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Type d'action DEMANDE en réclamation d'une indemnité tenant lieu de délai de congé et de salaire impayé. ACCUEILLIE en partie.

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EYB 2019-313145 – Résumé

Cour supérieure

Gagnon c. Optel Vision inc.

200-17-026942-177 (approx. 16 page(s)) 12 juin 2019

Décideur(s) Samson, Clément Type d'action

DEMANDE en réclamation d'une indemnité tenant lieu de délai de congé et de salaire impayé. ACCUEILLIE en partie.

Indexation

TRAVAIL; CONTRAT DE TRAVAIL; CONGÉDIEMENT; DÉLAI DE CONGÉ; président d'une entreprise; congédiement après 21 mois de service; délai de congé raisonnable fixé à 10 mois; poste important; sollicitation par l'employeur; détermination de la rémunération devant servir au calcul du quantum; déduction des sommes gagnées ailleurs pendant le délai;

Résumé

Le demandeur (Gagnon) a été congédié sans préavis le 16 mars 2017, 21 mois après son embauche. L'employeur (Optel) ne conteste pas lui devoir une indemnité tenant lieu de préavis de congé, mais il conteste la somme réclamée à ce titre.

Il est admis que Gagnon occupait au sein de l'entreprise un poste de haut niveau, puisqu'il avait été promu au poste de président en juin 2016. Congédier une personne qui a le potentiel d'occuper une telle fonction a pour conséquence qu'elle aura plus de difficultés à se trouver un nouvel emploi qu'une personne sans formation qui occupe un poste plus technique. Cela milite en faveur d'un délai de congé plus long. La jurisprudence reconnaît par ailleurs qu'un salarié sollicité alors qu'il travaille est susceptible de recevoir un délai de congé plus long qu'un salarié qui, au moment de son embauche, se cherchait un emploi. Gagnon dit qu'il a fait l'objet d'une telle sollicitation alors qu'Optel le nie. Après analyse, il faut conclure que Gagnon a effectivement fait l'objet d'une sollicitation, mais que celle-ci n'a pas atteint le niveau où, par tous les moyens possibles, on tente d'arracher une ressource à une entreprise. En effet, il ressort de la preuve que l'intérêt de Gagnon était grand et que des négociations se sont vite engagées entre les parties.

À l'évidence, il était mûr pour un changement de carrière. La sollicitation dont Gagnon a été l'objet milite donc elle aussi en faveur d'un délai plus long, mais elle ne justifie pas que l'on tienne compte des années qu'il a passées chez son employeur précédent. Le

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fait que Gagnon était âgé dans la fin de la quarantaine au moment des événements est un facteur neutre dans l'appréciation du délai de congé, puisqu'il est rare qu'on devienne président d'une entreprise sans avoir acquis une certaine expérience. Dans les circonstances, le délai de 15 mois proposé par Gagnon est jugé trop long et celui « entre 4 et 6 mois » suggéré par l'employeur est jugé trop court : un délai de 10 mois est ici jugé approprié.

Optel conteste aussi la rémunération fournie par Gagnon aux fins du calcul du quantum.

Elle soutient avoir modifié à la baisse ses conditions de travail à l'hiver 2016. Gagnon admet que des négociations ont eu lieu à cette époque, mais il nie avoir donné son accord aux modifications proposées. Pourtant, ce n'est qu'après son congédiement, en mars 2017, qu'il a contesté les changements apportés à sa rémunération à l'hiver 2016. Le tribunal ne le croit pas lorsqu'il dit qu'il ne s'en était pas rendu compte avant. Il avait facilement accès au détail de sa rémunération par Internet et son comportement permet de conclure qu'il a accepté tacitement les modifications apportées à son contrat. Sa réclamation pour le salaire qui ne lui aurait pas été payé entre janvier 2016 et mars 2017 est donc rejetée. Quant à la rémunération servant à fixer l'indemnité tenant lieu de délai de congé, elle sera établie en fonction des pourcentages fournis par Optel.

Gagnon recevait une rémunération de base annuelle de 175 000 $, à laquelle s'ajoutaient des « bonifications » et des commissions : 0,05 % des profits de l'entreprise, 0,16 % des ventes effectuées en Europe et 0,07 % des ventes effectuées dans le reste du monde.

Normalement, dans un tel cas, les tribunaux fixent l'indemnité en fonction de la rémunération moyenne gagnée par le salarié au cours des cinq années précédant le congédiement. En l'espèce, toutefois, cela est impossible, vu que Gagnon a travaillé pour Optel pendant 21 mois seulement. De plus, on ne peut se fonder sur les ventes et profits records effectués en 2015, 2016 et le début de 2017, puisque tous admettent que cela était exceptionnel et anticipé bien avant l'arrivée en poste de Gagnon. Autre élément particulier ici, les ventes se sont mises à décroître après le départ de Gagnon, mais cela aussi était prévisible. Gagnon avait fait des propositions pour maintenir les ventes à un niveau élevé en 2017, mais il a été congédié et Optel n'a jamais posé les gestes qu'il avait recommandés. Aussi, elle a congédié au même moment son principal représentant des ventes en Europe. Le tribunal ne croit pas que Gagnon doit souffrir de décisions sur lesquelles il n'avait plus de contrôle. Celui-ci indique qu'il avait des défis ambitieux de vente de 150 M$ pour 2017 et, usant de sa discrétion, le tribunal retient ce chiffre à titre de base de calcul pour la partie du salaire relié aux commissions. Puisque deux pourcentages distincts étaient prévus pour les ventes, le tribunal use aussi de sa discrétion pour utiliser un pourcentage moyen de 0,1 %. Le même raisonnement vaut pour les profits opérationnels de l'entreprise. La rémunération globale de Gagnon est donc fixée à 35 698 $ par mois. À cela, il faut ajouter les allocations d'usage d'une automobile et d'un téléphone. Le régime de retraite collectif pose toutefois problème. En effet, le contrat d'adhésion prévoit que les sommes versées par l'employeur ne deviennent la propriété du salarié que si celui-ci contribue au régime pendant au moins deux ans. À défaut, l'employeur et le salarié sont remboursés des sommes que chacun a versées. Après le congédiement, Optel a donc récupéré les 32 506 $ qu'elle avait versés

