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Le droit à la santé, un droit internationalement protégé

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Academic year: 2022

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(1)Proceedings Chapter. Le droit à la santé, un droit internationalement protégé. DAGRON, Stéphanie. Abstract Les progrès incontestables réalisés dans le monde concernant le niveau de santé des populations, ne peuvent faire oublier que la protection du droit à la santé reste très incomplète dans de nombreux Etats. L'exercice du droit à la santé par tous n'est pas réalisé ainsi que le rappellent les études portant sur l'étendue de la couverture sanitaire universelle dans le monde25 ou bien encore sur la protection de certains groupes de personnes en situation de vulnérabilité. Pour autant, les exemples récents mettant à l'honneur le droit à la santé reflètent un consensus nouveau autour de la reconnaissance de la valeur fondamentale de la santé et de l'intérêt de sa protection pour la santé publique. Cet article analyse non seulement l'ancrage normatif du droit à la santé dans les systèmes juridiques aux niveaux international, régional et national, mais encore le renforcement de la protection du droit à la santé à travers la concrétisation progressive de son contenu.. Reference DAGRON, Stéphanie. Le droit à la santé, un droit internationalement protégé. In: Société francaise pour le droit international. Santé et droit international. Paris : A. Pedone, 2019. p. 51-72. Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:136476 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version..

(2) LE DROIT A LA SANTE, UN DROIT INTERNATIONALEMENT PROTEGE Stéphanie DAGRON Professeure, Université de Genève. Le droit à la santé ou le droit de tout être humain « à jouir du meilleur état de santé qu’il soit capable d’atteindre », selon la formulation retenue par la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 1 , est un droit fondamental garanti par de très nombreux instruments juridiques relevant du droit international des droits de l’homme, mais aussi d’autres branches du droit international à l’instar du droit international de la santé2. Pendant longtemps, les nombreuses interrogations et critiques concernant son contenu et sa nature juridique3, ou bien ses fondements philosophiques4, ont interdit l’émergence du droit à la santé en tant que droit autonome et justiciable. Différents efforts et évènements ont néanmoins contribué à l’évolution de la reconnaissance de la santé en tant que droit humain et à l’émergence de ce droit en tant que valeur fondamentale devant être prise en compte pour le développement des stratégies et politiques de santé publique. Il s’agit en particulier des efforts de concrétisation réalisés depuis le tout début du XXIème siècle par les organes du système onusien des droits de l’homme, mais aussi par d’autres organes onusiens ou institutions internationales à l’instar de l’OMS. La première reconnaissance de la santé en tant que droit humain se trouve en effet dans la Constitution de l’OMS adoptée en 1946. Cette Constitution n’est pas un traité de droits humains mais un instrument juridique créant l’agence spécialisée des Nations Unies dont les compétences normatives très importantes doivent être mises au service de la protection et de la promotion de la santé définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social »5. 1. Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Constitution de l’OMS, du 22 juillet 1946, préambule. Sur le droit international de la santé en tant que branche du droit international, v. S. DAGRON, « L’avenir du droit international de la santé », Revue de droit suisse 2016, vol. 135, n° 2, pp. 5-88, p. 76. 3 D’une manière générale sur les obstacles à la protection du droit à la santé jusque dans les années 1990, v. B.M. MEIER, L.O. GOSTIN (éds.), Human Rights in Global Health : Rights-Based Governance for a Globalizing World, Oxford University Press, 2018. V. aussi sur l’évolution de la reconnaissance du droit à la santé: P. HUNT, « Interpreting the International Right to Health in a Human Rights-Based Approach to Health », Health and Human Rights Journal 2016, vol. 18, n° 2, pp. 109-130. 4 A. CHAPMAN, « The foundation of a human right to health », Health and Human Rights Journal 2015, vol. 17, n° 1, pp. 7-18 ; J. WOLFF, The Human Right to Health, New York, W.W. Norton & Co, 2012 ; J.P. RUGER, « Health and social justice », Lancet 2004, 364(9439), pp. 1075-1080. 5 Constitution de l’OMS, préambule. 2. © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(3) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES La concrétisation du droit à la santé a été favorisée et encouragée par le mouvement très important, initié à partir des années 1980 par la société civile, en faveur de la protection des droits humains des personnes touchées par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) à l’origine de la maladie du SIDA (syndrome d’immunodéficience acquise)6. Ce mouvement a permis l’établissement d’un large consensus autour de la thèse selon laquelle la protection et la promotion des droits humains dans leur ensemble, et du droit à la santé en particulier, sont essentiels pour la réalisation de l’objectif de la santé pour tous7. L’actualité aux niveaux international, régional et national touchant aux questions de santé publique et de santé globale8 confirme de manière remarquable l’importance du droit à la santé en tant que droit autonome et justiciable et en tant que valeur centrale guidant les politiques et stratégies contemporaines de santé publique. Les exemples sont nombreux, à commencer par les évolutions législatives réalisées ou annoncées en matière de santé des femmes et d’accès aux services d’avortement médicalisé. Le droit des femmes à la santé procréative, garanti par les articles 12 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC) 9 et de la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) 10 , a été interprété comme incluant un droit à l’avortement médicalisé au moins dans les cas extrêmes d’agressions sexuelles, de viol, d’inceste, ou bien encore de mise en danger physique et mentale de la mère 11 . L’Irlande, qui maintenait une approche extrêmement restrictive concernant cette question, a décidé en 2018 de modifier sa législation applicable à l’avortement médicalisé. Répondant ainsi aux nombreuses pressions exercées au nom du droit à la santé notamment par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes 12 , le législateur irlandais a procédé à la modification des normes applicables, en 6 V. par exemple : L.O. GOSTIN, Global Health Law, Harvard University Press, 2014, chap. 8, pp. 245-246 ; ainsi que les travaux de Jonathan Mann : J. MANN, « Medicine and public health, ethics and human rights », The Hasting Center Report 1997, vol. 27, n° 3, pp. 6-13. 7 Sur l’importance de la protection et de la promotion des droits humains pour la santé, v. J. MANN, ibid. Concernant l’importance du droit à la santé en particulier, v. l’analyse de Paul Hunt (note 3). 8 Sur la définition de ces termes, v. S. DAGRON (note 2), pp. 20-23. 9 Adoptée par l’AG ONU le 16 décembre 1966 (Résolution 2200 A (XXI)). 10 Adoptée par l’AG ONU le 18 décembre 1979 (Résolution 34/180). 