditionnée par la perte du pouvoir causée par la défection de Ramsay MacDonald en 1931 ainsi que par la déconfiture

36 Serge Bernstein, Léon Blum, Paris, Fayard, 2006 ; Jean-Michel Gaillard, Les 40 jours de Blum, Paris,

Perrin, 2001 ; Ilan Greilsammer, Blum, Paris, Flammarion, 1996.

37 Gilbert Ziebura, Léon Blum et le parti socialiste, 1872-1934, Paris, Armand Colin, 1967.

38 Thierry Hohl, À Gauche! La Gauche socialiste, 1921-1947, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2004 ;

Frédéric Sawicki, Les réseaux du parti socialiste. Sociologie d’un milieu partisan, Paris, Belin, 1997.

39 Abordés respectivement dans les numéros 207-208 (2013) ainsi que 212-213 (2014) et 215-216 (2015). 40 Tony Judt, Marxism and the French Left: Studies on Labour and Politics in France, 1830-1981, Oxford,

Oxford UP, 2011 (1986).

41 Richard Gombin, Les socialistes et la guerre. La S.F.I.O. et la politique étrangère française entre les deux

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électorale qui s’ensuivit. L’échec donna lieu à une introspection intense au sein du parti et fut attribué aux manipulations d’un MacDonald machiavélien et considéré comme un simple accident de parcours dans la marche en avant du socialisme en Grande-Bretagne. Cette interprétation initiale influença résolument l’historiographie produite ensuite. Toutefois, les ouvertures pratiquées notamment par Reginald Basset, qui remit en question l’interprétation classique, et par Robert Skidelsky, qui élargit le questionnement à l’ensemble du gouvernement travailliste de 1929-1931 plutôt qu’à la seule personne de MacDonald, permirent de sortir de la simple diabolisation de quelques individus42. Les

succès ainsi que les insuccès du Labour aux urnes entre la fin des années 1950 et les années 1990 eurent également des impacts sur les interprétations présentées dans les travaux en envisageant le recul de 1931 soit comme un simple accident de parcours ou, au contraire, comme une manifestation de problèmes plus profonds au sein du parti43. Les travaux plus

récents élargissent leur interprétation en plaçant quant à eux ces évènements dans un contexte de crise pour tous les partis politiques ainsi que pour les institutions britanniques, le tout baignant dans un large sentiment d’échec national44.

La question de la politique étrangère du Labour n’est pas un enjeu qui a été traité en profondeur, bien que quelques travaux fondateurs aient été produits à la fin des années 1960. Mentionnons l’ouvrage de Kenneth Miller publié en 1967 qui, en tentant d’établir la part d’idéologie socialiste présente dans les positions développées au courant des années 1920, souligna surtout l’influence de l’approche libérale sur la perspective travailliste45.

Michael Gordon développa, quant à lui, sur la nature d’une politique extérieure qui pourrait

42 Reginald Bassett, Nineteen Thirty-One: Political Crisis, Londres, Macmillan, 1958; Robert Skidelsky,

Politicians and the Slump: The Labour Government of 1929-1931, Londres, Macmillan, 1967.

43 Voir notamment Ralph Miliband, Parliamentary Socialism: A Study in the Politics of Labour, Londres,

George Allen & Unwin, 1961; Ross McKibbin, « The Economic Policy of the Second Labour Government, 1929-1931 », Past and Present, No. 68 (août 1975), p. 95-123; David Marquand, Ramsay MacDonald, Londres, Jonathan Cape, 1977.

44 Il est d’ailleurs intéressant de noter la récurrence du terme crisis dans les titres de ces ouvrages. Philip

Williamson, National Crisis and National Government: British Politics, the Economy, and Empire,

1926-1932, Cambridge, Cambridge UP, 1992; Neil Riddell, Labour in Crisis: The Second Labour Government, 1929-1931, Manchester, Manchester UP, 1999; David Howell, MacDonald’s Party: Labour Identities and Crisis, 1929-1931, Oxford, Oxford UP, 2002.

