Bull. Soc. Path. Ex.,
85, 1992, 365-367 Mots-clés : Paludisme d'importation, Brest.
Key-words: Imported malaria, Brest.
Parasitologie
LE PALUDISME D'IMPORTATION
DANS LES HÔPITAUX DE BREST DE 1981 A 1990
Par C. LEOSTIC (*), O. MASURE (*),
P. BIETRIX (**), A. M. LE FLOHIC (*) & C. CHASTEL (***) (****)
Imported malaria in Brest hospitals from 1981 to 1990.
Summary: From 1981 to 1990, 96 confirmed hospital cases
of
imported malaria occurred in Brest. An important increasingof the annual number was observed in 1986. A high proportion
of
infection was due to Plasmodium falciparum, mainlyfrom black Africa. Most
of
the patients was French young men, without or with inadequate chemoprophylaxis. Every caseof
malaria due to P. falciparum appeared during the 2 months following their return from an endemic area. Two Patients had a clinical profileof
visceral evolutive malaria and 5 a cerebral malaria. Three patients died.Résumé : Quatre-vingt-seize cas de paludisme ont été diagnostiqués de 1981 à 1990 dans les hôpitaux de Brest. Une aug- mentation très nette du nombre de cas
fut
observée en 1986. La majorité était due à Plasmodium falciparum. Les malades étaient le plus souvent des hommes, adultes jeunes et français.La chimioprophylaxie était absente ou inadaptée. Tous les paludismes à P. falciparum se sont déclarés dans les 2 mois suivant le retour de la zone d'endémie. Deux malades avaient un paludisme viscéral évolutif, 5 un neuro-paludisme. Trois malades sont décédés.
Le nombre de cas de paludisme importés en France
a augmenté depuis 1985 du fait de la progression
de la chimiorésistance de Plasmodium
falciparum
à la chloroquine (5). Une étude rétrospective des
cas observés dans les hôpitaux de Brest (CHRU
et
Hôpital
des Armées) de 1974 à 1980 avait étéfaite (6). Quarante-deux cas de paludisme avaient alors été répertoriés. Afin de suivre
l'évolution
du paludismed'importation
à Brest, etd'étudier
ses caractéristiques, nous avons refait cette étude de1981 à 1990.
RÉSULTATS
Nombre de cas
Quatre-vingt-seize cas de paludisme sont diagnos- tiqués à Brest entre 1981 et 1990 : 67 cas (69 %) au CHU, 29 cas (30 %) à
l'Hôpital
des armées.(*) Laboratoire de Parasitologie, CHU Morvan, 29609 Brest Cedex.
(**) Laboratoire de Biologie, Hôpital d'Instruction des Armées, 29240 Brest Naval.
(***) Laboratoire de Microbiologie et Santé publique, CHU Morvan,
29609 Brest Cedex.
(****) Manuscrit n° 1314. Accepté le 21 octobre 1992.
Répartition annuelle (fig. 1)
Le nombre de cas annuels est faible jusqu'en 1985 : 0 à 6 cas, puis
apparaît
en 1986 une nette augmenta- tion : 20 cas. Elle est plusimportante pour
le CHU.Répartition des cas suivant le sexe et l'âge
Soixante-huit malades (71 %) sont des hommes et
28 (29 %) des femmes.
Sur 82 dossiers documentés, plus de la moitié des cas soit 45 (55 %) concerne des personnes de 20 à
40 ans.
Nationalité
Sur les 82 malades dont nous avons pu connaître
la nationalité, 15 (18,2 %) sont des étrangers.
Motif
'du déplacementIl est notifié pour 75 cas. Dans 28 cas (37 %), il
s'agit
de civils se déplaçantpour
des raisons profes- sionnelles, dans 23 cas (31 %) pour des raisons tou- ristiques et des échanges à l'occasion de jumelage,Brest étant jumelée avec un département du Burkina
Faso. Le nombre de cas chez les militaires est de
18 (24 %). Six personnes (8 %) vivent en permanence dans une zone d'endémie.
Espèces plasmodiales responsables
L'espèce plasmodiale le plus souvent en cause est P. falciparum : 82 % des cas, puis P. ovale dans 8 %
des cas et P. vivax dans 6 % des cas; 3 % des malades ont un biparasitisme.
Lieu présumé de
l'impaludation
95 % des accès surviennent après un séjour en Afrique. Les pays où la
contamination
est la plusimportante
sont le Gabon (14 cas) et le Cameroun(8 cas). Trois malades ont été impaludés en Guyane
et un en Thaïlande.
Aspects cliniques (tableau I)
Les données cliniques ont pu être exploitées
pour
82 malades.
Pour
74 cas (90 %), il s'agit d'accès sim-ples dont 3 sont atypiques sans fièvre. Deux malades ont un paludisme viscéral évolutif. Six malades ont un paludisme grave dont 5 un accès pernicieux. Trois
des malades ayant un accès pernicieux sont décédés.
Tab. I. — Formes cliniques (85 observations).
---
Accès
simple
74Accès
grave
1Accès
pernicieux
5 (3 décès)Paludisme viscéral évolutif
2Accès
atypique
t
3
____j
Chimioprophylaxie
55 % des personnes suivent une chimioprophylaxie régulière, la chloroquine étant utilisée dans 93 % des cas, 25 % suivent une chimioprophylaxie insuffisante et 20 % aucune prophylaxie.
