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Une croissance à maîtriser (fin des années 1980 - années 1990)

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Quatrième Partie

L’affirmation d’une jeune université pluridisciplinaire

La dernière période de l’histoire de l’université d’Angers couvre quatre décennies qui ont vu le paysage universitaire français totalement bouleversé, dans sa géographie, dans son organisation administrative, dans sa philosophie et sa finalité même. Marquée par des secousses, sinon des séismes, l’Université française a connu une profonde mutation. Dans ce contexte, l’université d’Angers a su s’imposer, trouver sa place et affirmer son identité. Après une première décennie où les énergies furent tout entières consacrées à prouver le bien-fondé de l’institution nouvelle, vint le temps de l’expansion puis de l’accession au rang d’université pluridisciplinaire bien implantée sur la carte universitaire.

Chapitre 14

Les premiers pas, les premiers choix (années 1970 et 1980)

Une fois la création de l’université acquise, un autre enjeu de taille attend tous les acteurs de l’aventure : avant même d’en assurer la pérennité il faut d’abord faire la preuve de sa viabilité. Certes, une décision politique majeure a été prise, un acte fondateur essentiel a été posé, mais rien n’est établi. L’université d’Angers existe désormais, mais n’a pas obtenu les crédits correspondant à ce statut. Située au centre d’un périmètre où se trouvent à une distance de quatre-vingts à cent cinquante kilomètres les universités de Nantes, Rennes, Tours, Poitiers et le centre universitaire du Mans, l’établissement doit se distinguer et s’affirmer.

1. Assurer la survie de l’université

1. 1. La mise en place de l’institution (1971-1973)

Loin d’être une fin, la recréation de l’université est un vrai nouveau départ. Après une certaine euphorie, les dures réalités s’imposent. Les premières années, les premières rentrées sont bien laborieuses. L’université entre officiellement en fonctionnement à compter du 1er janvier 1972. Toute cette année est celle de l’installation. Une fois constitué, le Conseil de l’université procède aux nominations et élections nécessaires : conseil de la bibliothèque universitaire, conseil des sports, conseil du service universitaire de médecine préventive…

Élu président du Centre universitaire en 1970, le professeur Rouchy est devenu le premier président de l’université, mais bien vite il souhaite retourner vers son service de gynécologie à l’hôpital. La gestion quotidienne de l’établissement ne le passionne pas et dès le printemps 1972, il envisage de démissionner à l’automne suivant. En octobre, face au refus du Ministère de créer les enseignements demandés, dont un certain nombre de troisièmes années des cursus, il signifie son souhait de ne pas poursuivre son mandat en dressant un constat un peu

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amer : « Que dire de cette université qui ne peut évoluer qu’en ayant recours aux collectivités locales ? » Il estime également « souhaitable que de plus jeunes, et par conséquent plus dynamiques, prennent en mains nos destinées universitaires. » Présent au Conseil de l’université, le maire d’Angers, Jean Turc, lui répond qu’il a gagné « l’estime et la reconnaissance de tous1. »

Le président démissionnaire écrit au préfet : « Je n’ai jamais cru que nous aurions tout et tout de suite […]. Si les enseignements sont refusés parce qu’il n’y a pas d’enseignants et que l’on refuse les créations de postes, je ne vois guère le moyen de résoudre notre problème évolutif2. » Ce sentiment est partagé par beaucoup de ceux qui ont milité pour la création de l’université [Rénier, p. 89]. Dans un rapport d’octobre 1972, le Comité d’expansion économique de Maine-et-Loire exprime tout à la fois sa satisfaction d’avoir contribué à obtenir une université et une certaine déception. Angers figure en effet à un « rang médiocre » au sein des villes universitaires françaises qui « n’est pas rehaussé par un rayonnement intellectuel exceptionnel. » On évoque également « une vétusté pédagogique de certains enseignements », « des universitaires obnubilés par le vieux cadre facultaire » qui ne proposent pas de filières suffisamment tournées vers les besoins du pays angevin. Le professeur de médecine Jean-Claude Rénier démissionne de sa responsabilité de doyen en 1973 en faisant état de « déceptions et désillusions », malgré ses actions très fortes et couronnées de succès pour développer la faculté de médecine. Le député Jean Foyer présente une autre analyse : « La pénurie est générale […]. Il importe que l’université d’Angers réfléchisse à son développement, car il n’est plus possible, à l’époque contemporaine, d’enseigner dans toutes les universités toutes les disciplines. » Voici posée une grande question, peut-être la question essentielle qui accompagne au moins pour deux décennies le développement de l’université.

Henri Legohérel, premier professeur titulaire en droit nommé à la rentrée 1969, vice- président jusqu’à sa démission suivant celle de Rouchy, est élu président de l’université en décembre 1972. Son programme est clair : « Installer l’université et en assurer la promotion. » (fig. 1) Et il y a du travail à faire ! La présidence est hébergée dans les locaux du CES Montaigne (boulevard Cussonneau) où elle dispose de trois bureaux pour le président, le secrétaire général et l’agent comptable. Des réunions peuvent avoir lieu dans le réfectoire du collège, mais pas avant 16 h 00… une fois le ménage quotidien terminé. Le projet d’achat par la ville d’Angers d’un ensemble immobilier rue Saint-Nicolas afin d’y installer les services de l’université est abandonné au profit d’un hôtel particulier sis au 30 de la rue des Arènes. Des travaux d’aménagement sont réalisés et en décembre 1973 la présidence s’y installe avec moins de dix personnes. Tout est allé vite, peut-être un peu trop puisque la vente n’a pas été encore régularisée, ce qui suscite un recours des « anciens » propriétaires. Cette péripétie juridique permet au Courrier de l’Ouest (6 février 1974) de titrer : « Heurts et malheurs de la présidence de l’université d’Angers », …qui n’y est pour rien.

Ne disposant pas de salle de réunion, la présidence ne peut pas accueillir le Conseil plénier de l’université – fort de quelque 60 membres – qui se réunit donc de manière tournante dans les composantes. L’université en compte alors six, dont cinq Unités d’Enseignement et de Recherche : l’UER des Sciences médicales et pharmaceutiques, créée en 1965 ; l’UER de Droit et de Sciences économiques, qui a accueilli un temps une section de lettres avant la création de l’UER de Lettres et Sciences humaines (octobre 1971) ; cette dernière, avec l’UER des Sciences exactes et naturelles a pour vocation essentielle de former les enseignants du secondaire ; l’UER des Sciences et Techniques est une composante à dominante recherche qui ne dispense pas de formation avant la création en 1974 d’une maîtrise sciences et techniques en innovation scientifique, mais qui regroupe dans ses laboratoires presque tous les chercheurs de l’UER de Sciences exactes et naturelles et de l’IUT. Celui-ci, créé en 1966 – départements de Génie électrique et Gestion des entreprises et

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des administrations – est la seule composante qui ne soit pas une UER. De ces éléments, il s’agit de faire un tout. En 1973, le président Legohérel indique que l’université est seule dotée de la personnalité juridique et qu’« elle ne doit, en aucun cas, être une fédération d’établissements plus ou moins autonomes. » Il rappelle que les prérogatives des doyens et facultés d’avant 1968 relèvent désormais du président et de l’université. D’où la volonté de ne laisser en matière d’administration aux UER que les inscriptions et la scolarité3

Le sceau de l’université : du Moyen Âge au XXe siècle

Bien que le vocabulaire ministériel du XXIe siècle commençant ne répugne pas à l’emploi du terme « sceau » et connaisse par exemple des diplômes délivrés sous « simple sceau » et des co-diplômations à « double sceau », les universités contemporaines n’utilisent plus de sceau et n’ont plus aucune activité sigillographique à proprement parler. Pour autant, les sceaux universitaires médiévaux avaient à ce point symbolisé les privilèges des universités et leur constitution en personne morale, comme corporation et comme communauté des maîtres et des élèves, que la réutilisation de leur image s’impose naturellement à l’époque contemporaine aux universités qui peuvent revendiquer une origine médiévale. Elle leur permet à la fois de signifier leur identité, avant que la création graphique des logotypes ne vienne s’imposer dans les années 1990 ; elle leur sert aussi à authentiquer leurs actes administratifs par le truchement d’un timbre humide en caoutchouc.