45 Kenneth E. Miller, Socialism and Foreign Policy: Theory and Practice in Britain to 1931, La Haye,

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être qualifiée de « socialiste » en présentant ses quatre principes46 ainsi que, pour la période

qui nous intéresse ici, sur le réalisme d’une telle politique et sur la crise interne causée par la difficile application de celle-ci47. Plus près de nous, Henry Winkler a produit un ouvrage,

en 1994, portant sur le développement de la politique extérieure travailliste au courant des années 192048. Dans son livre, Winkler présente un parti divisé entre ses instances

supérieures qui auraient fait preuve de réalisme et sa base militante attachée à l’idéalisme traditionnel de la gauche. L’historien américain rend ainsi compte de la maturation d’un mouvement politique en s’attardant aux figures principales de celui-ci, tout spécialement à Arthur Henderson. Finalement, il convient de parler de l’ouvrage de Rhiannon Vickers publié en 200349. Pour la politologue britannique, une politique extérieure socialiste

n’aurait jamais été affirmée par le Labour. Ainsi, bien que le parti de gauche se soit inspiré des valeurs de coopération et d’interdépendance pour présenter une approche alternative à la diplomatie coercitive traditionnellement pratiquée par le gouvernement britannique, sa politique extérieure n’aurait été qu’une manifestation du libéralisme international et non pas un changement radical de stratégie dans la conduite des relations diplomatiques. Cette interprétation, qui fait en partie écho aux conclusions présentées par Kenneth Miller en 1967, semble faire consensus chez les politologues, puisqu’elle a notamment été reprise par Lucian Ashworth dans un article de 200950.

Pour terminer ce tour de l’historiographie travailliste, mentionnons deux ouvrages qui s’intéressent à l’utilisation que le parti a faite des médias. Huw Richards s’est penché sur les 52 ans d’histoire du journal associé de près au Labour, le Daily Herald, pour en souligner les problèmes de fonctionnement, qui se manifestèrent notamment par des difficultés financières constantes, ainsi que son importance politique pour le mouvement

46 Soit l’internationalisme, la solidarité internationale de la classe ouvrière, l’anticapitalisme et

l’antimilitarisme, ou à tout le moins l’antipathie envers la politique de coercition.

47 Michael R. Gordon, Conflict and Consensus in Labour’s Foreign Policy, 1914-1965, Stanford, Stanford

UP, 1969.

48 Henry R. Winkler, Paths Not Taken: British Labour and International Policy in the 1920s, Chapel Hill,

University of North Carolina Press, 1994.

49 Rhiannon Vickers, The Labour Party and the World. Vol. 1: The Evolution of Labour’s Foreign Policy,

1900-51, Manchester, Manchester UP, 2003.

50 Lucian M. Ashworth, « Rethinking a Socialist Foreign Policy : The British Labour party and International

Relations Experts, 1918 to 1931 », International Labor and Working Class History, Vol. 75, No. 1 (printemps 2009), p. 30-48.

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ouvrier, illustrée par la volonté de ce dernier de renflouer les coffres à plus d’une reprise51.

Laura Beers, pour sa part, s’est intéressée à l’utilisation des journaux, mais aussi de l’affichage et des films, par le Labour pour rendre compte du passage d’une stratégie initiale d’éducation populaire à une démarche visant essentiellement à gagner les votes de la population plus large52.

De manière générale, l’histoire de la gauche apparaît donc être plutôt militante alors que les travaux sont souvent produits par des personnes qui militent dans les partis ou qui gravitent autour de ceux-ci. De plus, on ne trouve pas une surabondance d’études récentes croisant et comparant les histoires des différents partis, ceux-ci étant la plupart du temps étudiés en vase clos. Une exception notable à ce constat est la thèse de Stefan Berger, publiée en 1994, qui établit une comparaison entre les organisations et les idéologies du Labour et du SPD allemand dans le premier tiers du XXe siècle53.

Problématique

Ainsi, cette étude se situe au croisement des travaux sur le désarmement durant l’entre-deux-guerres et de ceux sur les partis socialistes. Nous désirons établir quelles furent les positions publiques, ainsi que les arguments les sous-tendant, de la SFIO et du Labour concernant le désarmement entre le 12 décembre 1925 et le 3 février 1932. Ces dates correspondent à la période comprise entre la mise sur pied de la CP et le lendemain de l’ouverture de la CMD, soit celle où les gouvernements s’engagèrent formellement dans un processus devant mener au désarmement, mais aussi où, selon nous, il pouvait sembler possible que les suggestions émanant de la société civile soient reprises par les représentants des États.