11 Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CODESC), Observation générale (OG) (2016) n° 22 sur le droit à la santé sexuelle et procréative, 1 mai 2016 (E/C.12/GC/22), § 28. Concernant l’interprétation de la CEDEF, v. par exemple les rapports suivants du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) : CEDEF, Obs. fin. Chili, no 56/2012 (Doc. NU CEDAW/C/CHL/CO/5-6), § 35.d (le Comité recommande une révision de la législation applicable interdisant et pénalisant le recours à l’avortement médicalisé). CEDEF, Obs. fin. Colombie, n° 7-8/2013 (Doc. NU CEDAW/C/COL/CO/7-8), § 30.a (le Comité recommande à la Colombie de garantir aux femmes l’accès à l’avortement légal). V. aussi notre analyse : S. DAGRON, « Commentaire de l’article 12 CEDEF », in M. HERTIG, M. HOTTELIER, K. LEMPEN (éds.), Commentaire de la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) et de son Protocole facultatif, 2019, Schulthess (en voie de publication), §§ 46-47. 12 V. les conclusions suivantes du CEDEF concernant l’Irlande : CEDEF, Obs. fin. Irlande, n° 67/2017 (Doc. NU CEDAW/C/IRL/CO/6-7), § 11.c (le Comité recommande notamment à l’Irlande une révision de l’article 40.3.3 de sa Constitution qui fait obstacle à toute modification de la législation sur l’avortement).. 52 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(4) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL accord avec la volonté du peuple exprimée par référendum13. Le Chili a aussi procédé à une modification de sa législation applicable en la matière, dont la conformité avec la Constitution a été confirmée en 201714. Un autre exemple contemporain de la reconnaissance de la santé en tant que droit fondamental et autonome est donné par la jurisprudence récente de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. En août 2018, la Cour, interrogée sur la conformité avec la Convention américaine relative aux droits de l’homme du programme de santé publique du Guatemala pour les patients atteints du VIH/sida, a reconnu pour la première fois la santé comme un droit autonome et justiciable garanti par l’article 26 de la Convention15. Or cet article ne protège pas expressément le droit à la santé. Il précise uniquement que les Etats doivent « prendre des mesures visant à assurer progressivement la pleine jouissance des droits qui découlent des normes économiques et sociales (…) énoncées dans la Charte de l’Organisation des Etats Américains (…) ce, dans le cadre des ressources disponibles ». Au niveau international, la valeur centrale du droit à la santé pour le développement des stratégies et politiques de santé publique a aussi été rappelée avec force en 2018 par l’OMS et l’Assemblée générale des Nations Unies (AGONU). L’OMS, tout d’abord, a fait expressément référence au droit à la santé en tant que principe directeur de ses activités dans leur ensemble dans son 13ème programme général de travail adopté en mai 2018. Selon le directeur général de l’Organisation, « la santé est un droit humain [et] personne ne devrait contracter une maladie ou en mourir du simple fait qu’il/elle est pauvre ou ne peut avoir accès au service dont il/elle a besoin » 16 . Ce rappel de la valeur fondamentale de la santé en tant que droit humain devant orienter et guider le travail de l’OMS, participe de la démarcation du 13ème programme de travail de l’OMS par rapport aux programmes et stratégies précédents qui soit ignoraient le droit à la santé comme élément de la politique globale de santé publique17, soit ne mentionnaient que timidement ce droit 18 . Plus récemment, ensuite, 13 V. Health (Regulation of Termination of Pregnancy) Act 2018, adopté le 20 décembre 2018. Cette loi est la conséquence du vote du peuple irlandais à l’occasion du référendum du 25 Mai 2018, en faveur d’une modification du huitième amendement de la Constitution. V. Le Monde du 26 mai 2018, « Référendum en Irlande : le "oui" gagnant à 68%, selon un sondage à la sortie des urnes ». 14 La constitutionnalité de la loi adoptée en 2015 autorisant l’avortement dans certains cas limités (viol, danger pour la vie de la mère et malformations graves du fœtus ayant des conséquences fatales) a été confirmée par le tribunal constitutionnel du Chili le 21 août 2017. V. Tribunal Constitutionnel du Chili, STC Rol no 3729 (3751) -17 CPT du 28 août 2017, notamment § 25. 15 V. Cour Interaméricaine des droits de l’homme (CrIADH), Caso Cuscul Pivaral y otros vs. Guatemala, arrêt du 23 août 2018, Serie C No. 359. 16 OMS, « Projet de treizième programme général de travail, 2019-2023 : rapport du Directeur général », Point 11.1 de l’ordre du jour provisoire de la 71ème Assemblée Mondiale de la Santé (A71/4), p. 2. 17 V. par exemple : OMS, Onzième programme général de travail, 2006-2015 : Programme mondial d’action sanitaire, Genève, 2006. V. aussi l’allocution de Margaret Chan à l’occasion de l’Assemblée mondiale de la santé, mai 2017, qui ne mentionne pas la santé en tant que droit humain : OMS, « Address by Dr Margaret Chan, Director-General to the seventieth World Health Assembly », 22 mai 2017 (A70/3). 18 Le 12ème programme général de travail de l’OMS fait référence aux droits humains non pas en tant que valeur centrale, mais en tant qu’instruments au service de la réalisation des objectifs de l’OMS,. 53 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(5) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES l’Assemblée générale de l’ONU (AG) a rappelé son engagement à protéger et promouvoir le droit à la santé en lien avec des questions très sensibles et globales de santé publique comme la santé des migrants et réfugiés19, la lutte contre la tuberculose 20 , ou bien encore la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles 21 . Elle a aussi présenté le droit à la santé comme un principe structurant devant favoriser l’amélioration des services de soins et la réalisation des déterminants socio-économiques de la santé 22 . L’affirmation expresse du caractère déterminant du droit à la santé constitue un positionnement nouveau pour l’AG. Jusqu’alors, elle se contentait en effet de constater la difficulté pour les Etats à atteindre le but lointain de la santé pour tous 23 . Désormais, l’AG affirme que le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible doit orienter et fonder les stratégies internationales et nationales de santé publique. Les progrès incontestables réalisés dans le monde concernant le niveau de santé des populations24, ne doivent pas faire oublier que la protection du droit à la santé reste très incomplète dans de nombreux Etats. L’exercice du droit à la santé par tous n’est pas réalisé ainsi que le rappellent les études portant sur l’étendue de la couverture sanitaire universelle dans le monde25 ou bien encore sur la protection de certains groupes de personnes en situation de vulnérabilité26. Pour autant, les exemples récents mettant à l’honneur le droit à la santé reflètent un consensus nouveau autour de la reconnaissance de la valeur fondamentale de la santé et de l’intérêt de sa protection pour la santé publique. Ce consensus est le résultat d’une évolution normative : le droit à la santé, tel que proclamé pour la première fois en 1946, a trouvé un ancrage normatif toujours plus profond dans au même titre que l’innovation ou le renforcement des systèmes de santé. V. OMS, Douzième programme général de travail 2014-2019 : pas seulement une absence de maladie, Genève 2014. 19 Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (Pacte migrations), Projet de document final de la Conférence, 30 juillet 2018 (A/CONF.231/3) ; Rapport du HCR à l’AG ONU, Deuxième partie, Pacte mondial sur les réfugiés (Pacte réfugiés), 2018 (A/73/12-Part. II). V. aussi : S. DAGRON, « Droit, migration et santé : quel(s) défi(s) ? », in O. GUILLOD, D. SPRUMONT (éds.), Mobilité et migration : impacts pour le droit de la santé, Weblaw 2019 (en voie de publication). 