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La relation de service. Essai de fondation théorique

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Academic year: 2022

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Résumé

Une forme particulière de la relation producteur-consommateur, la relation de service, a été décrite comme typique de notre époque par ses auteurs, de Bandt et Gadrey. Essentiellement empirique et reposant sur des concepts définis en extension, ce travail novateur demande maintenant une élaboration théorique de type déductif. La construction présentée ici passe d’abord par la définition des concepts généraux de rencontre, d’activité et de relation. La relation de circulation est ensuite analysée comme le type de relation où le produit d’une activité devient la ressource d’une autre activité. Le point critique est la modalité de validation de la conversion du produit en ressource qui s’y réalise. On peut alors définir la relation de service comme la relation de circulation où cette conversion est interne à la relation.

Cette définition est universelle dans le sens où elle se situe en amont du marché et même de l’économie.

Abstract

The Service Relation : An Attempt of Theoretical Foundation

The service relation is a specific kind of producer-consumer relationship.

It was presented by its authors, de Bandt and Gadrey, as typical of our time.

Being basically empirical and based on concepts that are defined in extension, this innovative work needs now a theoretical deductive elaboration. The work presented defines the general concepts of the encounter, the activity and the relation.The circulation relationship is then analysed as the type of relation where the product of one activity becomes the resource of another one.The crucial point is the validation of the product conversion into resource. One can thus define the service relation as the relation of circulation in which this conversion belongs to the relation.This definition is universal, i. e. it is located upstream of the market and even of the economy. It remains to be embedded in a concrete structure of society.

JEL classification Historical, Institutional, Evolutionary B25 Consumer Economics : Theory D11

Services : General L80

Transactional Relationships L14 Other Economic Systems : General P40

Liliane Bensahel, Bernard Billaudot, Ivan Samson (1)

(1) Liliane Bensahel, Ivan Samson : Groupe Transition

Développement, Bernard Billaudot : IREPD ; Université Pierre Mendès- France, Grenoble. Ce papier est issu de réflexions au sein du sous-groupe « Systèmes économiques » du GTD sur le thème « Relation de service et rapport commercial » qui se sont déroulées en 1998.

J.-C. Dupuis a participé aux premières réunions sur ce thème. Le sous- groupe développe et fait travailler sur les problèmes de la transition les hypothèses et les outils théoriques élaborés par B. Billaudot [Billaudot, 1996]. La question se posa de savoir si ces outils s'avéraient capables « d'attraper » ce que certains auteurs ont appelé la relation de service. Il s'agissait là d'un objet suffisamment bien défini et connu par ailleurs dans le groupe pour pouvoir tenir lieu de banc d'essai de ces outils.

Nous remercions

La relation de service

Essai de fondation théorique

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Entendue comme lien bilatéral entre deux personnes, la relation a été longtemps considérée par les économistes comme le domaine réservé de la psychosociologie. Depuis le milieu des années soixante-dix, elle est pleinement intégrée dans leur champ d’analyse, tous courants confondus ou presque. Pour les tenants de l’individualisme méthodologique, cette révolution a consisté à abandonner la conception instrumentaliste du marché portée par la théorie de l’équilibre général : d’un mode de coordination faisant écran aux relations entre les hommes, le marché devient «le face à face d’échangistes, capables de s’identifier nommément pour conclure éventuellement un contrat interindividuel» (Favereau, Picard, 1996, p. 442).

Cet échange marchand bilatéral est envisagé selon les auteurs comme une relation entre un principal et un agent en situation d’asymétrie d’information, comme un transfert de droits de propriété ou comme la solution normale de l’interaction stratégique entre des agents aux capacités cognitives limitées. Dans tous les cas toutefois, cet échange est encore pensé en toute généralité en faisant abstraction de la production de ce qui est échangé.

Parallèlement, beaucoup de ceux qui ont toujours considéré qu’il n’y a pas d’échange sans production, en privilégiant une approche holiste des réalités microéconomiques, ont déplacé leur attention de l’analyse des structures (rapports sociaux, médiations sociales) qui déterminent les comportements des agents économiques à celle des relations qu’ils établissent dans ce cadre. En partant d’une étude empirique d’une large palette de prestations de services, certains définissent une forme particulière de relation producteur-consommateur qu’ils qualifient de relation de service. Ils considèrent que cette forme n’est pas spécifique aux services. S’appliquant aussi aux biens, elle leur paraît caractéristique de l’économie de la fin du vingtième siècle. Nombreux sont ceux qui font le constat que l’on est en présence d’un nouveau type de relation entre vendeurs et acheteurs, en soulignant que la relation devient une composante de la définition et de la conception des produits plutôt qu’une simple aide à la commercialisation (Bressand, 1990). Comme ce caractère distinctif de la nouveauté n’est que l’un de ceux qui rentrent dans la définition d’une relation de service, c’est à cette dernière que l’on s’intéresse ici.

L’objet de ce papier est d’en proposer une fondation théorique.La démarche des auteurs ayant travaillé ces questions a jusqu’à présent consisté à partir du réel, des faits tels qu’on peut les observer, puis à construire les outils théoriques capables de les comprendre en résolvant ainsi un certain nombre de problèmes que pose leur conceptualisation. Menée à l’aide de concepts juxtaposés ou de définitions en extension, l’élaboration théorique déjà réalisée en ce sens s’avère insuffisante (première partie). Celle que nous proposons ensuite est complémentaire. Elle a pour objet de définir la relation de service sans se placer dans un contexte institutionnel particulier et préalablement à toute distinction entre les biens et les services ; autrement dit,

vivement Jacques de Bandt et Jean Gadrey ainsi que Louis Reboud pour les remarques très constructives qu'ils ont formulées sur une version antérieure de ce texte.

Nous assumons l'entière responsabilité de notre présentation.

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indépendamment de toute référence à la fourniture d’un service. Cela implique d’adopter une démarche déductive, en dérivant les concepts nécessaires d’un nombre limité d’hypothèses (deuxième partie).

1. La relation de service : état des lieux de la réflexion

En prolongement des études sur les services (Hill, 1971), (Delaunay, Gadrey, 1987), la relation de service a fait l’objet de travaux récents importants. Ces recherches ont apporté des éclairages sur la réalité des processus de production et le rôle qu’y jouent les connaissances. En France, Jacques de Bandt et Jean Gadrey (1994) sont les principaux théoriciens qui ont approfondi la notion de relation de service, en reprenant les travaux de Erwin Goffman (1968) (Voir également Reboud, (1997) ; Bensahel (1996) et du Tertre (1999)).

1.1. Le travail fondateur d’Erwin Goffman

Goffman introduit la notion de relation de service dans un chapitre d’un essai sur les hôpitaux psychiatriques. Il sous-titre ce chapitre « quelques remarques sur les vicissitudes des métiers de réparateur » (Goffman, 1968, p. 375). L’étude de Goffman se passe dans un contexte très spécifique, l’analyse du schéma médical-type à l’hôpital d’aliénés. L’étude des présupposés et des théories sur lesquels se fondent les relations de type professionnel permet à Goffman de comprendre certains problèmes des hôpitaux psychiatriques et lui sert à préciser les modalités de fonctionnement de la relation et du service. La relation de service qu’il va étudier est basée sur le modèle du réparateur : Goffman démontrera que ce modèle ne s’applique pas à l’institution qu’est l’hôpital psychiatrique. Rappelons qu’il s’appuie sur le sens que le terme service possède en anglais (service signifie maintenance), à savoir la réunion de :

1. une activité destinée à satisfaire les besoins d’autrui ;

2. une relation qui unit deux ou plusieurs personnes dans une situation de ce type ;

3. un travail d’entretien, généralement spécialisé, effectué sur un bien ou sur une personne, à la demande d’un client (c’est ainsi que l’opération de vidange et de graissage d’une automobile s’appelle un service).