L’université d’Angers n’échappe pas à la règle. Rien de surprenant à ce que, dans un contexte de refondation qui fait volontiers référence à la tradition universitaire angevine, la nouvelle université d’Angers retrouve naturellement le chemin de son sceau. Dès le début de l’année 1973, on voit apparaître dans sa production documentaire l’empreinte à l’encre grasse d’un timbre reprenant l’image du sceau entourée de la légende « Université d’Angers. Le président. » (fig. 2). Le 23 janvier 1976, une médaille frappée au sceau de l’université est remise par le président Legoherel à son prédécesseur, le professeur Rouchy. Dans les années 1980, le sceau est omniprésent : sur les plaquettes de présentation de l’établissement, sur les brochures de la CUIO (Cellule universitaire d’information et d’orientation), en première page du journal interne Les Ponts, sur des sweat-shirts etc.

Quel sceau ? Le sceau reproduit sur tous ces supports n’est pas le sceau médiéval de l’université. Il s’agit du sceau du recteur et de l’université utilisé aux XVIIe et XVIIIe siècles pour sceller des diplômes, sous différents modules. Le grand modèle correspondait à une empreinte ronde de 77 mm de diamètre, contenue dans une boîte de fer-blanc et appendue sur un ruban de soie violette [René Gandilhon, Sigillographie des universités de France, Paris, 1952, p. 45, n° 9]. On y voit un ange debout, de face, tenant un livre où l’on peut lire, sur deux lignes, I H M A et S A (Jesus Maria). La légende, plus ou moins complète selon les exemplaires conservés, se lit SIGILLUM RECTORIS ET UNIVERSITATIS ANDEGAVENSIS.

Un sceau rond d’un diamètre inférieur (29 mm), à la gravure plus fruste, utilisait la même image [Gandilhon, p. 47, n° 10]. Mais l’université d’Angers, comme d’autres, a usé de multiples sceaux au cours de son histoire, successivement ou concomitamment. On connaît au moins onze sceaux entre le XIVe et le XVIIIe siècle, de forme et de type différents, correspondant à plusieurs catégories de sigillants : personnes morales (université, facultés des arts, de médecine, de théologie), offices universitaires (rectorat), officiers (chancelier). Le sceau de l’ancienne faculté de médecine, figurant l’évangéliste saint Luc écrivant sur un pupitre, fut d’ailleurs utilisé par la faculté mixte de médecine et de pharmacie jusqu’à la fin de l’année 1972.

Le grand sceau médiéval, attesté en 1417, était sans doute le plus intéressant de tous, à cause de sa gravure fine et complexe montrant notamment, en partie inférieure, deux groupes d’étudiants tenant chacun un livre ouvert et écoutant un professeur assis, lisant dans un livre [Gandilhon, p. 46, n° 8]. Ce type iconographique n’est pas sans rappeler le sceau de

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l’université de Paris au XIIIe siècle où l’on voit deux docteurs et quatre écoliers lisant.

Pourquoi ne pas l’avoir choisi ? C’est ici qu’intervient, dans le contexte angevin, un curieux mélange d’histoire et d’érudition. Chronologiquement, c’est en effet à la faculté libre de droit créée par Mgr Freppel en 1875 que se posa en premier la question du relèvement du sceau de l’université d’Angers.

Or, à cette date, le sceau médiéval était inconnu et réputé perdu. C’est à Jules Quicherat que revint le privilège de dévoiler devant la Société nationale des antiquaires de France, dans sa séance du 5 avril 1876, un moulage de ce sceau exécuté sur une empreinte de cire conservée à Berlin. La trouvaille suscita beaucoup d’intérêt et fut largement diffusée : elle fut présentée en janvier 1877 dans le Magasin pittoresque, la revue de vulgarisation de l’ancien Saint-Simonien Édouard Charton ; Célestin Port la publia dans son édition des statuts des facultés de l’université en 1878 [Port, 1878] ; un deuxième moulage fut exposé au musée archéologique de l’hôpital Saint-Jean, avant de gagner les collections du musée des archives départementales. On put l’y admirer jusqu’en 1964.

Entre-temps les facultés libres de l’Ouest avaient déjà opté pour le sceau du XVIIe siècle, d’abord dans la version issue du petit module [Gandilhon, n° 10], puis dans celle du grand sceau [Gandilhon, n° 9], rapidement figée dans la pierre sculptée du fronton de la façade principale de leur palais universitaire. L’usage de ce sceau par les facultés libres d’Angers pendant presque cent ans contribua à le confirmer dans son statut de sceau historique. De ce point de vue, l’implantation à l’entrée de la salle du conseil de la nouvelle présidence de l’université d’Angers d’un haut relief en bois représentant le sceau marque la fin d’un cycle.

(fig. 3)

Patrice Marcilloux Une université digne de ce nom se doit d’offrir à ses étudiants et à ses enseignants- chercheurs une bibliothèque permettant de soutenir l’enseignement et la recherche. Elle a certes récupérer le fond ancien de la bibliothèque de droit de la faculté libre acheté par Jean Turc, mais le nombre de mètres carrés et le crédit-livre par étudiant sont insuffisants. En 1973, le Conseil de la bibliothèque universitaire envoie au préfet un exemplaire du Livre noir des bibliothèques universitaires publié par l’Association des bibliothécaires français, accompagné d’un état de la situation locale. Les bibliothèques de sections pharmacie- médecine (470 m²) et droit-lettres-sciences (400 m² dans des préfabriqués) sont notoirement insuffisantes, tout comme le personnel qui en est chargé4. La presse se fait l’écho de la situation : « La pauvreté de sa bibliothèque met en péril l’université d’Angers » ; « Un point noir dans le firmament déjà bien sombre de l’enseignement supérieur angevin5. » La solution réside dans la construction de bâtiments nouveaux. En janvier 1974, l’État accepte la cession à titre gratuit par la ville d’Angers d’un terrain situé chemin des Capucins en vue de l’implantation d’une bibliothèque pour l’UER Sciences médicales et pharmaceutiques et d’un autre sis rue Lakanal pour y implanter la BU polyvalente (fig. 4). Mais cette acceptation ne vaut pas engagement d’un financement et donc de construction à brève échéance...

Le financement de l’université est problématique car l’État fait reposer sur les collectivités locales une part très importante des charges financières de construction, d’équipement et de fonctionnement. À la rentrée 1974, 25 % du budget de 200 millions de francs (dépenses, rémunérations, entretiens et recherche) sont à la charge de la ville d’Angers et du Conseil général de Maine-et-Loire. Ce qui assure le financement d’un certain nombre d’enseignements et la rémunération d’enseignants de droit et surtout de lettres venant des universités voisines. En 1974, 82 % des enseignements de l’UER de Lettres et sciences humaines ne relèvent pas budgétairement de l’État. Cette situation pose la question des relations entre les composantes et la ville d’Angers. Le président Legohérel rappelle au maire que l’université doit être son unique interlocuteur et que la ville ne doit pas avoir de relations

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avec les UER qui la composent, ce qui est difficilement tenable au vu de la situation. En effet, les responsables de l’UER des Lettres sont bien conscients que sans l’aide des collectivités locales, « toute tentative d’implantation profonde serait vouée à l’échec » et ils tiennent à montrer que les crédits alloués par le Conseil général et la ville sont bien utilisés6. L’essentiel du travail concernant le financement de l’université est réalisé par la Commission mixte de liaison de l’enseignement supérieur, créée en 1971 et présidée par le préfet, où siègent des élus du Conseil général, des municipalités d’Angers et Cholet et du District urbain d’Angers.

