Book Chapter
Reference
Que vous propose la Faculté des sciences ?
WENGER, Paul Eugène Etienne
WENGER, Paul Eugène Etienne. Que vous propose la Faculté des sciences ? In: La recherche de la vérité et la formation de l'Homme. Genève : Georg, 1949. p. 1-14
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106580
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
LA RECHERCHF DE LA VETtITtr
ET LA F'ORMATION DE L,I]OMNIE
Q.UE VOUS PROPOSE
LA FACULTE DES SCIENCES
?Professeur
Paul-E. \MENGER
Doyen ile la Faculté
Extrait des Conférences donnêes
'
au semestre d'hiver aux Cours généraux de 1948-1949 I'Université,LIBRAIRIE DE L'UNIVERSI'|E
GEORG & OC S. A.
cnnÈvn
1949
Que vous propose la Faculté des Sciences?
par le
Professeur Paur-E.
\ZENGER
Doyen de la Faculté des Sciences
Si le Doyen de la Faculté des Sciences de
l'an
1900 avait eu à prendrela
parolesur le
sujetqui
m'est imposé ce soir,j'imagine
qu?ill'eût fait
avec beaucoupplus
d'enthousiasme que moi.Imprégné
desécrits de
Renanet
d'AugusteComte, il
aurait
cherchéà
ccinvaincreun
jeune atrditoirede la
toute puissanced'une
science orgueilleuse, capablede tout
com- prendre,de tout expliquer. Sa
perstrasion communicativeautait
fait
de nombreux adeptes er nos amphithéârres aurâienrretrouvé I'intérêt
passionné des auditeurs,tel qu'il
existait,en fait,
lorsquej'eus I'honneur d'entrer
danscette
<< Alma Mater >> genevoise.Aujourd'hui, ma
tâcheest plus
ardue,I'auditoire
plus'difficile
à convaincre;
la science moderne, souventmal
com- prise, très diverse dans sesfins,
n'est pas aisée à concevoir et encoreplus difficile à
défendre,loriqu'elle
n?a;pour
cela,qu'un
chercheurfort
de quarante années d'expérience.Celui
queje
considère encore commeun
contemporain, Lavoisier,écrit, entre
autres, dansle
discours préliminaire de sontaité
de Chimie :<<
Toute
science physique est nécessairementformée
detrois
choses:
la-série desfaits qui
constituenrla
Science, les idéesqui
les rappellent, lesmots qui
les exprimenr.Le
mordoit faire naître l'idée,
I'idéedoit
peindrele fait ; ce
sonttrois
empreintesd'un
même cachet.Au milieu du XX"
siècle, c'est 1à encore l'axiome que chaque nouvelinitié devrait écrire sur le fronton
de -l'édi-fice
scientifiquequ'il a I'ambition de
construire.Nul,
parconséquent, n'oserait
nier
l'importance de cette Science pourla culture
tle l'hornme rnoderneLe .savoir a
pu être
divisé en plusieurs partiesdont
cha- cunecontribue d'une façon qui lui est propre à
notreformation.
D^--: ^ll^" "^ rr^rlr'ô6r îê ^atê lt^- .-n.lle z. T.r Science >>-
r 4lllrl çrrvùt U! urvslvrre
ou plus
explicitement << Les Sciences>
physiques'par
oppo-sition
aux iciences dites morales:
lettres, philosophie, droit, etc. Cette appellation ne convientdu
reste pas entièrement.Le mot
physr,que évoquele concret et I'inanimé. Ot,
lessciences comprennent les mathématiques,
qui
âppartiennentà
l'abstractionpure et la
biologiequi
estl'étude de la
vieet
des êtresvivants. Ce qui
distingue les diverses sciences, ce n'est pastânt l'objet
qu'elles se proposentd'étudier,
quel'esprit
dans lequelle
sujet entreprend cette étude. C'est parla
nécessitéoir
ellesle mettent d'acquérir cet esprit, de
leformer à un
cçrtain mode de raisonnement' que les sciencesapportent leur part originale à la formation de
I'homme ; les mathématiques représententle
raisonnement scientifiquepur. Partant d'un axiome de
base, <<admettons
que... >>'(2 et 2 font
4par
exemple), le mathématiciendéduit
de cet axiomeune
conséquenceet celle-ci
deviendrapar la
suite la cause d'une nouvelle conséquence. Par ce procédé d'induc-tion et
de déduction successives, s'édifiel'une
des créations les plus harmonieuses del'esprit
humain.Le
mode de raisonnement établi,il s'agit
de I'appliquer àla
recherche dela
vérité ou, disons plus modest€ment, d'uu des aspects decette
vérité. Pendant des siècles,I'on n'a
pasosé se
servir de ce
raisonnementpour
.explorer
certains domaines; il était
considéré comme sacrilègede
sonder les-3-
mystères de
la vie et
de l'univers. Puis,vint
une époque, leXIX"
siècle, oùI'on fut
persuadé, au contraird, quetout
seraitun jour, clair et
compréhensible.L'attitude
actuelle diffère de ces deux opinions extrêmes;
l'homme de sciencene
cessede
construirede
nouvelles hypothèsesqui lui
permerrenrd'approfondir
sa connaissancedu
monde,' mais.il sait
que le mondea
autant d'aspecùsdifférents
quel'esprit
de l'homme est. capabled'en
concevoiret qu'il n'est donc
pasle
seul àavoir raison.
