LA CÉLÉBRATION DES HEURES COMMUNAUTAIRES,
EN PETIT GROUPE, INDIVIDUELLE
L
'ESPRITpastoral
qui, depuis le 2' Concile du Vati-can, caractérise la réforme liturgique en cours, se
retrouve
bien dansl'Institutio
generalisprésentant
lanouvelle
Liturgie
des Heures. Cen'est
plus un simple« code de rubriques
»
décrivant des lois cérémonielles sans réfé- renceapparente
à ceux quiauront
à célébrer ces Offices.C'est
pourtant
à eux que, entant
que « célébration » — expression symbolique et sensible de la prière commune — est destinée la liturgie des Heures. Celle-ci est d'abord pré- sentée dansl'Institutio,
qui recueille ici le meilleur de latradition
vivante, comme la prière de l'Eglise. Mais cette Eglisen'est
pasabstraite.
Elle esttoujours
incarnée dansle temps et dans l'espace, signifiée dans des assemblées concrètes, grandes ou petites, riches ou pauvres, qui célè-
brent
une Heure déterminée, de teljour,
en telle année, en tel lieu, en telle langue, avec tels et tels moyens. Cela,l'Instruction
le sait et entient
compte.Une des
marques
del'esprit
qui l'anime est la fréquente mention de laparticipation
du peuple à la célébration. La chose estd'autant
plus significative que l'office divinétait
devenu depuis longtemps la tâche des clercs et des moines.
Mais si la liturgie des
heures
estvraiment
la prière del'Eglise, comment peut-elle
paraître
telle si le peuple desbaptisés
jamais
— ou presquejamais
—n'y
prendpart ?
Or la
participation
active du peuplerejaillit
nécessaire-ment sur
la célébration, luiapportant
à la fois une richesse et des limites dont on doittenir
compte si l'on espère voirrefleurir
les assemblées locales de prière.Cet
esprit vraiment pastoral
affleure sans cesse dans laPrésentation
et s'exprime parfois en formules heureuses:
« Une seule chose est tout à fait importante
:
que lacélébration ne soit pas rigide ou artificielle, ou préoccupée seulement
d'exécuter
des règlestoutes
formelles, mais répondevraiment
à la réalité. C'est là-dessus quel'effort
doit
porter
d'abord,pour
que les âmes soient guidéespar
le désir
d'une authentique prière
d'Eglise, et que Dieureçoive une louange agréable et belle » (n° 279).
I. LA FLEXIBILITÉ DES RITES
Une
attention vraiment pastorale
aux besoins réels et aux possibilités concrètes des assembléesentraîne
nécessaire- ment dans lesrites
une flexibilité beaucoupplus
grande quepar
le passé. Ceci estvrai
detoutes
les actionsliturgiques.
Mais la
nature
même de l'office exige une souplesseparti-
culière, car la
liturgie
desheures
est spécialementadhérente
à la vie quotidienne des groupes,
plus
stables ou plus mou- vants, plus homogènes ou plusfortuits.
Il est donc nor- mal que la flexibilité prévue soit plus grandedans
la Pré- sentation de laliturgie
des heures quedans
laPrésentation
générale du misselromain.
Cette flexibilité, si
importante pour arriver
à une célé-,
bration
vivante etfructueuse,
esttantôt
expressément pré-vue
par
laPrésentation tantôt
implicite et découlantd'une
saine
pastorale liturgique.
1.
D'après l'Institutio.
Les
variations
possibles motivéespar un
soucipastoral
que mentionne la
Présentation
sont nombreuses. Il est im-portant
pournotre
propos de les relever sommairement.Elles
concernent tantôt
le choix ducalendrier
(n° 241) oude l'office (n° 245 et
n"
220 et 240) quipeut
même êtreun office votif (n° 245) ou une vigile
(n"
71-73),tantôt
l'éco-nomie générale des
heures
dans lajournée
(place de l'officede lecture, n° 59 ; choix de
l'heure
médiane, n° 77 ; liend'une heure
avec la messemoyennant
desadaptations
prévues, n0' 93-99),
tantôt
l'agencement des élémentsd'une heure
donnée,leur
choix ouleur
remplacement, les diver-ses manières de les célébrer, etc.