L’université est représentée par son président, le secrétaire général et l’agent comptable. La commission établit les budgets à partir de propositions envoyées par l’université. Dans un contexte de crise économique générale et de réduction des crédits de l’État à partir de 1974, l’engagement des collectivités locales assure la survie de l’université.

1. 2. Une identité à définir

Pendant tout le mois d’août 1974, Le Courrier de l’Ouest propose une série d’articles intitulée « L’université d’Angers et votre avenir » (fig. 5). Toutes les nouveautés de la rentrée 1974, composante par composante, sont passées en revue notamment les ouvertures de formations qu’il n’est pas possible dans le cadre de cet ouvrage de suivre année par année. Le nombre de 5 000 étudiants est tout juste atteint à la rentrée 1974 avec un recrutement « en 8 » : peu d’étudiants viennent de la vallée de la Loire en raison des attractions de Nantes et de Tours ; en revanche de nombreux étudiants sont originaires des départements de la Mayenne, de la Vendée et des Deux-Sèvres. Les formations « municipales », ouvertes avec les crédits de la ville, sont dans la plupart des cas habilitées sous le couvert de l’université de Nantes. Les bonnes relations entre les deux institutions voisines supposent « que la progression d’Angers se réalise en harmonie avec ce qui se fait à l’université de Nantes et du centre universitaire du Mans. » La présence sur place des enseignants est une autre condition du développement de l’université. En juin 1973, le Conseil indique que « les candidatures aux emplois d’enseignants ne seront acceptées que sous réserve de prendre l’engagement de résidence effective à Angers, sauf cas exceptionnel après avis du Conseil7. » Mais les déclarations ne seront pas toujours suivies d’effet. Les statuts de l’UER de Droit et sciences économiques stipulent que l’un des deux assesseurs du doyen « doit résider sur place. » L’engagement des enseignants dans l’encadrement pédagogique et les tâches administratives est en effet essentiel pour assurer la bonne marche de l’institution et sa visibilité dans la ville. Certains enseignants titulaires assurent deux ou trois fois leur obligation de service, la licence et la maîtrise de physique sont ainsi mises en place sans rémunération pour les enseignants.

Les relations avec l’UCO constituent une question sensible que la signature d’une convention régissant les rapports entre les deux établissements était censée apaiser. Mais dès janvier 1972, le président Rouchy estimait qu’un tel texte serait bien délicat à obtenir. En effet, malgré la transformation des facultés libres en instituts, « il subsiste une sérieuse ambigüité sur les programmes. » L’université ne veut pas que les contenus des enseignements des instituts soient identiques à ceux des UER. La persistance de l’UCO de ne pas seulement dispenser des formations pédagogiques mais également de préparer aux diplômes nationaux crée une dualité avec l’université qui pose notamment la question des moyens attribués par les collectivités locales pour des formations en doublons. Jean Foyer est régulièrement tenu au courant des négociations ; Jean Turc appelle de ses vœux « une coopération possible et souhaitable. » De son côté, la presse estime que l’IUT est un « fief de l’opposition » à un accord avec l’UCO.

Finalement, aucune convention générale n’est signée, mais simplement un accord pour que l’université fasse passer aux étudiants de l’UCO leurs examens8. Ce qui entraîne le mécontentement de certains enseignants de l’université : des étudiants de la Catho s’inscrivent

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en DUEL à Nantes ou au Mans, suivent les cours à l’UCO mais la charge de leur faire passer des examens leur revient alors qu’ils ne sont déjà pas assez nombreux pour assurer leurs tâches à l’université… Rouchy signale au préfet qu’il « paraît assez curieux que les collectivités locales fournissent des subventions à des organismes qui augmentent le nombre des étudiants de Nantes et du Mans9. » Si une convention générale ne peut aboutir, des accords ponctuels sont néanmoins trouvés. Par exemple, lors de la mise en place des DEUG à la rentrée 1973, l’université est habilitée à délivrer celui de psychologie, mais s’engage à ne pas créer cet enseignement pour ne pas concurrencer celui de l’UCO.

L’université doit entretenir des relations avec les autres institutions locales. Depuis longtemps, la formation médicale présente à Angers entretient des rapports étroits avec l’hôpital. En 1973, une convention est signée entre le Centre Hospitalier Régional et l’université d’Angers qui formalise les relations entre l’hôpital et la faculté de médecine. Ce texte fonde pour longtemps un partenariat fécond dans le cadre de l’ordonnance de 1958 créant les CHU. Des enseignements conjoints sont dispensés à l’hôpital et à la faculté aussi bien dans la formation initiale que post-universitaire.

Située dans un environnement universitaire particulier localement et dense au plan régional, les responsables de l’université s’interrogent très vite sur une identité capable d’assurer sa pérennité. En 1973-1974, partant du constat qu’Angers se situe au cœur d’une grande région agricole, connue à l’échelle européenne pour son arboriculture et son horticulture, le président Legohérel propose de construire « l’Université Verte ». Il lui apparaît « naturel d’orienter l’université dans toutes ses disciplines vers ce secteur dominant de l’économie régionale, d’autant qu’aucune université française n’a manifesté jusqu’à ce jour un choix semblable10. » Déjà en 1969, il avait évoqué cette idée d’une spécialisation rurale dans une lettre à Edgar Faure11. Cette spécificité nécessite la coordination avec les autres établissements d’enseignement agricole, horticole et de recherche agronomique, tant privés que publics, existant à Angers. Afin de piloter la réflexion, un service commun est créé auprès du président, « seul aspect institutionnel de l’Université Verte qui devra rester avant tout la volonté commune d’accomplir ensemble une œuvre nouvelle utile et durable12. »

L’Université Verte provoque un arc-en-ciel de réactions : peut-être est-ce pour l’université la promesse de « la vie en rose » ? Du côté de certains enseignants, « on rit jaune », pour d’autres « le président ne voit que du bleu », etc. Il faut ajouter à ce scepticisme la crainte du ministère de l’Agriculture de se voir déposséder de sa compétence en matière d’enseignement agricole. Á la rentrée 1974, le président propose de « composer un corpus pédagogique intéressant l’agriculture. » Un dossier préparatoire des « activités spécifiques actuellement envisagées » pour aller vers l’Université Verte est remis au secrétaire d’État en décembre 1974. Il présente notamment les orientations des formations et de la recherche vers le droit rural, la géographie rurale, la physiologie végétale, les plantes médicinales, la biologie végétale… En 1973, l’abbé Corillon, maître de recherche au CNRS, n’a-t-il pas fait don à l’université d’un terrain d’un hectare et demi situé à Beaulieu-sur-Layon, considérant que le laboratoire de biologie végétale de la faculté des sciences et techniques du professeur Monique Astié était le plus apte à étudier et à conserver la diversité végétale de cette parcelle13 ?

Malgré le déficit criant en moyens pédagogiques, l’université n’oublie pas la recherche. « Il n’y a pas d’université vivante, prospère et rayonnante sans une recherche active et féconde » écrit le président Legohérel au préfet. Selon lui, « la renommée scientifique de l’université d’Angers passe par l’essor de l’UER Sciences et techniques » qui dispose de trois professeurs. La création d’un DEA « productions végétales » est demandée pour la rentrée 197514.