Certes,
celui qui
aimela
scienceet qui la pratique
enhumaniste
(le mot
est peut-êtreprétentieux),
se souviendra que celle-cidoit
rester modesteet à la
mesure de l'homme.Sans doute,
par
lefait
que nous vivons dans une périodeoù
les progrèsont été
rapides,constate-t-on une sorte
de décalageentre
les réalisationser les
possibilitésque
norre<< moi >> possède de les imaginer. Mais cela
suffit-il pour
qu'unesprit
cultivé et
supérieur se sentetroublé
parce que l'imagedu
monde quelui monrre le
savantlui paraît être
hors cleproportions,
ou
encore parce que lesmots où
lcs symbolcs,dont parlait tout à
I'heure Lavoisier,lui sont
étrangers ? Qu'il
consenteà s'initier
eÈil
se rendra compte qu'une formule mathématiqueou
chimique esttout
aussi évocatricepour
le savantqu'une
poftée musicalepour Ie
compositeur Par contrele plus
beau poème chinois sera,pour moi,
lettremorte, tânt
queje
n'aurai pas apprisà déchiffrer
les signes peints,sur une poriche de l'époque des Mings.C'est parce que
le
poète ramènela nature
à l'échelle de l.'hommequ'il la lui
rend sens'ible. I1fait
delui le ceiitre
du monde, créépour
son usage,pour
saglorification. La
pein-ture, la
musique, la sculpture, la poésie,impriment
une tracetoujours vivante et
lumineusedu
passagede l'homme
dans I'LJnivers. Le scientifique ne le nie pas, parce que modeste et aussi parcequ'il conçoit, mieux que
quiconque,qu'il
peutêtre le
creuset(il s'agit de I'homme), où
se prépare cetresynthèse
qui
semble impossibleentre le qualificatif et
lequantitatif.
Je pense aux grands cerveaux de l'histoire,
et.je
m'aper-çoir -
que plusieurs d'entre euxont
réalisécet
arnalgame.i.t
jardins de Babylone, les p;'ramides, l'Athène antique, le Colisée et les temples de Rome, ne sont-ce pas là les preuves de I'esprit de synthèse dont I'hornme est capable ?Mi"h.l-Attge,
poète dela
peinture, peignantla
Chapelle Sixtine, et Michel-Ànge, mathématicien et architecte, édifiant les plans dela
Coupole de Saint-Pierre de Rome' nous donna ainsi la basilique de pierredont
les proportions harrnonieuses, dansle
concret, révèlent l'éléganceet
l'exactitudedu
raison- nement mathématique dans l'abstrait.Mais I'homnr.e de science
doit'sonder cet
univers, clans lequel nous évoluonsI
alorsqu'il
se sentinfime
devant sotlirnmensité,
ii
a conscience de sa grandeur parcequ'il peut
leconcevoir
et qu'il peut parfois le
reproduireou I'imiter
encertaines de ses parties.
Le
savants'exclut-il du
monde?
