LE RÔLE DES PROTIDES DANS L’UTILISATION
DES ALIMENTS DU POUSSIN
I. —
LIMITES SUPÉRIEURES DE L’EFFICACITÉ AZOTÉE ET
ÉNERGÉTIQUE
MESURÉE A PARTIR DE LA COMPOSITION CORPORELLE DE L’ANIMAL(note préliminaire)
J.
GUILLAUME C. CALETStation de Recherches avicoles,
Centre national de Recherches
zootechniques, Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise).
SOMMAIRE
Lorsque
l’on améliore l’efficacité d’unrégime
en augmentant laquantité
et la valeur biolo-gique
de sesprotides,
la valeur du coefficient d’utilisationénergétique
s’élève et atteint unpalier.
Dans les mêmes conditions, celle du coefficient d’utilisation azotée augmente, passe par un maximum
puis
décroît. Il existe ainsi pour chacun des coefficients une limitesupérieure qui
ne peut se con- fondre ni avec legain
depoids
leplus
élevé ni avec l’indice de consommation le meilleur.A RNOULD
, ig6i
a étudié l’évolution de l’indice de consommation du Rat enfonction du taux
protidique
durégime.
Pourchaque
matière azotéeétudiée,
l’indice de consommation de l’alimentdécroît, puis
passe par un minimum.Quels
que soient lesprotides,
la valeur minimum estidentique
mais ellecorrespond
à des tauxproti- diques
différents. L’indice deconsommation, qui
traduit l’efficacitéglobale
du ré-gime, présente
donc une limite au-dessous delaquelle
on nepeut
pas descendre.Toutefois l’indice de consommation est un mauvais moyen d’estimer l’efficacité d’un
régime
et il estpréférable
dedécomposer
cette notioncomplexe
en deux deses éléments : l’efficacité
protidique
et l’efficacitéénergétique.
Ce sont ces deuxefficacités que nous étudions
conjointement
chez le Poussin en utilisant une méthode d’alimentation que nous avons antérieurement décrite(CALEr
etM!r,oT, ig6i).
Les modalités de
l’expérience
ontdéjà
été données par l’un d’entre nous(C ALET
et BARATOU,
z 9 6 3 ).
Elles consistent à distribuer à des Poussinsâgés de 4 semaines
d’une
part
un alimentprotéiprive
ad libitum et d’autrepart
un aliment azoté enquantité
limitée. Ce dernier est constitué soit de farine depoisson
soit de tourteaud’arachide et il est alloué à raison de 2,7 g,
6, 7
g et m,9 g de matières azotées to- tales parjour
et par animal. Tous lesrégimes possèdent
une valeurénergétique
métabolisable
identique.
Au bout de 16jours d’expérience,
nousenregistrons
legain
de
poids
desanimaux,
leur consommation d’aliment nonazoté,
et nous effectuonsl’analyse corporelle
despoulets
de manière à mesurer la rétention d’azote et de ca-lories dans leurs tissus.
Enfin,
nous calculons un coefficient d’utilisation azotée etun coefficient d’utilisation
énergétique
au moyen durapport
entre les valeurs de l’élément retenu et de l’élémentingéré.
Nous avons choisi les calories métabolisables pour estimerl’énergie ingérée. Ainsi,
le coefficient d’utilisationénergétique
n’est pasautre chose que
le « thermochemical efficiency
ofgrowth
de MAYER etVITALE,
1957et le coefficient d’utilisation azotée a la
signification
du coefficient d’utilisationprati-
que de TERROINE et VALLA, 1933.
Les résultats
apparaissent
dans le tableau 1.Pour
chaque protide
legain
depoids
ne cessed’augmenter
en mêmetemps
que s’accroît la
quantité
deprotides
allouée à l’animal. On assisteégalement
à uneamélioration continue de l’efficacité du
régime lorsqu’on
la mesure soit par l’indicede consommation soit au moyen du coefficient d’efficacité
calorique (gain
depoids/
thermie
métabolisable).
En revanche pour leprotide
leplus
efficace(farine
depoisson)
les coefficients d’utilisation azotée et
énergétique
nedépassent
pasrespectivement
47 p. 100 et
30 ,6
p. 100, Ces valeurs ne coïncident ni avec lesplus
fortsgains
depoids
ni avec les valeursoptimales
des autres critères.On
peut
traduire ces résultats enportant
sur lesgraphiques
i et 2respective-
ment les valeurs des coefficients d’utilisation azotée et
énergétique
en fonction dugain
depoids.
L’arachide manifeste
toujours
son infériorité vis-à-vis dupoisson :
àgain
depoids égal
la substitution de l’arachide aupoisson
dans l’aliment azoté entraîneune chute bien connue de l’utilisation
protidique
mais elleengendre également
unemoins bonne utilisation
énergétique.
Ainsil’usage
desprotides
de valeurbiologique
médiocre se traduit par un double
désavantage
aux niveaux azoté eténergétique.
D’un autre
point
de vue,lorsque
l’on accroît l’allocationjournalière d’azote,
les deux coefficients d’utilisation
augmentent
l’un et l’autre dans le cas du tourteau d’arachide. Au contraire dans le cas de la farine depoisson,
le coefficient d’utili- sation azotée passe par un maximum.Apparemment
au vu des chiffres on assisteau même
phénomène
en cequi
concerne le coefficient d’utilisationénergétique.