1. 3. Une crise multiforme (1975-1976)

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Face à la pénurie de postes administratifs et d’enseignants sur laquelle s’appuie le Ministère pour refuser l’ouverture de formations de second cycle, en février 1975, le Conseil de l’université menace de démissionner si trois de ses revendications ne sont pas satisfaites : l’attribution de dix postes pour le droit et les lettres ; un programme de rattrapage du déficit des personnels enseignants et administratifs ; la reconnaissance des seconds cycles en histoire, géographie et sciences économiques. La réponse du secrétaire d’État aux Universités, Jean- Pierre Soisson, est que l’université doit choisir les formations qu’elle entend développer – c’est-à-dire pas toutes – et une spécificité. Le secrétaire d’État veut un plan de développement des universités basé sur des filières originales : « Définissez un programme orienté notamment vers le monde rural et un contrat sera passé avec l’université d’Angers », et de conclure : « C’est un Bourguignon qui dit aux Angevins : Allez-y ! » Une ébauche de projet est à présenter avant avril ! Le président Legohérel est prêt à proposer quelque chose puisque le concept d’Université Verte existe. Mais les revendications immédiates de l’université ne sont pas prises en compte, ce qui entraîne les démissions des conseils des UER de droit et de lettres (27 février), la grève et des manifestations de la part des étudiants avec pour slogans :

« Des sous, des profs, des locaux », mais aussi : « Non aux universités régionalisées spécialisées. » La presse qui compte 2 000 étudiants dans les rues s’interroge : « L’université d’Angers est-elle condamnée à mort ? » La CFDT et la CGT qui participent activement aux débats au sein du Conseil de l’université – et trouvent qu’on n’y avance pas assez vite pour développer l’université – sont très présentes dans le mouvement. De leur côté, les élus des collectivités locales soutiennent les efforts de l’université et expriment « leurs souhaits de voir l’université organiser des filières d’études préparant les étudiants à l’exercice de responsabilités professionnelles15. »

Un « Plan de survie » qui évalue à quarante-huit le nombre de postes nécessaires pour les enseignements existants est voté par le Conseil de l’université le 21 mars 1975. Il s’agit également de développer des enseignements professionnalisant sans sacrifier l’enseignement général. L’Université Verte étant un cadre privilégié pour des enseignements particuliers, mais non exclusifs des autres. Le volet recherche du projet est mis en avant comme susceptible d’apporter à l’université une reconnaissance par les grands organismes de recherche tels l’INRA et le CNRS et une visibilité au niveau national. Mais la mobilisation ne faiblit pas et Le Monde de l’éducation s’intéresse aux « grands déboires d’une petite université. » L’occupation de la présidence de l’université et de la mairie par des étudiants et des enseignants (17 avril) aux cris de « Soisson, ne perd pas tes facultés ! » provoque un télex du secrétariat d’État indiquant des dotations supplémentaires exceptionnelles. L’État accorde des postes et davantage de crédits de fonctionnement pour les années à venir : « Ainsi pourra s’inscrire dans un calendrier précis le développement rationnel de l’université d’Angers. » Jean-Pierre Soisson se félicite « du travail rapide et constructif qui a permis l’élaboration du plan de développement », loue la « qualité du document, l’un des premiers établis par une université française. » Il promet aux élus locaux « d’intervenir de manière exceptionnelle en faveur de l’université » ; la construction d’un ensemble de bâtiments Droit-Lettres et d’une BU pourrait même faire l’objet d’une autorisation de programme de 50 millions de francs…

Globalement, les cours reprennent (23 avril), cependant la crise persiste l’IUT – qui est à la pointe de la contestation avec des militants très engagés – car il n’a pas obtenu les moyens supplémentaires réclamés. La démission de sa directrice provoque une vacance du poste qui dure jusqu’en 1977. Entre-temps, l’IUT vit au rythme des assemblées générales et des motions, une certaine pratique autogestionnaire s’instaure. À la fin de l’année 1975, un rapport confidentiel du préfet insistait sur les « graves problèmes sur le plan des effectifs enseignants » qui est avec raison la « revendication essentielle de l’université. » Il déplore aussi le développement d’activités gauchistes et craint que le futur président de l’université

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n’appartienne à ce courant. En février 1976, des suspensions d’enseignements et des grèves agitent les UER de sciences et de droit. Tous les protagonistes identifient un manque de moyens où le recteur ne voit qu’une mauvaise gestion des moyens due à l’absence de directeur. Le Conseil plénier du 6 mai déplore l’obtention de quelques postes seulement et réclame la mise en application du « plan de survie. » Le départ du président Legohérel, nommé recteur à Besançon en juillet, marque un tournant dans la crise, mais ne l’éteint pas.

Lorsqu’un poste est supprimé à l’IUT ainsi que des heures complémentaires, La Nouvelle République se demande : « Pourquoi cet acharnement contre l’IUT d’Angers ? » (3 octobre 1976). Enseignants et étudiants se mobilisent, mais aussi leurs parents qui écrivent de nombreux courriers aux élus locaux16.

Les dissensions créées par deux années particulièrement difficiles laissent des traces au sein de l’université et élire un président dans ces conditions n’est pas aisé. En septembre 1976, l’élection est reportée et le recteur nomme un administrateur provisoire en la personne du professeur Jean Jollivet, chef du service de parasitologie, qui assure la rentrée 1976 d’une

« université mal dans sa peau » (Ouest-France). En novembre, des enseignants, des étudiants, les représentants CGT et CFDT refusent de participer au vote en invoquant diverses raisons : soutien à l’IUT, soutien d’un candidat qui n’est pas membre du Conseil d’université et n’a pas obtenu les deux tiers des voix du Conseil pour pouvoir se présenter. Le quorum n’étant pas atteint, l’élection est reportée sine die au grand dam des élus présents qui estiment que l’université se déconsidère par ce genre d’attitude et signent un appel à la responsabilité de chacun et de tous. Enfin, en décembre 1976, Jean-Claude Rémy, quarante ans, professeur de chimie arrivé à Angers en 1968, vice-président depuis 1972, est élu avec le soutien des collectivités locales. Tous les observateurs s’accordent pour dire que l’élection a été très politisée et que la gauche a perdu la partie.

2. Des voies tracées pour le développement de l’université 2. 1. De bonnes relations avec les partenaires locaux

Le Comité d’expansion économique de Maine-et-Loire estime en novembre 1976 que l’université d’Angers doit répondre à quatre fonctions : formation initiale, formation continue, recherche et animation socioculturelle. Le rapport pointe que « l’université est actuellement confrontée à trois problèmes essentiels : des fonctions mal définies et mal hiérarchisées, des moyens insuffisants ou mal répartis, des structures inadaptées17. » L’élection à la présidence de l’université en 1976 est également propice au débat sur les orientations à donner. La question globale qui en porte beaucoup d’autres est de savoir si l’université doit choisir quelques domaines de formation et de recherche et concentrer ses moyens sur eux ; ou si, malgré sa petite taille (à peine 6 000 étudiants), elle peut grandir en développant l’ensemble des domaines. En 1976-1977, les collectivités locales et l’université demandent de nouveau la création d’une UER d’Éducation physique et sportive, déjà réclamée au début des années 1970. Mais les équipements sportifs existants – ceux de la ville – sont insuffisants.