Je ne le pense pas; il
s'efforced'abolir
enlui
I'idéequ'il
en estle
eentre.Vis-à-vis
deson
<< moi >>,il le
reste, Duisqu'il nepeut sortir de
lui-même, maisil
s'essaieà imaginer que
le mondepeut
exister sanslui et veut,
alors,le
décrire comme tel.Il connaît
cependantles limites du
possible,et
c'estpour
cela que l'homme de science moderne, authentique, doit être et rester modeste.Telles
sont,
quoiquebien mal
exprimées, les réflexions quem'a
suggérées une carrière de chimiste déjà longue.Je
voudrais que mes jeunes auditeurs accueillent cette confession avec bienveillanceet
puissent ainsi se mieux péné-trer de I'influence
immenseque leur
séjour, dansI'une
ouI'autre de nos
Facultés des Sciences,peut
exercersur
laformation
deleur
espritet
certainement aussi deleur
cceur.Il me paraît
que,trop
souventaujourd'hui, on
entreà I'Université pour acquérir
les connaissances nécessaires à-r-
l'exercice
d'une
profession; l'étudiant
modernevit
dans unmonde où la
lutte
est sâns merci, oùl'argent
(qu'on I'admettedonc une fois franchement), joue le
premierrôle et où
lesapplications de
la
techniquesont
nombreuseset
âttrayantes.De là à
con{ondre << Faculté >>et
<< Ecole >>,il n'y a
qu'urt pas; et
cependant quel'on
{asseretour
au passéet
quel'on
se souvienne des philosophes
et
des savantsqui
nous précé- dèrent. Ceuxqui ont
laisséleur
empreinte nous clonnent un exempleà imiier.
Certes,la
science estmultiple et
diverse,et I'esprit
de I'homme n'estplus
capable d'assimiler I'ensem-ble
des connaissancesd'une façon
approfondie, mais, néan- moins, nousne
sommesplus à
l'époqueor)
desmurs
très élevés séparaientles divers
domaines.Les frontières vont
disparaître,et
déjà maintenant,la
biologie,la
physique, lachimie et les
mathématiquesne peuvent vivre pour
elles-mêmes. Elles doivent s'entr'aider et contribuer à la découverte de royaumes nouvellement créés, laissant pressentir des mer- veilles
;
cela,à condition
quel'homme (et
vousvoyez
bienqu'il
collabore), fasse a,bstractionde
.ses passions ma,rrvaises.Au point
de vue philosophique,il
ne peuty
avoir qu'une<< Science >>
;
<<La
Science )>,eui
nous donneI'explication
detous
les phénomènes auxquelsnotre moi est lié. Pour
lemoment,
hélas, nous sommes'très
éloignésde
réaliser cette science idéale; on a donc, par
raisond'opportunité,
subdi-visé
l'ensemblede
nos connaissancesen un certain
nombrede
compartiments, choisis, d'ailleurs,d'une façon
arbitraire.Je me permets de reprendre ce que C.
E.
Guye appelle :<<
la
classification métaphysique des sciences >>,où l'ordre
estidentique
à celui
dela
classification théorématique d'AdrienNaville (1901). Cette
classification reposesur les
norions primordiales:
<<le
nombre, I'espace,le
temps,la
matière, lavie, la
pensée >>. Celles-cisont en réalité
des énigmes pour nous; le
resteront-elles toujours ?Et là,
Guye de se deman-der
:
<< Cesnotions
sont-ellesréellement irréductibles,
oudoivent-elles,
un jour,
s'éclairer les unes par les autres;
enfin, III
! I
l I
l
dérivent-elles peut-être
d'un
seulet
mêmeprincipe
que nous ne pouvons, encore entrevoir ? >> 1.'Déjà
le principe
derelativité qui
repose sur, une corré- lation entre la mesure du temps et de I'espace semble montrer que ces deux notions deviennent inséparablesl'une
de l'autre.C'est donc 1à
un
premier élémentd'unité
entre divers domai- nes.Je ne veux
pas m'engagerplus avant
dansla
défense ou la critique de ce principe de relativité. Retenons setrlcmcnt que nous constatons, 1à,un
progrès métaphysiquequi
relie entre elles des notions fondamentales, bases dela
classification des sciences.En bref,
les sciences,. telles que nous les avons classéesavec Guye sont << séparées les unes des autres
