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LA PRÉVENTION DES ACCIDENTS

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Academic year: 2022

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TABLE DES MATIÈRES

Rédacteur

Jorma Saari

56

Table des matières

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . Jorma Saari 56.2 Les concepts de l’analyse des accidents . . . Kirsten Jørgensen 56.3 La théorie des causes des accidents. . . . . . . Abdul Raouf 56.6 Les facteurs humains dans la modélisation

des accidents. . . . . . . . Anne-Marie Feyer et Ann M. Williamson 56.8 Les modèles d’accidents: l’homéostasie

des risques. . . . . . . . . . . . . . . Gerald J.S. Wilde 56.11 La modélisation des accidents. . . . . . . . . . Andrew R. Hale 56.14 Les modèles séquentiels d’accidents. . . Ragnar Andersson 56.18 Les modèles d’accidents fondés sur l’observation

d’écarts. . . . . . . . . . . . . . . . . . Urban Kjellén 56.21 Le «MAIM»: Merseyside Accident Information

Model. . . . . . . . . . . . . . Harry S. Shannon et John Davies 56.24 Les principes de prévention: l’approche «santé publique»

de la réduction du nombre des lésions corporelles

sur le lieu de travail. . . . . . Gordon S. Smith et Mark A. Veazie 56.27 Les principes théoriques de la sécurité

au travail. . . .Reinald Skiba 56.33 Les principes de la prévention: l’information

sur la sécurité. . . . . . . . . . Mark R. Lehto et James M. Miller 56.35 Le coût des accidents du travail. . . . . . . Diego Andreoni 56.42

56.1 56.LAPRÉVENTION DESACCIDENTS

ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 56.1 TABLE DES MATIÈRES

(2)

I NTRODUCTION

INTRODUCTION

Jorma Saari D’après les statistiques du Bureau international du Travail (BIT), il se produit chaque année dans le monde 120 millions d’accidents du travail, dont 210 000 sont mortels. Chaque jour, plus de 500 hommes et femmes ne rentrent pas chez eux parce qu’ils ont été tués dans un accident du travail. Ces chiffres, spectaculaires, retien- nent fort peu l’attention du public. Malgré les pertes économiques qu’ils infligent aux Etats, aux entreprises et aux particuliers, les acci- dents du travail ne font guère parler d’eux.

Il y a, heureusement, des chercheurs qui, souvent dans l’ombre, s’emploient méthodiquement à mieux comprendre et mieux gérer la sécurité et la prévention des accidents. Grâce à leurs efforts, nous avons atteint dans ce domaine un niveau de connaissances sans pré- cédent. De nombreux théoriciens et praticiens de stature internatio- nale nous font profiter de ce nouveau savoir dans les articles qu’ils ont rédigés pour cetteEncyclopédie.Au cours des vingt dernières an- nées, la science des accidents, ou accidentologie, a fait des progrès considérables. Le modèle simpliste de type binaire, selon lequel les comportements et les conditions objectives ne peuvent être que sûrs ou dangereux, a été délaissé. La conception rigide, qui conduit à classer obligatoirement toute activité dans l’une ou l’autre de ces deux catégories, a été abandonnée avec l’avènement de modèles systémiques plus évolués, qui ont fait la preuve de leur efficacité pour la gestion de la sécurité.

L’important est d’avoir compris que deux conditions, intrinsè- quement sûres séparément, peuvent ne pas l’être lorsqu’elles sont interdépendantes, c’est-à-dire lorsqu’un lien est établi entre elles par le travailleur, dont la conduite change en fonction de l’environ- nement et du cadre physique. Par exemple, l’apparition des scies à moteur, dans les années soixante, a été à l’origine de nombreux ac- cidents en raison du phénomène dit de «rebond», qui surprend l’utilisateur lorsque les maillons coupants de la chaîne rencontrent une branche, un nœud ou une partie plus dure du bois. Il y eut ainsi des centaines de morts et de blessés, jusqu’à ce que l’on invente un dispositif de protection. Lorsque la Suède eut rendu obligatoire la pose d’un tel dispositif antirebond, le nombre de lésions dues à l’uti- lisation de cet outil est tombé de 2 600 en 1971 à 1 700 en 1972. Ce fut un important pas en avant dans la prévention des accidents de scie à moteur.

Quiconque s’est servi d’une scie à moteur sait par expérience que cet outil bruyant, vibrant et bien entendu très tranchant paraît a priori dangereux, et le néophyte se montre donc très prudent. Mais plusieurs heures de pratique font oublier le risque et l’on commence à manier l’engin avec moins de précaution. La même chose peut se produire avec le dispositif antirebond. L’utilisateur qui sait qu’un rebond est possible essaie de l’éviter, mais il fait moins attention s’il sait qu’il existe un dispositif de protection. Des études portant sur l’utilisation de scies à moteur pour l’exploitation forestière ont mon- tré que lorsqu’ils portent des jambières, les bûcherons sont moins vi- gilants et s’exposent plus souvent à des rebonds, précisément parce qu’ils s’estiment protégés. Bien que les dispositifs antirebond aient contribué à éviter des accidents, le lien de causalité n’est pas évi- dent; ils se sont certes révélés efficaces, mais en dernière analyse, il n’y a pas de relation linéaire entre leurs effets et la sécurité. Deux conditions sûres — le dispositif antirebond et le système de protec- tion des jambes — ne doublent pas le niveau de sécurité. L’arithmé- tique usuelle, où un plus un égale deux (1 + 1 = 2), ne s’applique pas ici, car le résultat obtenu est inférieur à deux. Dans certains cas, heureusement, il est supérieur à zéro, mais dans d’autres, il peut être négatif.

Ce sont là des phénomènes qui commencent à être mieux com- pris des praticiens de la sécurité. La répartition binaire des compor-

tements et conditions en sûrs/dangereux ne mène pas très loin pour ce qui est de la prévention. C’est à la gestion des systèmes que l’on doit les progrès enregistrés dans ce domaine. Lorsqu’on a compris que les humains, leurs tâches, le matériel et leur environnement for- maient un système dynamique, les progrès sur la voie d’une préven- tion plus efficace des accidents ont été considérables. Les exemples qui suivent illustrent le lien dynamique entre les travailleurs et leur activité. Si une seule composante est modifiée, les autres changent aussi, et il devient difficile de prédire quel sera l’effet ultime sur la sé- curité.

On a constaté, dans l’aviation et dans d’autres secteurs faisant ap- pel à des systèmes hautement perfectionnés et automatisés, qu’un surcroît d’automatisation ne se traduisait pas nécessairement par une amélioration de la sécurité, par exemple parce que les opéra- teurs n’acquièrent pas toujours une pratique suffisante pour main- tenir leur niveau de qualification, si bien que lorsqu’ils doivent in- tervenir, ils n’ont ni les compétences ni les capacités requises.

Certains industriels du papier ont observé que les travailleurs jeu- nes ne comprenaient pas les fonctions des machines aussi bien que leurs aînés. Ces derniers ont connu des machines qui n’étaient pas automatisées et ont vu comment elles fonctionnaient. Les nouvelles machines automatiques sont pilotées à partir de salles de com- mande, par l’intermédiaire d’écrans et de claviers d’ordinateurs, et les opérateurs ignorent l’emplacement exact de leurs composantes.

De ce fait, ils risquent de modifier l’état d’une composante et de mettre ainsi en péril le personnel d’entretien qui se trouve à proxi- mité. Un perfectionnement technique des machines et des com- mandes, sans mise à niveau parallèle des qualifications, des connais- sances et des valeurs des opérateurs, n’aboutit pas nécessairement à une amélioration de la sécurité.

