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Financement du système de santé en Afghanistan

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Financement du système de santé en Afghanistan

L’expérience d’Aide Médicale Internationale et son évaluation dans la province du Laghman Ridde Valéry (Université Laval, Québec) et Bonhoure Philippe (AMI, Kaboul)

Contact => valery.ridde.1@agora.ulaval.ca

Introduction

Aide Médicale Internationale (AMI) est présente en Afghanistan depuis le début des années 80.

Après avoir été impliquée dans la formation des agents de santé, AMI a contribué à la reconstruction du système de santé dès le début des années 90.

Les débuts

La première action réalisée dans ce sens a été la construction de l’hôpital de Baraki Rajan dans la province du Logar. Dès le démarrage des travaux, en 1990, la question de la pérennité du fonctionnement de l’hôpital s’est posée. Le budget alloué par l’OMS pour l’opération couvrait la construction des bâtiments, l’équipement et un an de salaire pour le personnel. Après avoir construit et équipé l’édifice puis formé le personnel, AMI souhaitait remettre l’hôpital entre les mains du gouvernement afghan qui se chargerait de régler la question du fonctionnement en faisant éventuellement appel à la coopération internationale. Pour ce faire, l’existence d’un gouvernement stable disposant d’une autorité étendue à la province du Logar était une condition sine qua non. Les espérances suscitées par la prise de Kaboul de la part des Moudjahidin en 1992 ont bien vite été déçues malgré la volonté annoncée du ministère de la santé de poursuivre sa coopération avec AMI.

Il a donc été nécessaire de trouver des solutions. Des financements institutionnels ont été mobilisés, et parallèlement à cela, un système de contribution de la part des patients a été mis en place en espérant que cela permettrait de financer, en partie, l’hôpital.

Les expériences actuelles.

Face à l’ampleur des besoins, AMI a étendu ses activités à d’autres provinces en organisant également ce système de paiement direct pour les usagers des services de santé.

Les tarifs pratiqués dans les hôpitaux et les dispensaires de l’Est du pays

Un tarif a été établi pour chaque formation sanitaire (tableau) et l’évaluation de ce programme de l’Est est présentée plus bas.

Tableau 1 : Tarifs pratiqués dans les structures de santé soutenue par AMI

Baraki Chagasaray Mehterlam Kanda Loakarr Asmar Kamdesh

Consultations externes 3 000 3 000 3 000 3 000 2 000 4 000 4 000

Carnet de santé 2 500 3 000 2 500 2 500 4 000

Dentisterie 10 000

à 20 000 10 000 20 000

Examen de laboratoire 2 500 à 5 000

2 000 à 5 000

5 000

à 15 000 2 000

Radiologie 30 000

à 50 000 20 000 30 000

Hospitalisation 10 000 10 000 20 000

Médicaments 50% 40% du prix local

Chirurgie 50 000 100 000

Echographie 40 000

ECG 2 000

Pansement 3 000

Exemption du paiement

Recherche de BK (tuberculose)

Pauvres et personnel

Pauvres et personnel Consultatio ns PMI

Pauvres et personnel

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La vallée du Panjsher

Dans le Panjsher, contrairement à ce qui se passe dans d’autres provinces où AMI dispose de la liberté de recruter le personnel et d’organiser le système de gestion qui lui convient, l’ONG travaille dans des structures de santé mises en place par le gouvernement. Le recrutement et la gestion du personnel sont assurés par le ministère local de la santé ; le rôle de AMI consiste en la fourniture de médicaments, la formation et la supervision du personnel. Étant donné le faible niveau de rémunération de ce dernier, AMI et le gouvernement local se sont mis d’accord pour demander aux usagers de contribuer au financement. Les consultations sont gratuites mais les médicaments sont vendus à 40% des prix constatés sur le marché local. La gestion des sommes ainsi collectées a posé plusieurs problèmes. Au début AMI a opté, avec le consentement des représentants des populations, pour une gestion décentralisée de l’utilisation de l’argent. Il était entendu que 60% serait consacré à l’amélioration matérielle de la formation sanitaire (FS) et 40%

servirait à verser un complément de salaire au personnel. Des comités de gestion constitués de représentants des communautés, du ministère de la santé local et des dispensaires ont été constitués pour chacun des six dispensaires soutenus par AMI. Bien vite, il est apparu que le gouvernement se désintéressait de la question, que ses représentants ne venaient jamais aux réunions et que les représentants communautaires demandaient une rémunération pour leur participation aux rencontres. En quelques mois, le système était privé de sa substance. AMI a également constaté quelques effets pervers, notamment aperçus dans d’autres pays. Le niveau des recettes étant directement lié à la valeur des prescriptions des médicaments, il s’en est suivi une « sur- prescription », particulièrement des plus chers. Il a donc été nécessaire de mettre en oeuvre une gestion centralisée des sommes collectées, augmentant ainsi la charge de travail de l’administration du projet.