Pour lui, il existe donc une relation entre la notion de “service”, au sens où nous l’entendons habituellement en français, et celle de réparation. Il ne précise pas s’il peut exister une autre forme de relation de service distincte de ce modèle. La référence qu’il fait à la définition anglaise du service laisse penser qu’il n’en envisage pas d’autre.

a. La relation de service est liée à une activité professionnelle spécialisée Pour Goffman, c’est la relation de service entre deux individus qui permet de comprendre les institutions (tel un hôpital psychiatrique) dans

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lesquelles les relations se nouent. La relation de service est dans nos sociétés un mode privilégié de relation sociale. L’auteur n’envisage cependant pas la relation de service en dehors du cadre d’activités professionnelles spécialisées ; les services qu’il qualifie d’automatiques ne relèvent pas de la relation de service. Pour illustrer ses propos, Goffman prend l’exemple des contrôleurs de billets ou des téléphonistes qui pour lui exercent un service purement automatique.

Goffman divise les activités professionnelles spécialisées en deux catégories : l’une où le praticien se trouve, par son travail même, « en contact direct avec le public », l’autre où son travail ne touche que les membres d’une organisation. « Le contact avec le public et le pouvoir exercé sur lui constituent des caractères assez importants pour que tous ceux qui en font l’expérience puissent être groupés en une catégorie spéciale » (Goffman, 1968, p. 378). Ainsi, l’employé qui sert les clients dans une quincaillerie et le magasinier d’usine sont placés dans des catégories différentes malgré les similitudes de leur travail.

L’auteur distingue deux catégories de professions qui réalisent un contact avec le public :

– celles qui s’adressent à un public composé d’une succession d’individus,

– celles qui s’adressent à un public fait d’une succession de groupes.

La profession de dentiste appartient à la première, celle de comédien à la seconde.

« Les tâches qui placent le praticien face au public, sous l’une ou l’autre forme, varient selon qu’elles se présentent plus ou moins comme un service personnalisé (a personal service) c’est-à-dire une aide désirée par celui qui la reçoit. En principe, les professions vouées aux services personnalisés sont celles où les praticiens effectuent pour un ensemble d’individus un service personnel spécialisé, les nécessités de ce service exigeant qu’ils entrent directement et personnellement en communication avec chacun de ces sujets alors qu’aucun autre lien ne les unit à eux » (Goffman, 1968, p. 3783).

Retenons de cette citation que la référence à un service nécessite pour le praticien d’entrer directement et personnellement en communication avec chaque usager. Cela va constituer un trait essentiel de la relation de service. Elle est liée à un service personnalisé, c’est-à-dire une aide spécifique et désirée par celui qui la reçoit. Elle demande une compétence dont le bénéficiaire du service est dépourvu.

b. Il s’agit d’une activité aux caractéristiques particulières et au fonctionnement complexe

Pour Goffman, les services se divisent entre ceux où le praticien exerce un « service technique purement automatique » et ceux dont « l’habileté exige une compétence reconnue, pouvant s’exercer comme une fin en soi et que ne peut raisonnablement pas acquérir le bénéficiaire » (Goffman,

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1968, p. 379). Les services automatiques s’adressent plutôt à des usagers tandis que les services de spécialistes s’adressent plutôt à des clients. Goffman n’étudie que les seconds en s’attachant plus particulièrement aux caractéristiques morales et sociales qui leur sont sous-jacentes.

Ainsi envisagée, la relation de service repose sur trois pôles: le praticien- réparateur, l’objet etle client. Théoriquement, l’interaction entre un client et un praticien prend une forme à peu près structurée. « Le praticien peut également avoir avec son client un échange verbal en trois points, une partie

“technique” : renseignements reçus ou donnés sur la réparation (ou la construction) envisagée ; une partie “contrat” : indication approximative et en général pudiquement écourtée du coût du travail, des délais nécessaires et autres détails ; enfin une partie “civilités” : échanges de politesses accompagnés de quelques amabilités et marques de respect » (Goffman, 1968, p. 383). Pour Goffman, l’interaction est la caractéristique principale.

La participation du client constitue la base de cette spécificité et détermine la relation de service. Le respect des deux parties lui confère sa dignité.

« La dignité apparente des relations de service repose en partie sur l’aptitude du client à apporter des renseignements utiles bien que filtrés par le langage et le jugement profanes. Le service réparateur peut alors revêtir certains traits d’une entreprise commune dans laquelle le praticien montre un certain respect pour la manière dont le client, sans l’avoir appris, sait analyser les difficultés. Le succès de l’opération dépend de la manière dont le réparateur gardera séparées les deux dimensions que sont, d’une part, le client et, d’autre part, l’objet défectueux » (Goffman, 1968, p. 383).

Ici est soulignée une autre dimension essentielle de la relation de service, à savoir le rôle actif du bénéficiaire, le client. Ce rôle actif passe par la production par le client d’informations profanes mais pertinentes que le praticien saura décoder et dont il saura gré à celui-ci. Cet échange d’informations requiert sinon une confiance, du moins une compréhension, voire une connivence entre les deux protagonistes. La nature de cette dernière donnera lieu à de nombreuses interprétations et devra être précisée.

c. Elle suppose des conditions implicites de fonctionnement

Les conditions implicites de fonctionnement de la relation de service que Goffman retient nous permettent d’éclairer sa façon de la conceptualiser.

i. Les conditions sur l’objet à réparer

– Pour qu’un objet soit utile à son propriétaire, il faut que les différents éléments qui le composent soient en bon fonctionnement les uns par rapport aux autres et que le possesseur sache l’utiliser.

– La relation de service suppose la propriété privée de l’objet par le client.

« Dans notre type de société, les principes qui sont à la base des services de spécialistes supposent comme condition essentielle que le praticien se

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trouve en présence d’un système étant, en l’occurrence, la propriété personnelle du client » (Goffman, 1968, p. 380). Goffman dira plus loin :

« Pour qu’une relation puisse exister, il faut aussi que le client ait la possession pleine et entière de l’objet et qu’il puisse l’utiliser à son gré » (Goffman, 1968, p. 380).

– L’objet doit former un système relativement clos et être transportable.

– Ces objets doivent aussi appartenir à des catégories distinctes et manifestement isolables.

ii. Les conditions concernant les protagonistes

– La clientèle de la relation de service est composée d’individus qui utilisent le service de leur plein gré sans entente préalable et sans possibilité de pouvoir collectif sur le réparateur.

– Le réparateur reste indépendant et n’est pas soumis aux clients.

– Il y a respect mutuel et courtoisie entre les deux parties.

« Le praticien pourra se définir comme un individu qui, contre une simple rémunération, effectue un service de spécialiste pour le compte d’un client qui en a effectivement besoin, et le client pourra penser qu’il existe, dans la société, des étrangers hautement qualifiés et assez complaisants pour placer cette compétence au service des autres et de leurs besoins, moyennant une simple rétribution » (Goffman, 1968, p. 390).