La démarche classique, en matière de prévention, consiste à tirer des enseignements des accidents et des quasi-accidents (accidents évités de peu) observés. En enquêtant sur chaque incident, on en comprend mieux les causes et on peut alors intervenir pour les atté- nuer ou pour les supprimer. Le problème est que nous n’avons pas été capables, faute de théories suffisamment solides, de mettre au point des méthodes d’analyse permettant de connaître tous les fac- teurs à prendre en compte pour la prévention. Une enquête peut donner un tableau assez juste des causes, mais en général, il n’est valable que pour l’accident analysé. Il se peut que des conditions objectives et certains facteurs aient joué un rôle, mais que les experts ne perçoivent pas ou ne comprennent pas leur lien avec l’accident.

Il est quelque peu aléatoire, à partir d’un accident particulier, d’ex- trapoler à d’autres situations.

Cela dit, des progrès considérables ont été réalisés dans le do- maine de la gestion prévisionnelle de la sécurité. Un certain nombre de techniques ont été mises au point et sont aujourd’hui utilisées couramment pour analyser la sécurité et les risques sur le lieu de tra- vail. Elles nous permettent d’étudier systématiquement les unités de production industrielle afin d’identifier les risques potentiels et de prendre des mesures préventives appropriées.

Dans le monde entier, ce sont les industries chimique et pétrochi- mique qui, en la matière, ont donné l’exemple, des catastrophes comme celles de Bhopal et de Tchernobyl ayant provoqué un re- cours accru aux nouveaux outils de prévision. Des progrès remar- quables ont été accomplis depuis le milieu des années soixante-dix sur le front de la sécurité. De nombreux pays ont également fait œu- vre de pionnier en rendant obligatoire l’analyse de la sécurité. En vingt ans, la Suède, la Finlande, le Japon et la République fédérale d’Allemagne ont tous réduit de 60 à 70% le nombre des accidents du travail mortels, et beaucoup d’autres pays affichent des résultats comparables. Reste maintenant à passer de la recherche aux appli- cations pratiques et à améliorer encore nos actions de prévention.

L’un des nouveaux éléments de progrès, en matière de gestion de la sécurité, est la notion de «culture de sûreté», qui peut être difficile à cerner, car elle ne correspond à rien de tangible. C’est une notion

56.2 INTRODUCTION 56.2 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

(3)

abstraite, propre à une entreprise ou à une collectivité, et il n’y a au- cun moyen d’agir directement sur elle. Elle n’en est pas moins indis- pensable si l’on veut comprendre les possibilités de prévention. L’un des objectifs du présent ouvrage est d’explorer cette nouvelle no- tion.

Cette nouvelle édition de l’Encyclopédieprésente un exposé com- plet des théories et des modèles de prévention des accidents pour permettre d’élaborer des stratégies de prévention mieux conçues et plus efficaces. Prévenir les accidents du travail est possible. Rien ne nous oblige à tolérer ce tribut inutile imposé à notre bien-être et à notre économie.

L ES CONCEPTS DE L’ANALYSE DES ACCIDENTS

CONCEPTS DE L’ANALYSE DES ACCIDENTS

Kirsten Jørgensen Notre propos est ici d’exposer une méthode permettant d’évaluer l’ampleur du problème des accidents; il s’agit de présenter une démarche, et non de dresser un état des lieux. Pour les accidents du travail, on peut procéder de diverses manières, selon que l’on a besoin d’estimer l’importance du problème dans le passé ou que l’on essaie de savoir ce qu’il en sera à l’avenir (certains jugeront peut-être cette distinction inutile, arguant que si l’on connaît l’étendue du problème aujourd’hui, l’on devrait avoir une idée de ce qui nous attendra demain). L’ampleur du problème et ses différents aspects varient selon les pays, les secteurs d’activité et les entreprises.

Un accident peut être défini comme la résultante d’une séquence d’événements dans laquelle se produit une anomalie aboutissant à des effets indésirables. Il a été montré que l’intervention de l’hu- main pouvait empêcher un tel résultat, mais elle peut aussi déclen- cher des séquences d’événements potentiellement beaucoup plus dangereuses que celles qui entraînent des dommages corporels ou matériels. Il faut tenir compte de cette possibilité pour évaluer de fa- çon complète l’étendue des risques sur le lieu de travail. Si l’on prend pour hypothèse que c’est à cause de facteurs inhérents au lieu de travail que certains événements peuvent provoquer des domma- ges corporels ou matériels, on est amené à conclure que l’ampleur du problème doit être déterminée en fonction de l’existence et de la fréquence de ces facteurs.

On peut adopter une approche rétrospective, en comparant le nombre des accidents (taux de fréquence) et leur gravité (nombre de journées de travail perdues), ou prospective, en évaluant l’exis- tence des facteurs de risque — c’est-à-dire des facteurs suscepti- bles de provoquer des accidents.

Il est possible d’obtenir un tableau suffisamment complet et précis de la situation en utilisant un système de rapports et de dossiers d’accidents. L’analyse des rapports d’accidents établis avec soin permet de se faire une idée des relations fondamentales qui sont essentielles à la compréhension des causes des accidents.

Pour évaluer avec précision l’ampleur du problème, il est indis- pensable de déterminer les facteurs de risque. A cette fin, il faut analyser les informations détaillées contenues dans chaque dossier d’accident pour savoir où se trouvaient les travailleurs et les opé- rateurs au moment critique, ce qu’ils faisaient ou manipulaient, et avec quoi, quels dommages corporels ou matériels ont été subis et les autres circonstances de l’accident.

Le risque

Pour mesurer le risque, il faut disposer d’informations sur le nombre et la gravité des accidents survenus dans le passé, ce qui

donne une mesure rétrospective. Le risque d’accident pour un employé peut être appréhendé par deux types de données:

La mesure du risque, qui fournit un chiffre de la fréquence des accidents et une mesure de leur gravité, et qui peut s’exprimer en nombre de journées de travail perdues (ou de décès) pourn travailleurs (au Danemark, par exemple, le risque de décéder dans un accident du travail est de 3 pour 100 000 travailleurs).

L’évaluation du type de risque ou de l’élément dangereux, qui donne une indication, non seulement sur les sources d’exposition et les autres facteurs susceptibles de provoquer un accident, mais aussi sur les circonstances qui ont occasionné les dommages.

Un travail en hauteur, par exemple, comporte un risque de chute et, par conséquent, de lésion grave; l’utilisation d’outils coupants comporte un risque de blessure par contact avec les composants tranchants, et l’opérateur d’engins bruyants peut, sur la durée, subir des atteintes auditives.

Beaucoup de risques sont connus par simple bon sens: quand on travaille en hauteur, on risque de tomber; si le sol est glissant, on risque de faire une chute; s’il y a des objets tranchants à proximité, on risque de se couper. Mais beaucoup d’autres, non évidents, échappent au bon sens, et il faut alors y sensibiliser le travailleur en lui apprenant, par exemple, que le bruit provoque des troubles de l’audition, que certains solvants entraînent des lésions cérébrales et certains produits chimiques de graves empoi- sonnements par inhalation. Que nous l’ayons acquise empirique- ment ou grâce à des travaux de recherche, notre connaissance des différents types de risques — de ceux qui sont les plus évidents à ceux qui le sont le moins — repose sur des événements passés. Or, connaître l’histoire est une chose, prédire l’avenir en est une autre.

Il faut observer que la connaissance même des sources d’exposi- tion et des autres facteurs potentiellement nocifs susceptibles d’en- traîner des dommages corporels ou matériels lors de l’exécution de diverses tâches, ainsi que la connaissance des facteurs qui peuvent soit renforcer, soit réduire les facteurs de risque qui influent sur la mesure des risques, peuvent servir de base à la reconnaissance du risque.