Nous sommes donc en présence de deux partis politiques qui, tel que mentionné plus haut, connurent des changements importants de leur réalité au niveau national, que ce soit dans la composition de leurs effectifs ou dans leur place sur l’échiquier politique. Bien que tous

51 Huw Richards, The Bloody Circus: The Daily Herald and the Left, Londres, Pluto Press, 1997. 52 Laura Beers, Your Britain: Media and the Making of the Labour Party, Cambridge, Harvard UP, 2010. 53 Stefan Berger, The British Labour Party and the German Social Democrats, 1900-1931, Oxford, Clarendon

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deux aient désiré convaincre une part importante de la population de leur confier leurs voix et, ultimement, de les porter au pouvoir, leurs attitudes respectives concernant le parlementarisme n’étaient pas identiques. De plus, bien qu’ils aient tous deux été membres de l’IOS, les positions de cette dernière étaient plutôt larges et imprécises, laissant le soin aux partis nationaux de développer les détails de leurs politiques. De tous les partis membres de l’IOS, le choix de la SFIO et du Labour s’explique par des raisons pragmatiques de langues maîtrisées par l’auteur de ces lignes, mais aussi par le fait que la France et la Grande-Bretagne furent les deux actrices principales au sein de la SDN, ce qui confère une importance accrue aux politiques émanant de ces États. En nous penchant sur les discours publics des deux partis socialistes concernant le désarmement, nous nous intéressons donc à des organisations membres d’un regroupement transnational cherchant à mobiliser un nombre assez important d’électrices et d’électeurs au niveau local et régional afin d’obtenir un mandat d’action national pour agir sur un enjeu international. En ce sens, notre objet d’étude se situe à la croisée de plusieurs chemins et offre une dimension toute particulière pour appréhender la rencontre de ces enjeux multiples.

Plus précisément, nous nous pencherons sur les raisons mises de l’avant par les deux partis afin de justifier l’importance du désarmement, mais aussi sur leurs appréciations des développements sur le sujet. En plus de l’identification de ces discours publics, l’intérêt de notre recherche se trouve dans la comparaison de ceux-ci. Nous pourrons ainsi établir les différences ainsi que les similitudes entre les discours publics de la SFIO et du Labour sur le désarmement. Ces deux partis évoluaient dans des pays présentant des logiques de développement de leur force militaire très différentes, ce qui produisit inévitablement des visions distinctes des avenues à exploiter pour parvenir à un niveau de désarmement satisfaisant. Alors que la France s’appuyait sur le service militaire obligatoire et la constitution d’une force terrestre importante pouvant faire face au « danger allemand », la Grande-Bretagne comptait plutôt sur l’engagement volontaire des citoyens et le développement d’une flotte dominante étant à même d’assurer un lien continu avec ses multiples colonies et protectorats. Il sera donc particulièrement intéressant de voir sur quels points les positions socialistes et travaillistes se recouperont ou divergeront.

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Sources et méthodologie

L’identification et l’analyse des discours publics présentés par la SFIO et le Labour peuvent être faites en s’appuyant sur les journaux associés aux partis. Les éditoriaux, chroniques et articles publiés dans Le Populaire de Paris, lié à la SFIO, et dans le Daily Herald de Londres, proche du Labour, entre le 12 décembre 1925 et le 3 février 1932 constituent donc l’essentiel du corpus avec lequel nous travaillons. Après consultation des numéros publiés pendant cette période, soit 1848 exemplaires du Populaire et près de 2200 du Daily Herald54, nous avons retenu respectivement 914 et 577 textes traitant précisément

du désarmement dans les quotidiens français et britannique.

Il est important de définir les relations entretenues entre Le Populaire ainsi que le Daily Herald et leur parti respectif. Le quotidien français a été fondé en 1916 par un groupe minoritaire de socialistes hostiles à la guerre et est devenu le journal officiel de la SFIO en 1920, après que le parti eut perdu le contrôle de L’Humanité à la suite de la scission de Tours. Ayant en alternance Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx, Paul Faure, secrétaire du parti après 1920, et Léon Blum, chef du parti depuis 1919, comme directeur, le journal présenta différents entêtes proclamant toujours son affiliation au parti socialiste55. Les liens

entre les organes dirigeants de la SFIO et le quotidien furent donc très serrés et l’actualité émanant du groupe parlementaire bénéficia d’une couverture attentive, tandis que les finances et l’action du journal profitèrent d’une attention et d’un soutien constant de la part du parti, faisant notamment l’objet de rapports lors des congrès annuels de ce dernier56.