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à l'acquit de Gagnon pendant sa période d'emploi. Or, la preuve établit que jamais Gagnon n'avait été informé de ce détail. Son contrat de travail n'en fait pas mention et jamais Optel ne lui en a parlé. Dans ces circonstances, le tribunal considère que non seulement il est en droit de réclamer à Optel le paiement des 32 506 $ que l'assureur a remis à celle-ci en mars 2017, mais qu'il a droit aussi à une somme de 1 784,90 $ pour chacun des dix mois de son délai de congé. Il n'a toutefois pas droit au paiement d'une somme équivalente aux congés de maladie et jours fériés prévus dans son contrat. Le quantum de son indemnité est donc fixé à 379 632,90 $, à laquelle s'ajoute les 32 506 $ retirés de son régime de retraite.

Gagnon s'est acquitté de son obligation de mitiger ses dommages. De juin à août 2017, il a travaillé comme consultant et il a reçu des honoraires de 48 316,25 $. Cette somme doit être retranchée de l'indemnité accordée. Par ailleurs, le 27 août, il a commencé un nouvel emploi qui lui procure 200 000 $ par année, ce qui est moins que ce qu'il gagnait chez Optel. Le salaire de 94 794 $ qu'il a retiré de cet emploi pendant les 173 jours qui restaient à écouler au délai de congé doit aussi être déduit de l'indemnité accordée. Au total, c'est donc un montant de 269 028,65 $ qu'Optel devra lui payer.

Suivi

• Nos recherches n'ont révélé aucun suivi relativement au présent jugement.

Jurisprudence citée

1. Aksich c. Canadian Pacific Railway, EYB 2006-107599, [2006] R.J.D.T. 997, 2006 QCCA 931, J.E. 2006-1480 (C.A.)

2. Encres d'imprimerie Schmidt ltée/Schmidt Printing Inks Ltd. c. Agence de ventes Bill Sayer inc./Bill Sayer Sales Agency Inc., J AZ-50228623

3. Spiering c. Novartis Pharma Canada inc., EYB 2008-131292, [2008] R.J.D.T. 703, [2008] R.J.Q. 792, 2008 QCCS 1051, J.E. 2008-729 (C.S.)

4. Transforce inc. c. Baillargeon, EYB 2012-210518, [2012] R.J.D.T. 587, [2012] R.J.Q.

1626, 2012 QCCA 1495, J.E. 2012-1739 (C.A.) Doctrine citée

1. MOREAU, P.-E. et MARTEL, N., « Précis des règles applicables à la détermination du délai de congé approprié pour le salarié non syndiqué » dans L'ABC des

cessations d'emploi et des indemnités de départ (2006), Service de la formation permanente, Barreau du Québec, vol. 246, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2006 Législation citée

1. Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 2091

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Gagnon c. Optel Vision inc. 2019 QCCS 2504

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE QUÉBEC

N° : 200-17-026942-177

DATE : 12 juin 2019

______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE CLÉMENT SAMSON, J.C.S.

______________________________________________________________________

Étienne Gagnon Demandeur c.

Optel Vision inc.

Défenderesse

______________________________________________________________________

JUGEMENT POUR CONGÉDIEMENT INJUSTIFIÉ

______________________________________________________________________

[1] Le demandeur réclame des dommages pour un congédiement injustifié.

L’employeur ne conteste que la somme réclamée.

1. LE CONTEXTE 1.1. Les parties

[2] Le demandeur, monsieur Étienne Gagnon, est passé maître dans le domaine de la commercialisation. Après avoir momentanément œuvré à titre d’ingénieur en mécanique et travaillé auprès d’autres entreprises de Québec, de 2003 à 2015, il travaille au sein d’une entreprise en technologie de Québec. Il devient avec le temps responsable

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des ventes, du marketing et de la commercialisation. Il occupe un poste important au sein de la structure hiérarchique de l’entreprise. Il consacre ses énergies à la vente de solutions technologiques à travers le monde. Chaque année, il fait l’équivalent de plusieurs fois le tour de la terre pour promouvoir les produits.

[3] De 2005 à 2008, en sus de son travail pour une autre entreprise, monsieur Gagnon fait partie du conseil d’administration de la défenderesse. Il fait donc connaissance avec son président, monsieur Louis Roy, et découvre la mission et le plan d’affaires de l’entreprise.

[4] De moindre envergure que l’entreprise où travaille alors le demandeur, la défenderesse Optel Vision inc. (« Optel ») est une entreprise spécialisée en instrumentation liée à la traçabilité des médicaments dans le domaine pharmaceutique.

Son président en est le fondateur et propriétaire unique; il a toujours été son âme dirigeante. Il est convaincant, particulièrement lorsqu’il traite des valeurs de son entreprise.

[5] Après qu’Optel eut enregistré des ventes avoisinant les 30 millions de dollars en 2014, notamment en raison d’une percée sur le marché américain, le président d’Optel considère qu’il est temps qu’une personne dédiée aux ventes y soit attitrée puisque la réglementation européenne favorisera bientôt d’importantes nouvelles ventes outre- Atlantique.

[6] Le regard de monsieur Roy et de son bras droit aux finances, monsieur François Boivin, se tournent vers le demandeur. Il est connu d’eux et jouit d’une bonne réputation. Sa rémunération, auprès de l’entreprise où il travaille alors, est publique en raison des règles boursières. Il reçoit une rémunération globale de près de 370 000 $.

À cause de cette information et d’une capacité moindre d’Optel de payer une telle rémunération, messieurs Roy et Boivin doutent que le demandeur acceptera de relever un nouveau défi. La sollicitation du demandeur par la défenderesse fait l’objet d’un différend dont il est question ultérieurement.

[7] Chose certaine, des négociations s’engagent entre les parties. Avant même qu’une entente informelle ne soit finalisée, Optel transmet des informations confidentielles au demandeur.