Les facteurs déterminant le risque

Les facteurs les plus importants dans la détermination du risque sont:

• les facteurs qui déterminent la présence ou l’absence (ou le potentiel) de risques quels qu’ils soient;

• les facteurs qui augmentent ou diminuent la probabilité de voir ces risques aboutir à des accidents ou à des dommages corpo- rels;

• les facteurs qui influent sur la gravité des accidents associés à ces risques.

Pour connaître le premier type de facteurs, il faut identifier les causes de l’accident — à savoir les sources d’exposition et les autres facteurs nocifs; les deux autres types de facteurs sont ceux qui influent sur la mesure du risque.

Dans le milieu de travail, les principaux facteurs qui sont les causes directes d’un préjudice, prenant la forme de maladies professionnelles ou d’accidents du travail, sont les suivants:

Les sources d’exposition et les troubles d’origine professionnelle

La notion de dommage corporel dû à une source d’exposition est souvent liée à celle de maladie (ou de trouble), car une maladie peut être considérée comme résultant de l’exposition à un ou à plusieurs agents pendant une période brève (exposition aiguë) ou longue (exposition chronique). Les agents d’exposition chronique, en général, ne sont pas directement nocifs, mais leur effet se fait sentir après une durée d’exposition relativement constante et pro-

56.3 56.LAPRÉVENTION DESACCIDENTS

ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 56.3 CONCEPTS DE L’ANALYSE DES ACCIDENTS

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longée, alors que les expositions aiguës ont presque instantané- ment un effet nocif. L’intensité, la nocivité et la durée d’action jouent un rôle important dans l’apparition d’une lésion qui peut souvent résulter d’une combinaison des effets de plusieurs agents.

Il est alors difficile de déterminer les sources d’exposition, entre autres parce que l’on ne trouve pratiquement jamais de corréla- tion monocausale entre des troubles particuliers et une source d’exposition particulière.

Parmi les sources d’exposition pouvant provoquer des lésions prenant une forme quasi morbide, on peut citer:

• les expositions chimiques (solvants, produits de nettoyage et de dégraissage, etc.);

• les expositions physiques (bruit, rayonnements, chaleur, froid, éclairage insuffisant, manque d’oxygène, etc.);

• les expositions physiologiques (lourdes charges, mauvaises pos- tures, travail répétitif);

• les expositions biologiques (virus, bactéries, farine, sang animal ou cuir, etc.);

• les expositions psychologiques (travail isolé, menace de vio- lence, irrégularité de l’horaire de travail, exigences profession- nelles inhabituelles, etc.).

Les facteurs nocifs et les accidents du travail

La notion de facteurs nocifs (en dehors des sources d’exposition) est pertinente pour les accidents du travail, car c’est là que se produisent des dommages et que les travailleurs sont exposés aux actions qui provoquent instantanément des lésions. Ces actions sont aisément identifiables puisqu’on reconnaît immédiatement les dommages matériels ou corporels auxquels elles donnent lieu.

La difficulté réside dans la rencontre inattendue avec le facteur nocif.

Les facteurs nocifs à cause desquels les victimes d’un accident peuvent subir des lésions sont souvent liés à différentes formes, sources ou utilisations d’énergie, par exemple:

• l’énergie nécessaire pour couper, diviser ou niveler, habituelle- ment liée à différents types d’objets coupants tels que couteaux, scies et outils tranchants;

• l’énergie nécessaire pour presser et comprimer, habituellement liée à différents outils de façonnage, tels que presses et outils de serrage;

• la conversion d’énergie cinétique en énergie potentielle — par exemple, lorsqu’un objet heurte le travailleur ou tombe sur lui;

• la conversion de l’énergie potentielle d’une personne en énergie cinétique, lorsqu’il y a chute d’un niveau à un autre;

• la chaleur et le froid, l’électricité, le bruit, les rayonnements et les vibrations;

• les substances toxiques et corrosives;

• l’énergie exposant l’organisme à une contrainte excessive, par exemple lors du déplacement de charges lourdes ou de la torsion du corps;

• le stress mental et le stress psychologique, résultant par exemple de la menace de violence.

Agir sur les expositions

Les sources d’exposition ou autres facteurs nocifs dépendent dans une large mesure de la nature des procédés, technologies, produits et équipements mis en œuvre sur le lieu de travail, mais aussi de l’organisation du travail. Pour ce qui est de la mesurabilité du risque, il faudrait reconnaître que la possibilité d’agir sur la proba- bilité des expositions et la gravité des accidents dépend souvent des trois facteurs suivants:

Mesures de sécurité par élimination ou substitution. Il est possible d’éliminer ou d’atténuer les risques que représentent sur le lieu de travail les sources d’exposition ou autres facteurs nocifs par

des mesures de substitution (on peut, par exemple, remplacer dans un procédé un produit chimique toxique par un produit moins nocif). Il faut noter que l’on n’y parviendra jamais inté- gralement, car il y aura toujours dans l’environnement (et no- tamment dans le milieu de travail) des sources d’exposition et des facteurs nocifs.

Mesures de prévention technique.Ces mesures consistent à isoler les travailleurs des facteurs nocifs en installant des barrières ou en plaçant les éléments dangereux dans un périmètre ou une en- ceinte spéciale. C’est ce que permettent de réaliser, par exem- ple, l’automatisation, la télécommande, l’utilisation d’équipe- ments auxiliaires et les protecteurs de machines.

Mesures de sécurité organisationnelles.Ces mesures, également appe- lées mesures organisationnelles de prévention, consistent à isoler les travailleurs des facteurs nocifs, soit en appliquant des méthodes de travail spéciales, soit en pratiquant une séparation dans le temps ou l’espace. C’est ce que permettent de réaliser, par exemple, la réduction des durées d’exposition, les programmes de maintenance préventive, l’utilisation d’équipements de pro- tection individuelle et une organisation rationnelle du travail.

Agir sur le comportement humain

Les mesures ci-dessus permettent rarement d’isoler tous les ris- ques. On pense généralement que l’analyse de la prévention des accidents s’arrête là, parce qu’on estime que les travailleurs seront alors capables de se protéger eux-mêmes en se comportant «selon les règles». Cela signifie qu’à partir d’un certain moment, la sécurité et le risque dépendent des facteurs qui influent sur le comportement humain, à savoir les connaissances, les capacités, la possibilité et la volonté d’agir de façon que la sécurité soit assurée sur le lieu de travail. Examinons à présent le rôle de ces facteurs:

Les connaissances. Les travailleurs doivent d’abord connaître les différents types de risques, les risques potentiels et les dangers qu’ils peuvent rencontrer sur leur lieu de travail. Cela suppose généralement qu’ils aient un certain niveau d’instruction et de formation, ainsi qu’une certaine expérience professionnelle. Il faut également identifier, analyser, enregistrer et décrire les risques d’une manière facile à comprendre, pour que les inté- ressés sachent quand ils se trouvent dans une situation de risque particulière et sachent quelles conséquences peuvent entraîner leurs actions.

La possibilité d’agir. Il faut que les travailleurs puissent avoir un comportement sécuritaire, qu’ils soient capables de saisir les occasions qui leur sont offertes, sur les plans technique, organi- sationnel, physique et psychologique, d’agir. Il faut que la di- rection, l’encadrement et l’environnement appuient activement le programme de sécurité, et s’intéressent en particulier à la prise de risques, à la conception et à l’adoption de méthodes de travail soucieuses de sécurité, à l’utilisation sans danger des outils appropriés, à une définition claire des tâches, à la défini- tion et au respect de procédures de sécurité, et à l’élaboration d’instructions claires en vue de la manipulation en toute sécuri- té des équipements et matériaux.