20 Résolution 73/3 de l’AG ONU du 10 octobre 2018 adoptant la déclaration politique issue de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la lutte contre la tuberculose, 18 octobre 2018 (A/RES/73/3). 21 Résolution 73/2 de l’AG ONU du 10 octobre 2018 adoptant la déclaration politique de la troisième réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles, 17 octobre 2018 (A/RES/73/2). 22 Ibid., §§ 15 et 37 ; AG ONU, Déclaration politique sur la lutte contre la tuberculose (note 20), § 37. 23 V. par exemple : Résolution 71/2 de l’AG ONU du 5 octobre 2016 adoptant la déclaration politique issue de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la résistance aux agents antimicrobiens (A/RES/71/3), § 7. 24 V. notamment le rapport suivant de l’OMS : OMS, World Health Statistics 2018 : monitoring health for the SDGs, Genève, 2018, pp. 4-12. 25 V. le rapport suivant : OMS, Banque mondiale, Tracking universal health coverage: 2017 global monitoring report, Genève et Washington (DC), 2017. 26 V. notamment concernant la protection de la santé des migrants : ONU, Rapport intérimaire du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, 27 juillet 2018 (A/73/216) ; S. Dagron, « Droit, migration et santé : quel(s) défi(s) ? » (note 18).. 54 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(6) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL les systèmes juridiques aux niveaux international, régional et national (I). Il est aussi le résultat d’une évolution matérielle : le contenu du droit à la santé a été concrétisé progressivement ce qui a permis le renforcement de sa protection (II).. I. LA RECONNAISSANCE DE LA SANTÉ EN TANT QUE DROIT FONDAMENTAL. De 1946 à aujourd’hui, la protection du droit à la santé en droit international a été progressivement renforcée à travers l’inscription de ce droit dans de nombreux instruments juridiques internationaux (A), ainsi qu’à travers la confirmation de cette reconnaissance aux niveaux régional et national (B).. A. Le renforcement de la garantie en droit international Le droit à la santé est garanti par le droit international des droits de l’homme (1) mais aussi par d’autres normes juridiques internationales relevant notamment du droit international de la santé (2). 1. Le droit à la santé garanti par le droit international des droits humains La santé en tant que droit humain a été consacrée de manière répétée de 1946 à aujourd’hui. La première expression du droit à la santé dans un instrument des droits humains se trouve dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) adoptée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies. L’article 25 proclame ainsi le droit de chaque être humain à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille. Cette garantie a été reformulée par le Pacte international relatifs aux droits économiques sociaux et culturels adopté en 1966. L’article 12 du Pacte précise ainsi que toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre27. La Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, adoptée peu avant en 1965, reconnaissait pour sa part le droit de chacun de jouir sans discrimination du « droit à la santé [et] aux soins médicaux »28. La santé en tant que droit humain a ensuite été consacrée par les conventions internationales protégeant des groupes de personnes 29 . Ces textes soit garantissent expressément le droit à la santé d’une manière générale, soit insistent sur un aspect particulier du droit à la santé. La Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée en 1979 reconnaît ainsi expressément le droit des femmes aux soins de santé30. 27. PIDESC, art. 12. CIEFDR, 1965, art. 5 e) iv (adoptée par l’AG ONU le 21 décembre 1965 (Résolution 2106 (XX)). 29 Il est nécessaire de préciser ici que les normes du droit humanitaire, qui ne sont pas incluses dans notre analyse en raison de leur champ d’application (normes applicables en cas de conflit armé), garantissent aussi la santé des catégories de personnes protégées. V. notamment les Conventions de Genève adoptées en 1949 relatives respectivement au traitement des prisonniers de guerre (arts. 13, 15, 21, 25 à 33.) et à la protection des personnes civiles en temps de guerre (arts. 16 à 20, 23, 27.). 30 Art. 11 al. 1 f) et 12. 28. 55 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(7) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES En 1989, c’est la Convention internationale relative aux droits de l’enfant qui reconnaît « le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation » 31 . La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée en 1990, protège pour sa part uniquement le droit des migrants concernés « de recevoir tous les soins médicaux qui sont nécessaires d’urgence pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé » 32 . Enfin, parmi les traités internationaux, il est nécessaire de mentionner la Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée en 2006 qui protège le droit de ces personnes de jouir sans discrimination fondée sur le handicap « du meilleur état de santé possible »33. Cette dernière Convention est contemporaine de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme qui rappelle, sur le modèle de la DUDH, l’engagement des gouvernements en faveur de la promotion de la santé et du développement social au bénéfice de leurs peuples, et affirme que « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain »34. Cette reconnaissance de la santé en tant que droit humain dans un instrument non contraignant n’est pas unique. De nombreux autres instruments de soft law, adoptés depuis la fin du XXème siècle, ont confirmé le large consensus autour de ce droit. Il s’agit d’une part d’instruments généraux des droits de l’homme à l’instar de la Déclaration de Vienne, adoptée à l’issue de la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme en 1993, qui cite à de nombreuses reprises le droit à la santé parmi les droits à protéger35. Il s’agit d’autre part d’instruments touchant directement à la santé et ses éléments clés en tant que droit humain à l’instar de la Déclaration d’engagement sur le VIH/sida, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en juin 2001, qui rappelle l’importance du droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible 36 . Les deux Déclarations politiques adoptées par l’AG de l’ONU en octobre 2018 sur la lutte contre la tuberculose et la prévention et le traitement des maladies non-transmissibles, s’inscrivent dans ce cadre37.. 31. Art. 24, Convention adoptée par l’AG ONU le 20 novembre 1989 (Résolution 44/25). Art. 28, Convention adoptée par l’AG ONU le 18 décembre 1990 (Résolution 45/158). 33 Art. 25, Convention adoptée par l’AG ONU le 13 décembre 2006 (Résolution 61/611). 34 Art. 14, Déclaration adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 19 octobre 2005. 35 Déclaration et programme d’action de Vienne, adoptées le 25 juin 1993, § 11. 36 AG ONU, « Déclaration d’engagement sur le VIH/sida », Rapport de la Session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le VIH/sida, 25-27 juin 2001, §§ 15 et 37. Ce rappel est aussi fait dans les déclarations subséquentes sur le VIH et le sida. V. : Résolution 60/262 de l’AG ONU du 2 juin 2006 adoptant la déclaration politique sur le VIH/sida, 15 juin 2006 (A/RES/60/262) ; Résolution 65/277 de l’AG ONU du 10 juin 2011 adoptant la déclaration politique sur le VIH et le sida, 8 juillet 2011 (A/RES/65/277), § 32. 37 AG ONU, Déclaration politique sur la lutte contre la tuberculose (note 20) ; AG ONU, Déclaration politique sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles (note 21). 