par le
nombre plus ou moins grand des notions métaphysiques qu'elles com-port.nt
>>:
I'arithmétique ne faisant appelqu'à la notion
denombre
; la
géométrie, au nombreet
à I'espace; la
physiqueet la
chimie,aux
notions de nombre, d'espace,de
temps etde nnatière
;
alors que celles de vieet
de pensée nous condui- sent à la biologieet
à la psychologie.r 1\ 1 n - I-1 l-- c\^:^--^^^:-^^-:! I -^--
Ef, C est
ra
ce quela raculle
ucs ùçrglrçcs lrluLtlLi,
ù(,Ir programme.Elle le fait, me semble-t-il, dans deux
buts èssentiels,l'un et
l'autre.,
1oLa
recherche,qui doit
tendreà établir
des relations<< basées sur l'expérience >> entre les diverses notions métaphy-
siques.qui paraissent irréductibles
tout
d'aborcl, maisqui
sont solidaires(principe
clela relativité, par
exemple).Cette'recherche nous donnera l'occasion de
continuer
laroute,
s'élevanttrès
ientement, versce
sommet inaccessiblequi
estla
<< Science >> avec majuscule.Ainsi
seforme
I'espritde l'homme
au
raisonnement scientifique,à'la
logiqueet
àI'emploi
des idéesqui peindront
lesfaits et rendront lumi-
neuxet
clairs les motset
les symbolesqui
les expriment.1 Gilye
:
u L'Evolution physico-chimique,,
2e édition.-7 -
2u
La priparation
des candidatsà la
mise en æuvre des découverter et-des principes établis au cours de I'histoire dessciences expérimentales
;
cette histoirequi
nous enseigne que'pour
relier entre eux des phénomènes' nous disposons de deux inode,de
faire, or,
"o*iliquer le
phénomènequi pardît
leplus simple,
ou simplifier
celuiqui
semblele
plus général.Et,
puisque nous sommes encoreloin d'avoir âtteint
ce sommet :escarpéqu'est la
sciencepure,
voyons,si vous
leperrnettez, quelques-uns des domaines, tous issus d'une origine commune qui, après avoir évolués, au cours des âges, de façons très
divtrsei,
s'ignorant souvent les uns les autres, tendent àse conjuguer maintenânt pour le plus grand bien de la recher- che
et
de l'évolution.Les ruathétn'atiqu'es,
tout
d'abord, abstraction pure, maisqui
peuvent aussiêtre I'instrument précieux des
sciences expérimentales.Celui qui s'y
adonne,peut le faire pour
desfins multiples, dont la plus pure
I'amèrLera cettainernent àconfondre
le
monde de ses symboleset
de ses formules avecla
ré.alité,ou,
clu moins, prêceraux
théorèltlesulle
sorte de réaLité.Mais,
commele dit
Poincaré:
<< les mathématiquesdoivent plutôt
représenterun
langage,.ou mieux un
vête-ment, qui
peur épouserle
corps dela
réalité >.Si nous songeons à des réalités physiques, les gaz, si vous
le voulez bien, le
langage mathématiquepeut prendre
desformes différentes
:
C.E.
Guye choisitun
exempleparticu' lièrement
convaincant:
<<A l'échelle
macroscopique, la< réalité
>
desg^z
sera expriméepar la loi
< Mariotte-Gay Lussac >),ou l'équation
d'état devan der Vaals,
etc.>.
<<A
l'échelle moléculàire, cette même réalité sera habillée des for.- mules dela
théorie cinétique des gaz, basée surle calcul
desprobabilités" >
<<
Enfin, à l'échelle intraatomique, ce serait à
I'aided'équations relatives à ces systèmes d'ondes correspondânt aux éléments constituants des atomes
et
des molécules,qu'il
con-viendrait de
confectionnerle vêtement de la
réalicéintra
atomique. >>
En
s'exprimant dela
sorte, Guye souligne très finement l'écueilqui
peut résulterd'un
emploi excessif de ce vêtemenc mathématique;
alorsque celui-ci, prenant de plus en
plus d'ampleurpeut
expliquerun
nombrelimité
defaits
expéri- mentauxpar
coïncidence; la
complexitéparfois
déconcer- tantepeut
devenirun
grave inconr'énient. IJne théorie trop compliquée ne présente plus d'avantages prâtiques, comparésà ceux d'une formule
empirique^yaît
souventune
formebeaucoup plus simple.