Les dispensaires mobiles du Nord et du Hazarajat

Il s’agit des activités les plus récentes pour AMI. Elles se déroulent dans une région extrêmement pauvre, sévèrement affectée par la sécheresse au cours des deux années précédentes. Un système de contribution des bénéficiaires a néanmoins été mis en place dans les zones visitées par les dispensaires mobiles parce que AMI croît que la contribution des bénéficiaires est un élément important du processus d’appropriation du projet, ainsi qu’en témoigne l’absence de pillage de ses bureaux du Laghman, protégés par la population, lors du départ des Tâlebân. La participation n’est pas seulement financière. Les activités de soins et l’hébergement des équipes mobiles ont lieu dans des locaux mis à disposition par la communauté qui contribue, de surcroît, à leur remise en état. Sur le plan financier, un forfait de 20.000 Afghanis est demandé pour chaque consult ation. Les sommes collectées sont gérées de façon décentralisée par un comité local. Après un an de fonctionnement, ce système demeure fonctionnel, l’argent est utilisé pour améliorer l’état des locaux. Cependant, la bonne volonté des propriétaires des locaux s’émousse au cours du temps. Un loyer est demandé ou les équipes mobiles sont priées de déménager. Ces dernières difficultés ont conduit à installer les dispensaires mobiles dans des bâtiments appartenant à l’état, ce qui devrait faciliter, à termes, leur transformation en structures fixes.

Évaluation du système de financement dans l’Est

En août 2001, une enquête a été conduite sur les mécanismes de financement mis en place par AMI. Pour des raisons méthodologiques (1), l’enquête s’est limitée à la province du Laghman.

Considérations générales

En Afghanistan, alors que les gouvernements successifs ont toujours refusé d’aborder le sujet relatif au paiement direct des usagers des services, malgré son utilisation depuis le début des années 90, le chef suprême des Tâlebân a signé un document en juin 2000 où il précise les modalités à mettre en œuvre en ce qui concerne ce type de paiement (2). Il est fort probable que cette acceptation officielle perdure et soit intégrée dans les propositions de reconstruction actuelle du système de

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santé. Ainsi, il nous paraît essentiel que ce processus de réorganisation soit fait à l’aune des évidences scientifiques et des effets constatés.

A l’heure actuelle, quatre mécanismes de financement des services de santé existent dans les pays du Sud :

1-Le paiement direct de la part des usagers, instauré au plan national (centralisé) ou communautaire (décentralisé). Les patients peuvent payer par visite, par épisode de maladie, par pré-paiement ou par type de service.

2-L’assurance locale est un système de partage des risques où un groupe de personnes décide volontairement de cotiser solidairement à une assurance (mutuelle) afin de permettre à tous les adhérents de bénéficier de l'accès aux soins.

3-L’assurance sociale (privée ou publique) est située le plus souvent au niveau national. Les acheteurs de soins assurent les consommateurs, grâce au paiement d’une prime d’assurance, puis remboursent les producteurs de services.

4-Les prêts ou do nations, dont les pays du Sud bénéficient car, entre autres, le système de taxes (5ème modalité réservée aux pays industrialisés), n’est pas encore viable.

Le principe de la contribution des bénéficiaires dans le domaine de la santé trouve son origine dans un rapport de 1987 de la Banque Mondiale qui justifiait ce paiement par le fait que la plupart des systèmes de soin gratuits lors de l’utilisation, brillaient par leur inefficacité. Pourtant les évaluations réalisées après la mise en place du paiement direct dans divers pays ont montré, à de rares (et controversées) exceptions près, que le taux effectif de recouvrement des coûts demeurait très bas et que l’utilisation des services diminuait, notamment pour les plus pauvres (3). Nous no us trouvons donc face au dilemme efficacité vs équité. D’un côté, le paiement direct peut permettre d’augmenter l’indépendance des formations sanitaires face aux incertitudes des financements internationaux, et de l’autre, il peut renforcer l’exclusion de l’accès aux soins pour les plus pauvres

L’enquête dans le Laghman Contexte et méthodologie

La province du Laghman est peuplée de 400.000 habitants, elle est généralement considérée comme une des plus riches d’Afghanistan. Il s’agit d’une province rurale à l’exception de la capitale : Mehterlam et ses 30.000 habitants.

Dans cette province, AMI soutien un hôpital de 50 lits et trois dispensaires. D’autres ONG sont aussi présentes dans cette province, permettant ainsi l’existence de 19 structures de santé de première ligne.

L’enquête a consisté en une étude économique visant à établir le taux de recouvrement des coûts atteint par le paiement direct. Un recensement hospitalier (n=39) a permis de recueillir des données financières et médicales. Une enquête auprès de 120 ménages nous a donné l’occasion de recueillir des données sur leurs revenus et leurs dépenses ainsi que sur les condition d’accès aux soins et leur opinion sur le financement du système de santé.