Ainsi, l’exercice de la relation de service repose sur : – la compétence technique du praticien,

– la confiance du client vis-à-vis du sens moral du praticien pour l’exercice de cette compétence.

Le service de réparation consiste en fait dans la « compétence ésotérique et efficace » du praticien dans la pratique ainsi que dans le désir de mettre cette compétence à la disposition du client. Il offre aussi la « garantie du secret professionnel avec tact, discrétion et courtoisie » (Goffman, 1968, p. 380). La nature de la relation de service peut être appréhendée par la notion d’honoraire qui ne doit pas être confondue avec le prix du service.

La relation de service pose toutefois des problèmes tenant : – à la difficulté d’établir d’emblée la confiance,

– à la dépendance du praticien vis-à-vis de son institution.

Cela a souvent comme résultat de rompre la double indépendance des deux parties en jeu dans la relation de service. Les obligations de la profession obligent souvent le praticien à défendre les valeurs de la société ou de l’institution plutôt que les intérêts du client. La professionnalisation des services a pour conséquence l’insertion de cette activité dans un cadre de règles et conduites qui s’imposent au praticien et peut aller à l’encontre de l’attente du client.

Une nouvelle triade apparaît : client-réparateur-communauté. Cette triade modifie la relation de service telle qu’elle a été développée dans le modèle du client et du praticien indépendants.

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d. L’acte thérapeutique comme relation de service ou les limites de la relation de service

Dans son application de la relation de service ainsi définie à la médecine, Goffman pose le problème de la limite du service en question, ce que l’on pourrait appeler son périmètre. Il illustre ses propos par la demande de conseil sur des questions extra-médicales de la part du client auprès du médecin.

Une autre difficulté est la pratique bureaucratisée de la médecine dans certains pays qui remet également en cause la nature de la relation de service.

La situation se complique lorsque l’on passe aux services de l’hôpital psychiatrique. Car la notion de service n’est alors pas la même pour l’ensemble des acteurs. L’hôpital psychiatrique rend service à la société en la protégeant des malades, mais le service rendu par ce même hôpital n’est pas obligatoirement profitable au malade.

Parce qu’ils sont membres d’une même organisation, médecins et malades sont soumis à des décisions dont la responsabilité leur échappe, et ils ne choisissent pas leurs interlocuteurs. Par ailleurs, le recours au service de l’hôpital psychiatrique est souvent involontaire. Alors qu’en général la rencontre avec un praticien réparateur renforce la foi dans la rationalité et dans les bonnes dispositions du corps social, une entrevue à l’hôpital avec les psychiatres a au contraire un effet aliénant. La frustration qui résulte de cet état de soumission s’accorde mal avec le schéma-type du service.

Ces exemples donnés par Goffman renforcent l’idée d’un concept de relation de service basée sur une relation indépendante et recherchée. Pour Goffman, la relation de service s’accommode mal de l’institution fermée qu’est l’hôpital psychiatrique. « Dans ce système de relation, chaque partie est vouée à offrir à l’autre ce que celle-ci ne peut accepter, et à rejeter ce que l’autre lui offre » (Goffman, 1968, p. 421). Il dira à plusieurs reprises que son insertion dans une institution médico-sociale pervertit quelque peu le fondement de la relation de service.

1.2. La relation de service chez Jacques de Bandt et Jean Gadrey La délimitation et la conceptualisation de la relation de service par de Bandt et Gadrey est finalement faite dans un cadre où l’on n’oppose plus l’industrie et les services mais « des types d’activités et de logiques de fonctionnement, selon l’importance qu’y occupe la relation de coproduction entre le producteur et le client » (de Bandt, Gadrey, 1994, p. 14). Ainsi sa caractérisation ne tient plus à des différences dans la manière de produire des biens ou des services, c’est-à-dire des richesses, mais beaucoup plus à la nature des relations induites par la coproduction.

La relation de service est alors définie de façon très générale comme

«modalité de connexion entre les prestataires et les clients à propos de la résolution du problème pour lequel le client s’adresse au prestataire (l’objet du service)» (de Bandt, Gadrey, 1994, p. 24). Il existe une coopération dans la conception, la réalisation et le contrôle de l’activité entre les acteurs de l’offre et ceux

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de la demande. L’analyse des situations concrètes de relations de service montre que cette coopération est toujours accompagnée d’une incertitude à des degrés plus ou moins élevés. Si l’on peut connaître les moyens engagés par les deux parties pour produire le service (résultat immédiat chez Gadrey), on ne peut à l’avance prévoir le résultat final (résultat médiat). La standardisation des procédures et des méthodologies (certification) a pour objet de réduire cette incertitude.

La relation de service est précisée à partir de l’approche de Goffman.

Deux niveaux d’interaction entre le prestataire et le client sont distingués : l’organisation des opérations,de leur contrôle et de leur rétribution (relations sociales de contrôle et de régulation de l’action) et les interactions opérationnelles (coproduction). Les “interactions opérationnelles”

représentent les actions conjointes de coproduction liées aux engagements et à la gestion des moyens par les deux parties concernées dans la relation de service. Elles interviennent à l’occasion du traitement de l’objet ou du problème à résoudre. Il s’agit de l’aspect de “coproduction”. Les “relations sociales de contrôle et de régulation de l’action” peuvent être contractuelles ou conventionnelles. Elles reposent sur des échanges d’information dans le cadre d’une distribution des rôles et des responsabilités de chacun pour contrôler et réguler l’activité. Cette phase relève plutôt du “co-pilotage”, elle repose éventuellement sur un contrat mais surtout sur une qualité de communication, sur un certain degré de confiance.

La distinction introduite par Goffman entre les différents niveaux de l’échange verbal est reprise par les auteurs, à savoir : une partie technique (échange d’informations), une partie contrat (cadre et conditions du déroulement de la prestation) et une partie civilités. De Bandt et Gadrey proposent un élargissement de l’approche de Goffman en insistant sur l’interaction opérationnelle, sans doute plus importante aujourd’hui, même si dans certains cas elle est réduite, et en retenant un champ plus large que la fonction de réparation indiquée par Goffman. Cette extension inclut notamment la recherche d’informations, de conseil ou d’assistance.

1.3. Les problèmes posés par ces approches classiques de la relation de service

Goffman avait défini la relation de service dans un cadre très précis et en avait lui-même posé les limites d’utilisation. La proposition de de Bandt et Gadrey d’utiliser cette notion pour rendre compte des processus de production actuels fait émerger des questions. Celles-ci se situent à quatre niveaux.

• Passer d’une notion relative à une situation de réparation à un concept utilisable de manière générale pose à la fois un problème méthodologique et un problème pratique. Le premier problème est celui des règles de construction du concept. Il s’agit manifestement d’une définition en extension. Or le remarquable travail des auteurs réalisé pour cerner le concept, en décrire

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les composantes et les caractéristiques, laisse de nombreuses questions sans réponses. La relation de service est-elle une relation spécifiée et si oui, qu’est- ce qu’une relation et de quelles autres relations se distingue-t-elle ? Le problème pratique est de savoir précisément, dans le travail d’abstraction effectué pour passer de la notion au concept, ce qui va être retenu des travaux de Goffman et ce qui ne le sera pas, avec le risque de perdre ce qui a fait la cohérence de son approche.