Tableau 10 : Les effectifs étudiants (1976-1981)

1976-1977 1978-1979 1980-1981

Nombre d’étudiants 5 926 6 797 7 219

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Le président Rémy estime que la présence des facultés libres de l’Ouest est une chance pour l’université car, avec également d’autres établissements, elle renforce la présence universitaire à Angers. D’où sa volonté d’entretenir de très bonnes relations avec cet établissement, par des réunions de concertation qui se déroulent toujours chez le recteur de l’UCO : c’est un peu « le petit jeune qui va voir les anciens. » En ce qui concerne les formations, au nom de la complémentarité et de la non-concurrence, le modus vivendi l’emporte : le droit à l’université, la psychologie à l’UCO. Cette politique a aussi pour but de ménager de bonnes relations avec le Conseil général et avec le sénateur Sauvage, très attachés à l’UCO. Après avoir souhaité que l’université d’État n’existât pas, il fallait qu’ils se rendent compte qu’elle n’était pas un antre anticatholique pour accepter de l’aider à se développer… d’où la politique suivie par le président Rémy.

Une autre donnée importante du développement de l’université est la politique universitaire de la nouvelle municipalité d’Angers élue en mars 1977. Le maire socialiste Jean Monnier a siégé au Conseil de l’université en tant que représentant syndical et connaît bien les données de la question. Il confie à son adjoint Jacques Laugery, maître-assistant en géographie à l’université, le soin de suivre les affaires scolaires et universitaires. Pour la ville, l’engagement dans le développement de l’université est important depuis Jean Turc. Outre les financements accordés, une quarantaine de postes municipaux est affectée à l’université et lui est indispensable dans certaines filières. La Chambre régionale des comptes fait régulièrement remarquer la singularité de cette situation. Par ailleurs, des bâtiments de la ville hébergent l’université : ainsi les locaux prévus à Belle-Beille pour une cuisine centrale scolaire jamais mise en fonctionnement sont dévolus à la faculté de droit. La ville fournit de nombreux préfabriqués libérés par la restructuration des écoles primaires. Le provisoire s’installe d’autant plus dans le temps qu’une réflexion est engagée sur le meilleur site à choisir pour construire des bâtiments en dur.

En ce qui concerne l’animation socioculturelle, l’université entend répondre aux attentes des collectivités locales et en particulier de la ville d’Angers. En juin 1978, une exposition présente à la présidence les œuvres d’une quinzaine d’universitaires et de personnels administratifs : sculptures, macro-photographies végétales, huiles et aquarelles, reliures et collages. Il convient également de faire naître un sentiment d’appartenance à l’université. Une des initiatives prises pour aller dans ce sens est le lancement d’une publication interne en mai 1977. Son titre, Les Ponts, marque la volonté de relier la présidence, située rue des Arènes sur la rive gauche de la Maine aux différentes composantes situées sur la rive droite sur les campus de Belle-Beille et de médecine-pharmacie.

2. 2. Formation continue et formations initiales professionnalisantes

Dès la création de l’IUT en 1966, la formation continue est présentée comme l’une de ses activités et c’est dans cet établissement que Maurice Rivoire et d’autres organisent une Mission Formation Continue. En 1972, le Comité d’expansion et les syndicats appellent de leurs vœux le développement de la formation continue et la mise en place d’une formation de formateurs d’adultes. C’est chose faite dès la rentrée 1973 ; la même année un premier guide de la formation continue récapitule les stages et les possibilités offertes aux entreprises. Très vite, les demandes d’inscriptions sont bien supérieures au nombre de places. Alors que les moyens alloués à l’IUT sont insuffisants, l’établissement assure 90 % des heures de formation continue et estime que cette activité est trop dévalorisée au sein de l’université. Afin de rationnaliser ces enseignements, un conseil de service commun de formation continue est créé en 1975, mais il n’est toujours pas élu en décembre 1976. Le Conseil de l’université indique que s’il faut certes continuer à faire de la formation continue pour des personnes qui en ont besoin et qui sont parfois non-solvables, il faut également proposer des offres répondant aux

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besoins des entreprises capables de les financer. En 1978, la construction d’un bâtiment pour le nouveau Centre Universitaire de Formation Continue (CUFCO) dans la cour de la présidence est un tournant important (fig. 6).

Dès les premières années de l’université, la question de l’adaptation des formations initiales aux débouchés potentiels pour les étudiants ne se destinant pas à l’enseignement secondaire est posée. Une maîtrise sciences et techniques (MST) « innovation scientifique et technique » est développée au début des années 1970. Dès 1973, tous les étudiants de la faculté des lettres et sciences humaines peuvent suivre des cours de dactylographie en vue d’un débouché vers le secrétariat de direction. Des filières professionnalisantes sont ouvertes : administration économique et sociale (AES) en 1973 et langues étrangères appliquées (LEA) en 1974. La même année, un troisième département ouvre à l’IUT : biologie appliquée (génie biologique). Un institut d’études judiciaires prépare au premier concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature et au certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Le centre de préparation aux concours administratifs (CPCA) vise les concours de niveaux A et B de la fonction publique. Le Centre universitaire régional d’études municipales (CUREM), issu d’une convention entre le Centre de formation des personnels communaux et l’université vise la promotion professionnelle des agents. Dans un contexte de crise économique, le Conseil d’université s’interroge : les formations dispensées sont-elles inadaptées aux débouchés ou ne seraient-ce pas plutôt les débouchés qui sont trop peu nombreux au regard du nombre d’étudiants ?

Représentant les petites universités de création récente et pluridisciplinaires à la CPU (conférence des présidents d’universités) et membre du Conseil économique et social régional, Jean-Claude Rémy est convaincu que l’université d’Angers, jeune et petite, risque de disparaître car elle n’a pas de spécificité ni de domaines d’excellence. D’où l’idée de cibler des domaines en nombre limité en recherche et surtout de développer la professionnalisation.

En somme, fonder l’excellence de l’université sur la préparation à l’emploi. Pour cela, il est nécessaire de forcer les seconds cycles. En quelques années, plusieurs maîtrises sont créées en LEA, AES, biologie appliquée aux productions végétales, contrôle et gestion de la qualité ; des DESS également, collectivités territoriales par exemple. Ces formations obtiennent une reconnaissance rapide et recrutent des étudiants dans l’ensemble de la région Pays-de-la- Loire. En juin 1976 le Conseil d’université fait le point sur ce que chaque UER propose pour préparer les étudiants à l’emploi : le droit est montré en exemple. Une plaquette présentant les formations intitulée « Université d’Angers. La préparation à l’emploi » est diffusée avec cette maxime : « Éduquer, c’est donner les moyens de s’épanouir notamment dans l’exercice d’une profession. »

2. 3. Les premières orientations de la recherche

À l’UER des Sciences médicales et pharmaceutiques existent en médecine des laboratoires d’anatomie, de bactériologie et virologie, de biochimie, de biophysique, de cancérologie, d’immunologie, d’histologie, embryologie et cytologie, de parasitologie, de pharmacologie, de physiologie. Sans compter les publications des services cliniques : cardiologie, rhumatologie, urologie, dermatologie, etc. Dès les années 1970, les doyens Rénier et Émile accordent une grande attention au développement de la recherche et réussissent à faire venir à Angers, en leur donnant des moyens, des chercheurs qui vont développer des laboratoires. En pharmacie existent des laboratoires de chimie organique, de physique et le centre d’études des plantes médicinales18. Ce dernier laboratoire a été créé en 1958 et favorise la coopération entre recherches pharmaceutiques, industries et producteurs locaux, notamment autour de Chemillé [Baranger et allii]. Il travaille sur les plantes de la région, les huiles essentielles, la pervenche de Hongrie et le pavot médicinal très utilisés dans

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la recherche contre le cancer. À partir de 1967, le centre publie la seule revue spécialisée en ce domaine en langue française, Plantes médicinales et Phytothérapie, qui compte des abonnés dans toutes les parties du monde (fig. 7). Entre 1975 et 1977, un Institut des plantes médicinales est construit avenue de l’Hôtel-Dieu, entièrement financé par le Conseil général et la ville (60 %) et la région (40 %).