54 Le Populaire fut publié deux fois par mois du 14 juin 1924 au 22 janvier 1927, moment où il revint à une

publication quotidienne. Disponible en ligne, quelques dates sont manquantes de la bibliothèque numérique Gallica de la Bibliothèque nationale de France. Le Daily Herald fut publié quotidiennement tout au long de notre période, sauf lors de la grève générale de mai 1926 où il fut remplacé par le British Worker, ce dernier se concentrant sur les nouvelles du mouvement de grève. Disponible sur microfilms, nous n’avons malheureusement pas gardé le décompte précis du nombre de journaux consultés. La période du 12 décembre 1925 au 3 février 1932 s’étendant sur 2244 jours, nous pouvons tout de même estimer avoir consulté près de 2200 numéros du Daily Herald, en tenant compte de la discontinuité de 1926 et des numéros qui auraient pu être manquants.

55 Le Populaire afficha un entête se proclamant « Quotidien du Parti Socialiste (S.F.I.O.) » à partir du 14 mai

1930. Auparavant, il fut plutôt un « Journal socialiste », du Soir ou du Matin, de sa fondation jusqu’au 15 décembre 1926, un « Journal socialiste quotidien » du 22 janvier 1927 au 30 novembre 1927 ou encore « Le seul journal quotidien socialiste de Paris » du 1er décembre 1927 au 13 mai 1930.

56 Une histoire complète et définitive du Populaire reste encore à faire. On ne recense malheureusement

aucun ouvrage traitant de l’évolution du journal et les informations disponibles sont glânées des biographies des personnalités impliquées dans sa gestion ainsi que dans les actes de congrès de la SFIO de l’époque.

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Fondé en avril 1912 par un comité de militants syndicaux, le Daily Herald connut une relation moins franche et directe avec le Labour, malgré l’implication de plusieurs députés travaillistes, dont Arthur Henderson, dans sa gestion. Le journal passa formellement sous le contrôle du Trades Union Congress (TUC), une importante fédération nationale de syndicats, ainsi que du Labour et fut ainsi l’organe officiel du mouvement ouvrier entre 1922 et 1929. Il fut ensuite privatisé, mais conserva son rôle de porte-parole des enjeux ouvriers, alors qu’une majorité des parts fut vendue à un éditeur commercial. La double propriété des années 1920 ne permit pas au parti travailliste d’imposer sa vision et son angle d’approche pour les sujets traités. L’implication importante du TUC et le mandat de représentation du mouvement ouvrier dans son ensemble força le journal à marcher sur une fine ligne où il dû à la fois faire la promotion du groupe parlementaire tout en relayant les critiques à l’endroit de ce dernier formulées entre autres par certains membres de l’ILP. L’actualité parlementaire n’en resta pas moins un des sujets de prédilection du quotidien qui rapporta régulièrement des segments de discours tenus par les députés travaillistes à la Chambre des communes ou lors de rallyes partisans. Finalement, comme pour Le Populaire, les finances du Daily Herald ne furent jamais resplendissantes et les coffres du journal durent être renfloués à plusieurs reprises par le TUC ainsi que par le Labour57.

Ce soutien continu des finances chancelantes des journaux de la part des partis socialistes de chaque côté de la Manche souligne l’importance accordée à ce type de média par ces organisations. Alors que le taux de pénétration de la radio dans les foyers européens n’atteignait pas encore un niveau suffisamment élevé58, les journaux permettaient de

rejoindre une plus large part de la population grâce au coût relativement bas des exemplaires et la possibilité de circulation plus large, un exemplaire de journal pouvant être lu par plusieurs personnes.

57 Comme mentionné un peu plus haut, Richards a produit une histoire très complète du Daily Herald et des

différentes phases de ses 52 ans d’existence. Huw Richards, The Bloody Circus: The Daily Herald and the

Left, Londres, Pluto Press, 1997.

58 Bowden et Offer rapportent que la radio n’était présente que dans 1% des foyers britanniques en 1923,

passant à 20% en 1926 et 50% en 1933, un taux de pénétration encore trop restreint pour des partis politiques cherchant à rejoindre une majorité de la population ; sans aborder les enjeux de revenu et de composition sociale des foyers propriétaires de radios. Susan Bowden & Avner Offer, « Household Appliances and the Use of Time: The United States and Britain Since the 1920s », The Economic History Review, Vol. 47, No. 4 (novembre 1994), p. 729.