[8] Au terme de leurs négociations, les calculs du demandeur lui permettaient de croire qu’il pourrait gagner 15 % de plus que son revenu d’alors, exception faite du régime d’intéressement à long terme au moyen d’options d’achat d’actions dont il jouissait alors1. Pour Optel, estimant des ventes à 130 millions de dollars en 2015 par la vice- présidence Ventes dirigée par le demandeur, le salaire de celui-ci incluant les commissions et le partage des bénéfices pourrait avoisiner 300 000 $. L’anticipation de

1 Le demandeur ne peut toutefois toucher les avantages de ce régime qui nécessite un nombre minimal d'années de détention, ce qu’il n'a pas.

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ventes très élevées du demandeur et celles moins agressives de messieurs Roy et Boivin font en sorte que les parties conviennent d’un contrat de travail.

[9] Après l’entrée en fonction du demandeur, les ventes exploseront. Elles atteindront 235 millions de dollars en 2016, et sa rémunération fracassera les prévisions les plus optimistes.

[10] En acceptant l’offre d’Optel, le demandeur abandonne toutefois un régime d’intéressement à long terme lié à des options d’achat d’actions pour une somme d’environ 400 000 $.

1.2. Le contrat de travail

[11] Le 15 juin 2015, les parties confirment l’entente2 survenue de façon informelle plus tôt au printemps 2015.

[12] De fait, le contrat de travail prévoit une rémunération de base de 170 000 $ à laquelle s’ajoutent des bonifications de 0,2 % basées sur les ventes réalisées et de 1 % sur le profit opérationnel de l’entreprise.

[13] À compter de son embauche par Optel, le 15 juin 2015, le demandeur se voit confier le poste de directeur des ventes qui, un mois plus tard, devient celui de vice-président Global Sales & Marketing.

[14] Ainsi donc, du 15 juin 2015 au 31 décembre 2015, le demandeur reçoit une rémunération de 201 928,39 $3.

[15] Au début de l’année 2016, comme cela était prévu au contrat de travail, Optel engage avec le demandeur une renégociation du salaire, des commissions fondées sur des pourcentages sur les ventes et de la bonification basée sur les profits. Ces faits étant contestés, il en sera question dans un chapitre particulier de ce jugement.

[16] Un peu plus tard au printemps 2016, messieurs Roy et Boivin songent à revoir la structure organisationnelle de l’entreprise.

[17] Après des échanges entre le demandeur et messieurs Roy et Boivin, une nouvelle structure organisationnelle est initiée faisant de la défenderesse une organisation composée de deux unités d’affaires. Sans modifier la structure corporative, le Groupe Optel chapeautera notamment l’unité d’affaires Optel Vision.

[18] Le 7 juin 2016, en raison de cette restructuration, le président d’Optel, monsieur Louis Roy, devient président du Groupe Optel, et le demandeur devient président de l’unité d’affaires Optel Vision4. Malgré un bref échange entre le demandeur

2 P-2.

3 P-4 et P-6.

4 P-28 et P-29.

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et monsieur Roy sur la question, ses conditions de rémunération ne seront pas renégociées.

[19] Optel connaît alors une croissance exceptionnelle. Pour l’année 2016, le demandeur reçoit une rémunération de 453 510,43 $5. Cette somme inclut 161 365 $ de commissions6. Pour y parvenir, le demandeur dépasse tous les objectifs de vente qui lui avaient été fixés. Sa rémunération dépasse de beaucoup le plafond de 300 000 $ que les dirigeants d’Optel avaient estimé devoir payer au demandeur. Le contrat de travail ne prévoit toutefois pas ce plafond.

[20] À la fin de l’année 2016, monsieur Gagnon propose un plan d’affaires 2017 avec des objectifs de ventes de 150 millions de dollars pour l’unité d’affaires dont il est responsable. Pour y arriver, il propose de nouveaux projets puisque les biens vendus en 2016 ont répondu aux attentes du marché et, sans renouveler l’offre de biens et services d’Optel, il serait difficile de répéter l’exploit.

1.3. La fin d’emploi

[21] Le 16 mars 2016, Optel met fin au contrat de travail du demandeur7.

[22] Après que la défenderesse eut prétendu que les motifs de congédiement étaient fondés, les parties conviennent que seul le quantum de la réclamation du demandeur est contesté. Dans son exposé sommaire des moyens de défense, la défenderesse résume ainsi ses arguments :

5. La réclamation totale du demandeur est mal fondée en faits et en droit. Le préavis de délai-congé est exagéré et ne tient pas compte de la situation factuelle lors de l’embauche et en cours de mandat. Les commissions et bonifications réclamées ne tiennent pas compte des conditions de travail modifiées en cours d’emploi pourtant reconnues par le demandeur;

6. Le demandeur est tenu de réduire sa réclamation des sommes qu’il a reçues après la terminaison de son lien d’emploi avec la défenderesse, il a par ailleurs reçu des honoraires et du salaire après la fin d’emploi.

[23] À la suite de son congédiement, le demandeur devient consultant, pour ensuite, à compter du 27 août 2017, être embauché par une entreprise. Par la suite, il retourne travailler au sein de l’entreprise où il œuvrait avant d’accepter l’offre d’Optel.

1.4. La prétention des parties

[24] Le demandeur, plaidant le congédiement sans cause juste et suffisante, réclame un délai-congé équivalent à 15 mois. Pour calculer le dommage équivalent à ce délai-congé, il considère son salaire, les commissions qu’il aurait dû toucher pendant cette période, la bonification sur les profits opérationnels de l’entreprise, une allocation

5 P-9.

6 P-18.

7 P-10.

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de voiture et une autre pour téléphonie mobile. Il réclame de plus le paiement des jours de maladie et des jours fériés. Il réclame un total de 1 010 038,53 $.

[25] De plus, le demandeur prétend que les calculs réalisés pour le paiement des commissions sur les ventes et la bonification sur le profit opérationnel de l’entreprise, pendant qu’il était à l’emploi d’Optel, étaient erronés et qu’il s’en est rendu compte après son congédiement. Il réclame donc 380 953 $.