• L’introduction des concepts essentiels d’interaction, de coproduction, puis de coopération, définis en extension, ne fait que reporter la difficulté.

Si la relation de service est une connexion particulière entre prestataire et client, il y a transfert de l’un à l’autre de quelque chose, de quelque chose qui circule (sans qu’il s’agisse nécessairement, il va de soi, d’une circulation physique).

Il y a à la fois production et circulation. Ce transfert, que beaucoup d’économistes qualifient d’échange lorsqu’il donne lieu à une contrepartie en monnaie, ne doit pas être confondu avec l’échange relationnel qui caractérise une relation de service, à l’opposé de la transaction ponctuelle où il y a transfert sans échange relationnel (Blau, 1964) ; Emerson, 1962). Dans ce cas, il ne peut y avoir d’antériorité de la production sur la relation. Parler de coproduction à propos de cette interaction est toutefois insuffisant, même si l’on précise qu’il ne s’agit pas d’une simple participation opérationnelle du client dissociée d’un tel échange relationnel (de Bandt, Gadrey, 1994).

Il convient de préciser de quelle façon le client coopère à la production de ce qui circule, quelle est son intégration dans le processus de production de l’effet recherché. S’il y a une production commune de connaissances, s’agit- il de celles qui doivent être mobilisées pour réaliser ce qui est consommé par le client ? Ou d’autres connaissances, mais alors lesquelles ?

L’exercice est d’autant plus difficile que la définition des auteurs, celle de de Bandt et Gadrey s’entend, garde quelque chose de son origine, c’est- à-dire de sa formulation première comme forme particulière de relation de fourniture d’un service (entendu comme un produit différent d’un bien), avant d’être étendue aux biens. En effet, la façon dont ils explicitent la coproduction renvoie au contexte de production qui leur paraît à même de définir, en toute généralité, une prestation de service (Gadrey, 1999).

Si l’on veut rester cohérent avec l’exigence de dépasser l’opposition entre industrie et services, il faut parvenir à une définition de la relation de service qui bannisse toute référence, explicite ou implicite, au service comme activité ou comme secteur d’activités – ce qui n’est pas la même chose que de trouver une autre dénomination pour désigner ce que l’on a défini (on revient en conclusion sur ce point en montrant alors que l’expression de relation de service n’est pas sans justifications).

Le dernier problème est celui duchamp de validité de la notion ou du concept de relation de service. Si l’on s’attache au vocabulaire employé par Goffman et même par de Bandt et Gadrey qui parlent souvent du “client”, la relation de service appartiendrait à la catégorie des relations d’ordre

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économique (conduites en monnaie) et se situerait dans l’univers marchand (le producteur et le client conviennent entre eux du prix). Mais si l’on s’en tient aux analyses de ces auteurs, la “chose” qu’ils décrivent peut très bien se produire en l’absence de marché comme dans les anciennes économies socialistes, au sein d’une firme ou encore à propos d’une relation thérapeutique ou d’enseignement reposant sur le principe du don ou de la production administrative d’ordre politique (les services publics non marchands des comptables nationaux). On sort ainsi des transactions monétaires et en fin de compte de l’économie, d’autant que ces relations peuvent aussi s’établir dans des activités purement domestiques.

L’innovation que fut l’introduction de la relation de service dans la compréhension de ce qui se passe dans les modes de coordination a rencontré un grand intérêt, même si le champ d’application est le plus souvent circonscrit aux seules activités dites de services (Reboud, 1997 ; du Tertre, 1999). Le présent papier participe de ce mouvement. Cependant, en raison des problèmes mentionnés, il est nécessaire de produire une véritable définition de cette “chose” découverte par Goffman et développée par de Bandt-Gadrey.

Une fondation théorique de la relation de service doit satisfaire aux exigences suivantes :

– suivre une démarche hypothético-déductive capable de construire le concept en le définissant en compréhension à partir d’autres concepts plus généraux ;

– permettre de saisir en quoi la relation qui se forme, par exemple, dans une sous-traitance commerciale, entre le maître et l’élève ou entre le médecin et le patient, est ou n’est pas une relation de service ; – traiter cette relation comme non spécifiquement économique, ce qui

permet d’ailleurs d’échapper au débat concernant la délimitation de l’économie.

Autrement dit, l’enjeu est de donner une définition de la relation de service en postulant son caractère universel.Par universel, nous entendons non pas une validité générale, mais une définition qui se situe en amont de toute forme particulière de société concrète. On se demandera ensuite dans quelle mesure cette définition comprend la “chose” découverte par les auteurs dont on vient de présenter les apports.

2. La relation de service comme catégorie universelle : un pseudo-concept préinstitutionnaliste

Si la relation de service est un certain type de relation, il faut définir au préalable la relation. Cette dernière se distingue de la rencontre, puis de l’activité envisagée dans un sens strict.

2.1. La rencontre, la communication et la relation

Qu’est ce qu’une relation en général ? S’il est un terme polysémique, c’est bien celui-là. Parfois, on parle de relation pour dire le contraire d’une

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disjonction ou d’une différence entre deux choses : il y a une relation entre les deux événements, entre les deux indices, dira le détective. D’autres fois, on parlera de relation pour parler d’un ordre, de ce qui organise deux personnes entre elles : il y a relation hiérarchique entre la personne A et la personne B, ou bien relation de parenté ou encore d’amitié. Plus ambiguë encore est l’expression courante “avoir des relations”. Dans certains cas l’on veut dire qu’on connaît des personnes importantes, dans d’autre cas cela sous-entend “relations sexuelles”, c’est-à-dire un certain type d’activité.

Seule une démarche hypothético-déductive permet, en principe, de lever cette confusion. Les deux hypothèses sur les comportements de base des humains desquelles nous partons sont les suivantes (Billaudot, 1998) :

• H1 : l’homme a besoin de s’activer/de se reposer

• H2 : en raison de son incomplétude fondamentale, l’homme a besoin de communiquer avec les autres hommes/de s’isoler des autres.

De ces deux hypothèses, qui décrivent non pas des comportements déterministes, mais des couples de besoins fondamentaux émerge un problème. Puisque les actions des hommes n’obéissent à aucune rationalité intrinsèque, elles en deviennent relativement indéterminées et imprévisibles.

Si la société n’est pas caractérisée par le désordre, si elle ne sombre pas dans le chaos, c’est qu’une solution a été trouvée, à savoir :

P1 : l’homme en société suit des règles dans ses rapports avec les autres hommes.

On a affaire à un institutionnalisme radical puisque la seule certitude, c’est qu’il existe des règles qui organisent l’interaction des comportements individuels. Ces règles ne relèvent pas d’une rationalité particulière. Elles sont parfaitement contingentes, mais elles doivent permettre de régler les problèmes de la socialisation des individus conformément aux hypothèses H1 et H2. Pour le dire autrement, on ne peut déduire de ces deux hypothèses la constitution d’une société particulière. Cela ne signifie pas toutefois que l’on ne puisse rien dire de général à partir d’elles, en dehors de toute hypothèse complémentaire (par nature tirée d’une observation historique) concernant les règles en vigueur. Seulement, ces catégories d’analyse à caractère universel que l’on peut ainsi produire sont ce que Wittgenstein appelle des “pseudo-concepts” et ne sont que cela (Wittgenstein, 1975).