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Il y a bien entendu des enjeux méthodologiques relatifs à l’interprétation du contenu des journaux. Par exemple, les articles, chroniques et éditoriaux doivent-ils être considérés comme l’expression de l’opinion publique ou comme un élément influençant celle-ci? Selon l’historien Stephen Vella, les quotidiens rapportent des évènements, mais conditionnent également ces actualités ainsi que les opinions de leurs lecteurs et lectrices en s’appuyant sur, et en offrant, un cadre conceptuel qui leur est propre et qui teinte leurs analyses et leur réalité59. Nous souscrivons à cette interprétation, offerte aussi de manière

plus globale par Roger Chartier lorsque ce dernier affirme que « [t]he representations of the social world themselves are the constituents of social reality60. » En effet, une équipe

éditoriale sélectionne les informations qui sont « dignes » d’être rapportées dans la foule d’évènements quotidiens sur lesquels elle pourrait porter son attention ainsi que celle de son lectorat. Elle a également le privilège de fixer les prémisses de l’interprétation des histoires qu’elle sélectionne, orientant invariablement la discussion qui se tiendra ensuite. Par ailleurs, les journaux sont particuliers en cela que les décisions prises dans leur production ne peuvent être attribuées à une seule personne, à la différence d’un roman, d’une lettre ou d’un journal intime, puisque le processus de production d’un quotidien est le résultat d’un travail d’équipe et d’un enchevêtrement de contacts sociaux, d’idéaux, d’habitudes et de décisions prises sur le moment61. En se penchant sur la manière dont

l’information est organisée, présentée, analysée ou passée sous silence dans les journaux, les historiennes et historiens peuvent donc documenter comment un groupe de personnes impliquées dans la production d’un périodique appréhendait sa société, mais aussi comment il en rendait compte à son lectorat.

Au vu de l’ampleur du corpus de sources envisagé, il nous a semblé primordial d’établir une méthode de traitement efficace. Nous avons arrêté notre choix sur l’analyse qualitative

59 Stephen Vella, « Newspapers », Miriam Dobson & Benjamin Ziemann, dir., Reading Primary Sources. The

Interpretation of Texts from 19th and 20th Century History, New York, Routledge, 2009, p. 192.

60 Roger Chartier, « Intellectual History of Sociocultural History? The French Trajectories », Dominick

LaCapra & Steven L. Kaplan, dir., Modern European Intellectual History. Reappraisals and New

Perspectives, Ithaca, Cornell UP, 1982, p. 41.

61 Stephen Vella, « Newspapers », Miriam Dobson & Benjamin Ziemann, dir., Reading Primary Sources. The

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de contenu puisque celle-ci « se prête à l’étude de données nombreuses62 » et « a pour

objectif de classer, décrire et évaluer la mosaïque impressionniste que constitue un numéro de journal63. » Nous avons opté pour cette méthode plutôt que pour l’analyse de discours

puisque cette dernière accorde, à notre avis, trop d’attention aux termes employés alors que nous nous attardons aux thèmes contenus dans les éditoriaux, chroniques et articles plutôt qu’à une analyse sémantique de ces textes. Le type d’analyse adopté ici nous a donc permis d’analyser le contenu des quelque 1500 éditoriaux, chroniques et articles que nous avons retenus afin d’identifier les éléments les plus préoccupants aux yeux des auteurs de l’époque et d'en faire ressortir leurs arguments principaux. En fonction du contenu du texte analysé et des aspects abordés par celui-ci, nous l’avons classé dans une ou plusieurs des catégories que nous avons identifiées au cours de notre dépouillement. Au terme de l’analyse, les thèmes relevés sont « Antifascisme », « Argument économique », « Argument local », « Argument militaire », « Argument nationaliste », « Briand-Kellogg », « Conseil de la SDN », « Commission préparatoire », « Désarmement naval », « Nation armée », « Paix », « Parlementarisme », « Révision des traités » et « Rôle de la SDN ». Ces thèmes permettent de classer les citations retenues dans les textes analysés selon certains évènements précis, comme les développements entourant le pacte Briand-Kellogg ou les conférences navales, ainsi que selon certains angles argumentaires, comme les arguments économiques en faveur du désarmement ou ceux favorisant la révision des traités. Une fois l’analyse complétée pour les deux journaux, nous nous sommes penché sur chaque thème. En réunissant tous les extraits retenus pour chacun de ceux-ci, nous avons pu développer un sens de leur importance respective dans notre corpus et nous avons aussi pu dégager un discours général ainsi que les positions des deux partis sur ces thèmes précis. En déterminant les positions des deux partis sur chaque thème, il nous fut aisé d’établir les points de convergence et de divergence entre elles. Chaque fois où ils étaient pertinents, nous avons incorporé ces éléments de comparaison à notre analyse. Cette approche comparative recèle de défis méthodologiques que nous désirons maintenant aborder.