[26] Finalement, il réclame une indemnité équivalente à ce que l’employeur aurait dû normalement verser au régime enregistré d’épargne retraite collective de l’entreprise, soit 43 704 $.

[27] Essentiellement, les motifs de défense d’Optel se résument ainsi :

• le demandeur n’a pas été sollicité par Optel, limitant la durée du délai-congé;

• le demandeur a, en février 2016, accepté de réduire le pourcentage de ses commissions et de sa participation aux profits;

• le délai-congé doit se calculer en fonction des chiffres encaissés pendant la période qui a suivi le congédiement;

• les normes du régime collectif d’épargne retraite ont été acceptées par le demandeur.

2. LES QUESTIONS EN LITIGE

[28] Les principales questions auxquelles le Tribunal doit répondre sont les suivantes :

LE DEMANDEUR A-T-IL ÉTÉ SOLLICITÉ POUR DEVENIR UN CADRE DE LA DÉFENDERESSE?

LE DEMANDEUR A-T-IL ACCEPTÉ AU PRINTEMPS 2016 QUE SOIENT MODIFIÉES SES CONDITIONS DE TRAVAIL?

QUELLES SONT LES SOMMES QUI DOIVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES AU TITRE DU DÉLAI-

CONGÉ?

QUELLES SONT LES SOMMES DONT LE TRIBUNAL DOIT TENIR COMPTE AU TITRE DE LA MITIGATION DES DOMMAGES?

3. L’ANALYSE

[29] Avant de discuter de ces questions, il convient d’abord de déterminer le délai- congé.

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3.1 La durée du délai-congé

3.1.1 Les règles du calcul d’un délai-congé

[30] Le recours du demandeur est fondé sur une disposition du Code civil du Québec :

2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l'autre un délai de congé.

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l'emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s'exerce et de la durée de la prestation de travail.

[31] La jurisprudence et la doctrine sont venues définir plus avant ces critères menant au calcul d’un délai-congé. Dans l’arrêt Transforce inc. c. Baillargeon8, la Cour d’appel intègre les critères développés au fil des ans par la jurisprudence et la doctrine :

[53] L'article 2091 C.c.Q. parle plutôt d'un délai raisonnable, chaque cas étant un cas d'espèce devant être évalué en fonction des différents critères énumérés à cet article et développés par la jurisprudence. Les plus souvent invoqués sont les suivants :

la nature et l'importance du poste occupé par l'employé, l'idée étant que plus le poste sera important, plus le délai-congé sera long;

le nombre d'années de service de l'employé. Plus ce dernier sera ancien dans l'entreprise, plus le délai-congé sera long;

l'âge de l'employé. Plus l'employé sera âgé, plus on présume qu'il lui faudra du temps pour se replacer sur le marché du travail et plus son délai-congé sera long;

les circonstances ayant mené à son engagement. Un employé, par exemple, qui est sollicité et qui laisse un emploi rémunérateur et certain aura droit à un délai- congé plus long que celui qui est sans emploi ou dont l'emploi est incertain;

la difficulté de se trouver un emploi comparable. Plus cette difficulté sera grande, plus le délai-congé sera long.

(Référence omise)

[32] Dans la présente affaire, certains critères sont admis ou peu contestés. Prenons du recul avant de conclure sur la durée du délai-congé nécessaire. Voyons d’abord ce qu’il en est d’un élément contesté : la sollicitation dont monsieur Gagnon aurait fait l’objet.

3.1.2 Le contexte de l’embauche

[33] La jurisprudence reconnaît qu’un employé sollicité alors qu’il travaille au sein d’une entreprise est susceptible de recevoir un plus grand délai-congé qu’une personne qui se cherche déjà un emploi9 :

[55] La doctrine et la jurisprudence ont bien établi que le tribunal pouvait tenir compte des années passées chez l'employeur précédent lorsque le salarié a été

8 2012 QCCA 1495, [2012] R.J.Q. 1626, [2012] R.J.D.T. 587

9 Spiering c. Novartis Pharma Canada inc., 2008 QCCS 1051, par. 57.

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incité à quitter un emploi certain et rémunérateur sur la foi de représentations portant sur des responsabilités accrues et un avenir prometteur au sein de la nouvelle entreprise.

[56] Dans la cause de Wallace c. United Grain Growers Ltd, la Cour suprême écrit : L'un des facteurs souvent examiné est de savoir si l'employé congédié a été incité à quitter un emploi antérieur stable - voir, par exemple, Jackson c. Makeup Lab Inc. (1989), 27 C.C.E.L. 317 (H.C. Ont.); Murphy c. Rolland Inc. (1991), 39 C.C.E.L. 86 (C. Ont. (Div. gén.)); Craig c. Interland Window Mfg. Ltd. (1993), 47 C.C.E.L. 57 (C.S.C.-B.). Selon un auteur de doctrine, maints tribunaux ont tenté d’indemniser les employés congédiés pour la confiance et les attentes qu’ils avaient, en augmentant la période de préavis raisonnable dans le cas où l’employeur avait incité l’employé à [TRADUCTION] «quitter un emploi stable, bien rémunéré [. . .] sur la foi de promesses d’avancement professionnel et de responsabilités, de sécurité et de rémunération accrues au sein de la nouvelle organisation»

(I. Christie et autres, op. cit., à la p. 623).

(Référence omise)

[34] Il n’y a pas de règle mathématique formelle qui intègre parfaitement les périodes travaillées chez ces deux employeurs pour fixer un délai-congé.

[35] En l’espèce, en présence d’une preuve contradictoire, le Tribunal est d’avis que monsieur Gagnon a fait l’objet d’une sollicitation de la part d’Optel. Voici pourquoi.

[36] C’était le candidat « rêvé » comme l’a décrit monsieur Roy. Pour preuve, avant même que monsieur Roy ne l’approche, monsieur Boivin avait fait des recherches pour connaître son revenu.10 C’est donc dire que monsieur Gagnon était dans la mire d’Optel.