32. 56 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(8) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL 2. La reconnaissance du droit à la santé par d’autres normes du droit international Certaines normes internationales relevant d’autres branches du droit international reconnaissent aussi la santé comme un droit humain. Il en est ainsi indirectement par exemple des normes suivantes adoptées par l’Organisation internationale du travail (OIT) et visant à la protection du droit à la sécurité sociale : Recommandation 69 adoptée en 1944, qui encourage les Etats à développer leurs services de soins médicaux 38 ; Recommandation 202 sur les socles de protection sociale adoptée conjointement par l’OIT et l’OMS en 2012, qui demande aux Etats d’assurer au minimum à toute personne dans le besoin l’accès aux soins de santé essentiels 39 . D’autres normes issues du droit international du commerce sont aussi intéressantes. La protection du droit à la santé peut en effet justifier des dérogations à l’application des mécanismes de protection des droits de la propriété intellectuelle prévus par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC)40. La Déclaration de Doha sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique adoptée en 2001 précise d’ailleurs que cet accord doit être interprété de façon à ne pas compromettre les actions nationales et internationales en matière de santé publique. En d’autres termes, les mesures adoptées pour protéger la santé publique sont par conséquent possibles même si elles dérogent à l’accord41. Le droit à la santé est aussi garanti de manière directe par les normes relevant du droit international de la santé développées par l’OMS. La valeur fondamentale de la santé, reconnue dans la Constitution de l’OMS en 1946, a été réaffirmée dans de nombreuses déclarations de nature programmatoire à commencer par la Déclaration d’Alma Ata sur les soins de soins de santé primaires de 197842. Cette déclaration, qui a marqué un tournant dans la façon d’envisager la santé pour tous à travers le renforcement des soins de santé primaires 43 et qui reste aujourd’hui encore un texte de référence 44 , a inspiré d’autres textes dans lesquels a été réaffirmé le droit à la santé comme droit fondamental et objectif social à atteindre. Il en est ainsi par exemple de la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, adoptée à l’issue de la première conférence internationale sur la promotion de la santé organisée par l’OMS en 38. OIT, Recommandation n° 69 sur les soins médicaux, adoptée le 12 mai 1944. OIT, Recommandation n° 202 sur les socles de protection sociale, adoptée le 14 juin 2012, §§ 4 et 5. Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), figurant à l’Annexe 1 C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du Commerce, 15 avril 1994. 41 OMC, Déclaration de Doha sur l’Accord ADPIC et la santé publique, Conférence ministérielle de l’OMC, Doha, 2001 (Doha, 9-14 novembre 2001) (OMC Doc. WT/MIN(01)DEC/W/2). 42 Déclaration d’Alma Ata sur les soins de santé primaires, 12 septembre 1978. 43 Assemblée Mondiale de la Santé (AMS), Résolution WHA 34.36 du 22 mai 1981 adoptant la « stratégie mondiale de la santé pour tous d’ici l’an 2000 » (WHA34/1981/REC/1). 44 V. en ce sens la Déclaration d’Astana pour le 40ème anniversaire d’Alma Ata : OMS, UNICEF, Déclaration d’Astana « Conférence internationale sur les soins de santé primaires : d’Alma-Ata à la couverture sanitaire universelle et aux objectifs de développement durable », Astana, Kazakhstan, 25 et 26 octobre 2018 (WHO/HIS/SDS/2018.61), I. 39 40. 57 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(9) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES 1986 45 , ou bien encore de la Déclaration mondiale sur la santé adoptée par l’Assemblée mondiale de la santé (AMS) en 199846. Au-delà de ces textes, l’OMS a aussi favorisé l’adoption de normes contraignantes et non contraignantes qui reconnaissent le droit à la santé ou du moins, visent à la protection d’éléments clés de ce droit. Seules les normes récentes reconnaissent cependant expressément le droit à la santé, les normes adoptées avant le début du XXIème siècle éludant la question des valeurs et principes garantis ou se limitant à des références indirectes à la santé en tant qu’objectif. Ainsi, alors que le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel adopté en 1981 proclame uniquement le droit des enfants et de leur mère à une nourriture adéquate en tant que moyen d’acquérir et de conserver la santé 47 , le Code de pratique mondiale pour le recrutement international des personnels de santé adopté en 2010 mentionne expressément « le droit des populations des pays d’origine [du personnel de santé] à posséder le meilleur état de santé qu’elles sont capables d’atteindre »48 . Concernant la lutte contre les épidémies, la même remarque peut être formulée. Le Règlement sanitaire international adopté en 2005 est le premier règlement sanitaire à faire une référence – timide il est vrai – aux droits humains et aux textes qui garantissent le droit à la santé en tant que valeur centrale encadrant et guidant la mise en œuvre du texte49. Enfin, la Convention cadre de l’OMS pour la lutte antitabac adoptée en 2003 retient pour sa part clairement le droit de tous les peuples au niveau de santé le plus élevé comme une valeur fondamentale50.. B. La confirmation de la garantie internationale en droit interne et régional La garantie internationale du droit à la santé a été renforcée par sa confirmation aux niveaux national (1) et régional (2). 1. La garantie du droit à la santé au niveau national Au niveau national tout d’abord, il ressort d’analyses de droit comparé qu’une majorité des constitutions dans le monde contient une référence au droit à la santé51. Il peut s’agir d’une mention expresse du droit de chaque individu à la 45. V. par exemple la Charte d’Ottawa : OMS, Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, adoptée le 21 novembre 1986. V. AMS, « Déclaration Mondiale sur la Santé », adoptée par l’AMS dans sa résolution WHA51.7 sur la Politique de santé pour tous pour le XXIème siècle le 13 mai 1998 (WHA51/1998/REC/1), § I. 47 AMS, Résolution WHA34.22 du 21 mai 1981, « Code international de commercialisation des substituts du lait maternel » (WHA34/1981/REC/1). 48 AMS, Résolution WHA 63.16 du 21 mai 2010, « Code de pratique mondial de l’OMS pour le recrutement international des personnels de santé » (WHA63/2010/REC/1), § 3.4. 49 Règlement Sanitaire Internationale (RSI 2005), adopté par l’AMS le 23 mai 2005 (Résolution WHA58.3 (WHA58/2005/REC/1), art. 3 al. 1 et 2. 50 Convention Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), adoptée le 22 juin 2003, préambule. 51 Pour une analyse plus large des constitutions en Europe et dans le monde, v. : S.K. PEREHUDOFF, Health, Essential Medicines, Human Rights & National Constitutions, Geneva, WHO, 2008. V. aussi : S.K. PEREDUGHOFF, N.V. ALEXANDROV, H.V. HOGERZEIT, « Access to essential medicines 46. 