a)
Pour
que lalecture
del'Ecriture
remplisse, dans l'office, le rôleprimordial
qui est le sien (n°* 14, 55, 140), une certaine marge est laisséedans
le choix des péricopes.Ainsi, au lieu de la lecture brève indiquée, on peut, « sur-
tout quand
il y aparticipation
du peuple », choisir unautre
passage (n° 46). Dans les vigiles avec le peuple, en observant c les règles générales données pour les célébra- tions de la parole de Dieu>
(n° 71) on lira les passages les plus significatifs. Dans l'office de lecture, on a le choixentre
le cycle développé sur deux ans, ou le cycle annuel abrégé (n° 145) ; encertains
cas (par exemple Exercices spirituels,Prières pour l'unité)
onpeut s'ajuster
à la situa- tion (n° 248) et seréajuster
ensuite àla
lecture continue(n° 249).
Les lectures
patristiques
et hagiographiques, à l'office delecture, appellent a
fortiori
des souplesses analogues(nos 250-251). En plus des lectures assignées, chacun
pourra puiser dans un
lectionnairepatristique
complémentaire à usagefacultatif
(n° 161). Des conférences épiscopales peu- vent luiadjoindre un
supplément local (n° 162).b)
Etant
donnél'importance
dela
psalmodie dans laprière
des heures, il est nécessaire que l'ontire
le meilleurfruit
possible des psaumes exécutés. Larépartition
proposées'inspire d'une
viséepastorale (n"
126-135). Ainsi on a mis, en principe, aux offices dumatin
et du soir, des psaumes spécialement adaptés à laprière
du peuple (n° 127) et l'on écarte des versets ou psaumesjugés
difficiles (n° 131). Mais onpeut
avoir des motifs valables de choisir des psaumesdifférents. Par
exemple,pour
uneinitiation
progressive du peuple à laprière
des psaumes, on peut, le dimanche, subs-tituer
aux psaumes de la semaine prévue ceuxd'un autre
dimanche, ou mêmed'autres
psaumes (n° 252). On peut de même <pour un
motifspirituel
oupastoral.
dire, au lieu des psaumes assignés à unjour
déterminé, les psau- mes de la même heure assignés àun autre jour
>(n° 252). En
certains
cas exceptionnels onpeut prendre aussi d'autres
psaumes (n° 252). Onpeut
enfin, pour pou-voir les dire
par
cœur,prendre
chaquejour
à complies lespsaumes du dimanche (n° 88) ; on
peut
aussi choisir divers psaumesd'Invitatoire
(n° 34).D'une manière continue il importe
d'ajuster
aujour,
àl'heure,
à l'assemblée et à ses possibilités (n° 273) la manière d'exécuter les psaumes, de lesintroduire,
etc. On peut ainsisoit les réciter, soit les
chanter
(n° 267).L'antienne
peut être répétée au cours du psaume(n"
114 ; 125 ; 279) ou aucontraire
omiseentre
lesparties d'un
psaume découpé ensections (n* 115).
Pour
faciliter lechant
de l'antienne, onpeut recourir
aurépertoire
usuel si celle qui est indiquéen'a
pas de mélodie (n° 274). Laphrase
qui précède lepsaume
peutremplacer l'antienne
si on nechante
pas (n° 114). La reprise del'antienne
à la fin dupsaume
est facultative(n° 123).
Surtout
onprendra
la forme de psalmodie qui convient le mieux aupsaume
et à l'assemblée:
psaumelu
par
un seul, alterné, responsorial, etc. (nos 121-122 ; 279).c) Les
prières
des offices dumatin
et du soir sont unerestauration
de grande portéepastorale (n"
179-193).Mais leur efficacité
dépendra
beaucoup desintentions qu'on
y formulera, du style utilisé, de la manière de les dire.Elles doivent
rester très adhérentes
à la vie quotidiennedes communautés, de l'Eglise et
du
monde (n° 183). Aussi est-il prévu que les Conférences épiscopalesont
en ce do-maine
un
pouvoird'adaptation
et de création (no 184). Onpeut ajouter
desintentions particulières
(n° 188). L'exé- cution prévuepour
cesprières
est assez souple et seprête
à diverses solutions qui
permettent
« des'adapter
à la célébration populaire, à la célébration en petite commu- nauté, et à laprière
privée»
(n°189). On peut
les écouter,y répondre, les dialoguer, etc. (no 193).
d) Les hymnes, qui sont la
partie lyrique populaire
del'office (n° 173) ne peuvent, comme les psaumes, faire l'ob-
jet d'une unique prescription
détaillée et universelle. Elles dépendent trop du génie religieux, poétique et musical dechaque
culture
et des possibilités chorales de chaque assem-blée.