Dans les disciplines scientifiques, les premiers laboratoires ont été montés dans les années 1960 en lien avec le CSU et l’IUT et souvent autour d’un seul enseignant-chercheur : laboratoire de chimie organique de Lucien Gouin, laboratoire d’optique non linéaire de Geneviève Rivoire, laboratoire de physiologie végétale de Monique Astié. Dans les années 1970, s’y ajoutent des laboratoires de biologie animale, de physique des ultrasons, d’énergétique, de physico-chimie minérale et de thermodynamique, de physiologie animale, de géologie. Au début des années 1970, la recherche n’existe qu’en médecine-pharmacie et en sciences (fig. 8). Les facultés de lettres et de droit, d’implantation plus récente et pratiquement sans enseignants-chercheurs titulaires, n’ont pas encore de véritables équipes de recherche.

Un premier document présentant la recherche sur l’ensemble de l’université est réalisé en 1974. Mais en novembre 1976, le constat du Comité d’expansion économique de Maine-et- Loire, conscient que « la présence d’unités de recherche constitue aujourd’hui un support essentiel du développement d’une région », est réaliste. Malgré les laboratoires de médecine dont certains ont une audience régionale voire nationale et des domaines prometteurs (plantes médicinales et biologie végétale), pour la recherche, « l’image de marque de l’université d’Angers est très faible. »

Dans ce contexte, le président Rémy veut faire reconnaître l’université à la région et à Paris. La commission développement économique et emploi qu’il préside au sein du Comité économique et social de la région, crée une ligne budgétaire consacrée à l’aide à la recherche et à l’aide à la formation. En 1978 est activé le Comité régional de la recherche – qui constitue une nouveauté en France – permettant d’envisager la structuration de la recherche dans les Pays-de-la-Loire en réservant une place importante à Angers. Afin d’accompagner ce développement, l’université se dote en 1978-1979 d’un Centre de Calcul (CCUA) qui a pour missions la recherche, l’enseignement en informatique et les travaux de gestion. Des services communs de microscopie électronique et de spectroscopie infrarouge voient le jour, financés essentiellement par les collectivités locales. Les premiers titres des Presses de l’Université d’Angers (PUA) sont publiés en 1979. Il s’agit surtout d’actes de colloques en littérature, études anglophones et histoire religieuse qui permettent aux PUA de soutenir la recherche en lettres, notamment le Centre de recherches en littérature et linguistique de l’Anjou et des bocages de l’Ouest créé en 1978 par Georges Cesbron. Le catalogue compte vingt-huit titres en 1986.

Le développement de la recherche passe également par la formation doctorale. Saisi d’une demande de création d’un diplôme de doctorat ès sciences de l’université d’Angers en 1979, le conseil scientifique exprime des hésitations quant au positionnement de l’institution sur le plan national. Université jeune, Angers doit être exigeante et ambitieuse pour être crédible. Le conseil reste donc attaché au doctorat d’État. Trois ans plus tard, la valeur scientifique du doctorat d’université est unanimement reconnue au sein du conseil, qui se montre soucieux de doter l’université d’un diplôme de haut niveau. Le titre de docteur de l’université d’Angers est donc créé en 1982. À partir de 1984, le doctorat nouveau régime est mis en œuvre à l’université d’Angers comme dans toutes les universités françaises.

Sur le plan du financement, en 1981, les moyens de fonctionnement de la recherche à l’université sont assurés à 45 % par le Ministère, à 15 % par les grands organismes de la recherche sur des contrats, à 30 % par les industries là aussi sur des contrats et à 10 % par les collectivités. En revanche, la part de ces dernières dans les investissements monte à 30 %, la même part étant assurée par le Ministère et 40 % par les établissements publics et les grands

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organismes de recherche. Lors du IXe contrat de plan État-Région, le conseil scientifique estime l’enveloppe d’investissement annuel qui, « on peut raisonnablement le considérer, en la comparant à celle des universités voisines, devrait être multipliée par trois dans les proches années à venir. »

Les crédits ministériels destinés à la recherche se répartissent entre l’entretien des infrastructures (A), le soutien à la recherche de base (B) et la mise en œuvre d’une politique scientifique (C). Dans cette dernière rubrique, le conseil scientifique décide de renforcer les moyens des équipes associées avec les grands organismes. Il décide également d’accorder un soutien temporaire aux programmes qui, en raison de leur nouveauté, de leur pluridisciplinarité et de leur ouverture sur les besoins socio-économiques régionaux ne peuvent pas prétendre à une reconnaissance nationale, mais sont essentiels pour l’ancrage local et le développement futur des domaines spécifiques de recherche.

Tableau 11 : Répartition en francs des crédits ministériels « recherche » entre les UER de l’université

A B C Total

Médecine

Pharmacie 99 720

46 310 76 150

53 370 116 330

54 030 292 200 135 710 Sciences et techniques 78 720 60 100 101 820 240 640 Sciences exactes et naturelles 38 970 29 760 45 460 114 190 Lettres et sciences humaines 5 640 4 310 8 780 18 630 Droit et sciences économiques 5 640 4 310 8 680 18 630

Total 275 000 210 000 335 000 820 000

Source : Conseil scientifique du 25 septembre 1979 préparant le budget 1980

Cependant, les laboratoires de l’université manquent de reconnaissance : c’est un handicap d’être née trop tard car les grands organismes ne labellisent plus guère de laboratoires. De même aux importants crédits des années 1960 ont succédé les restrictions budgétaires des années 1970. L’image d’une recherche « mosaïque » semble tellement néfaste pour l’université que le conseil scientifique ajourne en 1979 la publication d’un guide des structures de recherche qui desservirait les intérêts de l’institution. Face au manque de structuration en droit et lettres et à l’éclatement en sciences et médecine-pharmacie – où l’on répertorie plus de 70 « équipes » de recherche comprenant de deux à cinq chercheurs plus un ou deux techniciens –, le conseil scientifique définit une politique en 1981. Il s’agit de

« promouvoir un nombre limité d’équipes ou laboratoires en fondant son choix sur la dynamique, la compétence et les résultats actuels. De telles équipes méritent le label de centre d’excellence » ; de « favoriser le regroupement du potentiel universitaire sur un nombre de thèmes choisis en fonction des vocations naturelles de l’université d’Angers » ; de « créer des services communs gestionnaires des équipements lourds dont l’université d’Angers se dote progressivement. »

Structurer solidement la recherche, créer des pôles d’attraction, des axes stratégiques, des secteurs prioritaires, dégager des points forts : ces recommandations ministérielles sont débattues à chaque réunion du conseil scientifique qui tente de les concilier avec la vocation pluridisciplinaire de l’université et avec la nécessité de laisser place aux initiatives prometteuses de chercheurs ou de petites équipes. La négociation des contrats de plan État- Région impose, de même, l’affichage d’un nombre restreint d’axes de recherche et leur