Elles ne suffisent pas à comprendre ce dont on parle. On ne peut lever le flou qui caractérise chacune d’elles qu’en l’immergeant dans un cadre institutionnel. Le concept auquel on parvient alors est contingent à ce dernier.

Après l’énoncé de ces propositions, il est possible d’engager pas à pas la construction du concept de relation. Commençons par distinguer communication, rencontre et relation.

• Appelons liens ces situations où les hommes appartiennent à un même ensemble ou sont reliées entre eux : liens de parenté, liens affectifs ou liens établissant la communauté. Ainsi retenu comme terme générique, le lien peut être multilatéral ou bilatéral. On propose de ne pas parler de relation

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à propos d’un lien multilatéral et d’utiliser exclusivement ce terme de relation pour décrire ce qui rapproche deux personnes, et non pas deux choses ou une personne et une chose.

• La communication, c’est-à-dire l’échange d’informations avec d’autres hommes, est une réponse à l’incomplétude de l’homme, à son besoin de ne pas se sentir seul au monde, conformément à l’hypothèse H2. Contentons nous de ce cadrage simple, sans mobiliser plus avant à cette étape les théories de la communication (Weber, 1971) ; Habermas, 1987). La définition donnée suffit, à la précision suivante près : la communication entre A et B n’est jamais strictement interindividuelle, car elle se compose non seulement de ce que A et B y apportent, mais aussi des ensembles auxquels A et B appartiennent, en particulier ces “éléments normatifs” et ces “codes de signification” dont parle Giddens [1987, p. 42]. Elle a donc toujours une dimension sociale, dont on ne peut rendre compte avec une méthodologie individualiste. De plus, la communication n’est jamais complètement unilatérale, elle passe par un engagement des deux parties.

L’une des deux parties peut être un groupe, s’il s’exprime à destination de l’autre, comme quand le public applaudit ou siffle le comédien. Quand l’un des deux reste passif, comme le spectateur devant une émission de télévision, il n’y a pas communication, mais simplement diffusion.

• Un ingrédient important de toute relation entre deux personnes est la communication qui s’établit entre elles. La relation est-elle alors cette communication entre deux hommes ? Non. Si A transmet un message à B, par exemple le message “va-t-en !” et que B manifeste à A qu’il l’a entendu, il y a bien communication entre A et B. Par contre, la relation exige quelque chose de plus, un engagement mutuel pour communiquer entre eux dans les deux sens et que la finalité de la seule communication n’épuise pas. La relation suppose une communication finalisée, reposant sur une véritable démarche de A pour communiquer avec B et une démarche de B pour communiquer avec A ou simplement répondre à la sollicitation de A, et cela dans un but plus ou moins précis.

On est alors conduit à distinguer rencontre et relation.

• La rencontre suppose un contexte particulier. « Selon Goffman, dans un contexte de co-présence, les relations prennent la forme de rencontres, qui s’évanouissent dans le temps et dans l’espace » écrit Giddens (1987, p. 86). La co-présence décrite par Giddens est une communication par interaction des corps et des regards. « L’ensemble des “conditions de co- présence” se retrouve à chaque fois que les agents ont le sentiment d’être assez près pour être perçus dans tout ce qu’ils font, y compris leur expérience des autres, et assez près pour être perçus en tant qu’ayant ce sentiment d’être perçus » (Giddens, 1987, p. 117). Il peut y avoir rencontre entre un individu et un groupe comme dans le cas du professeur face à ses étudiants dans un amphithéâtre, ou du chanteur et de son public. Il faut pour cela que le groupe soit venu justement pour assister au cours ou au concert. La rencontre

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peut avoir un caractère fortuit ou au contraire résulter d’une intention. La rencontre fortuite est celle qui ne résulte pas d’une activité ayant pour but la rencontre.

• Quels sont les rapports entre rencontre et relation ? Voyons d’abord comment s’organisent communication et co-présence. Sans moyens de communication à distance, il n’y a pas de relation sans rencontre. La communication entre A et B passe par une rencontre : il faut par exemple la présence physique des vendeurs sur le marché pour qu’un acheteur quelconque puisse confronter les prix. Mais toute rencontre n’est pas nécessairement relation dès lors qu’elle est fortuite, comme quand deux regards se croisent dans le métro. Avec le développement des outils de communication, il devient possible de communiquer à distance par le téléphone ou Internet… ou simplement le tam-tam. La présence physique n’est plus indispensable à la communication, celle-ci s’affranchit de la contrainte de la rencontre. Il peut alors y avoir relation sans rencontre. Et même, quand le voyageur s’arrête pour faire le plein à un automate, il établit une relation commerciale avec la société de distribution. Mais peut-on encore parler dans ce cas de relation ?

• Il reste à se demander si la relation a besoin de la rencontre pour s’établir.

Lorsque l’établissement d’une relation entre A et B passe par une rencontre, on l’appellera relation activée, c’est-à-dire une relation qui se nourrit de la co-présence dans un contexte de communication finalisée. Giddens parle à ce propos de “relation sociale”. Nous préférons garder cette expression pour les phénomènes institutionnels. Une relation peut-elle s’établir sans rencontre ? En principe non, tant que n’existent pas de moyens de communication à distance, puisque l’établissement de la relation passe par une phase de communication intense entre les protagonistes. Avec le téléphone ou Internet par contre, il est possible d’établir une relation.

• Une relation peut durer dès lors que la co-présence est interrompue, mais pour combien de temps ? La réponse est difficile, car si la relation et la rencontre sont distinctes, il est difficile d’imaginer dans la durée une relation purement virtuelle, c’est-à-dire sans rencontre. Si la relation dure, c’est qu’elle se maintient dans le temps sans que les deux partenaires en relation soient dans le même lieu, voire dans le même temps (courrier électronique). Cela est possible le plus souvent grâce à l’introduction de cadres institutionnels spécifiques, comme par exemple une structure hiérarchique ou des liens maritaux. Comme l’écrit Giddens, les institutions sont les opérateurs de cette distanciation spatio-temporelle. A partir du moment où l’on introduit ces opérateurs, on rend possible l’établissement de relations entre une personne et une unité instituée (famille, classe d’école, entreprise) ou entre deux unités instituées. Ces dernières doivent toutefois être représentées par des personnes entre lesquelles s’établit une communication.

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Mais la relation subit l’usure du temps. Doit-on retenir qu’elle a besoin alors d’être réactivée par une co-présence ? Quand ? A quelle fréquence ? C’est un nouveau champ de recherches qui s’ouvre ici avec les outils télématiques car l’on a observé que le téléphone ou la visioconférence n’éliminent pas le besoin de se rencontrer de temps en temps. Le face-à- face apporte quelque chose de plus, qui apparaît difficilement remplaçable.

2.2. Activités et relations

Revenons à notre première hypothèse. Conformément à H1, l’homme a besoin de s’activer, de mener des activités. Qu’est-ce qu’une activité ? On retient la définition suivante : une activité est pour tout être humain une façon d’occuper son temps pour produire un effet ou un résultat (Billaudot, 1998)). Cette définition est plus générale que celle de Weber (1971, p. 4) pour qui « l’activité est un comportement humain quand, et pour autant que, l’agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif ».