[37] D’abord, le Tribunal retient que monsieur Roy approche monsieur Gagnon au terme d’une conférence prononcée par ce dernier. Il voulait échanger avec lui. À cause de son intérêt pour les entreprises exportatrices, et particulièrement celles œuvrant en haute technologie, monsieur Gagnon ne s’est pas fait prier pour aller rencontrer monsieur Roy.

[38] Lorsque ces premiers contacts sont faits le 11 février 2015, monsieur Roy s’adresse personnellement à monsieur Gagnon en utilisant une approche indirecte. Il dit vouloir savoir si, parmi les connaissances de monsieur Gagnon, quelqu’un accepterait de devenir le vice-président des ventes de son entreprise. Ce poste n’existe pas et ne fait l’objet d’aucun affichage. Mais les circonstances sont telles que le Tribunal croit que c’était une manière de solliciter monsieur Gagnon, le candidat « rêvé ».

[39] Si monsieur Roy ne s’était pas adressé uniquement à monsieur Gagnon, il aurait en partie fait la preuve qu’il désirait un autre candidat que lui. Or, le poste n’était pas affiché, la description de tâche n’était pas faite et aucune autre approche auprès d’un autre candidat n’a été tentée. Les conditions étaient rassemblées pour viser Monsieur Gagnon.

10 P-22.

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[40] D’ailleurs pour convaincre monsieur Gagnon d’accepter l’offre, il lui transmet une description de tâche dans laquelle il est fait état d’un chiffre d’affaires de 250 millions de dollars pour l’année 201711. Or, l’offre formulée ensuite à monsieur Gagnon inclut une commission de 0,2 % de toutes les ventes de l’entreprise. Même si le chiffre d’affaires anticipé ne demeure qu’une projection, on pourrait croire qu’une commission de 500 000 $ pourrait un jour être versée à monsieur Gagnon en sus de son salaire de base de 170 000 $. Outre le défi enlevant qui semble motiver monsieur Gagnon, l’offre est en plus alléchante.

[41] Comme l’a affirmé monsieur Gagnon, l’offre est venue de monsieur Roy. Par ailleurs, monsieur Gagnon qui manifestait une ouverture à échanger avec monsieur Roy n’a pas été difficile à convaincre. Très rapidement, son intérêt pour vivre une nouvelle expérience défiante l’a emporté et les négociations se sont engagées. Les courriels échangés entre eux démontrent qu’ils ont tous deux de l’intérêt à convenir d’une entente12.

[42] Bien que le Tribunal retienne que les premiers pas ont été faits par Optel, le niveau de sollicitation n’a pas été celui où, par tous les moyens possibles, on tente d’arracher une ressource à une entreprise.

[43] La sollicitation n’est qu’un élément du critère « des circonstances particulières » dont le Tribunal doit tenir compte13.

[44] Cette nuance de la sollicitation d’un candidat prêt à un changement est prise en compte lorsque vient le temps de fixer le délai-congé.

3.1.3 L’application des règles du délai-congé

[45] Monsieur Gagnon a travaillé durant 20 mois pour Optel. N’eût été des responsabilités qu’il a assumées et de la sollicitation dont il a fait l’objet, il aurait droit tout de même à quelques mois de délai-congé. Entre alors en jeu l’analyse du Tribunal quant aux faits particuliers de cette affaire.

[46] Un grand nombre des critères retenus dans l’affaire Transforce ont, par ailleurs, fait l’objet d’une preuve non contestée.

[47] D’abord, de l’avis même de monsieur Roy, le poste de vice-président aux ventes est un poste éminemment stratégique. Pour preuve, celui-ci accepte que monsieur Gagnon reçoive le double de son propre salaire de président-fondateur. Bien plus, moins de 12 mois après son entrée en fonction, comme discuté lors de son

11 P-3, p. 2.

12 P-3 et P-5.

13 Moreau, Pierre E. et Martel, Nancy, « Précis des règles applicables à la détermination du délai de congé approprié pour le salarié non syndiqué », dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, L'ABC des cessations d'emploi et des indemnités de départ (2006), volume 246, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006 [en ligne], SOQUIJ AZ-40001757, p. 144.

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embauche, monsieur Roy restructure son entreprise de façon à ce que monsieur Gagnon devienne président de l’unité d’affaires-phare de son organisation. Congédier une personne qui a le potentiel d’occuper une telle fonction14 a pour conséquence qu’elle aura plus de difficultés à se trouver un nouvel emploi qu’une personne sans formation qui occupe un poste plus technique. Ce critère favorise un délai-congé plus long.

[48] Lorsque ces événements sont survenus, monsieur Gagnon était à la fin de la quarantaine. Vu le type de postes (président ou vice-président) qu’a occupé monsieur Gagnon, ce critère est plutôt neutre dans l’appréciation du délai-congé puisqu’il n’est pas fréquent de devenir président d’une entreprise sans avoir acquis une expérience certaine. Ce sont des postes qui nécessitent de l’expérience.

[49] La sollicitation de monsieur Gagnon ne justifie pas que l’on tienne compte des années passées chez son ancien employeur, comme cela est tenu compte en jurisprudence, car le Tribunal considère qu’il était alors mûr pour un changement de carrière. La sollicitation n’a ici qu’un effet à la hausse moyen sur le calcul du délai-congé.

[50] Monsieur Gagnon considère qu’il devrait recevoir 15 mois de délai-congé, soit l’équivalent d’un mois par année de travail, alors qu’Optel lui a fait une offre qui s’apparente à 4 mois15. En plaidoirie, l’avocat d’Optel suggère un délai-congé variant entre 4 et 6 mois16.

[51] Pour toutes ces raisons, le Tribunal est d’avis qu’un délai-congé de 10 mois est approprié dans les circonstances.

3.2 La modification des conditions de travail

[52] À compter du 1er janvier 2016, la défenderesse prétend que le contrat de travail du demandeur a été modifié d’un commun accord.