La volonté d’avoir un comportement sécuritaire.Si les facteurs techni- ques et organisationnels jouent un rôle important dans la déci- sion des travailleurs d’adopter un comportement assurant la sécurité, les facteurs culturels et sociaux jouent un rôle au moins aussi grand. Il y aura des risques si, par exemple, l’adop- tion d’un tel comportement est difficile ou demande beaucoup de temps, ou si elle n’est pas souhaitée par la direction ou les collègues ou non appréciée par eux. La direction doit véritable- ment s’intéresser à la sécurité, prendre des mesures pour en faire un objectif prioritaire et montrer une attitude positive envers la nécessité d’un comportement sécuritaire.

56.4 CONCEPTS DE L’ANALYSE DES ACCIDENTS 56.4 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

(5)

L’information sur les causes des accidents a plusieurs objectifs:

• montrer où le bât blesse et ce qu’il faut changer;

• indiquer les types de facteurs nocifs qui causent des accidents (ou des quasi-accidents), et repérer les situations ayant pour conséquences des dommages matériels et corporels;

• identifier et décrire les causes profondes auxquelles est imputa- ble l’existence de risques potentiels et de situations à risque, et dont la modification ou l’élimination permettra d’atteindre un niveau de sécurité optimal.

On peut obtenir des informations générales grâce à une analyse approfondie des dommages matériels ou corporels et des circons- tances dans lesquelles ils se sont produits. Les informations prove- nant d’autres accidents similaires peuvent révéler des facteurs plus généraux jouant un rôle important, et mettre ainsi en évidence des relations causales moins immédiatement visibles. Toutefois, du fait que l’analyse des accidents spécifiques peut fournir des informations très détaillées et très précises, celles-ci peuvent aider à découvrir des circonstances particulières à prendre en considé- ration. Souvent, l’analyse d’un accident particulier permet de recueillir des informations qu’il n’est pas possible d’obtenir à partir de l’analyse générale; inversement, l’analyse générale met en lumière des facteurs que l’analyse spécifique ne peut élucider.

Les données que procurent ces deux types d’analyse jouent un rôle important dans la mise au jour des relations causales éviden- tes et directes au niveau individuel.

L’analyse d’accidents particuliers

L’analyse d’accidents particuliers a deux objectifs principaux:

Le premier est de déterminer la cause d’un accident et les facteurs propres au travail qui y ont contribué. Elle permet d’éva- luer, a posteriori, la mesure dans laquelle le risque a été reconnu.

On peut aussi en déduire quelles mesures de sécurité techniques et organisationnelles et jusqu’à quel point une plus grande expé- rience professionnelle auraient pu réduire le risque. En outre, elle peut donner une idée plus précise de ce qui aurait pu être fait pour éviter le risque, et de la motivation que doit avoir un tra- vailleur pour le faire.

Le deuxième est d’acquérir des connaissances qui pourront servir dans l’analyse de nombreux accidents similaires tant à l’échelon de l’entreprise que dans des ensembles plus vastes (par exemple, au ni- veau de toute une organisation ou dans tout le pays). A cet égard, il est important de recueillir les informations suivantes:

• l’identité du lieu de travail, l’activité elle-même (c’est-à-dire des informations sur le secteur ou la branche d’activité), les métho- des de travail et les technologies employées;

• la nature et la gravité de l’accident;

• les facteurs qui ont provoqué l’accident — comme les sources d’exposition, le déroulement de l’accident et les circonstances particulières qui sont à son origine;

• les conditions générales sur le lieu de travail, et la situation par rapport au travail (y compris les facteurs mentionnés dans le paragraphe précédent).

Les types d’analyses

Il existe cinq grands types d’analyse des accidents, dont chacun a un objectif distinct:

Les analyses visant à déterminer où se produisent des accidents et quels types d’accidents se produisent.L’objectif est d’établir leur fréquence, en fonction, par exemple, du secteur d’activité, des catégories pro- fessionnelles, des entreprises, des procédés de travail et des types de technologie.

Les analyses visant à suivre l’évolution de la fréquence des accidents.

L’objectif est d’être informé des changements, tant positifs que

négatifs. Elles peuvent fournir une mesure des effets des actions de prévention, et l’augmentation du nombre des accidents d’un type nouveau dans un domaine spécifique sera un indice de l’apparition de nouveaux éléments de risque.

Les analyses visant à hiérarchiser les actions de prévention et nécessitant impérativement la mesure des risques, ce qui suppose le calcul de la fréquence et de la gravité des accidents.L’objectif est d’établir une liste de priorités afin de déterminer où des mesures de prévention sont plus importantes qu’ailleurs.

Les analyses visant à établir comment sont survenus les accidents et plus particulièrement à en établir les causes directes et les causes profondes.Ces informations sont ensuite utilisées pour sélectionner, mettre au point et appliquer des mesures concrètes de correction et de prévention.

Les analyses visant à faire la lumière sur des secteurs particuliers qui ont retenu l’attention pour d’autres motifs (ce sont en quelque sorte des analyses de contrôle).Il s’agira, par exemple, d’analyser la fréquence d’un risque de traumatisme particulier ou de découvrir un risque jusqu’alors non reconnu, identifié pendant l’examen d’un ris- que déjà connu.

Ces types d’analyses peuvent être effectués à différents niveaux, de celui de l’entreprise à celui du pays. Pour les mesures de prévention, il sera nécessaire d’en faire à plusieurs niveaux. Celles qui visent à déterminer les taux généraux de fréquence des acci- dents, à en suivre l’évolution et à établir des priorités seront essentiellement réalisées aux niveaux les plus élevés, tandis que celles qui recherchent les causes directes et les causes profondes des accidents le seront à des niveaux inférieurs. Les résultats seront par conséquent plus précis au niveau individuel et plus généraux au niveau plus élevé.

Les étapes d’une analyse

Quel que soit le niveau auquel elle commence, l’analyse se dé- roule en plusieurs étapes:

• identification du lieu où se produisent les accidents au niveau général choisi;

CATÉGORIES PROFESSIONNELLES

SECTEURS PROCÉDÉS

DE TRAVAIL

TECHNOLOGIE

SECTEURS ENSEMBLE

DE L’ENTREPRISE

SERVICES

LIEUX DE TRAVAIL ENSEMBLE

DU PAYS

SUBDIVISIONS TERRITORIALES

ENTREPRISES

PROCÉDÉS DE TRAVAIL SECTEURS PRINCIPAUX

SOUS-SECTEURS

PROFESSIONS

TÂCHES

TECHNOLOGIE ANALYSE

GÉOGRAPHIQUE ANALYSE SECTORIELLE

ANALYSE AU NIVEAU DE L’ENTREPRISE

ANALYSE DU TRAVAIL

ANALYSE DES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES CATÉGORIES

PROFESSIONNELLES

Figure 56.1 • Différents niveaux d’analyse des accidents

56.5 56.LAPRÉVENTION DESACCIDENTS

ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 56.5 CONCEPTS DE L’ANALYSE DES ACCIDENTS

(6)

• indication du lieu où se produisent les accidents à un niveau plus précis, dans le cadre du niveau général;

• détermination des objectifs en fonction de la fréquence et de la gravité des accidents;

• description des sources d’exposition ou autres facteurs nocifs — c’est-à-dire des causes directes des dommages matériels et cor- porels;

• examen de la relation causale sous-jacente et de son évolution.

On trouvera des exemples des différents niveaux d’analyse à la figure 56.1.