58 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(10) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL santé physique et mentale comme par exemple dans la Constitution de l’Estonie adoptée en 1992 52 , ou celle de la République Tchèque de 1993 53 , qui reconnaissent explicitement le droit de chacun à la protection de sa santé. Il peut aussi s’agir de la garantie expresse de certains éléments du droit à la santé54. La garantie du droit à des soins de santé abordables pour tous est très souvent inscrite dans les constitutions nationales en complément du droit à la santé 55 ou bien comme garantie unique et autonome56. Le droit à la sécurité sociale et à un système public de financement des soins de santé57, le droit d’accès gratuit aux soins de santé pour les personnes les plus démunies 58 , le droit d’accès à l’information concernant sa propre santé 59 ou bien encore le droit à l’alimentation, à l’eau potable et à un système adéquat d’assainissement 60 , contribuent aussi à la réalisation du droit à la santé et sont rappelés dans leur ensemble ou séparément dans les constitutions nationales61. La santé en tant que droit fondamental a aussi été confirmée par les juridictions nationales chargées de l’interprétation des textes constitutionnels. Certaines constitutions soit ne contiennent pas de catalogues de droits fondamentaux, à l’instar de la Constitution française de 1957, soit n’incluent pas le droit à la santé dans leur liste des droits fondamentaux, à l’instar de la loi fondamentale (LF) allemande adoptée en 1949, de la Constitution fédérale de la Confédération suisse de 1999 ou bien encore de la Charte canadienne des droits fondamentaux adoptée en 1982. Si la Cour suprême du Canada62 ou le Tribunal fédéral suisse 63 refusent toujours de reconnaître expressément un caractère fondamental à la santé, il en va autrement des juridictions suprêmes en Allemagne et en France. La Cour constitutionnelle allemande a ainsi fait in 195 countries : A human rights approach to sustainable development », Global Public Health 2018, online publication. 52 Art. 50, Constitution de l’Estonie du 28 juin 1992. 53 Art. 30, Constitution de la République tchèque du 16 décembre 1992. 54 Sur le contenu concret du droit à la santé, voir infra, partie II. 55 Art. 68, Constitution de la Pologne du 2 avril 1997 ; art. 41 Constitution de la Russie (dernière modification le 21 juillet 2014) ; art. 111, Constitution de la Lettonie du février 1922 ; arts. 93-98, Constitution du Guatemala du 31 mai 1985. 56 Art. 51, Constitution de la Slovénie du 23 décembre 1991 ; art. 55, Constitution de l’Albanie du 21 octobre 1998 ; art. 27, Constitution de l’Afrique du Sud du 18 décembre 1996 ; art. 7, Constitution de la Côte d’Ivoire du 23 juillet 2000 ; art. 35, Constitution du Népal du 20 septembre 2015. 57 Art. 63, Constitution du Portugal du 2 avril 1976 ; arts. 50-51, Constitution de la Slovénie ; arts. 52 et 55, Constitution de l’Albanie ; art. 41, Constitution de la Fédération de Russie ; art. 50, Constitution de l’Espagne du 31 octobre 1978 ; art 27, Constitution de l’Afrique du Sud ; arts. 93, 94 et 100, Constitution du Guatemala. 58 Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 ; art. 12, Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; art. 35, Constitution du Népal. 59 Art. 35 (2), Constitution du Népal. 60 Art. 20, Constitution de la Hongrie du 18 avril 2011 ; art. 35 (4) et 36, Constitution du Népal. 61 V. par exemple l’article 27 de la Constitution de l’Afrique du Sud. 62 G.P. MARCHILDON, Canada : Health system review, Health Systems in Transition, 2013, Vol. 15, n° 1 p. 56. 63 Sur la jurisprudence du Tribunal federal, v.: D. KRAUS, A. SCHMID, « Le droit à la santé: quelques considérations de droit constitutionnel suisse à la lumière du droit international », Revue suisse de droit de la santé 2006, n° 2, pp. 85-91.. 59 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(11) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES découler le caractère fondamental de la santé de l’art. 2 al. 2 de la loi fondamentale, qui garantit le droit à la vie et à l’intégrité physique, en liaison avec l’art. 20 al. 1 LF (fondement de l’Etat social) et l’art. 1 al. 1 LF qui protège l’intangibilité de la dignité de l’être humain 64 . En France, le Conseil constitutionnel interprète le 11ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 comme étant le fondement de la protection constitutionnelle de la santé65. L’inscription expresse du droit à la santé ou de certains de ses éléments clés dans les constitutions nationales n’est pas une garantie du respect de ce droit dans les pays considérés. Néanmoins, la reconnaissance constitutionnelle du droit à la santé est non seulement un rappel constant aux autorités des objectifs à atteindre et des obligations à respecter, mais encore, dans certains pays reconnaissant le caractère justiciable de ce droit, il offre un fondement aux individus pour réclamer des soins et traitements essentiels et, en définitive, faire progresser le système de santé66. 2. La garantie du droit à la santé au niveau régional La lecture des conventions des droits de l’homme adoptées sous l’égide du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des Etats américains révèle que, contrairement à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples 67 adoptée en 1981 par les pays membres de l’Organisation de l’unité africaine (désormais Union africaine), le droit à la santé ne fait partie des droits garantis. Ainsi, la Convention américaine relative aux droits de l’homme de 1969 68 , comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 69 , ne protègent expressément que les droits qualifiés de civils et politiques. Une seule exception est à trouver dans l’art. 26 de la Convention américaine qui fait une référence générale à l’obligation pour les parties de « prendre des mesures visant à assurer progressivement la pleine jouissance des droits qui découlent des normes économiques et sociales ».. 64 V. l’analyse suivante de la loi fondamentale allemande : S. DAGRON, « Droit à la santé et jurisprudence constitutionnelle : les enseignements de l’expérience allemande », in A. ONDOUA, P. LAGRANGE, Les voyages du droit : mélanges en l’honneur du professeur Dominique Breillat, 2011, Poitiers, LGDJ, pp. 155-169. 65 V. en ce sens : C. BYK, « La place du droit à la protection de la santé au regard du droit constitutionnel français », Revue générale de droit 2001, vol. 31, n° 2, pp. 327-352 ; M. GIRER, « La droit à la protection de la santé dans l’alinéa 11 du Préambule de 1946 : les impacts en termes de solidarité », Médecine & Droit 2016, n° 141, pp. 147-153. 66 Voir notamment la discussion autour du caractère justiciable du droit à la santé dans : Minister of Health v. Treatment Action Campaign and others (TAC) (2002) 5 SA. Sur les effets positifs et négatifs de la judiciarisation du droit à la santé, v. ci-dessous partie II. 67 Charte Africaine (adoptée en juin 1981), art. 16. Le Protocole additionnel à la Charte relatif aux droits des femmes garantit aussi le droit à la santé. V. Protocole adopté par la 2ème session ordinaire de la Conférence de l’Union Africaine à Maputo le 11 juillet 2003, art. 14. 68 Adoptée le 22 novembre 1969, sous l’égide de l’Organisation des Etats Américains, à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les Droits de l’Homme. 69 Adoptée le 4 novembre 1950, sous l’égide du Conseil de l’Europe, Série des traités européens n° 5, Rome, 4 novembre 1950.. 60 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(12) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL Pour autant, il faut considérer le droit à la santé comme garanti par le droit régional des droits humains sur ces deux continents. D’une part en effet, en Europe comme en Amérique, certains textes reconnaissent la nature fondamentale de la santé. C’est le cas de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme de 194870 et du Protocole de San Salvador additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme adopté en 1988 71 . En Europe, toujours dans le cadre du Conseil de l’Europe, le droit à la santé est garanti par la Charte sociale européenne de 1961 et la Charte révisée de 199672, mais aussi par la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain adoptée en 199773. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantit aussi le « droit d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales »74. D’autre part, ensuite, les juridictions européenne et américaine, ont développé progressivement une jurisprudence selon laquelle les Conventions des droits de l’homme doivent être interprétées comme protégeant certains droits clés dont la garantie est essentielle à la réalisation de la santé voire, comme incluant la garantie de la santé en tant que droit autonome. La Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH), en premier lieu, bien qu’elle refuse toujours de reconnaître les droits sociaux et économiques, et notamment le droit à la santé, comme des droits garantis par la Convention75, considère que certains éléments en lien avec la protection de la santé, sont protégés indirectement par d’autres droits. Le droit à la vie, garanti par l’art. 2 de la Convention, a ainsi été interprété comme impliquant pour les Etats une obligation de s’abstenir de porter intentionnellement atteinte à la vie des individus, mais aussi, une obligation de protéger activement la vie – et par conséquent aussi la santé – des individus relevant de leur juridiction76. La Cour a ainsi décidé qu’un Etat viole ce droit lorsqu’il met la vie d’une personne en danger en lui refusant des soins médicaux 70 Art. XI relatif au droit à la préservation de la santé et au bien-être. Organisation des Etats Américains, Déclaration américaine des droits et devoirs de l’Homme, adoptée en 1948 à la Neuvième Conférence Internationale Américaine. 71 Art. 10 (Protocole adopté le 17 novembre 1988 à la dix-huitième Session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats Américains). 72 Conseil de l’Europe, Charte sociale européenne (révisée), Série des traités européens – n° 163, Strasbourg, 3 mai 1996, § 11. 73 Art. 3, Conseil de l’Europe, Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine, Série des traités européens – n° 164, Oviedo, 4 septembre 1997. 74 Art. 35, Union Européenne, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Journal Officiel des Communautés européennes, C 364, 18 décembre 2000 (2000/C364/01). Pour une analyse critique de la protection de la santé conférée par ce texte, v. : A. BAILLEUX, « L’apport de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne au « droit » à la santé », in E. Brosset, Droit européen et protection de la santé. Bilans et perspectives, 2015. 75 Sur ce point, la Cour a confirmé de manière constante la position de la Commission retenue le 4 février 1982 dans l’affaire Godfrey c. United Kingdom, req. n° 8542/79, 4 février 1982, Decisions and Reports 27, p. 94. V. aussi : CrEDH, Pančenko c. Latvia, req. n° 40772/98, 28 octobre 1999 ; CrEDH, Salvetti c. Italie, req. n° 42197/98, 9 juillet 2002. 76 V. par exemple : CrEDH, Calvelli et Ciglio c. Italie, req. n° 32967/96, 17 janvier 2002.. 61 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(13) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES qu’il s’était engagé à rendre accessibles à l’ensemble de sa population 77 . De même, la Cour a considéré que les obligations découlant de l’art. 2 peuvent inclure l’obligation pour l’Etat de veiller à ce que les hôpitaux adoptent les mesures nécessaires pour assurer la protection de la vie des patients78. Le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels et inhumains, garanti par l’art. 3 de la Convention, a aussi été interprété comme imposant des obligations positives à la charge des Etats dans le domaine de la santé 79 . Selon une jurisprudence constante, la protection de la santé des personnes privées de leur liberté fait ainsi partie de ces obligations 80 . Enfin, le droit à la protection de la vie privée et familiale peut être aussi invoqué par les individus lorsqu’un aspect important de leur existence en lien avec la santé est en jeu 81 . La marge d’appréciation des Etats dans le domaine de la santé est cependant très large ainsi que le rappelle la Cour dans Hristozov contre Bulgarie, les autorités étant « les mieux placées pour apprécier les priorités, l’utilisation des ressources disponibles et les besoins de la société »82. La Cour interaméricaine des droits de l’homme, en deuxième lieu, a adopté le 23 août 2018 une décision de principe en reconnaissant le droit à la santé non pas comme un droit protégé par l’intermédiaire d’autres droits, mais comme un droit autonome83. La jurisprudence de la Cour et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme était constante jusqu’à cette décision : le droit à la vie et le droit à l’intégrité physique, psychique et morale, tels que garantis respectivement par les articles 4 al.1 et 5 al.1 de la Convention, étaient considérés comme intrinsèquement liés au droit à la santé ; en conséquence, l’absence de soins médicaux appropriés pouvait, par exemple, être constitutive d’une violation de ces deux garanties fondamentales 84 . Saisie par la Commission en 2016 dans l’affaire Cuscul Pivaral et autres contre Guatemala, la Cour a fait évoluer cette interprétation en reconnaissant une valeur autonome au droit à la santé sur le fondement de l’art. 26 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’argumentation de la Cour repose sur la référence explicite dans cet article à la Charte de l’Organisation des Etats Américains qui protège directement la santé à travers les objectifs suivants fixés aux Etats : « défense du potentiel humain 77. CrEDH, Nitecki c. Pologne, n° 65653/01, 21 mars 2002 ; CrEDH, Panaitescu c. Roumanie req. n° 30909/06, 10 avril 2012. 78 Rappel de cette interprétation dans CrEDH, Hristozov et autres c. Bulgarie, req. n° 47039/11 et 358/12, 13 novembre 2012, § 108. 79 V. sur l’interprétation donnée à cet article : S. DAGRON, « Das Verbot von Folter, unmenschlicher oder erniedrigender Behandlung oder Strafe (art. 3 EMRK) aus französischer Sicht », in C. GREWE, C. GUSY (éds.), Menschenrechte in der Bewährung, Die Rezeption der Europäischen Menschenrechtskonvention in Frankreich und Deutschland im Vergleich, Baden-Baden : Nomos, 2005, pp. 205-222. 80 CrEDH, Keenan c. Royaume-Uni, req. n° 27229/95, 3 avril 2001. Cette affaire concernait la nonfourniture de soins médicaux à un détenu souffrant d’une maladie mentale ; V. aussi : CrEDH, Kudla c. Pologne, requête 30210/96, 26 octobre 2000, § 94. 81 Hristozov et autres c. Bulgarie (note 78). 82 Ibid., § 119. 83 CrIADH, Cuscul Pivaral y otros vs. Guatemala (note 15). 84 V. ibid. la référence à la jurisprudence antérieure, §§ 104-105.. 62 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(14) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL [à travers] le développement et l’application des connaissances médicales »85 ; mise en place des conditions permettant « une existence saine, productive et digne »86 ; développement d’un ordre social de justice impliquant « l’application d’une politique efficace de sécurité sociale »87.. II. PROTECTION INTERNATIONALE EN DEVENIR Le droit à la santé, malgré son large ancrage normatif, a longtemps été considéré comme un objectif lointain à atteindre voire, comme un idéal irréalisable, le caractère utopique et irréalisable de ce droit résultant notamment de la définition extrêmement large de la santé retenue par la Constitution de l’OMS en 1948. Selon le préambule de la Constitution, la santé est en effet considérée comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et (…) pas seulement une absence de maladie ou d’infirmité »88. L’interprétation concrète de ce droit réalisé progressivement depuis la fin du XXème siècle par les organes internationaux des droits de l’homme a été déterminante pour permettre le développement de la protection (A). Elle reste essentielle pour contourner les obstacles contemporains à la réalisation de ce droit (B).. A. La concrétisation du droit à la santé : étape essentielle de la protection L’observation générale 14 (OG14) sur le droit à la santé adoptée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CODESC) en 2000 sur la base des analyses du droit et de la pratique des Etats89, offre l’interprétation la plus détaillée et complète du contenu de ce droit (1). Bien que ce texte ne soit pas contraignant, son influence normative est incontestable (2). 