L’avantage de notre définition est de lier seulement l’activité à la transformation des affects en besoins, qui est gouvernée par cette dialectique du confort et du plaisir dont parle Scitovsky (1978), sans impliquer cette conscience discursive que Giddens (1987) s’emploie à bien distinguer de la conscience pratique. Cela permet de dissocier la finalité de l’activité du sens ou de l’intérêt qu’y trouve la personne qui s’active : la finalité est objective, et l’intérêt ne s’identifie pas au point de vue subjectif de cette personne sur cette finalité.

Ainsi envisagée, l’activité a les caractéristiques suivantes :

– elle est réalisée par une personne (éventuellement avec d’autres, voir infra),

– elle mobilise des ressources,

– en répondant à une finalité, elle a un effet, – elle est située dans un espace-temps donné.

L’activité est le fait d’au moins une personne qui va se promener, aller à la chasse ou faire des courses, fabriquer une chaise ou faire manger un enfant. Toute activité se réalise grâce à une mobilisation de ressources de la part de celui qui l’exerce. Ces ressources peuvent être des objets tangibles ou des connaissances objectivées mobilisées par celui qui l’exerce.

La finalité d’une activité est de produire un résultat ou un effet : découverte pour le promeneur, proie pour le chasseur, chaise pour le bricoleur ou enfant rassasié pour le parent. Elle se déroule dans un espace-temps donné ou un continuum spatio-temporel. Plus tard ou ailleurs, c’est une nouvelle activité qui reprend, même si elle semble identique à la première. L’activité se définit donc par une unité spatio-temporelle.

Quelle distinction établir entre activité et relation ? L’activité est un besoin fondamental de l’homme et ne peut se confondre avec la communication.

Cela découle de la distinction entre H1 et H2. Une rencontre, une communication à distance peuvent être fortuites, mais elles peuvent aussi

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résulter de l’intention d’établir une relation. On va voir des gens, on fait des téléphones, etc. Dans ce cas, le fait de faire une rencontre ou de communiquer dans la perspective d’établir ou d’activer une relation est bien une activité à part entière telle que définie supra. Mais toutes les activités n’ont pas cette finalité. En conséquence, l’activité en général se divise en deux types d’activités, l’un associé à la relation en général, l’autre pas. Ce dernier type sera appelé activité proprement dite (voir schéma).

Activité destinée à établir ou à activer une relation Activité

en général

Activité proprement dite (activité dont la finalité n’est pas une relation)

Puisque toute relation met en jeu une activité ayant une finalité, on doit aussi distinguer deux sortes de relations (voir schéma). Les premières s’épuisent d’elles-mêmes, c’est-à-dire qu’elles n’ont d’autre finalité que la relation proprement dite. Elles sont très nombreuses et diverses et construisent la socialité conformément à l’hypothèse H2. Ainsi l’on peut cultiver des relations d’amitiés ou d’amour pour elles-mêmes, pour ce qu’elles nous apportent de chaleur humaine ou d’agrément.

Relation dont la finalité est la relation

Relation en général

Relation dont la finalité est d’intégrer une activité ou relation finalisée

D’autres relations par contre ne trouvent de finalité qu’à l’extérieur d’elles- mêmes en tant que reliant deux personnes dont l’une au moins est engagée dans une activité. On peut les appeler des relations finalisées. Elles participent de l’intégration des activités décrite par Giddens avec sa théorie de la “dualité du structurel”. Cette intégration peut prendre deux formes : l’intégration sociale et l’intégration systémique. La première est une « réciprocité de pratiques entre acteurs dans des circonstances de co-présence conçues comme des rencontres qui se font et se défont » alors que la seconde se passe dans

« un espace-temps étendu, hors des conditions de co-présence » (Giddens, 1987, p. 442).

Cette distinction peut être rapprochée de celle que cet auteur fait par ailleurs entre l’interaction sociale et les relations sociales. La première est la rencontre de personnes en situation de co-présence, « elle dépend du

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“positionnement” des personnes dans des contextes spatio-temporels d’activité » alors que les relations sociales concernent « le “positionnement”

des personnes dans un “espace social” de catégories et de liens symboliques » (Giddens, 1987, p. 140). Giddens indique que l’interaction participe de l’intégration sociale, mais qu’elle met aussi en jeu des relations sociales qui sont aussi « les principaux “cubes de construction” autour desquels s’articulent les institutions et se crée l’intégration systémique ».

Les relations finalisées sont le mode d’intégration des activités proprement dites car c’est en établissant des relations que les hommes intègrent ces activités. Sinon il s’agit d’activités isolées. Ces relations intégrant des activités commencent en général par une co-présence, mais ensuite peuvent s’en séparer, sortir de l’unité spatio-temporelle.

2.3. La relation de circulation

Il existe trois types de relations finalisées (Billaudot, 1998). Ces trois types découlent des caractéristiques par lesquelles peut se faire l’intégration d’une activité : la personne qui s’active, l’une des ressources qu’elle mobilise et l’effet de cette activité. On est en présence d’une relation de subordination lorsque l’intégration passe par la personne : cette dernière s’active sous les ordres d’une autre. On parle de relation de coopération lorsque l’intégration se réalise par les ressources mobilisées : en utilisant en commun une ressource, des personnes coopèrent à la réalisation d’un (seul) effet.

Reste l’intégration par l’effet de l’activité, à travers l’établissement d’une relation de circulation. C’est seulement à ce type de relation finalisée que l’on s’intéresse dans la suite. On en comprend le sens avec les précisions suivantes.

Une activité est finale lorsque le résultat de cette activité s’y épuise, comme dans le cas d’une promenade ou d’un repas pris entre amis. Même s’il existe un effet de long terme non certain que Gadrey appelle le résultat médiat, le résultat immédiat est inséparable de l’activité elle-même, c’est-à-dire que l’effet immédiat se termine avec l’activité.

En revanche, une activité est intermédiaire lorsque le résultat ou l’effet de l’activité est un produit destiné à servir de ressource dans une autre activité, comme le gibier que le chasseur ramène, la chaise faite par le bricoleur ou le soin que l’on prodigue à un malade : en tant que ressources, le gibier servira à l’activité qu’est le repas, la chaise à s’asseoir et le soin à se soigner.

Le résultat immédiat est alors distinct de l’activité elle-même : l’effet ne s’épuise pas dans l’activité.

Par définition, toute activité intermédiaire est nécessairement intégrée par le transfert de son produit, ce qui n’exclut pas d’autres modes d’intégration. Lorsque ce transfert n’est pas totalement instrumenté en raison de la présence d’autres modes d’intégration (voir infra), il implique l’établissement d’une relation entre A et B, une relation de circulation par laquelle le résultat d’une activité réalisée par A se présente comme un produit

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détaché de A et devient la ressource d’une autre activité exercée par B. Le produit défini par des caractéristiques techniques se métamorphose en ressource définie par des caractéristiques d’usage représentant les avantages qu’elle apporte (ou encore les “services” qu’elle rend) ainsi que les coûts qu’elle génère. On appelle cette opération une conversion du produit en ressource ; ou plutôt, une conversion produit-ressource, puisqu’on ne peut préjuger a prioridu sens de cette conversion, cette dernière pouvant être à double sens. D’ailleurs, même lorsque le produit existe avant l’établissement de la relation qui en organise le transfert, sa réalisation en tant que “produit” présuppose idéalement cette dernière.