Résumé

L’identification des accidents à l’échelle d’un pays peut aider à savoir dans quels secteurs d’activité, groupes de professions et avec quels procédés et technologies se produisent des accidents entraînant des dommages matériels et corporels. L’objectif est seulement de déterminer où sont survenus les accidents. La me- sure de la fréquence et de la gravité des accidents permet en partie de voir où sont les points faibles et en partie où le risque a changé.

On établit letypede risque sur le lieu de travail par des descrip- tions des types d’accidents qui se produisent et de leur genèse dans chaque cas particulier. On peut ainsi connaître les sources d’exposition et les autres facteurs nocifs présents sur le lieu de travail si les mesures de prévention — respect des conditions de sécurité, conscience du risque, possibilité d’agir, appel à la volonté des travailleurs — n’ont pas été suffisantes pour éviter l’accident.

L’identification, la mesure et la description des risques permet- tent d’établir ce qu’il faut faire pour réduire le risque — et qui doit le faire. Si, par exemple, il est possible de relier des sources d’exposition particulières à des technologies particulières, on pour- ra plus facilement décider quelles mesures spéciales de sécurité sont nécessaires pour agir sur le risque. On pourra aussi intervenir auprès des fabricants et des fournisseurs de ces technologies. S’il peut être prouvé que certains procédés causent fréquemment des accidents très graves, on pourra essayer d’adapter les équipe- ments, les machines et les opérations ou les méthodes de travail qui leur sont associées. Malheureusement, pour prendre les mesu- res et procéder aux adaptations nécessaires, il faut pouvoir établir une corrélation entre une cause unique non ambiguë et l’accident, ce qui est rarement possible.

On peut aussi analyser les accidents qui se produisent dans une entreprise en passant d’un niveau général à un niveau particulier.

Mais le problème est alors souvent qu’il faut disposer d’une base de données suffisamment vaste. Si l’on recueille des données sur les accidents (y compris les lésions mineures et les quasi-accidents) survenus pendant un certain nombre d’années, on peut alors constituer une base de données utile même à ce niveau. L’analyse globale de l’entreprise montrera s’il y a des problèmes spéciaux dans des secteurs particuliers, ou liés à des tâches particulières ou à l’utilisation de certaines technologies. L’analyse détaillée mon- trera ensuite ce qui ne va pas et conduira à une évaluation des mesures de prévention.

Si l’on veut influer sur le comportement des travailleurs dans un secteur d’activité, un groupe professionnel ou une entreprise, ou sur le comportement d’un individu, il faut avoir des connais- sances sur de nombreux accidents afin de sensibiliser les intéres- sés. Il faut aussi informer quant aux facteurs qui augmentent la probabilité d’accidents et aux actions possibles qui pourraient limiter le risque de dommages corporels ou matériels. La sécurité devient alors une question de motivation de ceux qui sont respon- sables du comportement des individus au niveau d’un secteur d’activité, d’une entreprise industrielle ou commerciale, de l’em- ployeur ou du travailleur.

L A THÉORIE DES CAUSES DES ACCIDENTS

THÉORIE DES CAUSES DES ACCIDENTS

Abdul Raouf Les accidents sont définis comme des événements imprévus qui occasionnent des traumatismes, des décès, une perte de produc- tion ou des dommages aux biens et aux avoirs. Il est extrêmement difficile de les prévenir si l’on ne comprend pas leurs causes. De nombreuses tentatives ont été faites par des chercheurs de diffé- rentes disciplines pour élaborer une théorie des causes des acci- dents afin d’identifier, d’isoler et, en fin de compte, de supprimer les facteurs proches ou lointains des accidents, mais jusqu’ici, aucune ne s’est universellement imposée. Nous présenterons briè- vement ci-après diverses théories des causes des accidents, ainsi qu’une structure des accidents.

Les théories des causes des accidents La théorie des dominos

Selon W.H. Heinrich (1931), qui a élaboré la théorie dite des dominos, 88% des accidents sont provoqués par des gestes hu- mains dangereux, 10% par des actes dangereux, et 2% par le hasard. Heinrich a proposé une «séquence accidentelle à cinq facteurs», dans laquelle chaque facteur déclenche le suivant, de la même manière que, dans une rangée de dominos, le déséquilibre d’un domino entraîne la chute de tous les autres. Cette séquence est la suivante:

1. antécédents et environnement social;

2. faute du travailleur;

3. geste dangereux associé à un risque mécanique ou physique;

4. accident;

5. dommages matériels ou corporels.

Selon Heinrich, de même qu’il suffit d’enlever un seul domino de la rangée pour interrompre la succession de chutes, de même la suppression de l’un des cinq facteurs empêcherait l’accident et ses conséquences, le domino clé à enlever étant le troisième. Bien que Heinrich n’ait présenté aucune statistique à l’appui de sa théorie, celle-ci n’en constitue pas moins un point de départ utile pour la discussion et les recherches futures.

La théorie des causes multiples

La théorie des causes multiples est un dérivé de la théorie des dominos, mais elle part du principe que de nombreux facteurs, causes et causes secondaires peuvent être à l’origine d’un accident qui résulte de certaines de leurs combinaisons. Elle distingue deux catégories de facteurs contributifs:

Les facteurs liés au comportement de l’opérateur: attitude inadé- quate, manque de connaissances, insuffisance des qualifications ou état physique ou mental inadapté.

Les facteurs liés à l’environnement:les insuffisances de la protection contre des éléments dangereux existant sur le lieu de travail, et la dégradation de l’équipement par l’usage ou du fait de méthodes dangereuses.

Le principal apport de cette théorie est qu’elle met l’accent sur le fait qu’un accident est rarement — sinon jamais — le résultat d’une seule cause ou d’un seul acte.

La théorie du pur hasard

Selon la théorie du pur hasard, la probabilité, dans un ensemble donné de travailleurs, d’être victime d’un accident, est la même pour tous, et il est impossible de discerner un schéma unique d’événements conduisant à un accident. Tous les accidents sont

56.6 THÉORIE DES CAUSES DES ACCIDENTS 56.6 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

(7)

considérés comme ce qui, dans la théorie de Heinrich, relève du pur hasard, et l’on part du principe qu’aucune intervention ne saurait les empêcher.

La théorie de la probabilité faussée

L’idée sur laquelle repose cette théorie est que lorsqu’un tra- vailleur a été victime d’un accident, la probabilité qu’il le soit de nouveau est augmentée ou diminuée par rapport à celle des autres travailleurs. Cette théorie n’aide guère, voire pas du tout, à trouver des mesures de prévention.

La théorie de la prédisposition aux accidents

On considère ici que, dans un ensemble donné de travailleurs, il existe un sous-ensemble dont les éléments sont plus enclins que les autres à être victimes d’accidents. Les chercheurs n’ont pas été en mesure d’apporter des preuves convaincantes, car la plupart des travaux n’ont pas été conduits de manière satisfaisante et les résultats sont le plus souvent contradictoires et peu concluants.

Cette théorie n’est pas acceptée par tous Même si les données d’expérience viennent l’appuyer, elle ne rend probablement compte que d’une très faible proportion d’accidents, sans signifi- cation statistique.

La théorie du transfert d’énergie

Pour les tenants de cette théorie, c’est un transfert d’énergie qui provoque des dommages corporels ou matériels, et tout transfert d’énergie implique une source, une voie de transfert et un récep- teur. Cette théorie est utile pour la détermination des causes des lésions et l’évaluation des risques liés au transfert d’énergie ainsi

que des méthodes de contrôle. On peut mettre au point des stratégies de prévention, de limitation ou d’amélioration.

On peut agir sur le transfert d’énergie à la source par les moyens suivants:

• élimination de la source;

• modification de la conception ou des spécifications des élé- ments du poste de travail;

• maintenance préventive.