[53] Monsieur François Boivin témoigne qu’il est régulier qu’en début d’année, il revoie les contrats avec les membres de l’équipe de vente; question d’ajuster les salaires et les taux de commissionnement, tantôt à la hausse tantôt à la baisse.

[54] En février-mars 2016, dans le cadre de ce processus avec monsieur Boivin, le demandeur aurait accepté que soient modifiés à la baisse les pourcentages convenus pour l’année. D’abord, son salaire serait passé de 170 000 $ à 175 000 $, ensuite, le taux de commissionnement pour les ventes en Europe serait passé de 0,2 % à 0,16% et celui du reste du monde de 0,2 % à 0,07 %. Le pourcentage de sa rémunération fondé sur les profits de l’entreprise serait passé de 1 % à 0,5 %. Le demandeur n’aurait ni accepté ni refusé sur-le-champ.

14 Transforce inc. c. Baillargeon, 2012 QCCA 1495, [2012] R.J.Q. 1626, [2012] R.J.D.T. 587, par. 63.

15 P-10.

16 Notes de plaidoirie, p. 3 et 5.

(13)

[55] Subséquemment, à sa demande, monsieur Gagnon fait modifier la proposition du taux de commissionnement de 0,07 % à 0,08 %, si le taux de change de la devise américaine (puisque les ventes se font en dollars américains) passe sous les 1,275.

Monsieur Boivin accepte.

[56] Après ce dernier ajustement, la défenderesse verse, rétroactivement au 1er janvier 2016, à monsieur Gagnon ses revenus suivant l’entente sur laquelle a témoigné monsieur Boivin.

[57] Monsieur Gagnon conteste ces faits et déclare n’avoir jamais donné son accord à de telles modifications.

[58] Pourtant, le 20 juillet 2016, monsieur Gagnon écrit un courriel qui se lit ainsi :

Nous nous étions entendu dans mon contrat pour changer le taux de commission pour à 0.08% si le taux de change tombait en dessous de 1,30$ Can du $ US.

C'est en fait le cas depuis essentiellement le début avril (95% du temps).

Pourrais-tu communiquer le changement à Élise et autorisé un rétro actif SVP ?

[59] Si monsieur Gagnon demande de tenir compte de 0,08 %, c’est dire qu’il avait implicitement accepté 0,07 %. Et si ce taux a été accepté, c’est dire également que celui de 0,16 % l’a été aussi.

[60] Monsieur Gagnon a accès à un site Internet17 qui lui permet de constater à toutes les deux semaines le détail de sa rémunération. Il ne conteste pas. Ce n’est qu’après son départ en 2017, qu’il dit avoir pris conscience de ces modifications qu’il n’aurait par ailleurs jamais acceptées.

[61] De plus, trimestriellement, monsieur Gagnon reçoit de monsieur Boivin des relevés18 relatifs aux profits opérationnels de l’entreprise et le montant du boni versé suivant les paramètres convenus au début de l’année 2016 avec monsieur Boivin. Il ne conteste pas.

[62] Monsieur Gagnon dépose une lettre19 qu’il a reçue au moment de son congédiement, laquelle fait état de pourcentages qui prévalaient en 2015. Bien que le dépôt de cette lettre soit contesté, sans égard à cela, le Tribunal n’accorde pas de poids à ce document puisque, dans les faits, il ne représente pas la réalité de ce qui s’est passé tout au cours de l’année 2016 et au cours des trois premiers mois de 2017.

[63] Mis à part cette lettre qui survient lors de son départ, le comportement de monsieur Gagnon permet au Tribunal de conclure qu’il a accepté tacitement les modifications à son contrat de travail.

17 D-12.

18 D-4, p. 2; P-14 (Pour le troisième trimestre de 2016, seul le montant du boni y apparaît; le calcul pour y parvenir est absent. Dans les autres cas, le pourcentage de 0,5 % apparaît).

19 P-12.

(14)

[64] Peut-on toutefois attribuer au fait qu’il était appelé à changer d’emploi, à savoir passer de vice-président Global sales & marketing à président, pour justifier son inaction?

[65] De fait, ses responsabilités étaient appelées à changer malgré ce qu’en disent les représentants de la défenderesse. Pour s’en convaincre, le 22 avril 2016, Optel définissait dans un document le poste de vice-président des ventes et du marketing20. alors que, le 30 janvier 2017, Optel définissait le poste de président occupé par le demandeur21. À la lecture de ces descriptions de taches, ce sont deux fonctions différentes. Le demandeur a raison de déclarer que le poste de président inclut bien d’autres aspects que les ventes dont il était auparavant responsable.

[66] Or, en aucun moment, on ne négocie une nouvelle entente salariale avec le demandeur. À défaut de lui proposer autre chose, on maintient sa rémunération fondée sur les ventes alors qu’il n’en devient responsable qu’indirectement à titre de président.

Tout au plus, laisse-t-on entendre au demandeur qu’un président devrait normalement recevoir 10 fois le salaire moyen des employés de son organisation. Dans les faits, les employés d’Optel avaient une rémunération moyenne oscillant entre 60 et 65 000 $.

De juin 2016 à mars 2017, mis à part cet échange dans un cadre de porte, le salaire du demandeur est demeuré celui discuté avec monsieur Boivin.

[67] Toute cette période, de juin 2016 à mars 2017, était suffisante aux parties pour renégocier, mais ce ne fut pas le cas. Le Tribunal doit conclure que le demandeur a tacitement accepté ses nouvelles fonctions suivant la rémunération de celle de vice-président.

[68] Il y a donc eu modification des conditions salariales du demandeur : rétroactivité au 1er janvier 2016, et celui-ci n’est pas en droit de réclamer a posteriori des ajustements salariaux. La demande de monsieur Gagnon de revoir la rémunération obtenue pendant sa période de travail est rejetée.

3.3 La rémunération servant à calculer le délai-congé

[69] Au lendemain du départ du demandeur, les ventes par la défenderesse se sont mises à décroître : environ un peu plus de 30 millions de dollars en moyenne par trimestre, soit la moitié des ventes des trimestres moyens de l’année 2016.