L'adaptation
et lacréation d'hymnes
sontnécessaires
et prévues (n° 178).
Quant
aux répons, qui prolongent la Parole de Dieu en vue de sonassimilation
lyrique, ils peuvent être remplacés«
par d'autres chants répondant
à la même fonction etappartenant
au même genre » (n° 49).e) La flexibilité
pastoralement
motivée se révèle encore end'autres
détails.Par
exemple:
l'économie des silencesau cours
d'une heure
(nos 48 ; 202) ; la possibilitéd'omettre l'invitatoire
au début des laudes (n° 35) ; la forme del'acte
pénitentiel au début des complies (n° 86) ; le choix del'an-
tiennemariale
à la fin de l'office (n° 92) ; la finale facul- tative du Te Deum (n° 68);
l'encensement à vêpres(no 261), etc.
2.
D'après une
sainepastorale.
Mais
l'Institutio
ne pouvait ni ne devait envisager tousles cas où le
but
même visépar
laliturgie
desheures
appelle une modification dans la célébration des
rites
pré- vus. Les cas qu'elle cite le sont soit parce qu'ils sont plus fréquents, soit àtitre
d'exemple. Une saine pastorale doit procéder auxadaptations
nécessaires selonl'esprit
de l'Ins- titutio.Certaines
adaptations
majeures, qui concernenttout
unpays, relèvent des Conférences épiscopales. On en relève plusieurs
:
création deprières
et d'hymnes;
compositiond'un
lectionnairepatristique
complémentaire, etc.D'autres
peuvent être suggéréespar certains rites
locaux de sancti- fication dumatin
et du soir (lumière, encens, etc.).Mais des
adaptations
mineures sont souvent à faire au niveau des assemblées. LaPrésentation
ne pouvait les men-tionner
toutes. En voici quelques exemples surgis en Franceavec l'usage de «
Prière
du tempsprésent
». En commen-çant
des vêpres du dimanche avec le peuple dans une paroisse, on arencontré,
comme premier psaume, le Ps 109.De nombreux fidèles
insuffisamment
préparés ont été cho- qués. On a doncpris
ensuite le Ps 112, bien qu'il ne soit pas assigné àun autre
dimanche, mais àun
samedi. Dans certaines communautés, on ajudicieusement
pris la forme responsoriale strictepour
certains psaumes alléluiatiquesou
pour
le Ps 135 ;l'antienne
initiale prévueconstituait
alorsun
secondrefrain
commençant le psaume. Il va de soiqu'on
n'a
pas àmettre
deux antiennes àun
psaume. De même il arrivequ'un
ton de psaume connu que l'on veututiliser
rend impossible, sans acrobaties dangereuses, l'ad-jonction
de la doxologie. Mieuxvaut
cette fois l'omettre quetroubler
toute la communautépar
un imbroglio. Alors quecertains verront
là des détails secondaires, il est descommunautés où un sens encore trop étroit de la
rubrique
paralyse la célébration.L'esprit
del'Institutio
nous demandel'effort
de discerner et de poursuivre d'abord les valeursles plus
importantes
de la prière de l'Eglise.II. AU SERVICE DES ASSEMBLÉES CÉLÉBRANTES
La flexibilité,
sur
laquelle nous nous sommes un peu étendu,n'est
pas une valeur en soi. Elle a pour fin une célébration plus pastorale, plus attentive aux situations con- crètes. Elle est la condition d'uneprière
plus vraie et plus fructueuse. C'est là notre propos.Or la prière de l'Eglise est assurée en fait
tantôt
pardes assemblées de dimensions variées,
tantôt par
des indi- vidus. Dans les deux cas, les conditions de laprière
sontfort
différentes.1. La
prière
en assemblée.Il
appartient
à lanature
même de laprière liturgique
de l'Eglised'être
célébrée en assemblée et de manière commu-nautaire
(n° 9). C'est durassemblement
descroyants
pour l'écoute de la Parole etpour
la louangequ'est
née laliturgie
des heures (nO. 1-2). C'est
l'action
commune quijustifie l'ordonnance
des divers éléments de l'office et lamanière
de les
mettre
en œuvre(lecture
écoutée,prières
dialoguées, psalmodies, acclamations, conclusiond'un président, etc.).