A
côté des écueils quepeut
présenterla
philosophie dela
science, dominéetrop
exclusivement par les mathématiques,il
nefaut
pas oublier les services éminents qu'ellesrendent
actuellementaux
âutres sciences. CombienJécondes et utiles
sont-elles,lorsqu'il s'agit de
physiquemoderne,
où
ce vêtement mathématique a permis de prévoir des phénomènesqui
se sont révélés exacts ultérieurement por I'expérience. Mais, là encore, je voudrais exprimer une opinion personnelle; il
me paraît que l'expérience, dans laplupart
des ccio-noo Ânit nnAnÀÂon r^irra^^;-:^- 6riraffianr tLÂ^ni^',^
L'observation des
faits doit guider le
chercheurqui
aura la joie, par la suite, de formuler d'une manière claire et élé.gante, grâce à l'expression mathématique le résultat de sa découverte.Je m'excuse auprès des mathématiciens purs, d'avoir mis
'
l'âccentsur le côté
<<instrument de leur
science >>;
maisqu'ils
soient assurésque c'est par probité
scientifiqLre queje
ne puis, ce soir, exprimer l'enthousiasme queI'on doit
res- sentirà
évoluer dans les domaines de I'analyse mathématique supérieure, de la topologie, domaines réservés aux seuls initiés,qui n'ont
quefaire
demon
opinion.Si maintenant, nous abordons
la
physiqueet la
clcimie, nous savons de quelle richesse nous disposons, aprèsla
récolte abondantede cette
premièremoitié du XX"
siècle:
radio-activité, physique et chimie nucléaire, ondes hertziennes, rela-
tivité
des phénomènes, chimie biologique, nesont
que quel--9-
ques exemples dans les gerbes de
notre
moisson.Et
c'est alors.i,r"
"..r" lui
s'adonnentà
ces domaines'sont
tentés -de
nevoir
que les applications pratiques: radio, aviation,
chimio- thérapie,décolvertes
seniationnellesdans le domaine
desréahsâtions. Certes, ne décrions pas ce
qui pourrait,
les hom- mesétant
bons, améliorerle sort
de I'humanité, maisil
meparaît
néanmoins quele but
idéal,la
Science, estvoilé
par l'espoir d'unepluie d'or,
abondanteet
rapide.Jeune assistant,
je m'étonnai, un jour, qu'Amé
Pictetregrettât
I'existencedu
diplôme d'ingénieur-chimiste, ân seitt de,rotr"
Faculté. Jele
comprendsmieux
aujourd'hui; il
estévident que
notre rôle
esttle former
des chimistespour
un avenir prâtique dans I'inclu.strie, mais ceuxqui
nous viennent, devraient,et je
tiensà le dire
trèshaut,
rester universitaires,ne
pas suivreune filière et
âdopterle
moindreef.tott en
ne s'astreignantqu'à
l'enseignementobligatoire donné
comme guide dans les programmes. Legoût
de la recherche,la
curio- sité'scientifique se perdent de plus en plus, au bénéfice d'unsport hypertiophié-par
les compétitionsou'
cequi
est plus regrettable encore, par une désaffection des choses de I'esprit.Le
chimisteet le
physicien setrouvent
encontact et
enlutte
avec lesfaits
expérimentaux, aussi doivent-ils trouver, plusdifficilement
peut-être que le mathématicien,la
<< vision théorique >>qui
résulte de leurs recherches, mais ils le peuvent.La
déformation professionnelle detout vouloir
ramener auxfaits
expérimentaux,âux
phénomènes matériels,doit
être tempéréepar une
conceptionplus
largeet plus
élevée;
laphilosophie
du
chercheurdevrait lui
rappeler constamment que l'espace,le
tempset la
matièrcqui
suffisentà
sesinter- prétations
physico-chimiques,ne sauraient l"
contenterlorsqu'il s'agit de
phénomènesd'ordre intellectuel et
moral,liés aux
phénomènesmatériels, mais qui n'ont Pâs,
pourautant, un
aboutissement physico-chimique,soumis à
un déterminisme fatal.Je
rappellerai volontiers quecette
tendance, grâce auxsuccès des sciences physiques, àu sens le plus large
du
rerme, aimprimé à la
philosophie dela
secondemoitié du XIX"
siècle sa tournure matérialiste.