Il n’est pas besoin de pousser plus avant l’analyse en cherchant à distinguer divers types de produits. Si tant est que cela soit possible au niveau universel auquel nous nous situons ici, on ne se préoccupe donc pas de tenter de donner sens à la traditionnelle distinction binaire bien/service. Il suffit de retenir que le “produit converti en ressource” est nécessaire à l’activité de B, y compris lorsque la finalité de l’activité de A est de rendre disponible à B une autre ressource en transportant ou en réparant un autre produit, ou de mettre B en état de s’activer. On doit toutefois préciser qu’un produit- ressource peut exister sans relation de circulation, lorsque A et B sont subordonnées à la même personne et que la conversion est assurée par cette dernière sans participation quelconque de A et de B (le transfert du produit est alors totalement instrumentalisé ; cela a lieu notamment dans la firme capitaliste, ou bien encore dans l’économie de type soviétique).

En dehors de ce mode d’intégration par l’organisation hiérarchique, la conversion implique une validation par B des capacités du produit de A comme pouvant répondre à son besoin de ressource. Cette validation n’est jamais seulement bilatérale. Elle passe le plus souvent par une construction sociale par laquelle une intervention extérieure à A et B va valider les capacités des caractéristiques de tel produit à se métamorphoser en ressource pour telle activité, de sorte que la conversion est idéalement acquise antérieurement à l’établissement de leur relation particulière (cette dernière a seulement pour fonction de la confirmer). Cela conduit dans certains cas à une normalisation des caractéristiques techniques des produits, notamment à travers la mise au point d’une nomenclature de produits selon leur finalité, à validité plus ou moins générale. Le cas qui nous intéresse est celui où cette intervention extérieure ne fait qu’informer la conversion sans la régler.

2.4. La relation de service

On peut maintenant proposer une définition de la relation de service analytiquement construite. La relation de service est une relation de circulation dans laquelle la conversion du produit en ressource est propre à la relation : elle est particulière à la relation et les deux entités en question y participent.

Avant de voir dans quelle mesure cette définition comprend la “chose” décrite

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précédemment (Goffman, de Bandt, Gadrey), on en examine les différents aspects en étudiant notamment dans quelle mesure cette conversion spécifique implique rencontre et durée.

• Ce que nous appelons relation de service est d’abord une relation : elle repose sur une communication finalisée et sur un engagement “désiré” de chaque partenaire de la relation, ce qui ne veut pas dire que ce désir soit toujours satisfait. Par exemple, une rencontre fortuite ne peut suffire pour que les attentes du patient à l’égard du médecin soient satisfaites. Le patient doit faire suffisamment confiance au médecin, et ce dernier doit comprendre les informations que lui donne le patient pour que le diagnostic et la prescription puissent être réalisés.

• C’est ensuite une relation de circulation. Comme toute relation, celle- ci est asymétrique : A, qui détient des compétences, va les appliquer pour une autre personne B qui le demande. Cette dernière abandonne son pouvoir de produire elle-même ce qui est bon pour elle, qu’elle n’ait pas les compétences nécessaires, qu’elle les considère insuffisantes ou qu’elle juge préférable de faire ainsi pour une raison quelconque. Notons que dans cette définition B est soit une personne physique, soit une unité instituée, soit un groupe d’individus qui coopèrent (au sens défini supra).

• Dans toute relation de circulation il y a toujours un problème de validation du produit comme ressource qui se fait à la fois au niveau de B et au niveau plus général du groupe qui le reconnaît comme ressource normalisée. Dans une relation de circulation ordinaire, le désir du consommateur est réglé à l’avance, c’est-à-dire que la conversion validée est antérieure à l’établissement de la relation. Dans la relation de service au contraire, la conversion n’est validée que par B dans la relation. Même si elle repose sur tout un appareillage conventionnel (normes, certifications, diplômes), la conversion est propre à la relation et donc chaque fois unique.

C’est B qui détient la clé de la conversion par la demande qu’il formule, par les informations qu’il donne et par l’usage qu’il fait des produits d’expertise qui lui sont transférés. Mais à l’inverse, il ne dispose pas, en règle générale, des connaissances nécessaires pour définir le produit que A va réaliser (ou bien il a les connaissances voulues, mais préfère ne pas en faire état). En ce sens, la relation de sous-traitance classique, où A le sous- traitant effectue la production selon les ordres donnés par B et qui partage avec la relation de service le fait que le produit est dédié, n’est cependant pas une relation de service puisque B, qui sait fabriquer le produit en question, a effectué la conversion de son côté avant d’établir la relation.

Avançons enfin à titre d’hypothèses de travail deux propositions dont l’élaboration théorique est à peine ébauchée et devra être poursuivie ultérieurement.

• La relation de service implique une rencontre, la conversion particulière qui la caractérise ne pouvant être réalisée sans une communication directe et entière entre les partenaires. Elle est une relation

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activée. A part dans les romans de science-fiction, la relation de soin nécessite une co-présence qui va permettre l’examen clinique qui reste irremplaçable après plusieurs milliers d’années de tradition médicale. La méthode clinique a été généralisée dans le cadre des sciences sociales, valorisant les vertus spécifiques de la rencontre. Les nouveaux outils télématiques multimédia viennent étendre considérablement le champ des activités qu’on peut intégrer à distance. Pourra-t-on établir une relation de service en dehors des conditions de co-présence ? La recherche devra éclaircir cette question.

• Envisagée comme forme polaire plutôt que comme une classe de relations de circulation, la relation de service serait une relation durable.

Si la connaissance réciproque s’approfondit dans la durée, le service du soignant par exemple n’en sera que meilleur. On mesure bien la différence entre la prestation de “son” médecin habituel et celle du médecin de garde anonyme appelé en urgence le dimanche : différence de qualité de la prestation, différence d’intensité de la communication, différence d’attente du patient et d’investissement du médecin. La relation ponctuelle ne peut suffire à la circulation d’un produit que si la conversion du produit en ressource est réglée par des conventions sociales préétablies. Dès que la normalisation est incomplète ou ne suffit plus, alors la conversion va nécessiter une relation s’installant dans une certaine durée. On pourra s’arrêter chez un garagiste anonyme pour faire la vidange d’huile pour l’entretien d’une voiture. Mais si l’on souhaite une bonne révision avant de partir en vacances, on préférera aller chez “son” garagiste avec lequel se sont accumulées avec le temps des connaissances mutuelles : confiance dans le soin et l’honnêteté du réparateur, connaissance des attentes du client et de l’usage qu’il fait de son véhicule.

Voyons maintenant dans quelle mesure la définition que nous avons tentée rejoint celles présentées dans la première partie.

Si l’on reprend les caractéristiques de la relation de service analysée par Goffman à l’aide du modèle du réparateur, deux traits importants apparaissent :

– le fait que sa tâche est un « service personnalisé », c’est-à-dire « une aide désirée par celui qui la reçoit » (Goffman, 1968, p. 378) ; – le fait que ce service exige des praticiens « qu’ils entrent directement

et personnellement en communication avec chacun de ces sujets alors qu’aucun autre lien ne les unit à eux » (Goffman, 1968, p. 378).