C'est la nécessité de pouvoir
identifier
laprière
« del'Eglise », c'est-à-dire celle où elle se
reconnaît
catholique-ment
engagée(à
la différence de laprière d'individus
oude groupes
particuliers)
qui appelle l'existenced'une
forme normative de laliturgie
desheures
(au moins dans sa sub-stance
:
hymnes, psalmodie,lecture
biblique,prières)
: « La célébration communemanifeste
plusclairement
lanature
ecclésiale de la
liturgie
des heures, elle favorise lapartici-
pation active de tous, selon lacondition
de chacun, au moyen des acclamations, du dialogue, de la psalmodie alternée, etc., et elletient
mieux compte desdifférents
modes d'expression»
(n° 33).Signe
d'unité pour
ceuxqu'elle
rassemble et pour toute l'Eglise, l'assemblée estpourtant
icid'une
variété extrême:
communauté
monastique
stable, ouréunion
occasionnelle deprêtres
et de laïcs; grand
scolasticat de religieux ou petite résidence de quelques sœurs;
vêpres paroissiales ouprière
du soir de quelqueschrétiens dans un appartement,
etc. :
autant
de cas, de besoins, de moyensdifférents.
L'Institutio n'a
pas essayé dedresser
une typologie des assemblées dupoint
de vue de la célébration. Elle énu- mère des catégoriesplutôt hiérarchiques
et canoniques(nos 20-27).
Pourtant
ellen'a
pas ignorétout
àfait l'aspect humain
psychosociologique et, ici ou là, c'est lui quimotive la flexibilité. L'ensemble des normes vise évidem- ment une assemblée homogène, initiée, équipée en
ministres, dont
l'image est lacommunauté
religieuse ou cléricale.Mais souvent elle mentionne le peuple et, en
passant,
lepetit
groupe (n° 189).a) Malgré
les
nombreuses références de laPrésentation
à
la participation
du peuple dans la liturgie des heures, ouplutôt
à cause des nombreux cas où sa présencejustifie
des
adaptations,
ilfaut reconnaître
que le nouvel officen'a
pas été pensé d'abord en fonction de lui. La réforme postconciliaire a été encore trop dépendanted'une
situation socio-historique qui nous a légué un bréviaire pour les clercs etun
office célébrépar
les moines auxquels le peuple étaitlargement
étranger. On comprendqu'une
continuité devait être gardée envers cette richetradition
plus que millénaire.Mais on
peut regretter
que l'évolutionn'ait
paspris
uneorientation
plus radicale enrefaisant
du peuple chrétien lesujet premier
de laprière
de l'Eglise. La liturgie des heures eût sans doute reçuun autre
visage. Si, comme ilfaut
l'espé- rer, laprière
de l'Eglise redevient d'abord la prière du peuple chrétien, celui-ci, conduitpar l'Esprit,
nemanquera
pas de lafaçonner
à son image.La
pratique
actuelled'heures
célébréespar
le peupleet pour le peuple est
trop
mince pourqu'on
puisse y réflé- chir longuement. Il semble que rien n'empêche d'y faire cir- culer la Parole de manièrefructueuse
et adaptée, de même qued'y organiser
laprière proprement
dite. En revanche, on nepeut
dire apriori
que laquantité
optima de la psal- modie dans uneheure pour
le peuple soit de trois psaumes, ni que lastructure
encore bien complexe des heures dumatin
et du soir soit, dans ce cas,un
idéal. Peut-être,pour redonner
vie et goût à ces prières,faudrait-il
être actuellement moins ambitieux et viser d'abord à l'essentiel.b) L'usage du nouvel office, — au moins dans sa forme essentielle — qui
aura
bientôt deux ans dans un grandnombre de communautés religieuses ou sacerdotales de lan- gue française, semble
montrer
qu'il est viable pour elles,surtout
si l'on use à bon escient des flexibilités indiquéespour qu'une prière
aisée et savoureuse ne le cède pas à laraideur d'un
programmerituel
trop matériellement observé.Peut-être
cependant n'a-t-on pas encore trouvé l'équilibreentre
une solennité quelque peuritualiste d'une part,
etd'autre part,
une certaine indigence d'éléments propres ànourrir l'affectus
cordis.On constate
tout
d'abordqu'une
certaine image de « solen- nité » assez formelle pèse parfois sur la célébration, en se doublantd'un
activisme cérémoniel:
enchaînement forcéde tous les éléments du programme qui majore des détails et estompe l'essentiel (par exemple en voulant à
tout
prix — c'est-à-dire au prix den'importe
quelle mélodie et de n'im- porte quelle exécution!