On peut modifier la voie de transfert par les moyens suivants:

• isolement de la voie de transfert;

• installation de barrières;

• installation d’absorbants;

• mise en place d’isolants.

On peut aider le récepteur du transfert d’énergie en adoptant les mesures suivantes:

• limitation de l’exposition;

• utilisation d’un équipement de protection individuelle.

La théorie des «symptômes»

La théorie des «symptômes» n’est pas tant une théorie qu’un avertissement dont il faut tenir compte si l’on veut comprendre les causes des accidents. Le plus souvent, lorsqu’on analyse un acci- dent, on tend à privilégier les causes les plus évidentes et à négli- ger les causes profondes. Or, les conditions ou les actes dangereux sont les causes proches — les symptômes — et non profondes de l’accident.

ACTES DANGEREUX

CONDITIONS DANGEREUSES

• Non-utilisation de l’équipement ou des systèmes de protection fournis

• Manipulation dangereuse (manque de précautions avec des objets coupants, glissants ou pointus; levage; perte de prise, etc.)

• Utilisation d’outils ou d’équipements inadaptés alors que des outils appropriés sont disponibles

• Mouvement dangereux (courir, marcher ou monter sur quelque chose, lancer, etc.)

• Dispositif de sécurité inefficace

• Absence de dispositif de sécurité alors qu’il en aurait fallu un

• Manque d’ordre (par exemple, matériaux sur le sol, empilement instable, passages encombrés)

• Equipement, machines ou outils défectueux

• Vêtements inadaptés

• Mauvais éclairage, ventilation, etc.

CONSÉQUENCES T Y P E

C A U S E S I M M É D I A T E S

C A U S E S C O N T R I B U T I V E S

• Instructions inadaptées

• Non-application des règles

• Sécurité non intégrée au stade de la conception du poste de travail

• Contacts peu fréquents avec les salariés sur les questions de sécurité

• Risques non corrigés

• Absence de dispositifs de sécurité

RÉSULTATS EN MATIÈRE DE GESTION DE LA SÉCURITÉ

• Absence de sensibilisation à la sécurité

• Manque de coordination

• Mauvaise attitude

• Réaction psychologique lente

• Inattention

• Instabilité émotionnelle

• Nervosité

• Humeur instable ÉTAT PSYCHOLOGIQUE DU TRAVAILLEUR

• Grande fatigue

• Surdité

• Mauvaise vue

• Mauvaise préparation physique

• Problème d’audition

• Infirmité ou autre handicap ÉTAT PHYSIQUE DU TRAVAILLEUR

• Chute

• Faux pas

• Glissade

• Collision

• Travailleur coincé dans ou entre des objets mécaniques ou autres

• Eruption ou explosion

• Brûlure

• Gêne

• Retards dans la production

• Baisse de la qualité

• Gaspillage

• Dommages matériels

• Lésion mineure

• Lésion invalidante

• Accident mortel Figure 56.2 • Structure des accidents

56.7 56.LAPRÉVENTION DESACCIDENTS

ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 56.7 THÉORIE DES CAUSES DES ACCIDENTS

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La structure des accidents

Si l’on considère que les accidents ont des causes et qu’on peut les prévenir, il est impératif d’étudier les facteurs favorisants. On peut ainsi isoler les causes profondes et prendre les mesures nécessaires pour éviter les récidives. Les causes profondes peuvent être subdivi- sées en causes «immédiates» et causes «contributives». Les premiè- res sont les actes dangereux et les conditions de travail dangereuses.

Les secondes sont les facteurs liés à la gestion, à l’environnement et à l’état physique et mental de l’opérateur. Il faut que plusieurs causes convergent pour que se produise un accident.

La figure 56.2 montre la structure des accidents, avec les causes immédiates, les causes contributives, les types d’accidents et leurs conséquences. Cette représentation ne prétend pas à l’exhaustivi- té. Il n’en est pas moins impératif de comprendre les relations entre les causes et leurs effets avant de pouvoir entreprendre une amélioration durable des procédures de sécurité.

Résumé

Les causes des accidents sont très complexes et il faut bien les comprendre si l’on veut améliorer la prévention. La sécurité, faute de base théorique, ne peut encore être considérée comme une science, mais il ne faut pas se décourager pour autant, car la plupart des disciplines scientifiques — mathématiques, statisti- ques, etc. — ont connu, elles aussi, à un moment ou à un autre, une phase empirique. L’étiologie des accidents est une piste de recherche très prometteuse. Les théories actuelles sont de nature conceptuelle et, de ce fait, elles n’ont qu’une utilité limitée pour la prévention et la maîtrise des accidents. Leur diversité même illus- tre le fait qu’aucune, pour le moment, n’est considérée comme exacte ou correcte et, de ce fait, universellement acceptée. Ces théories n’en sont pas moins nécessaires, à défaut d’être suffisan- tes, pour la mise au point d’un cadre de référence permettant de comprendre comment se produisent les accidents.

L ES FACTEURS HUMAINS DANS LA MODÉLISATION DES ACCIDENTS

FACTEURS HUMAINS ET MODÉLISATION DES ACCIDENTS

Anne-Marie Feyer et Ann M. Williamson Les facteurs humains sont une composante majeure des causes des accidents du travail. Les estimations de leur rôle réel sont très variables, mais une étude réalisée au début des années quatre- vingt sur les causes de tous les accidents mortels liés à la profes- sion survenus en Australie sur une période de trois ans a révélé que des facteurs comportementaux intervenaient dans plus de 90% des cas. Il est donc important, au vu de ces chiffres, de comprendre la part revenant aux facteurs humains. Les modèles explicatifs traditionnels ne leur attribuaient qu’une place modeste.

Lorsqu’ils les prenaient en compte, c’était pour les relier à une erreur reproduisant laséquence des événements immédiatsconduisant à l’accident. Mieux comprendre comment, pourquoi et quand les facteurs humains sont impliqués dans les accidents, c’est avoir les moyens de mieux prévoir leur rôle et d’être plus efficace au niveau de la prévention. Plusieurs modèles ont été mis au point à cet effet.

Les modèles d’étiologie des accidents

Des modèles récents ont étendu le rôle des facteurs humains au-delà des événements qui sont les causes immédiates de l’acci- dent, en prenant en compte des facteurs supplémentaires dans les circonstances plus générales de l’accident. La figure 56.3 illustre cette approche: on peut considérer, par exemple, que les métho-

des de travail et la supervision sont à la fois des sources d’erreur dans l’enchaînement des événements conduisant immédiatement à l’accident et des facteurs préexistants contribuant à cet enchaî- nement. Il faudrait considérer que les deux principales composan- tes de ce modèle (les facteurs contributifs et l’enchaînement des événements) se produisent sur un axe temporel théorique selon un ordre de succession qui est invariant — les premiers précédant toujours les seconds — mais où le référentiel temporel ne l’est pas.

Ces composantes sont toutes les deux des éléments essentiels de la genèse des accidents.

La nature de l’erreur

Il est donc fondamental, pour la prévention, de comprendre la nature de l’erreur, le moment où elle intervient et ses causes. Une particularité de l’erreur, qui la distingue des autres facteurs, est qu’elle est inhérente au comportement. Elle joue un rôle crucial dans l’acquisition et le maintien de nouvelles compétences et de nouveaux comportements. En testant les limites de son interaction avec l’environnement et, par conséquent, en commettant des er- reurs, l’être humain apprend à connaître ces limites. Ce processus est essentiel non seulement pour l’acquisition de nouvelles compé- tences, mais aussi pour l’actualisation et le maintien de l’acquis.

Le point jusqu’où un individu pousse l’expérience dépend du niveau de risque qu’il est prêt à accepter.

