Systèm es d e production e t d e circulation
Chaînes opératoires dans la construction
des
monuments
Jean Leclerc (UMR ArScAn - Ethnologie préhistorique)
La construction du monument
Pour réaliser l'e s p a c e clos, mais restant toujours accessible, q u e nécessitait leur système d e traitement du corps d e s défunts (inhumation collective), les constructeurs du néolithique moyen e t récen t d'Europe o c c id e n ta le disposaient d e deux p ro c é d é s techniques : la couverture en encorbellem ent ou la dalle mégalithique. Au cours des siècles, le deuxièm e système a supplanté le premier, sans que l'on s a c h e si c e tte évolution traduit le su ccès d'un système technique plus simple, ou une meilleure maîtrise d es p ré a la b le s é co nom iques e t politiques. Le d é b u t d e la période est m arqué par la présence asso ciée d'un autre p h én o m èn e : le g o û t d'une monumentalité pouvant aller jusqu'au gigantisme. Ce goût s'e ffa c e p e u à peu, mais il sem ble bien q u e les techniques mégalithiques, qui s'imposent alors, restent toujours associées à une sorte d e rappel d e la m onum entalité : micro tumulus ou habillages divers en petit appareil.
Un troisième p r o c é d é est bien attesté : la construction en bois. C e p e n d a n t, bien que les c a v ea u x en bois aient pu être très nombreux, leurs vestiges archéologiques sont très rares, et limités aux régions — minoritaires — où ce s m onum ents étaient, com m e d e nos jours, enfouis dans le sol. I n'est pas en co re possible d e les placer dans une série évolutive.
L’utilisation d e s matériaux
Le transport d e s matériaux, leur assem blage, et plus gén éralem en t la mise en oeuvre d e ces choix techniques fo n d am en tau x ne présentent p as d e réelles difficultés techniques. Est, ainsi, laissée ouverte la possibilité d e trop d 'h y p o th è se s pour qu'il soit possible d e faire a p p a ra ître in modus operand i. Tout au plus, peut-on parfois d é c e le r quelques gestes a y an t pu laisser une tra c e d é c e la b le à la fouille, e t les interpréter com m e d e s fragm ents d e chaînes opératoires. On peut ainsi observer des m éthodes d'installation d'orthostates : une b a s e arrondie perm et d e les faire rouler dans d es rainures d'implantation étroites et p e u profondes, a v a n t d e les caler p a r des coins d e pierre ; la maîtrise du feu perm et une retouche très précise d e leur forme, a p rè s la mise p lac e . On peut aussi décrire des procédés d e constitution d e tumulus : rem plissage en vrac derrière d e s p arem ents soigneusem ent appareillés, ou entre des parem ents ou arm atures internes qui facilitent la mise en p la c e du matériau e t la bonne tenue d e l'ensem ble. Dans la construction en bois, on peut observer deux p ro c é d é s techniques différents et contradictoires : l'utilisation d e m asses d e bois ( « m égaxyles ») c o m m e on fait des piliers d e pierre, ou l'assem blage d e planches — l'originalité d e c e tte dernière m é th o d e é ta n t son a d a p ta tio n aux possibilités propres du m atériau.
Quel q u e soit leur intérêt, ce s observations restent isolées d e l'ensem ble du système technique e t ne perm ettent p a s d e se faire une idée d e la logique d'ensem ble d e la chaîne opératoire ( « c h a în e opératoire lucide » d'A. Leroi-Gourhan).
À un niveau plus élém entaire encore, on rem arque les gestes précis e t répétitifs pour remplir des alvéoles prévus à c e t effet, ou pour m ettre en p la c e des couches d e condam nation aux contours nettem ent dessinés. C es g e ste s pourraient s'interpréter com m e des fragm ents d e « chaînes opérato ires autom atiques » ; ils laissent entrevoir un p a rta g e du travail entre le transport des pierres et le travail soigneux d 'un spécialiste qui n e se d é p la c e pas.
Systèmes d e production e t d e circulation
Notes sur la discussion.
C et ex posé a suscité diverses objections. C. Boujot souligne que le rôle du mégalithisme n'est p a s uniquem ent tec h n iq u e; d es rem arques analogues sont d év e lo p p é e s par F. Audouze, e t par C. Perlés. J. Pelegrin observe q u e d e s faits présentés tém oignent d'un savoir pouvant aisém ent se transmettre par le discours. Ils ne doivent pas être interprétés en term es d e «chaîne opératoire», mais plutôt en term es d e « m é th o d e ».
Éléments bibliographiques
Leroi-Gourhan A. 1965. Le geste et to parole. I. La mémoire et les rythmes.Paris : Albin Michel, 285 p., ill.
M asset C. e t Soulier P. (sous la direction de).1995. Allées couvertes et autres monuments funéraires du néolithique dans la France du nord-ouest. Allées sans retour.Paris : Editions Errance, 264 p., ill.
(C'est la ré fé re n ce la plus c o m m o d e et co m p lè te : é vo c a tio n des principaux problèm es, courtes notices sur les p rin cip a u x sites évoqués, e t im portante bibliographie).
Cn p e u t y ajouter quelques parutions plus récentes :
Soulier P. (sous ta direction de). 1998. La France des dolmens et des sépultures collectives (4500-2000 av. J.-C.). Paris : Editions Errance, 336 p., ill.
(Pour certaines régions, c o m p lè te opportuném ent l'o u v ra g e précédent).
Boujot G 1996. Le m égalithism e dans ses rapports a ve c le d é ve lo p p e m e n t des sépultures collectives néolithiques. A p p o rt d 'u n e synthèse à l'é ch e lle de ta France. Bulletin de la Société préhistorique française.93,3, p. 337-341
Guilaine J. (sous ta direction de). 1998. Sépultures d'occident et genèses des mégalithlsmes (9000-3500 avant notre ère).
Paris : Editions Errance, 206 p., ill. Collection des Hespérides.
Guilaine. J. (sous la direction de).1999. Mégalithlsmes : de FAtlantique à /'Ethiopie.Paris : Editions Errance, 224 p., ill. (Ces de u x derniers ouvrages réunissent les contributions a u séminaire du Collège de France en 1996-1997 et 1997-1998)