—chanter
les antiennes, toutes lesstrophes
d'une
hymne, etc. ; ou encore en selançant
dansun
style de psalmodietrop
mélodique ouharmonique
audétriment
del'appropriation
des paroles inspirées) ; multi- plicité de lecturesscripturaires trop
variées enun
seuljour
pour
qu'on
enretire
le suc;
changementstrop fréquents
derépons chantés qui
devraient jouer un
rôled'imprégnation
lente, etc.
Mais à l'inverse, cet office
peut paraître
sec parcequ'il
manquefêtes encore de poésie
:
éléments coloréspropres
à desou à des temps liturgiques
;
texteslittéraires haute-
ment symboliques etmusiques
de contemplation;
styledétendu et
intériorisant
de la célébration, etc. Ilfaut retrou-
ver les conditions
d'une
vraie « piété»
etd'une
« dévo-tion » où
l'action
del'Esprit
aplus
de place etd'impor-
tance quenotre
activité célébratoire.Ici se pose la
question
del'originalité
respective de l'of- fice célébrépar
descommunautés
de genres de vie diffé-rents.
Il estcertain
que descommunautés
de vie contem- plative pour lesquelles l'office est le servicepar
excellence peuvent y consacrerplus
de temps et de forces que des communautés de vie active. Doit-on conclure que chacuneaura
nécessairement uneliturgie
différente?
Laprière d'une
communauté ne sera-t-elle pasmarquée par
les activités apostoliques de ses membres?
Mais à cela des carmélitesrépondent
que leurprière
estaussi
engagée dans la vie del'Eglise et du monde et que
leur
office nesaurait
êtreni
intemporel ni coupé des hommes.Peut-être
la différence résidera-t-elle davantage dans le style de célébration quedans ses éléments essentiels (Ecriture, psaumes, prière uni- verselle et
présidentielle).
Ils'agira d'une
certainemanière
de chanter, de
prier, d'utiliser
des charismes locaux (voix,instruments,
créations hymnodiques etmusicales),
etc. Lapersonnalisation
de l'office vientd'abord
de la manière significative dont célèbrent les personnes qui composent l'assemblée,plus
que duprogramme rituel.
c) Un phénomène nouveau et plein
d'intérêt
est né dufait
que l'office,jadis dit
au chœur oupar
des individusisolés, est
aujourd'hui fréquemment
célébrépar
depetits
groupesquelquesqui enprêtres font
vivantl'expressionensemblede ouleurseprière retrouvant
communepour :
un travail
commun;
quelques religieuses de vie activepriant
ensemblematin
et soir ; des laïcs seretrouvant
chezl'un d'entre
eux oupour
une activité apostolique, etc.Ici les conditions de la célébration sont souvent
fort
dif- férentes de cellesd'une communauté
seréunissant
régu-lièrement dans son église ou sa chapelle. On peut être dans une chambre,
autour d'une
table, ou dans une salle quelcon- que. Iln'y
apas
de rôles formels apriori
(présidence, lecteur, chantre, etc.). Les moyens vocaux et choraux sont ensouhaitables,généralfort
etc.réduitsEn revanche;
parfois laon parole individuellen'a
pas tous les livresou collectivecommune estest plus intenseaisée et immédiateet la communication;
le sentimentplusde facileprière;
des silences se font sans peine. Se protéger alors derrière une
attitude fortement ritualisée
semble une violence à lanature
des choses. Ne paspartager
une réaction à la Parole ou uneintention
personnelle serait un manque à gagner.Ainsi le style de toute la célébration se trouve profondé- ment modifié.