62 Jean de Bonville, L’analyse de contenu des médias. De la problématique au traitement statistique,

Bruxelles, De Boeck, 2006, p. 16.

63 Liliane Hasson, L’image de la révolution cubaine dans la presse française et espagnole, essai d’analyse de

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Bien que l’affirmation voulant que la comparaison soit centrale à toute méthode scientifique ait été élevée au rang de truisme depuis de longues années maintenant, les bénéfices de la systématisation d’une telle approche et du recours conscient à celle-ci sont plus largement reconnus par les autres sciences sociales que par l’histoire. À cet effet, Raymond Grew souligne que l’histoire comparée est plus souvent admirée que pratiquée consciemment64 tandis que Deborah Cohen la présente comme une île peu peuplée dans un

océan d’agnostiques65. Entre l’article de Marc Bloch de 192866, souvent considéré comme

l’appel initial à la comparaison en histoire, et aujourd’hui, on ne peut dire que l’histoire comparée ait réussi à s’imposer comme méthode d’analyse. Les études qui adoptent cette approche ne sont pas légion et, comme le souligne Susan Pedersen, leurs auteurs choisissent souvent de se concentrer sur un seul pays pour leur seconde publication après avoir produit un premier ouvrage comparatiste67.

Les désavantages limitant l’adoption d’une approche comparative par les historiennes et les historiens sont multiples et fréquemment mentionnés autant par les personnes qui s’aventurent dans cette démarche68 que par ceux qui favorisent une approche différente69. Il

ne suffit que de mentionner le coût en temps dans la maîtrise d’au moins deux langues, d’au moins deux histoires nationales et d’au moins deux historiographies ainsi que dans l’analyse de deux corpus d’archives distincts, ou plus, pour rendre compte des difficultés matérielles associées à l’histoire comparée. Le risque d’être mal reçu par les spécialistes d’un des deux côtés de l’objet de la comparaison est également un élément qui refroidirait les ardeurs de plusieurs. Cependant, deux critiques plus profondes méritent que nous nous y

64 Raymond Grew, « The Case for Comparing Histories », The American Historical Review, Vol. 85, No. 4

(octobre 1980), p. 768.

65 Deborah Cohen, « Comparative History: Buyer Beware », Deborah Cohen & Maura O’Connor, dir.,

Comparison and History, Europe in Cross-National Perspective, New York, Routledge, 2004, p. 58.

66 Marc Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes (1928) », Mélanges historiques, vol. 1,

Paris, S.E.V.P.E.N., 1963, p. 19.

67 Susan Pedersen, « Comparative History and Women’s History », Deborah Cohen & Maura O’Connor, dir.,

Comparison and History, Europe in Cross-National Perspective, New York, Routledge, 2004, p. 91-92.

68 Voir notamment les ouvrages de John Breuilly et de Stefan Berger qui accordent tous deux plusieurs pages

de leur introduction à ces questions. John Breuilly, Labour and Liberalism on Nineteenth-century Europe:

Essays in Comparative History, Manchester, Manchester UP, 1992 ; Stefan Berger, The British Labour Party and the German Social Democrats, 1900-1931, Oxford, Clarendon Press, 1994.

69 Ne mentionnons que les articles de Frederick Cooper et Micol Seigel. Frederick Cooper, « Race, Ideology,

and the Perils of Comparative History », The American Historical Review, Vol. 101, No. 4 (octobre 1996), p. 1122-1138 ; Micol Seigel, « Beyond Compare: Comparative Method after the Transnational Turn »,

Figure

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