Le rôle de B, tel que nous l’avons proposé, dans la validation en ressources utiles pour lui des informations données par A recoupe assez bien les précisions de Goffman. La relation de service comme relation de circulation avec validation interne assure la personnalisation à l’extrême par l’unicité de la conversion et donc l’unicité de la relation qui est communication finalisée, directe et engagement bilatéral.

Venons-en maintenant aux analyses de de Bandt et Gadrey. Nous avons retenu que chez ces auteurs, l’approche de la relation de service fait très

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souvent intervenir l’idée de “co-production”. Comme la production ne comprend pas seulement la fabrication, mais aussi la conception du produit réalisé, notre définition s’accorde à la leur : la conversion particulière propre à la relation de service implique une participation de B à la conception du produit réalisé par A. Dans ce sens et dans ce sens seulement, on peut parler de co-production. Reste que le terme ne nous paraît pas le plus approprié, dans la mesure où la production est pour nous le fait de A. La participation de B à la conception du produit est sa contribution à cette entreprise commune tout à fait problématique qu’est la conversion. Ce sont d’autres connaissances que les connaissances techniques possédées par A qui sont partagées ou crées en commun pour ce faire. C’est pourquoi on préfère les formulations de Goffman qui parle de « l’aptitude du client à apporter des renseignements utiles bien que filtrés par le langage et le jugement profanes » ; de « l’entreprise commune dans laquelle le praticien montre un certain respect pour la manière dont le client, sans l’avoir appris, sait analyser les difficultés » (Goffman [1968, p. 383]). On retrouve ici l’engagement de B dans la validation du produit de A.

Notre définition de la relation de service « capture-t-elle » le caractère incertain du résultat ? En tout état de cause, ce n’est que B qui validera ce résultat puisqu’on sépare produit et ressource. Une dimension de cette incertitude, évoquée par les auteurs étudiés, est le fait que le résultat de la relation de service est multiple, à la fois immédiat et médiat. Il semble bien que la distinction entre produit et ressource permette de rendre compte de cette dualité d’une certaine façon, même si ce n’est pas exactement celle de de Bandt et Gadrey. Par exemple quand un enseignant A donne un cours, le résultat immédiat est le cours qu’il dispense : ce cours est le produit de l’activité de A. Envisagé isolément de sa conversion en ressource, il ne peut être apprécié qu’en termes de moyens mobilisés. Quant au résultat médiat, c’est l’impact de ce cours, le fait que ce cours sera converti ou pas en acquisition de connaissances selon l’attention de l’étudiant et son travail personnel. Cet impact est la ressource dont dispose B ; il est incertain et ne sera révélé que quand ces connaissances seront mobilisées par B dans une activité précise. En ce sens, cette distinction n’est pas propre au cas où la relation de circulation est (ou se rapproche) d’une relation de service.

Ce qui est spécifique à ce cas, c’est l’absence de cette sécurité qu’apporte aux deux protagonistes de la relation une conversion préalablement réglée de manière multilatérale.

Conclusion

L’objectif initial que nous nous étions fixé est largement atteint. Le pseudo-concept de relation de service ainsi défini ne repose pas sur une définition préalable d’un service, et il n’a pas besoin du marché ni de la convention commerciale. Il se situe en amont de toute définition d’une sphère ou d’un ordre économiques. Le flou et le vague qui le caractérisent

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sont inhérents à ce niveau universel où nous nous sommes situés pour atteindre cet objectif.

Ce concept comprend la relation de service telle que l’avaient décrite Goffman, de Bandt et Gadrey. On retrouve en effet ses principaux traits distinctifs : engagement d’une communication directe entre A et B, personnalisation du produit de l’activité de A, intervention de B dans la définition de ce produit, distinction entre un effet immédiat et un effet médiat qui dépend de l’action de B. Mais on a pu aussi lever un certain nombre d’écueils et d’ambiguïtés qui étaient présents chez les auteurs : éviter le recours à la notion de service et à la conception de la relation de service comme prestation d’un service ; éviter la notion de coproduction qui masque le fait que la relation de service est une relation de circulation et non une relation de coopération ; éviter l’écueil de la transposition d’un contexte institutionnel à un autre.

L’élaboration théorique ainsi produite complète utilement les définitions des auteurs. Tout n’est pas dit pour autant, loin de là. Il manque en particulier à notre approche ce qui tient à son statut : la prise en compte de ce qui permet de dépasser l’illusion d’une conception ensembliste ou interactionniste de la société, en traitant des relations qui se forment effectivement dans telle ou telle espèce de société en raison de ses structures fondamentales (ses institutions). En effet, la société n’est pas un ensemble ou une somme de relations. Comprendre l’intégration systémique dont parle Giddens nécessite de pouvoir inscrire les relations dans des rapports sociaux.

Il manque donc l’analyse de la manière dont différentes conventions sociales vont marquer la relation de service. Cela concerne en particulier le problème de la validation du produit de A comme ressource de B. Ainsi, à s’en tenir à la société moderne, le règlement de ce problème diffère selon qu’il s’agit d’une relation commerciale ou d’une relation inscrite dans la mise en rapport des citoyens avec la puissance publique. D’ailleurs, ce n’est pas parce que nous avons tenté de donner une définition “universelle” de la relation de service que ce type de relation se rencontre dans toute espèce de société.

A ce titre, certaines questions demeurent posées. L’un des moments du traditionnel don/contre-don analysé par Mauss [1926] peut-il prendre cette forme ? Faut-il qu’un degré suffisant d’individualisation ait été atteint dans l’histoire pour qu’une relation de service puisse voir le jour ? Existe-t-il un rapport entre celle-ci et la libre propriété de Weber (1971) – des chances appropriées (droits) à des individus de façon aliénable – précisée par Commons [1934] en distinguant “ownership” et “property” ?

Un autre champ de recherche fécond est celui de la rencontre, de ce qu’elle apporte à la relation. L’idée que la relation de service implique à un moment ou à un autre une rencontre et donc la co-présence n’est pour l’instant qu’une hypothèse. Une des vertus spécifiques de la relation de service viendrait du fait qu’elle se nourrit de la rencontre. Comprendre la relation de service c’est donc aussi comprendre ce qui se passe dans la rencontre.

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L’actualité de cette recherche tient au fait paradoxal que l’explosion des nouveaux outils de communication n’a pas éliminé le besoin de rencontre, bien au contraire.

Faut-il en fin de compte conserver le nom de relation de service à propos de quelque chose qui n’est pas spécifique aux services ? Le fait est que nous n’en avons pas d’autre à proposer. On peut s’en contenter, non sans raisons.

En effet, la forme polaire de relation de circulation, qui est à l’opposé de celle pour laquelle nous cherchons un autre nom, se caractérise par l’absence de tout échange (communication) entre les protagonistes sur l’adéquation du produit du producteur au besoin du consommateur, c’est-à-dire sur la conversion ; c’est une relation purement fonctionnelle, dans laquelle aucun ne “rend service” à l’autre à ce propos, ni le consommateur au producteur, de sorte que ce dernier adapte mieux son produit à l’attente du premier, ni le producteur au consommateur, de sorte que ce dernier apprécie bien si ce que propose le producteur peut satisfaire cette attente. Dans la forme polaire opposée, appelée relation de service, chacun “rend service” à l’autre.

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Références

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