Toutefois les trois valeurs sont très
proches
et on nepeut
affirmerqu’elles
diffèrentsignificativement.
Eneffet,
ces valeurs n’ont de sensqu’en
tant que moyenne et tout calculstatistique
est interdit.Quelles
que soient les variations exactes de cesvaleurs,
ilimporte
desouligner
que là encore il existe une limitesupérieure
ducoefficient d’utilisation
énergétique.
Nos résultats font
apparaître
en outre une différence fondamentale dans le rôle des matières azotées sur l’utilisation del’énergie
durégime
selon leur valeur biolo-gique.
Alors que le coefficient d’utilisationénergétique
ne cessed’augmenter
avec1
le tourteau d’arachide
lorsque
laquantité
deprotide ingérée s’accroît,
il atteintune valeur maximum ou voisine du maximum dès les
plus
faibles doses de matièresazotées administrées sous forme de farine de
poisson.
Les variations dans le même sens des deux coefficients laissent supposer
qu’ils
sont liés par une même
régression.
Sur legraphique
3figurent
les valeurs indi- viduelles dechaque poussin
et la moyenne de chacun des deux coefficients.l,a liaison qui unit les deux coethcients d’utilisation se manifeste de la même manière
lorsqu’on
améliore le niveauprotidique
de la ration par unapport
élevé d’azote ou encore au moyen deprotides
deplus
haute valeurbiologique.
larégression
n’est
cependant
pas linéaire et, dans le cas desrégimes
trèsefficaces,
laprogression
de l’utilisation
énergétique
est moinsrapide
que celle de l’utilisation azotée. Ce résultat n’est pas conforme àl’opinion générale qui
affirme au contraire que touteamélioration d’une des efficacités par suite de modification de la
composition
durégime
s’effectue au détriment de l’autre(DONALDSON
etal., ig56 ;
I,!o!G etal., I959) !
On
peut invoquer
au moins deuxinterprétations
à cette contradiction. L’une réside dans le mode de distribution des aliments : il est en effet peu courant de distribuer lerégime
en deux repas. L’autre tient au moded’expression
de l’efficacité alimentaire. Legain
depoids, qui
estpris
comme référence dans laplupart
desestimations de l’efficacité alimentaire ne
préjuge
en rien de lacomposition corporelle
et il ne rend
compte
ni de l’étatd’engraissement
ni del’importance
des tissus pro-téiques
de l’animal. Ainsi les mesures de l’efficacité alimentaire sont-ellesgrossières,
voire même
erronées,
alors que le coefficient d’utilisation que nous avonsadopté
est
plus
difficile à mesurer mais estbeaucoup plus
valable.Les deux coefficients d’utilisation azotée et
énergétique atteignent
une limitesupérieure
bien que legain
depoids
soit encore croissant. Il existe donc ungain
de
poids optimum
pourlequel
le rendement dessynthèses
de l’animal est maximum aussi bien pour sesprotéines
que pour son tissuadipeux.
Cette valeur est clairement mise en évidence dans le cas de la farine depoisson qui
apermis
undéveloppement
suffisant du
poussin.
Ellen’apparaît
pas avec l’arachidequi
provoquetoujours
desgains
depoids
inférieurs. Bien que lespoints
moyens dugraphique
3,correspondant
aux diverses conditions
nutritionnelles,
semblent seplacer
sur la même courbe ilest
impossible
d’affirmer avec ces seuls résultatsqu’il
en est bien ainsi. On nepeut également
dire si le maximum d’efficacité est laconséquence unique
dugain
depoids
ou s’ildépend
de la nature durégime.
Reçu pour
!ublication
enfévrier
i964.SUMMARY
THE ROLE OF PROTEIN IN THE UTILISATION OF FEED BY CHICKENS.
I. - UPPER LIMITS OF EFFICIENCY OF UTILISATION OF NITROGEN AND ENERGY MEASURED ON THE BASIS OF BODY COMPOSITION
The term a feed
efficiency
» can have differentmeanings
which willdepend
on the criteria cho-sen. In
growing
chickens the coefficient of utilization ofnitrogen
may beexpressed
as the ratio ofnitrogen
retained in tissues to thatingested,
and thermochemicalefficiency (M AYER
and !’ITALE, 1957) as the ratio of energy retained in tissues to intake of metabolisable energy.
Since feed
efficiency,
in the generallyaccepted
sense, andbodyweight
both increase whenmore
protein,
orprotein
ofhigher biological
value isgiven,
both coefficients of utilization followa similar pattern
(figures
I and2 ).
With low gross feedefficiency
the thermochemicalefficiency
is greater than the
efficiency
of utilization ofnitrogen.
As the feedefficiency
increases, efficiencyof utilization of nitrogen increases at a greater rate than does thermochemical
efficiency (fig.
3).However, the curve obtained
by plotting
thermochemicalefficiency against
the coeflicient of utili- zation ofnitrogen
shows a maximum value for both criteria.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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