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adéquation avec les thèmes régionaux définis par l’EPR. Difficile, dans ces conditions, de définir des priorités scientifiques à long terme. Un document de synthèse rédigé en 1983 recense 357 enseignants-chercheurs et met en évidence trois équipes associées au CNRS (en médecine, en physique et en géographie), neuf équipes recommandées pour l’association avec un grand organisme et neuf programmes de recherche soutenus par le Ministère. Lors de la préparation du contrat quadriennal « recherche » de 1984, la pression de la structuration est telle que les membres du conseil scientifique sont chargés d’une mission d’information et d’incitation au sein de l’université dans le but de favoriser les nouvelles complémentarités et passerelles entre les différents secteurs. Six axes forts de recherche sont identifiés : neurobiologie ; productions agricoles dans l’environnement naturel, juridique et social ; matériaux ; génie biologique et médical ; biologie et pathologie des tissus calcifiés ; transformations sociales, spatiales et culturelles de l’Anjou. Parmi ceux-là, le pôle rural et agricole est le seul à réunir des recherches dans tous les secteurs : plantes médicinales (médecine-pharmacie), productions végétales et cultures in vitro, pollution des végétaux et analyse des substances d’origine agricole (sciences), gestion de l’exploitation agricole, commercialisation, aménagement du secteur rural (droit, sciences économiques et sociales), géographie des changements sociaux et culturels dans la région, études des industries agro- alimentaires et tertiaires agricoles (sciences humaines). La contractualisation de ce quadriennal est présentée comme une politique de responsabilisation car toute demande doit reposer sur un potentiel et des résultats. Elle est également un instrument de politique scientifique car les orientations thématiques des axes forts prennent en compte la spécificité de la recherche universitaire par rapport à celle des organismes nationaux de recherche, c’est- à-dire sa décentralisation et son insertion dans un contexte régional auquel l’université d’Angers reste fortement attachée.

Tout cela implique une attention particulière portée aux aspects de transfert dans le tissu économique, par le biais de contrats de recherche et de valorisation, mais aussi par l’implication dans des structures locales. L’université adhère ainsi au Pôle de recherche et d’innovation à Angers (PRIA), créé par la Chambre de commerce et d’industrie d’Angers en 1982 dans le but de renforcer les liens entre la recherche, l’enseignement supérieur et les entreprises. Au sein du PRIA, un pôle de physiologie végétale se constitue sous l’impulsion de la délégation régionale à la recherche et à la technologie qui incite les différents acteurs – université, INRA, LRPV – à présenter un rapport commun au sujet de la culture in vitro. Les présidents du pôle végétal, successivement issus de l’université, de l’INRA ou des entreprises du végétal sont attachés à une stratégie commune pré-compétitive qui laisse une place importante à la recherche de connaissances, de méthodes et d’outils que les entreprises peuvent ensuite développer dans une démarche d’innovation. La recherche dans le domaine des productions végétales et de l’environnement à l’université s’affiche dorénavant comme partie prenante de cet ensemble collaboratif local qui recouvre à la fois l’étude du végétal et son exploitation industrielle.

2. 4. Construire à Belle-Beille ou en centre ville ?

Les premières promesses du Ministère de débloquer des crédits d’étude pour la construction d’un ensemble Droit-Lettres – priorité établie par l’université dès 1973 – datent de 1973-1974. Lors de la crise de 1975, Jean-Pierre Soisson avait réitéré l’engagement de l’État d’assurer le financement des bâtiments dont l’implantation était prévue à Belle-Beille.

Le site de la ZAC Ouest (Lac de Maine) est évoqué en 1975-1976, mais pose la question de l’implantation de la BU : à Belle-Beille auprès des UER de Sciences et de l’IUT ou au Lac de Maine auprès des UER de Lettres et de Droit ?

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Le changement de majorité municipale lors des élections de 1977 à Angers apporte alors une donnée nouvelle car Jean Monnier estime que l’université doit être intégrée au cœur de la ville. Dans le même temps, la nouvelle municipalité entend stopper un projet de centre culturel qui devait être bâti sur les terrains des anciens Haras rétrocédés à la ville par le Conseil général. Faisant d’une pierre deux coups, Jean Monnier propose les terrains des Haras à l’université (fig. 9). Par ailleurs, la proximité géographique avec l’UCO semblait le gage d’une complémentarité plus grande en évitant la concurrence. En octobre 1977 le Conseil de l’université se prononce par vingt-sept voix pour une implantation aux Haras, tandis que le projet de construction à Belle-Beille recueille vingt-deux voix. Le vote reflète l’opposition entre deux camps. Les uns invoquent des problèmes de stationnement et de circulation en centre ville, les autres la nécessité de construire un ensemble à côté de la gare afin de faciliter la vie quotidienne des enseignants-chercheurs venant de Paris. Des tribunes « pour » ou

« contre » sont publiées dans la presse, des « sondages » sont organisés auprès des étudiants.

Le Conseil général rappelle de son côté qu’il a cédé à la ville les terrains pour y construire un centre culturel et demande le respect de l’engagement pris. L’État indique que sa participation financière est conditionnée à l’exécution du programme sur le campus de Belle-Beille. Tous s’accordent néanmoins pour dire que le plus urgent est de construire et de ne pas retarder encore l’opération19. La décision revenant au recteur d’académie, celui-ci tranche pour Belle-Beille en novembre 1978, estimant que c’est le meilleur moyen d’obtenir rapidement une construction vu les financements toujours en baisse. Pour la ville, « c’est dommage », mais le maire avait indiqué qu’il ne ferait pas obstacle à la décision du recteur, la municipalité n’ayant ni la volonté ni les moyens de se passer de la contribution de l’État.

L’UER de Droit, très partisane d’une installation en centre ville, se mobilise « contre le diktat du recteur », des étudiants envahissent la salle du Conseil, le doyen Vincent organise la pose symbolique d’une « première pierre » aux Haras. Les juristes proposent un contre-projet : que la faculté de droit s’installe aux Haras et que les Lettres restent à Belle-Beille dans un bâtiment à construire également…

La ministre des Universités Alice Saunié-Seïté confirme alors (novembre 1978) que c’est une « priorité » de son ministère et espère que « nul ne tentera d’entraver la bonne conduite de cette réalisation » ; il s’agit là d’une présentation très politique voire politicienne : les élus de droite, Jean Foyer en tête, insistent sur le fait que ce sont eux qui ont obtenu la construction de l’ensemble Droit-Lettres alors que la gauche – la ville – a failli tout gâcher. La mise en service des nouveaux locaux est prévue pour 1981…, mais pas l’inscription au budget du Ministère pour l’année 1980, d’où le mécontentement de Jean Monnier qui rappelle les efforts financiers de la ville pour soutenir l’université. Mais la ministre des Universités précise à Jean Sauvage que le programme d’Angers sera bien inscrit en début d’exercice20. 2. 5. Des relations internationales à tisser

Dès les premières années de l’université, la dimension internationale est présente au sein de l’institution, par exemple lorsque le Conseil débat d’une motion de soutien aux démocrates chiliens et contre leur répression à l’automne 1973… Certains élus considèrent certes ce genre de démarche comme important mais ils souhaitent revenir aux domaines de compétence du Conseil... À la rentrée 1974, l’université accueille plus de 150 étudiants étrangers (34 Libanais, 33 Marocains, 20 Syriens, 20 Américains, 47 Africains). Une convention est signée avec l’université de Dakar pour que les étudiants de médecine et pharmacie puissent obtenir un diplôme français. Les contacts avec des établissements européens se multiplient tous azimuts. L’université de Kassel (Hesse, RFA) créée en 1970- 1971 et qui regroupe 6 000 étudiants présente ces deux points communs avec celle d’Angers.

En 1973, elle prend l’initiative d’un contact et une délégation allemande est reçue en

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décembre 1974. Un échange de plusieurs étudiants de DEUG II et d’enseignants est mis au point.