Ces considérations s'appliquent aussi
à la
minéralogie et àla
géologie;
sciences éminemment minérales, maisqui
nous racontentl'évolution
denotre planète depuis des
millions d'années. Mais depuis quelques décades,l'on revient à
une conception plus saine de f idéal scientifiquequi
necroit
plus àun
déterminisme inéluctableLe biologiste,
lui,
â constamment sous lesyeux
le monde animal ou végétal dans son ensernble.Il
peut être renté, dans sa conception philosophique, d'appliquer, san.sun
sens cririque suffisant,le résultat
de ses recherchesà
I'espèce humaine.Cependant,
l'on
nepeur nier
que I'homme se distingue pxr son cerveau des autres espèces connues, cequi,
d'ailleurs, Iui donnei1t'"ii:ïfi; ,orc
quela morr,
parcequ,il sait
qu,il meurt> a
di.t Pascal. Son intelligencelui
permetd'utilisàr
àson
profit, pour le
bien commepour
le mal, hélas, les forces dela
natr-rreet
demodifier
lesionditions
dela
.,,ie. ir,4nis je croisutile
de direici, qu'il y
a peu de temps encore, er même actuellement,le
botanisteou le
zoologistèpeut être
amenéà_ considérer,
s'il n'y prend
garde,la
physiologie comme un aboutissement physico-chimique;
une-fois
depl.tr. ne
nor.rslaissons pas
éblouir par
les progrès dela
physiqueer de
la chimie!
Le côtéhumain du
chercheur jouË,rn iôI" primor-
dial; il doit éviter l'écueil du travail
scolaire, acq,rdrir urr"grande habileté certes, mais permettre à
ion
cervea,,d'"*"rc.,
son esprit critique, sa logique,
pour
atteindre aux conceptions, plus élevées dela
Science.Le
rôle des biologisres esraujourd'hui
de premier plan ; les progrès réalisésen
physico-chimie,en faisùt r".roriit
lécaractèrç statisrique
de
seslois,
lesont
libérésde
certains dogmes,et
c'est âutour
de ceuxqui
selivrent
aux patienteset
méthodiques recherchesde la
biologiecellulaire de
nous-
11-
apporter
de
nouvelles clartéssur le
problèmetroublant
des , origines dela
vie.C'est
de ces recherches quel'on peut
attendre les pro- grès les plus immédiats. Les expériences faites sur des espècesinférieures à l'homme
ont
alorstoute leur
importance.Notre
collègue, Monsieur le Professeur Guyénot, dans son beau livre
< Les 'problèmes de
la
vie >>,montre'
rappelat'tt les tra-vaux de VeissÀann, cette conception féconde des biologistes, d'admet-tre,
danstout ânimal, deux
partiesdont
les destinées sont clifférentes :<<Le sorna périssable
etIe
germ,ett théariquement immor-tel.
Ce clernier,formé
des glandes génitales, continue à vivreune fois la
déchéanceet É mort dtr
soma consommées; il
assure
la continuité de la
race,pénétrant
dans l'organismedu
descendant,,secondairement, comme une sorte de parasitequi irait
sefixer
sur son hôte temporaire >>.<<
tonomie de
cette
lignéc gcrminale âssurantla continuité
dela vie >>. Guyénot
dixit.
C'est aussi
par
des recherches expérimentales,en
liaison avec la physico-ihimie que des découvertes sensetionnelles ontété faites
dansle
domaine des colloïdes biologiques,où
lesmolécules elles-mêmes
jouent un rôle fort important ;
cettepuissance d'action que
doit
exercerla
molécule isolée montreI'efficacité, si
souvent constatéesur un
organisme, de-doses prisesà un très grand
degréde dilution. Que
dire.enfin
dela
chimiothérapie, des hormones, des vitamineset
des anti- biotiques ?Solrn.rrt
on
parle de l'âge atornique, à proposet
hors dc de propos, prévoyant déjàle
bouleversement que l'utilisation de l'énèrgie de désintégration de I'atome peut provoquer dansle
mondc régentépar
les hommeset leurs
passions, mais, n'oublions pnt,poni
cela, le bouleversement, ie répète le mot, obtenu déjà grâce aux études biologiques pousséeset
aux syn- thèses de nos savants, qu'ils se disent biologistesou
chimistes.Le
domainede la
psycbologie,où les facteurs vie
erpensée sont prépondérants, esr
le plus difficile à
symboliser âu sens étymologiquedu mot. La
pensée comprend en effet, toutes les notions métaphysiques qui sonr à la base de la classi-fication
des sciences, choisie à l'époque de Guye:Le
psycho- logue expérimental devrait donc étudier simuhanément, avecle
phénomène psychique rous les phénomènes physiologiques et physico-chimiques qui I'accompagnent.Le problème est si vaste, si compliqué, qu'aucun homme n'oserait I'entreprendre.