Il semble que l’erreur soit une constante de tout comportement.

Les études montrent qu’elle joue un rôle dans près des deux tiers des accidents du travail mortels. Il est donc indispensable d’es- sayer de savoir quelle forme elle est susceptible de prendre, quand elle risque de se produire et pourquoi. Si de nombreux aspects de l’erreur humaine nous échappent encore, le niveau actuel de nos connaissances nous permet de prévoir différents types d’erreurs.

La connaissance de ces types d’erreurs devrait nous montrer où porter nos efforts pour les éviter ou, du moins, pour en modifier les conséquences néfastes.

L’une des caractéristiques les plus importantes de l’erreur est que celle-ci n’est pas un phénomène unitaire. Bien que l’analyse traditionnelle des accidents la traite souvent comme une entité singulière, rebelle à une analyse plus poussée, l’erreur peut se produire de plusieurs façons. Elle prend des formes diverses selon la fonction de traitement de l’information sollicitée: fausses sensa- tions dues à une stimulation insuffisante ou affaiblie des organes sensoriels, défaut d’attention dû aux exigences d’une stimulation prolongée ou très complexe provenant de l’environnement, trous de mémoire, erreurs de jugement, erreurs de raisonnement, etc.

Tous ces types d’erreurs se distinguent par les caractéristiques du contexte ou des tâches où on les observe. Ils résultent d’une défaillance de fonctions de traitement de l’information différentes, et il faudrait donc des approches différentes pour remédier à chacun d’entre eux.

On peut également faire une distinction suivant que l’on est en présence d’un comportement éduqué ou non. On dit souvent que la formation règle les problèmes d’erreur humaine du fait qu’un comportement éduqué permet d’accomplir la série d’actes requis sans nécessiter une attention consciente et constante ni une rétro- action, mais un simple contrôle conscient, de temps à autre, pour vérifier que tout va bien. L’avantage est qu’un tel comportement, une fois le processus engagé, demande peu d’efforts de la part de l’opérateur qui peut faire autre chose en même temps (par exem- ple, parler en conduisant) et planifier les aspects suivants de sa tâche. En outre, le comportement éduqué est généralement prévi- sible. Malheureusement, si de meilleures compétences rendent de nombreux types d’erreurs moins probables, elles en rendent d’au- tres plus probables. Les erreurs commises dans le cadre d’un comportement éduqué sont dues à la distraction, à des gestes involontaires ou à des défaillances, et sont généralement associées à un changement de nature de l’attention. Elles peuvent se pro-

56.8 FACTEURS HUMAINS ET MODÉLISATION DES ACCIDENTS 56.8 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

(9)

duire en mode de contrôle conscient ou résulter de la conclusion de schémas similaires de comportement éduqué.

Une seconde caractéristique des erreurs est qu’elles ne sont ni originales ni aléatoires. Elles revêtent des formes limitées, similai- res dans tous les types de fonctions. Par exemple, on peut «perdre le fil» dans un discours ou dans une tâche perceptive, mais aussi dans l’exécution de tâches basées sur les connaissances ou de tâches de résolution de problème. De même, le moment et la place de l’erreur dans le processus accidentel ne semblent pas aléatoires. Une caractéristique importante du traitement de l’in- formation est qu’il revêt une expression identique quel que soit l’environnement. Cela signifie, par exemple, que les erreurs se produisent de la même façon dans l’environnement domestique que dans les industries à très haut risque. Les conséquences, en revanche, sont très différentes; elles sont déterminées par l’envi- ronnement où se produit l’erreur et non par la nature de cette dernière.

Les modèles d’erreurs humaines

Pour établir une typologie des erreurs et construire des modèles d’erreurs humaines, il est important de prendre en compte, dans la mesure du possible, tous les aspects de l’erreur. Il faut cepen- dant que la typologie obtenue soit utilisable dans la pratique, ce qui est peut-être la principale contrainte, car une théorie des causes d’accidents peut aboutir à des résultats, mais l’application de ces derniers peut se révéler très difficile dans la pratique.

Lorsqu’on essaie d’analyser les causes d’un accident, ou de pré- voir le rôle des facteurs humains dans un processus, il est impos- sible de comprendre tous les aspects du traitement de l’informa- tion par l’humain qui sont intervenus ou sont susceptibles d’in- tervenir. On risque, par exemple, de ne jamais connaître le rôle de l’intention avant que se produise un accident. Même a poste- riori, le fait que l’accident a eu lieu peut modifier le souvenir que l’intéressé garde des événements. C’est pourquoi les typologisa- tions des erreurs qui se sont révélées les plus utiles ont été axées sur la nature du comportement au moment où l’erreur a été commise, ce qui permet une analyse relativement objective et aussi reproductible que possible.

Elles distinguent les erreurs commises pendant un comporte- ment éduqué (ratés, lapsus ou actes involontaires) et celles commi- ses pendant un comportement non éduqué ou ayant pour but de résoudre un problème (fautes).

Lesratésou leserreurs par oubli du savoir-fairesont définis comme des erreurs qui interviennent alors que le comportement est auto- matisé.

Lesfautessont de deux types:

• leserreurs dues au non-respect des règles, lorsque le comportement suppose l’application de certaines règles;

• leserreurs par manque de connaissances, dans un contexte de résolu- tion de problème, lorsque l’intéressé n’a ni compétence ni règle à appliquer.

Autrement dit, les erreurs par manque de connaissances résul- tent d’un défaut de compétence; les erreurs dues au non-respect des règles d’une mauvaise application des compétences; et les erreurs par oubli du savoir-faire d’anomalies dans l’exécution du programme d’actions, généralement imputables à une altération du niveau d’attention (Rasmussen, 1982).

Une étude consacrée à des accidents du travail mortels a mon- tré que ces catégories pouvaient être utilisées de façon fiable. Les résultats ont indiqué que, dans l’ensemble, les erreurs par oubli du savoir-faire étaient les plus fréquentes et que la distribution des occurrences des trois types d’erreurs était inégale dans la séquence des événements. Les erreurs par oubli du savoir-faire, par exem- ple, étaient le plus souvent le dernier événement précédant immé- diatement l’accident (79% des cas mortels). Comme, à ce stade, il reste peu de temps pour redresser la situation, leurs conséquences peuvent être plus graves. Les fautes, en revanche, semblent inter- venir plus tôt dans le processus accidentel.

Les facteurs humains dans les circonstances plus générales des accidents

La prise en compte de facteurs humains autres que l’erreur dans les circonstances qui entourent immédiatement l’accident repré- sente un important pas en avant dans la compréhension de la genèse des accidents. S’il est indubitable que l’erreur joue un rôle

ACCIDENTS

ENVIRONNEMENT ÉQUIPEMENT

ENVIRONNEMENT ÉQUIPEMENT COMPORTEMENT FACTEURS MÉDICAUX

Succession chronologique des événements

Facteurs contributifs Séquence accidentelle

MÉTHODE DE TRAVAIL SUPERVISION FORMATION ERREUR DANS L’EXÉCUTION DES TÂCHES FACTEURS MÉDICAUX AUTRES FACTEURS

ÉVÉNEMENT 1 ÉVÉNEMENT 2 ÉVÉNEMENT 3

Figure 56.3 • Modèle des causes d’accidents

56.9 56.LAPRÉVENTION DESACCIDENTS

ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 56.9 FACTEURS HUMAINS ET MODÉLISATION DES ACCIDENTS

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dans la plupart des séquences accidentelles, les facteurs humains, au sens plus large, interviennent eux aussi, qu’il s’agisse, par exemple, de modes opératoires normalisés ou des influences qui en déterminent la nature et l’acceptabilité, comme les décisions prises très tôt par la direction. Les modes opératoires et les déci- sions fautifs ont évidemment un lien avec l’erreur, puisqu’ils sont entachés d’erreurs de jugement et de raisonnement. Mais la diffé- rence, dans le cas des modes opératoires, est qu’on a laissé les erreurs de jugement et de raisonnement devenir des modes de fonctionnement normaux, puisque, n’ayant pas de conséquences immédiates, on ne s’aperçoit pas tout de suite qu’ils sont fautifs.