[70] Ces ventes élevées de 2015, 2016 et du début de 2017 coïncident avec la présence du demandeur à titre de responsable des ventes. On ne peut toutefois faire une corrélation entre ces ventes et le travail du demandeur. Pour se convaincre qu’il n’est pas l’auteur de ces hausses, les indicateurs positifs futurs dont disposaient le demandeur en 2015 et qui l’ont convaincu de faire le saut chez la défenderesse indiquaient déjà la réalisation future de ventes records. On ne peut donc se fonder sur ces résultats pour

20 P-26 et D-1.

21 P-27 et D-2; de plus, dans le document corporatif déposé sous P-8, p. 12, la description du poste de président inclut des fonctions qui dépassent celle d’un vice-président Ventes.

(15)

estimer les ventes qui auraient eu cours si le demandeur était demeuré à l’emploi de la défenderesse.

[71] Par contre, le Tribunal éprouve aussi certaines difficultés à associer le chiffre d’affaires décroissant de la défenderesse à la présente réclamation pour diminuer d’autant les revenus de commissions qu’il faut attribuer pendant le délai-congé.

[72] Premièrement, à compter de l’automne 2016, le demandeur, alors président de la défenderesse est conscient des revenus moindres anticipés. Il voulait lancer de nouveaux projets pour maintenir les ventes à un niveau élevé, soit 150 millions de dollars, ce à quoi, après son départ, Optel n’a pas posé les gestes qu’il avait recommandés22.

[73] Deuxièmement, Optel a remercié au même moment son principal représentant des ventes en Europe, là d’où la croissance vertigineuse de 2016 est venue.

[74] Règle générale, le calcul d’un délai-congé tient compte des revenus générés pendant la période où l’employé travaillait pour l’entreprise. Si, à l’inverse, l’entreprise avait de nouveau doublé son chiffre d’affaires, serait-ce à dire que la personne congédiée devrait en profiter? Évidemment pas. Alors pourquoi cette personne congédiée devrait- elle souffrir de décisions sur lesquelles elle n’avait plus d’emprise?

[75] Quand des commissions sont versées, le revenu est variable et les tribunaux utilisent une moyenne des cinq dernières années pour déterminer le revenu sur lequel se fonde le calcul du délai-congé23. Dans la présente affaire, ce calcul est impossible vu la durée de l’emploi de monsieur Gagnon. De plus, tous conviennent que l’année 2016 était impossible à répéter. Pour preuve, même monsieur Gagnon reconnaît avoir des défis ambitieux de vente de 150 millions de dollars pour l’année 2017, pas passablement moindres que les résultats de 2016.

[76] Le Tribunal use donc de sa discrétion pour retenir ce dernier chiffre à titre de base de calcul pour la partie du salaire relié aux commissions. Le Tribunal doit encore user de discrétion puisque cette somme est sujette à deux pourcentages différents suivant l’origine de la vente. Le pourcentage moyen utilisé sera de 0,1%24.

[77] La commission moyenne mensuelle retenue par le Tribunal est de 12 500 $25. Les parties ont convenu qu’un facteur diminutif doit être appliqué puisque les commissions sont habituellement réduites de 10 % à cause d’une règle d’exclusion prévue au contrat, ce qui ramène donc la commission mensuelle à être versée à une somme de 11 250 $.

[78] Ce même raisonnement vaut pour la bonification fondée sur les profits opérationnels de l’entreprise.

22 P-32.

23 Encres d'imprimerie Schmidt ltée/Schmidt Printing Inks Ltd. c. Agence de ventes Bill Sayer inc./Bill Sayer Sales Agency Inc.SOQUIJ AZ-50228623, par 25 à 30.

24 Suivant D-4, p. 6, (45/130 x 0,16 = 0,055) + (85/130 x 0,07 = 0,046) = 0,1 %

25 0,1 % x 150 000 000 $ /12 = 12 500 $.

(16)

[79] Au jour du départ de monsieur Gagnon, 0,5 % des profits lui avaient été versés.

Au cours des douze mois de 2016 et des 3 premiers de 2017, c’est une somme de 147 984 $ qui lui a été versée à ce titre, soit 9 865 $ par mois. Le Tribunal considère qu’il y a lieu de tenir compte des résultats enregistrés pendant la présence du demandeur chez Optel puisque les résultats qui ont suivi ne tiennent pas davantage compte des efforts que voulait déployer le demandeur pour maintenir le chiffre d’affaires.

[80] À ce commissionnement mensuel de 21 115 $, s’ajoute 14 583 $ à titre de salaire, soit une rémunération globale mensuelle de 35 698 $.

3.4 Régime enregistré d’épargne retraite collectif

[81] Un programme de ce nom permet à chaque employé d’épargner et d’y accumuler du capital. Ainsi, l’employé y verse 5 % de son salaire et l’employeur y ajoute alors l’équivalent26. Tel qu’admis par les parties, cette somme équivalant à 5 % de la rémunération tient compte du salaire de base et de la bonification fondée sur les ventes.

[82] Ce que le contrat ne prévoit pas, c’est que les sommes versées par l’employeur deviennent la propriété de l’employé pour autant qu’il contribue à ce régime pendant au moins deux ans. À défaut, l’employeur et l’employé sont remboursés des sommes qu’ils ont versées. Or, cette condition n’apparaît pas au contrat de travail; elle apparaitrait uniquement lorsque l’employé signe un contrat d’adhésion pour ce REER collectif.

[83] Or, le demandeur est congédié après 21 mois de travail. La défenderesse s’est fait rembourser par l’institution financière les sommes qu’elle avait versées au titre de ce régime d’épargne.

[84] Le demandeur prétend que, son congédiement n’étant pas justifié, il aurait normalement travaillé pendant la période de délai-congé et aurait contribué du moins le temps nécessaire pour atteindre le 24 mois de travail continu auprès de la défenderesse.

[85] Par conséquent, il réclame la part de l’employeur dont il a été privé pendant les 21 mois de travail effectué et les sommes pour les 15 mois suivants de délai-congé qu’il réclame.