1. L’observation générale 14 du CODESC : étape essentielle du renforcement de la protection L’OG14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint apporte des précisions essentielles concernant le contenu concret du droit à la santé d’une part, et les obligations à la charge des Etats, d’autre part. Concernant le contenu tout d’abord, si l’OG précise que le droit à la santé ne doit pas être compris comme un droit utopique d’être en bonne santé90, il n’en reste pas moins que sa réalisation pose des défis de taille. Le droit à la santé implique en effet la protection de libertés 85. Art. 34, Charte de l’Organisation des Etats américains, adoptée le 30 avril 1948. Ibid., Art. 34 l. 87 Ibid., Art. 35 h. 88 Constitution de l’OMS, préambule. 89 Sur la genèse de l’OG 14, voir les explications données par un ancient membre du Comité en charge de sa rédaction : E. RIEDEL, « The human right to health : Conceptual foundations », in A. CLAPHAM, M. ROBINSON (éds.), Swiss Human Rights Book Vol. 3 : Realizing the Right to Health, Zurich, Rüffer & Rub, 2009, pp. 21. 90 CODESC, OG (2000) n° 14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (OG 14), 11 août 2000 (E/C.12/2000/4), § 8. 86. 63 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(15) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES et de la réalisation de droits91 qui « comprennent le droit d’accès à un système de protection de la santé qui garantisse à chacun, sur un pied d’égalité la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible »92, le meilleur état de santé possible étant la condition d’une vie dans la dignité93. Ces défis sont d’autant plus larges que leur réalisation dépend de la réalisation d’autres droits fondamentaux, à l’instar du droit à l’alimentation, au travail, à l’éducation, à la dignité humaine, à la vie, à la nondiscrimination etc94. Pour le Comité, la protection de la santé ne dépend pas en effet uniquement du secteur médical. Il s’agit d’un droit global dont la protection implique « la prestation de soins de santé appropriés en temps opportun, mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l’accès à l’eau salubre et potable et à des moyens adéquats d’assainissement, l’accès à une quantité suffisante d’aliments sains, la nutrition et le logement, l’hygiène du travail et du milieu, et l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique »95. Enfin, le Comité est très précis quant aux standards à atteindre par les systèmes de protection de la santé. Ainsi, les installations, biens et services en matière de santé doivent exister en quantité suffisante, être accessibles pour tous physiquement, économiquement et sans discrimination, être respectueux de l’éthique médicale, être de bonne qualité et être appropriés sur le plan culturel mais aussi scientifiquement et médicalement parlant96. Au-delà, l’information et la participation de la population au développement des systèmes et programmes de santé publique doivent aussi être garanties pour assurer la réalisation de ce droit global97. Concernant les obligations à la charge des Etats ensuite, un autre défi de taille découle de la clause progressivité inscrite à l’art. 2(2) PIDESC qui demande aux Etats d’agir « au maximum de [leur] ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus »98. Cette clause, ne doit pas être considérée comme autorisant les Etats à rester immobiles. Le CODESC a en effet précisé que si les Etats ont des obligations générales qu’ils doivent s’efforcer de respecter de manière progressive en fonction de leur situation économique et financière, ils ont aussi des obligations fondamentales dont l’effet est immédiat99. Parmi ce deuxième groupe d’obligations, on trouve l’obligation fondamentale de respecter le principe de non-discrimination, celle d’assurer la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits énoncés dans le Pacte et présentés précédemment comme participant à la réalisation de la santé, ou bien encore, celle d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie et un plan d’action en matière de santé publique100. 91. Ibid. Ibid. Ibid., §1. 94 Ibid., § 3. 95 Ibid., § 11. 96 Ibid., § 12. 97 Ibid., §§ 12 b) iv et 17. 98 PIDESC, Art. 2 al. 2. 99 Sur les différents types d’obligations, v. CODESC, OG (1990) n° 3 sur la nature des obligations des Etats parties, 1 janvier 1991 (E/1991/23). 100 OG 14, §§ 43 et 44. 92 93. 64 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(16) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL Les obligations générales sont classées en trois catégories. Une obligation de respecter tout d’abord, qui implique que les Etats s’abstiennent notamment « de refuser ou d’amoindrir l’accès aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs »101. Une obligation de protéger, ensuite, qui implique que les Etats interviennent pour éliminer les entraves à l’accès engendrées par l’intervention de tiers et pour assurer la jouissance à chacun « d’une diversité d’installations, de biens, de services » 102 . Il s’agit de s’assurer de la réalité de « l’accès rapide (…) aux services essentiels de prévention, de traitement, et de réadaptation ainsi qu’à l’éducation en matière de santé, la mise en place de programmes réguliers de dépistage, le traitement approprié (...) des affections, maladies, blessures et incapacités courantes, l’approvisionnement en médicaments essentiels et la fourniture de traitements et de soins appropriés de santé mentale » 103 . Enfin, la dernière catégorie d’obligations relève de l’obligation générale de faciliter l’exercice du droit à la santé et de le promouvoir 104 . Les attentes vis-à-vis des Etats sont multiples : il s’agit notamment de définir une politique nationale de la santé, d’assurer la fourniture de soins de santé, de garantir l’égalité d’accès à tous les éléments déterminants de la santé, de développer les infrastructures de santé publique ou bien encore d’instituer un système d’assurance santé, de promouvoir la recherche médicale et l’éducation sanitaire, et de mettre en place des campagnes de prévention105. 2. L’influence normative de l’Observation générale 14 du CODESC L’importance de la concrétisation du droit à la santé réalisée par le CODESC a été confirmée à travers les références constantes, directes ou indirectes, à l’interprétation retenue par le Comité. Ainsi, tout d’abord, des normes récentes du droit international des droits de l’homme, à l’instar de la Convention sur les droits des personnes handicapées, reprennent et adaptent les éléments clés du droit à santé identifiés par le CODESC106. Ensuite, les stratégies et programmes onusiens en matière de santé publique mentionnés précédemment, reprennent régulièrement les principes clés identifiés dans l’OG 14107. A titre d’exemple, il est possible de mentionner la Déclaration politique sur la lutte contre la tuberculose adoptée par l’AG de l’ONU le 3 octobre 2018108, qui met en évidence les principes et valeurs centraux suivants comme découlant du droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale 101. Ibid., § 34. Ibid., § 9. 