Il
n'y
a aucuneraison
que ces liturgies des heures soientun
office aurabais
ou aupetit
pied. Elles demandent même souventun
investissement personnelsupérieur
à la liturgie dugrand
groupe où laritualisation
protège la liberté — voire le non-engagement réel — des individus. Mais préci- sément, elles sont exigeantes de l'essentiel. Si la confron-tation
à la Parole et la prière communes sontvraiment
obtenues, il est alors admissible qu'on use d'une souplesse plus grande dans le choix et
l'enchaînement
des éléments, dans lerythme
de l'ensemble, dans l'insistance portée surles points forts et la
relativisation
de points secondaires (on nepeut chanter
l'hymne et ellesupporterait
mal la simple lecture;
onn'a
pasl'antienne
propre que l'on rem- place enintroduisant
le psaume selon la coloration dujour,
etc.).Il
n'est
pas douteuxqu'une
expérience sérieuse de la célé-bration
enpetit
groupe peut aider beaucoup àentrer
de manière profonde et personnelle dans la célébration de l'office.III. LA CÉLÉBRATION INDIVIDUELLE
L'Institutio
parlefréquemment
de la célébration indivi- duelle de la liturgie des heures, soit pour en déclarer l'obli- gation et enjustifier
la valeur (nos 28-29), soit pour rappeler que même en ce cas lastructure
doit en être gardée (n° 33)ou
certains
éléments observés (n08 113 ; 282), soit au con-traire
pour signaler « lesadaptations
nécessaires»
(n° 28)qu'elle appelle (comme les reprises facultatives des répons
(n° 171) ou
l'enchaînement
des sections des psaumes(no 121, etc.).
Une « célébration individuelle
» peut certainement
existeret avoir un sens. Nul ne
niera
l'aide personnelle quepeut apporter
à laprière
le fait, même si l'on est seul, deprendre
les
attitudes
corporelles quiexpriment
la méditation, la sup- plication ou la louange, deréciter
enrythme
des psaumesou des prières, et même de
chanter
une hymne. De même,se
référer
à unestructure
de célébration vécue en assembléepermet
de la revivre avec plus de connotations symboliqueset de mieux saisir que ma
prière n'est
pas seulement la mienne. L'expression et la symbolisationrituelle
valentmême
pour
l'individu.Pourtant,
il ne va pas de soi que la formed'un
officeentièrement
conçu et ordonnépour
la célébration commu-nautaire,
comme nous l'avons rappelé, soit la forme la meil- leured'une
prière individuelle. C'est là une difficulté sou-vent formulée ces
dernières
années à propos du « bréviaire»
et qu'on ne
peut
éluder.L'Eglise peut et doit
rappeler
aux chrétiens l'obligationde la prière, et plus spécialement aux évêques, prêtres, dia- cres, en fonction de leur charge (n° 28), ainsi
qu'aux
moines et religieux detoute
sorte en fonction de leur vocation, ainsi que lefait l'Institutio
(n°. 24 et 31).D'autre part l'auto-
rité
peutprescrire
larécitation
quotidienne deprières
déter- minées à certaines catégories de fidèlesquand
elle juge que c'estpour leur
bien et celui de l'Eglise. Ainsi est l'obligation desheures majeures
de l'officepour
les évêques,prêtres
et diacres (nos 28-30).Les deux motivations que donne
l'lnstitutio
de cette obli- gation sont les suivantes. D'abord l'Eglise « les délègue à la liturgie des heures,afin
que la fonction detoute
la com-munauté
soit accomplie de façon assurée etconstante
aumoins
par
eux, et que laprière
du Christ se continue dans l'Eglise sansinterruption
».Ensuite
« ils doivent non seu- lement (y)trouver
une source de piété etun aliment
pourl'oraison personnelle, mais encore de quoi
nourrir
et pro-mouvoir,
par
la richesse de la contemplation,leur
action pastorale etmissionnaire
pourl'épanouissement
de toute l'Eglise de Dieu » (no 28). D'aucune de ces deuxraisons
pleinement acceptées on nepeut
déduire directement quela prière quotidienne
d'un
individu doive se faire selon ledéroulement et avec les éléments prévus pour la prière
communautaire.
Ce lien estfait
pour une décision de l'au- torité en vue du bien commun.Cette
constatation
nous invite à faire deux séries de consi-dérations.
a) Il
faut d'abord mettre
en lumière les divers aspects de« bien commun » de cette obligation, bien comprise et libre-
ment
assumée. Non seulement toute loi, si elle est bonne, est une aidepour
la faiblesse humaine, mais, dans le cas qui nous occupe, la propositiond'un trésor
aussi riche que laliturgie
des heures est sans prix pour la prière indivi- duelle. Il est en général plus difficile deprier
seul que des'adjoindre
à une assemblée de prière. Dans ce dernier cas on est portépar l'action
commune. Dans le premier, on est livré à sapropre
initiative. Onn'a
pastoujours
ni le goût,ni le loisir, ni la force de chercher une
nourriture
substan- tielle variée et équilibrée. C'est une aide évidente que de pouvoirrecourir
àun
« menu» tout fait
et bien fait dansson ordre.