Traitement
Nous avons pu connaître le traitement de 76
malades. La quinine a été le médicament le plus uti-
lisé, soit seule : 24 %, soit en première intention puis relayée par la méfloquine : 26,3 %. La méfloquine seule a été utilisée dans 30,2 % des cas.
L'halofan-
trinen'a
été utilisée que dans 2 cas du fait de sa récente commercialisation.DISCUSSION
Notre étude sur le paludisme à Brest de 1981 à
1990 avec 67 cas diagnostiqués comparée avec celle effectuée entre 1974 et 1980 avec 42 cas (6), montre
une légère augmentation de la moyenne annuelle du nombre de cas. Mais si
l'on
compare le nombre decas
par
année, ils'est produit
une augmentation importante de 4 cas en 1985 à 13 cas en 1986. Cette nette augmentation est signalée à Bordeaux en1985 (8) et à Angers en 1987 (3).
Le paludisme
d'importation
à Brestn'a
pasl'importance de celui des villes ayant un nombre plus
élevé
d'habitants
: Paris (1), Marseille (2), Bor-deaux (7). Malgré cela, ses caractéristiques sont sem-
blables sur de nombreux points :
— la majorité des malades sont des hommes (71 %) dont l'âge se situe entre 20 et 40 ans (55
%);
— l'espèce plasmodiale la plus souvent en cause
est P.
falciparum
(82 976) ;— le lieu
d'impaludation
estprincipalement l'Afrique
centrale et del'Ouest
(95%);
— dans un peu plus de la moitié des cas (55,5 °7o), la prophylaxie est régulièrement suivie mais inadaptée.
Cependant Brest se caractérise
par
uneproportion
plus élevée de malades français (81 %) par
rapport
à celle notée dans
d'autres
villes (1-4) et sur le plan national en 1989 (5). Ceci s'expliquepar
le nombremoins
important
d'immigrés dans notre ville.Le nombre plus
important
de Français impaludés parrapport
aux étrangers peut également expliquerle nombre relativement plus élevé d'accès graves : 6 dont 5 accès pernicieux ayant entraîné la mort de
3 malades. Les Français font plus souvent un palu-
disme grave (5). Les décès sont dus au retard mis
à faire le diagnostic après les premiers symptômes.
Dans deux cas, le diagnostic de grippe avait
d'abord
été fait. Le retard au diagnostic est peut-être plus
important
dans les régions où le paludismed'impor- tation
est peu fréquent. Il est doncd'autant
plusnécessaire
d'informer
les voyageurs et les médecins généralistes de ces régions que le paludisme doit être évoqué devanttoute
fièvre afind'éviter
les formesgraves.
BIBLIOGRAPHIE
1. BOURÉE (P.) & HENNEQUIN (C.). — Étude rétrospective
de l'épidémiologie du paludisme dans un CHU parisien
de 1976 à 1988. Bull. Soc. Franç. Parasitol., 1990, 8 (2),
219-222.
2. BOURGEADE (A.), TOUZE (J. E.), CHAUDET (H.), FAU-
GÈRE (B.), AUBRY (P.) & PÊNE (P.). — Le paludisme
d'importation à Plasmodium falciparum dans les hôpi- taux de Marseille en 1987. Bull. Soc. Path. Ex., 1989,
82, 101-109.
3. CHABASSE (D.), DE GENTILE (L.), GENEVIÈVE (F.) & Bou-
CHARA (J. P.). — Le paludisme d'importation observé
au CHRU d'Angers depuis 1978. Bull. Soc. Franç. Para- sitol., 1989, 7 (2), 171-173.
4. CHANDENIER (J.), DUCROIX (J. P.), SMAIL (A.) & TON-
DRIAUX (A.). — Aspects actuels du paludisme en Picardie. Comparaison avec l'endémie nationale. Méd.
Mal. Infect., 1989, 19 (2), 107-109.
5. GAY (F.), GOYET (F.), GIBERT (I.), WADE (A.), GHOU-
BONTINI (A.) & BROUSSE (G.). — Le paludisme d'impor- tation en France en 1989. Centre National de Référence pour les Maladies d'Importation, 1991, 8, 5-20.
6. MASURE (O.), CASTEL (J.), REGUER (M.), BAYON (A. M.)
& CHASTEL (C.). — Le paludisme d'importation dans
les hôpitaux de Brest de 1974 à 1980. Bull. Soc. Path.
Ex., 1984, 77, 298-304.
7. MAZAUDIER (E.), RACCURT (C. P.), SCHMITT (A.), LE
BRAS (M.) & RIPERT (C.). — Le paludisme d'importa-
tion à Bordeaux en 1989. Étude épidémiologique, cli- nique et thérapeutique de 71 cas. Bull. Soc. Path. Ex.,
1990, 83, 693-704.
8. RACCURT (C. P.), LE BRAS (M.), CUISINIER-RAY-
NAL (J. C.), RIPERT (C.) & CARTERON (B.). — Le palu- disme d'importation dans les hôpitaux de Bordeaux en
1987-1988. Étude de 185 cas. Méd. Trop., 1990, 50,
75-83.