103 Ibid., § 17. 104 Ibid., § 37. 105 Ibid., § 36. 106 Art. 25 Convention relative aux droits des personnes handicapées. Influence aussi sur d’autres comités à l’exemple CDE et OG. 107 V. par exemple : Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Stratégie globale pour la santé publique, stratégie du HCR pour 2014-2018, Genève, 2013, pp. 13 § 6 ; ONUSIDA, On the Fast-Track to end AIDS: UNAIDS, 2016-2021 Strategy, Geneva, 2015, p. 1 (« Recalling that all aspects of UNAIDS work are directed by the following guiding principles : (…) based on the principle of non-discrimination. »). 108 AG ONU, Déclaration politique sur la lutte contre la tuberculose (note 20). 102. 65 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(17) S.F.D.I. – COLLOQUE DE RENNES possible : la nécessité de « l’accès universel à des services de prévention, de diagnostic, de traitement, de soins et d’éducation de qualité, abordables et équitables (…) » 109 ; l’importance de la prise en compte « des déterminants économiques et sociaux de la maladie »110 ; et la lutte contre « la discrimination sous toutes ses formes »111. Enfin, l’interprétation retenue par le CODESC a été confirmée par la jurisprudence aux niveaux national et régional. Deux décisions emblématiques, par lesquelles les juges reconnaissent la nature autonome et justiciable du droit à la santé et son impact sur le système de santé en place, illustrent cette affirmation. La première décision est celle rendue par la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud en 2002 112 . Dans cette affaire, la Cour était interrogée sur la conformité avec l’art. 27 (1), qui garantit le droit aux soins de santé pour tous, et l’art. 28 (1), qui concerne plus spécialement la protection des enfants, de la politique extrêmement restrictive, décidée par le gouvernement, de distribution d’un médicament appelé Nevirapine destiné à éviter la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant. Ce médicament, qui avait reçu l’autorisation de mise sur le marché par les autorités nationales compétentes et qui était fourni gratuitement par le laboratoire pharmaceutique assurant sa commercialisation, n’était accessible que pour un nombre très limité de femmes dans le pays. La Cour, rappelant sa jurisprudence antérieure selon laquelle les droits économiques et sociaux sont justiciables, a considéré que bien que les défis auxquels l’Etat était confronté en raison de l’ampleur de l’épidémie du sida et des besoins économiques et sociaux de la population dans leur ensemble, il était dans l’obligation de faire son possible pour assurer une réalisation progressive de ces droits. Cela impliquait au minimum la réalisation immédiate de certaines obligations à l’instar de l’obligation d’adopter un programme précisant les ressources financières et humaines disponibles, les besoins des personnes les plus vulnérables et la stratégie de mise en œuvre113. La Cour, qui ne manque pas de citer les normes internationales garantissant le droit à la santé ou à l’accès aux soins 114 , ne fait pas de référence expresse à l’interprétation donnée par le CODESC. Pour autant, son raisonnement est conforme à la conclusion du Comité concernant le contenu des obligations immédiates à la charge des Etats : le développement d’une stratégie et d’un plan d’action ne doit pas attendre115. La seconde décision emblématique est celle, mentionnée précédemment, de la CrIADH rendue en août 2018 116 . Dans cette décision, la Cour précise le contenu du droit à la santé tel que garanti par la Convention américaine, en s’appuyant expressément sur le travail de concrétisation du CODESC 117 . 109. Ibid., § 37. Ibid. 111 Ibid. 112 Minister of Health and others v. Treatment Action Campaign and others (note 66). 113 Ibid., § 94. 114 Ibid., § 26. 115 OG 14, § 43 f. 116 CrIADH, Caso Cuscul Pivaral y otros vs. Guatemala (note 15). 117 Ibid., § 106 et 107. 110. 66 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

(18) SANTÉ ET DROIT INTERNATIONAL Son analyse la conduit à considérer que le droit à la santé protège le droit à l’accès à des soins de santé appropriés délivrés en temps opportun et répondant aux conditions de disponibilité, d’accessibilité, d’acceptabilité et de qualité détaillées dans l’OG 14118. Elle considère en outre, en accord avec le principe de non-discrimination, que les Etats doivent accorder une protection particulière aux personnes et groupes vulnérables et marginalisés119 , et se conformer aux exigences découlant de l’obligation de réalisation progressive, ce qui implique aussi le respect des obligations avec effet immédiat120.. B. De la concrétisation à la réalisation : des obstacles et des avancées Malgré une large reconnaissance normative du droit à la santé et la concrétisation progressive de son contenu, la mise en œuvre de ce droit se heurte à différents obstacles (1). Leur analyse est instructive et permet de rappeler non seulement les conditions clés à respecter pour assurer la protection de ce droit, mais encore, l’intérêt particulier représenté par le renforcement de cette protection pour l’amélioration de la santé de tous (2). 1. Les obstacles à la réalisation du droit à la santé Les obstacles à la mise en œuvre du droit à la santé sont multiples et de nature différente. Parmi ces obstacles, on trouve tout d’abord des obstacles de type général, concernant tous les droits humains et allant de l’opposition idéologique au caractère justiciable des droits économiques, sociaux et culturels, à l’incapacité structurelle, politique et économique de certains Etats les plus pauvres à protéger la santé de leur population121. La faiblesse du système international de protection des droits humains engendrée notamment par l’absence de sanctions légales et de procédures judiciaires performantes permettant une meilleure protection des droits humains en général, peut aussi être mentionnée au nombre des obstacles de type général à la protection des droits humains122. Il s’agit néanmoins d’une faiblesse relative au regard de l’existence d’alternatives intéressantes aux mécanismes juridictionnels traditionnels123, d’une part, et de l’impact des droits humains en tant que cadre normatif imposé aux Etats qui doivent répondre de leurs politiques et. 118. OG 14, § 10 et 12. Ibid., § 18 et 19. 120 Ibid., § 30. 121 La reconnaissance de cette difficulté a conduit la Communauté internationale à inscrire la santé et le bien-être au nombre des objectifs à réaliser d’ici à 2030. V. Résolution 70/1 de l’AG ONU du 25 septembre 2015, adoptant le Programme de développement durable à l’horizon 2030, 21 octobre 2015 (A/RES/70/1), objectif 3. 122 Sur les caractéristiques du système international de protection des droits humains, v. : O. DE SCHUTTER, International Human Rights Law : Cases, Materials, Commentary, Cambridge University Press, Cambridge, 2014. 123 Des alternatives intéressantes aux mécanismes juridictionnels traditionnels existent néanmoins au niveau international. V. en ce sens L. FORMAN, « Decoding the Right to health: What could it offer to global health? », Bioethica Forum 2015, vol. 8, n° 3, pp. 91-97. 119. 67 © Tous pays, tous supports Editions A. PEDONE – PARIS – 2019 I.S.B.N. 978-2-233-00910-4.

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