D'autre part,
si les conditionsd'une
prière solitaire fruc-tueuse
peuvent être jugées différentes de celles d'une prière en commun, la note « d'Eglise»
quipermet
de signifierqu'une prière
est « sa » prière a une valeur analogue dans lecas
d'une
célébration solitaire et dans le cas d'une célébra-tion
publique. Il est significatif que, mêmepriant
seul, maprière
soit reconnue « prière d'Eglise»
et qu'elle soit ainsiintégrée
dans l'ordre
des signes quimanifestent
et actua- lisentl'action
du Christ danstout
son peuple. Sans doute l'Eglisepourrait reconnaître
la même note sacramentale à unprogramme
de prière individuelle qu'elleaurait
sanc- tionné. Bien quedifférent
del'ordre
de la liturgie commu-nautaire
des heures, ilpourrait
avoir la même signification, à son ordre propre, de sanctification du temps etd'inter-
cession ecclésiale.
Peut-être
une évolution en ce sens se fera-t-elle si le
sensus
Ecclesiae y porte;
mais la chose ne semble pas encore claire.b) Tout en
assumant
la prière de l'Eglise, les individusdoivent y chercher et y
trouver
unenourriture
personnellepour
enretirer
le maximum defruit
spirituel. On ne peutplus soutenir la thèse qu'on a rendu gloire à Dieu en s'ac-
quittant
du pensum de l'office d'une manière purement matérielle. En effet la gloire de Dieu passe par la sancti- fication des hommes (n° 14). Il est doncjuste qu'un
indi-vidu, même
tenu
à l'office, en use de la manière qui est pour lui la plus fructueuse.Alors que dans la célébration commune, le déroulement
des
rites
suppose un certain nombre d'éléments « outils »qui conditionnent la marche et la signification de l'ensemble
(acclamations,
attitudes
communes, chant, alternances, dia- logues, diversité des rôles et des voix, etc.), la célébrationsolitaire va plus
directement
à « lastructure
essentielle de cetteliturgie.
à savoir le dialogue entre Dieu et l'homme »(n° 33). Se laisser
interroger par
la Parole,s'imprégner
despsaumes, supplier
pour
que vienne le Royaume, telle estla substance de l'office. Chacun doit donc discerner quelle
quantité
de lecture biblique quotidienne lui est laplus
pro- fitable dans le tempsdont
il dispose, à quelrythme
ildira
des psaumes, dans quel sens il développera sa
prière
dedemande, de quels silences il
sous-tendra
sa célébration.L'individu est plus
dépendant
de ses possibilités du momentqu'une
assemblée. Unjour
on trouve du goût àrépéter
quel- ques versetsd'un
psaume qui s'emplissent de saveur (dont onprofitera
auxjours
de disette) ; uneautre
fois, onn'est
bontance apostolique
qu'à
dire à la suiteou personnelleles textespeut
prévusnous; ramener
telle circons-à tel capitule, à tel psaume, à telle oraison qui donne sens à la situation.Ainsi le «
serviteur
avisé », qui est en même temps un filsayant
accès au Père dans la liberté del'Esprit,
saittirer
du fonds de l'office le meilleur, de l'ancien et du nouveau.Mais n'est-ce pas là une voie dangereuse
? Jusqu'où
vala marge qui
permet d'être sûr qu'on
s'estvraiment acquitté
de l'office
?
— Onpourrait répondre
avec un sage hommede prière
:
« L'essentieln'est
pas d'avoir dit l'office, maisde le dire
!
» deprier vraiment
en le disant. Observons seule-ment
qu'une
telleinitiative
dans la célébration individuellen'est
pas la voie de la facilité, mais de l'effort. Il est plus facile « d'enfiler»
une heure, que d'y chercher la vraieprière
;
plus simple de dévider trois psaumes que de sepénétrer
decertains
versets;
plus rapide de dire lesquatre
ou cinq
intentions
deprière
que de penser à ceux quiattendent
mon intercession. Ce genred'insistance
ne peutêtre le fait de celui qui
prend
à la légère la liturgie desheures, mais bien de celui qui la prend au sérieux.
Joseph GKLINEAU.