[86] Ni les représentations écrites ou orales pas plus que le contrat de travail ne font état de cette obligation de contribuer minimalement pendant 24 mois.

[87] Les attentes du demandeur étaient que l’employeur verse à son acquit 5 % de son salaire pendant sa période de travail et pendant la période de délai-congé auquel il a droit.

26 Dans le contrat de travail P-2, il est convenu de ce qui suit : « REER collectif : Si l’employé cotise, l’employeur cotise jusqu’à concurrence de 5% du salaire brut de l’employé (dès l’embauche). »

(17)

[88] Monsieur Gagnon a donc droit de réclamer la somme de 32 506 $ qui a été retirée de son régime collectif par l’employeur au lendemain de son départ.

[89] De plus, une somme mensuelle de 1 784,90 $27 doit être ajoutée à chacun des mois de délai-congé calculés par ce Tribunal.

3.5 Autres réclamations du demandeur

[90] Le demandeur avait droit à une allocation mensuelle pour l’usage de son automobile à hauteur de 400 $. La défenderesse ne conteste cette réclamation mensuelle en fonction du nombre de mois de délai-congé que ce Tribunal accordera.

[91] L’allocation pour le téléphone de 115 $ par mois n’est pas davantage contestée par Optel.

[92] Le demandeur réclame que lui soit versée une somme équivalente aux congés de maladie et jours fériés prescrits au contrat de travail. Or, ces congés ne sont pas monnayables. Le Tribunal n’en tient pas compte.

3.6 Conclusions quant à la réclamation du demandeur avant analyse de l’obligation de mitigation

[93] Le délai-congé est donc de 374 482,90 $28.

[94] Il faut ajouter des frais pour l’automobile et le téléphone pour un total de 5 150 $29. [95] Il faut ordonner la somme de 32 506 $ au titre du régime de retraite pendant les mois travaillés.

[96] Le tout forme un total de 412 138,90 $30. 3.7 L’obligation de mitigation

[97] L’employé congédié a une obligation de mitiger ses dommages. Il doit faire des démarches pour se trouver un emploi et, dès lors qu’il est embauché, ses revenus doivent être tenus compte afin de diminuer les dommages qu’il réclame à titre de délai- congé :

[119] Lorsque l'employeur met fin au contrat sans donner au salarié le délai de congé raisonnable ou la totalité de l'indemnité équivalente, la résiliation n'en reste pas moins effective, mais le salarié peut alors obtenir compensation pour le préjudice qu'il subit par suite de l'absence ou de l'insuffisance de délai de congé : il réclamera

27 5% x 35 698 $ = 1 784,90 $.

28 35 698 $ + 1 784,90 $ = 37 482,90 $; 37 482,90 $ x 10 = 374 829 $.

29 (400 $ + 115 $) x 10 = 5 150 $.

30 374 829 $ + 5 150 $ + 32 506 $ = 412 138,90 $.

(18)

donc l'indemnité équivalente en justice (ou la différence entre ce qu'il a reçu, le cas échéant, et ce qu'il aurait dû recevoir), sous réserve de son obligation de mitigation.31

[98] Les auteurs Pierre Moreau et Nancy Martel justifient ainsi cette obligation :

Précepte du droit commun, l’obligation de mitiger ses dommages se passe de présentation. En droit de l’emploi, elle se traduit presque invariablement par l’obligation pour un salarié congédié de faire les démarches nécessaires afin de retrouver une source de revenus par l’occupation d’un nouvel emploi. En cas de défaut, l’employeur se verra exonérer de répondre intégralement des pertes du salarié. Lorsque ce dernier s’acquitte avec succès de son obligation, l’employeur y trouvera également son compte.

En effet, du principe de l’enrichissement sans cause découle vraisemblablement l’idée que l’on doit déduire de l’indemnité de délai de congé le salaire perçu chez un autre employeur, conformément à l’obligation de mitiger ses dommages. On veut ainsi éviter de dénaturer le délai de congé et conserver sa vocation indemnitaire. 32

[99] À la suite de son congédiement, de juin à août 2017, monsieur Gagnon agit comme consultant : il reçoit 48 316,25 $ d’honoraires33. À compter du 27 août 2017, il se trouve un emploi qui lui rapporte 200 000 $ par année34.

[100] Il s’est écoulé 173 jours entre le début de l’emploi de monsieur Gagnon et le 16 janvier 2018, date d’échéance du délai-congé. À raison de 200 000 $ par année, dans le cadre de son emploi, monsieur Gagnon a donc reçu une rémunération de 94 794 $35. [101] Une somme de 143 110,25 $36 doit donc être retranchée de la somme équivalant au délai-congé.

[102] La défenderesse doit donc payer au demandeur la somme de 269 028,65 $37. POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[103] ACCUEILLE partiellement la demande;

[104] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 269 028,65 $, à compter de l’assignation;

[105] LE TOUT, sans frais de justice.

31 Aksich c. Canadian Pacific Railway, 2006 QCCA 931, [2006] R.J.D.T. 997.

32 Moreau, Pierre E. et Martel, Nancy, « Précis des règles applicables à la détermination du délai de congé approprié pour le salarié non syndiqué », dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, L'ABC des cessations d'emploi et des indemnités de départ (2006), volume 246, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006 [en ligne], SOQUIJ AZ-40001757.

33 D-6.

34 D-8.

35 173/365 x 200 000 $ = 94 794 $.

36 94 794 $ + 48 316,25 $ = 143 110,25 $.

37 412 138,90 $ - 143 110,25 $ = 269 028,65 $

(19)

CLÉMENT SAMSON, j.c.s.

Me Sophie Cloutier

Poudrier Bradet, Avocats s.e.n.c.

70, rue Dalhousie, bureau 100 Québec (Québec) G1K 4B2 Pour le demandeur

Me Guy Claude Dion

Fasken Martineau DuMoulin SENCRL, s.r.l. (casier 133) 140, rue Grande-Allée Est, 8e étage

Québec (Québec) G1R 5M8 Pour la défenderesse

Date d’audience : 4 et 5 juin 2019

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