Lors de l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, le professeur Séjourné, doyen de l’UER Lettres et « européen convaincu » développe un projet de Centre d’études européennes à partir du diplôme d’université d’études européennes. Il s’agirait d’offrir aux futurs fonctionnaires, responsables politiques et syndicaux, cadres des entreprises, banques et milieux d’affaires une connaissance approfondie des réalités de l’Europe en géographie, histoire, langues, droit comparé dans une maîtrise d’études européennes. À cette époque, la création d’un Centre d’études franco-britannique à Fontevraud est envisagée, il pourrait se doubler d’un centre de recherches historiques et d’études prospectives européennes21.

Un échange de stagiaires est conclu en 1974 entre l’IUT et l’université de Limerick (Irlande). Une convention est signée avec l’université de Hull (Grande-Bretagne) : 30 étudiants de Hull et de l’école polytechnique d’Oxford arrivent à Angers en 1977 pour six mois à l’UER des Lettres. La même année, des rapprochements ont lieu avec Swansea (Pays de Galles) et San Diego (Etats-Unis) [Leduc].

Le premier jumelage entre établissements est réalisé avec l’université de Pise. Une délégation de l’université toscane est à Angers en novembre 1977 (fig. 10). Ces relations mènent au rapprochement puis au jumelage des deux villes [Merlet]. Un autre échange fructueux lié aux relations internationales de la ville d’Angers se noue avec l’université d’Osnabrück à partir de 1978. Bien d’autres projets suivent avec Saint-Jacques-de- Compostelle, Abidjan, Dakar, Libreville, etc. L’université décerne ses premiers doctorats honoris causa en octobre 1980 à Renzo de Felice (histoire, Rome), Mario Matucci (littérature française, Pise), Philipp A. Griffiths (mathématiques, Harvard), John Anthony Parsons (National Institute for Medical Research, Londres).

L’ouverture internationale est une dimension importante de toute université.

Conscients de cette nécessité, les enseignants accueillent dans leurs cours de plus en plus d’étudiants étrangers arrivant à Angers dans le cadre d’échanges institués ou individuellement. Au cours de l’année 1979-1980, plus de 500 étudiants étrangers venant de 62 pays différents – dont la moitié de pays d’Afrique – s’inscrivent à l’université malgré une insuffisance manifeste de logements étudiants. La mise en place de cours de français s’avère indispensable.

Il est impossible d’indiquer tous les contacts et les partenariats qui sont ensuite développés par l’université d’Angers. En 1982, elle envisage sa participation au réseau ISEP (International Student Exchange Programs) qui réunit des universités du monde entier. En 1986, The Times qualifie d’accord historique une entente entre les universités d’Angers, d’Osnabrück et de Hull permettant à dix étudiants de chaque université de suivre la quatrième année de leur cursus dans un des deux autres établissements partenaires. Après une première étape au cours de laquelle elles ont été surtout le fruit d’initiatives individuelles avec une forte dimension linguistique, les relations internationales sont de plus en plus cadrées. D’abord parce que la loi Savary sur l’enseignement supérieur de 1984 fait de la coopération internationale une des missions des universités et ensuite parce que le programme européen ERASMUS propose des échanges plus standardisés à partir de 1987.

3. Le tournant de politique générale des années 1980

En 1981, l’université compte 7 000 étudiants, résultat d’une « croissance qui n’a pas d’équivalent en France. » À l’occasion, du dixième anniversaire de sa recréation, un bref historique de l’institution depuis le Moyen Âge a été rédigé. Il se termine en soulignant que l’université d’Angers « n’est pas encore bâtie en pierres, mais elle est bâtie en hommes »

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[Viguerie]. De nombreux enseignants arrivent de l’extérieur poussés par le Ministère et attirés par les collectivités locales. Venant d’autres universités, ils s’étonnent du manque de moyens et des différences entre les composantes : celles qui sont pourvues de locaux, d’autres misérables, celles qui font peser une certaine féodalité sur l’ensemble de l’université. Ces horsains ne sont pas toujours bien accueillis : on les raille quand ils demandent où est la photocopieuse, le secrétariat… Ceux qui arrivent de l’université de Rennes sont parfois qualifiés de « poubelle rennaise. » En retour, ils estiment que les personnels de l’université issus de la Catho ont un esprit un peu particulier, étriqué, ayant peur des nécessaires évolutions.

3. 1. Nouvelle donne institutionnelle et politique

Les statuts de l’université sont modifiés conformément à la loi du 21 juillet 1980, appelée Loi Sauvage, du nom du sénateur du Maine-et-Loire qui en est l’auteur. Le rôle des professeurs d’université est renforcé et les syndicats dénoncent une réforme qui porte atteinte à la gestion démocratique des universités en les excluant des conseils. Jusqu’alors, les représentants des syndicats ont été très présents et très actifs au sein du Conseil de l’université d’Angers. Dès novembre 1981, la loi est abrogée par la majorité de gauche élue au printemps et les dispositions antérieures sont restaurées. Jean-Claude Rémy, dont la fin du mandat de président est prévue pour le 15 décembre 1981, est maintenu en tant qu’administrateur provisoire jusqu’en février 1982. Il assurera ensuite la direction de l’ENSAM Angers de 1985 à 1991.

Quatre candidats se présentent – certains en binômes – devant le corps électoral ad hoc de l’université le 11 février 1982. Après une campagne assez rude, Geneviève Rivoire est élue au troisième tour. Professeure de physique, elle est arrivée à Angers en 1966 pour construire le département génie électrique de l’IUT qu’elle a dirigé, avant d’assurer la direction de l’IUT (1971-1975). Étant engagée dans la réflexion et l’action syndicales au sein du SGEN-CFDT et figurant sur la liste Europe-écologie lors des élections européennes de 1979, elle est pour la presse « une militante de gauche qui succède à un RPR. » Ce qui est analysé comme un « virage à gauche pour l’université d’Angers » (fig. 11).

Alors que ses prédécesseurs avaient d’excellentes relations avec le Conseil général de Maine-et-Loire, la présidente est moins bien perçue car son attitude vis-à-vis de l’UCO est bien plus distante. Les premiers contacts sont donc très difficiles avec Jean Sauvage, qui devient président du Conseil général en 1982 et le reste jusqu’en 1994. Avec l’équipe en place à la municipalité d’Angers, les divergences politiques sont moins problématiques, mais la ville se lance dans un désengagement financier progressif en espérant forcer l’État à assumer ses responsabilités auprès de l’université alors qu’elle a investi 120 millions de francs pour son développement depuis l’origine. Ainsi un plan prévoit une diminution de 25 % par an sur quatre ans de la contribution municipale au fonctionnement de l’université… pour arriver à zéro en 1985. Par ailleurs, il est prévu la réintégration dans les services municipaux des personnels mis à disposition de l’université. Le Conseil général pratique la même politique de désengagement avec une diminution de 12 %. Dans ces conditions, la commission mixte de liaison de l’enseignement supérieur qui fonctionne de plus en plus laborieusement est supprimée. En revanche, les collectivités locales continuent à accompagner les grands investissements notamment immobiliers. L’université fait valoir que son activité globale dégage près de 120 millions de francs pour l’économie locale si l’on compte son budget propre (25 millions), les rémunérations des personnels, les bourses aux étudiants, les dépenses des familles, etc.

Dès avant le repli des collectivités locales, l’augmentation du nombre d’étudiants conduit à une situation financière délicate. Alors qu’en 1978 les collectivités assuraient 708

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2) Quelles sont les premières mesures mises en œuvre par les autorités pour palier aux effets de la chute des prix des hydrocarbures en 1986, et quelles étaient les répercussions de