Cette
science,la plus
générale detoutes, cloit donc être artificiellernent simplifiée. et, si j'insiste
ici
sur cette approximation,il faut
se rappeler qu'en biologie également les problèmessont très génér".t*, qrr'il
existe un psychismede la
planreer
mêmede la
cellule,et bien
que dépourvus de système nerveux et de cerveau, on ne peuttran-
cher,par
la négative,la
sensibilité des végétaux.Le
psychologuedoit, à
sontour,
s'appuyersur la
phy- siologie, sans cependantoublier que
les états- psychologiqueset
physiologiquessont
inséparableset réagisient l,un
surI'autre. Il me partît
..,ainde le
prou.,'erpar
les multiplcs exemples dela vie
des hommesI
maisle
spZcialiste,lui,
àoity
penser,lorsqu'il
abordele
domaine dela
philosophie.Je ne sais
si j'ai f.ait
comprendreà
mes auditeurstout
ce qu'une Faculté des Sciences peut apporter. Je me suis tentr
aux
problèmes générauxet je me
suisefforté de
montrercombien l'homme
peut
encore,
pat sa pensée, s,associerà
cet universqu'il
cherche à sonder._ Le champ des connaissances humaines est immense, certes,
et l'on
est tenté, à première vue, de s'enorgueillir des progrès réalisés dansle
domainedu
rationnel.Si
I'on
parcourc I'histoire denotre
Faculté des Sciences genevoise, nous pourrions nous rendre compte de ces progrès, grâce aux travaux des savantsqui n'étaienl point
des^spÈcia- listes, mais des humanisteset
des philosophes.En
1802,il fut
décidéqnà l. nombre
des chaires cle_73_
I'Académie serait doublé et trois d'entre elles
furent
attribuéesà. la chimie
et
une à la minéralogie;
les ressources manquânt'il fut
convenu que les nouveaux professeurs seraient honoraires.Ce
dévouement assurala vie à notre Académie
€t,lorsqu'en
1808,l'Université Impériale de
Francefut
crééepar
Napoléon, I'Académiede
Genèvey fut
incorporée. En 1809,il y
avait 8 professeurs salariéset 1I
honoraires. Le plus favoriséavait un traitement
deFr. 1200.-, le
nombre desétudiants était
de
130et la ville comptait environ
20.00û habitants.Boissier
qui
débute dans leslettres,
passeaux
sciences,'tttfué par Ia
chimie.Théodore de Saussurc,
fils
d'Floracc Bénédict,fait
de l,r géologie,de la
minéralogie,puis il devient
célèbrepar
sesétudes
de chimie
végétale,de chimie plrre, et, en
1802,il
r;eçoit
l'une
des chairesde ce qui devait
devenirplus trrd
notre Faculté.De la
Rive. professeur honoraire de chimie pharmaceuti- quc,s'illustrc
àl'étrangcr, dcvicnt l'un dcs fondatcurs
clu Muséed'Histoire Naturelle et du Jardin
Botanique.En enfin, pour
ne pas allongerla
liste de cette brillante phalange, Galissard de Marignac,l'ami
de Dumas,le
collègue de Berzélius,Vohler et Liebig,
consolidepar
ses recherches célèbres,le
renom des sciences genevoises.Quel
palmarès depuis lors !C'est par ces illustres travaux que nous devons compren- dre, avec notre esprit modeme, ce que nous propose la Faculté des Sciences.
Ces
pionniers nous rappellent les
règlesqui
doiventlimiter
ou tempérer la confiance que l'onpourrait
avoir, vis-à-r.is
des spéculations métaphysiques,à
I'heureoù la
science .semble s'élancer versI'infini.
Ils
nous donnent également I'exemple d'uneforte
cultureet d'un
grand désintéressement. Le champ actuel des connais-sances humaines est vaste, et, cependant que
faudrait-il
encorepour
résoudre scientifiquement les problèmes .philosophiques.Admirons, comme elle le mérite, l'æuvre scientifique des hommes, mais sachons rester humbles,