Pourtant, ils sont dangereux, et comportent des vulnérabilités fondamentales qui peuvent donner lieu, ultérieurement, et invo- lontairement, à des interactions avec l’humain et conduire direc- tement à des accidents.

Dans ce contexte, le termefacteurs humainss’applique à un large éventail d’éléments entrant en jeu dans l’interaction entre les individus et leur milieu de travail. Certains sont des aspects directs et observables de la façon dont des modes de travail fonctionnent sans avoir de conséquences néfastes immédiates. La conception, l’utilisation et l’entretien de l’équipement, la fourniture, l’utilisa- tion et l’entretien d’équipement de protection individuelle et d’au- tres équipements de sécurité et les modes opératoires normalisés, à l’initiative des cadres ou des employés, ou bien des deux, sont autant d’exemples de ces pratiques courantes.

Ces aspects observables des facteurs humains dans le fonction- nement d’un système sont dans une large mesure les manifesta- tions du cadre organisationnel général, c’est-à-dire d’un élément humain encore plus éloigné de l’implication directe dans les acci- dents. Pour désigner les caractéristiques des organisations, collec- tivement, on parle de leurcultureou de leurclimat. On entend par là l’ensemble des objectifs et des croyances d’un individu et l’im- pact des objectifs et croyances de l’organisation sur ceux de l’indi- vidu. Au total, les valeurs collectives ou normatives, qui reflètent les caractéristiques de l’organisation, ont toutes les chances d’être des déterminants importants de l’attitude à l’égard de la sécurité et de l’adoption d’un comportement sécuritaire à tous les niveaux.

Ce sont ces valeurs qui déterminent, par exemple, le niveau de risque toléré sur le lieu de travail. La culture d’une organisation, qui imprègne son système de travail et les modes opératoires normalisés de ses employés, est donc un aspect crucial du rôle des facteurs humains dans la genèse des accidents.

Le fait de voir dans un accident un événement fâcheux arrivant subitement à un moment et en un lieu donnés concentre l’atten- tion sur l’événement mesurable dont on est témoin. En réalité, des erreurs sont commises dans un contexte qui permet à un geste dangereux ou à une erreur de produire ses conséquences. Pour connaître les causes qui ont leur origine dans les conditions pré- existantes des systèmes de travail, il faut tenir compte de toutes les manières dont l’élément humain peut contribuer à l’accident.

C’est peut-être là la conséquence la plus importante de l’adoption d’une large perspective quant au rôle des facteurs humains dans la survenue des accidents. De mauvaises décisions et des pratiques fautives, sans avoir d’impact immédiat, créent des conditions pro- pices à l’erreur — ou contribuent à faire en sorte que la fausse manœuvre ait des conséquences — au moment de l’accident.

Traditionnellement, les aspects organisationnels ont été le pa- rent pauvre de l’analyse des accidents et de la collecte des don- nées. Du fait de leur éloignement temporel par rapport au mo- ment de l’accident, la relation de cause à effet avec ce dernier n’est souvent pas évidente. Des théories récentes ont permis de structurer l’analyse et les systèmes de collecte des données de manière qu’ils prennent en compte les éléments organisationnels des accidents. Selon Feyer et Williamson (1991), qui ont utilisé l’un des premiers systèmes conçus pour intégrer spécifiquement la contribution des paramètres organisationnels aux accidents, une

forte proportion des accidents du travail mortels en Australie (42,0%) comptait parmi leurs causes des méthodes de travail dangereuses préexistantes ou encore en vigueur. Waganaar, Hud- son et Reason (1990), qui ont appliqué un cadre conceptuel semblable, soutenaient que les facteurs tenant à l’organisation et à la gestion constituaient des sources latentes de dysfonctionnement, à l’image des pathogènes résidents des systèmes biologiques. Les déficiences organisationnelles interagissent avec les événements et les circonstances qui déclenchent l’accident tout comme les patho- gènes dans l’organisme se combinent à des agents déclencheurs, tels que des facteurs toxiques, pour provoquer la maladie.

L’idée centrale de cette approche est que les carences d’organi- sation et de gestion sont présentes bien avant le déclenchement de la séquence accidentelle. Autrement dit, ce sont des facteurs qui ont un effet retard. C’est pourquoi, si l’on veut mieux comprendre comment se produisent les accidents, comment les individus y contribuent et pourquoi ils se comportent comme ils le font, il est nécessaire de faire en sorte que l’analyse ne se limite pas aux circonstances qui conduisent le plus directement et le plus immé- diatement au préjudice.

Le rôle des facteurs humains dans les accidents et leur prévention

Pour mieux reconnaître l’importance étiologique potentielle des circonstances générales de l’accident, le modèle qui décrit le mieux les causes de l’accident doit prendre en compte la chronologie relative et les interrelations des différents éléments.

Premièrement, les facteurs causatifs n’ont pas tous la même importance dans la causalité et dans le temps. De plus, ces deux dimensions peuvent varier de façon indépendante: certaines cau- ses peuvent être importantes parce qu’elles sont très proches du moment de l’accident et fournissent donc des indications sur ce moment, ou bien parce qu’elles sont une cause première, ou les deux à la fois. En examinant l’importance aussi bien temporelle que causale des facteurs impliqués dans les circonstances généra- les de l’accident, ainsi que les circonstances immédiates, l’analyse s’intéresse aux raisons de l’accident et non à la seule description de son déroulement.

Deuxièmement, on admet généralement que les accidents ont des causes multiples. Il peut y avoir, entre les composantes humai- nes, techniques et environnementales du système de travail des interactions critiques. Traditionnellement, les cadres d’analyse s’en sont tenus à un nombre limité de catégories définies, ce qui limite l’information obtenue et, de ce fait, l’éventail des choix possibles pour la prévention. Lorsqu’on prend en considération les circons- tances plus générales de l’accident, le modèle doit inclure bien plus de facteurs encore. Les facteurs humains peuvent fort bien interagir avec d’autres facteurs humains, mais aussi avec des fac- teurs autres qu’humains. Le schéma des occurrences, co-occur- rences et interrelations d’un grand nombre d’éléments différents au sein du réseau des causes donne l’image la plus complète et, par conséquent, la plus informative, de la genèse de l’accident.

Troisièmement, ces deux considérations — la nature de l’évé- nement et la nature de sa contribution — influent l’une sur l’autre. S’il y a toujours des causes multiples, elles n’ont pas un rôle équivalent. Il est essentiel de bien connaître le rôle des différents facteurs pour comprendre pourquoi un accident s’est produit et éviter une récidive. Par exemple, des causes liées à l’environnement immédiat peuvent avoir un impact en raison de facteurs comportementaux antérieurs qui en ont fait des modes opératoires normalisés. De même, les aspects préexistants des systèmes de travail peuvent être le cadre dans lequel des erreurs courantes commises pendant un comportement basé sur des con- naissances peuvent précipiter un accident lourd de conséquences, alors qu’elles n’auraient normalement qu’un effet mineur. La prévention serait plus efficace si elle ciblait les causes sous-jacentes

56.10 FACTEURS HUMAINS ET MODÉLISATION DES ACCIDENTS 56.10 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

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