Les résultats :

Toutes les ONG impliquées dans le domaine de la santé dans la province appliquent le principe du paiement direct, tant pour les consultations que pour les médicaments. Les pratiques sont cependant très diverses et peu harmonisées. Les consultations sont payantes et les médicaments ne sont jamais vendus à 100% de leur coût.

AMI ne dispose d’aucune donnée précise concernant le niveau de recouvrement des coûts par la tarification. Les rapports consultés et les discours se contredisent. Les objectifs quantitatifs ne sont

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pas non plus très clairs et d’un point de vue qualitatif il semble que l’objectif vise essentiellement à accroître l’autonomie financière des FS et améliorer la pérennité du programme. Les modalités de paiement sont relativement uniformes même si tous les acteurs n’ont pas le même niveau de connaissance des pratiques en cours. Les consultations sont payantes et les médicaments seraient officiellement vendus entre 50% et 60% de leur prix de vente dans le secteur privé local. Selon nos calculs sur la base de dix médicaments essentiels, la moyenne des prix de vente par rapport au secteur privé varie entre 69% à Mehtelram, 23% à Laokar et 50% à Kanda.

Le calcul de ce qui est communément dénommé « recouvrement des coûts », nous donne l’occasion de savoir, en tenant compte des amortissements du matériel et des bâtiments, que les recettes de la tarification des services de santé correspondent à 4,2% des dépenses de l’hôpital de Mehterlam, 10,2% pour Laokar et 9,7% pour la clinique de Kanda.

Personne n’est réellement en mesure de déterminer le pourcentage de patients recevant les soins gratuitement. Aucune comptabilité n’est disponible en ce qui concerne ces mesures d’exemption. Il n’y a pas non plus de directives claires à ce propos. Les décisions sont laissées au seul arbitrage du responsable de la FS. L’étude des fiches comptables des douze derniers mois à l’hôpital révèle d’en dehors de la présence d’un administrateur expatrié, aucune exemption n’a été comptabilisée.

L’enquête auprès des patients hospitalisés de l’hôpital nous a permis de comprendre que 60% des patients habitent à moins de 10 km de Mehterlam et ils ont dépensé en moyenne 28.564 AFS (1$=77.171 AFS en août 2001) pour s’y rendre. Alors que le forfait hospitalier est de 20.000 AFS, ils ont payé en moyenne un total de 342.717 AFS depuis leur entrée à l'hôpital, pour les médicaments, l’alimentation, etc. La majeure partie (82%) des malades trouvent les prix trop élevés et n’ont pas de ressources suffisantes pour payer. Ainsi, près de 40% sont obligés de s’endetter.

L’enquê te auprès des ménages nous donne l’occasion de savoir qu’en moyenne, les ménages disposent d’un revenu annuel per capita de 84$US, soit moins d’un quart de dollar par jour. En considérant la médiane, la moitié des ménages vivraient avec 55$US par an et par personne. Les ménages consacrent la majeure partie de leurs dépenses à l’alimentation (51.64%). La santé est le cinquième poste de dépenses en importance (7.37%). Les ménages consacrent la plupart de leurs dépenses de santé à l’achat des médicaments (66.69%). Les dettes remboursées au cours du dernier mois ont été majoritairement destinées aux achats alimentaires (58.3%) et aux dépenses de santé (25.83%). Plus de 75% des ménages de notre enquête sont endettés. En moyenne, les ménages affirment être endettés de 16.421.287 AFS, soit pratiquement l’équivalent de trois fois leur dépense annuelle de santé.

Le pourcentage des dépenses de santé par rapport à la richesse totale des ménages varie fortement en fonction des caractéristiques des ménages (tableau). Ainsi les plus pauvres consacrent aux dépenses de santé une part quatre fois plus importante de leurs ressources que les plus riches.

En moyenne, les chefs de ménage ont dépensé près de 45.214 AFS lors de leur dernière consultation et 34.711 AFS pour leur femme. Les chefs de ménage sont contents des montants à payer pour les consultations dans les dispensaires publics (80.9% très bien/bien) et les hôpitaux (71.7% très bien/bien) mais jugent plus sévèrement les prix pratiqués dans les cabinets privés (41.7% très bien/bien). Les mêmes tendances sont constatées concernant les prix des médicaments.

Le secteur privé est perçu négativement en ce qui concerne l’aide apportée pour les paiements, seulement 41,7% d’opinion favorable/très favorable pour les cabinets privés, tandis que le satisfecit

QUARTILE DE RICHESSE 1 – pauvres (n=25) 29.70%

2 (n=25) 11.20%

3 (n =26) 9.95%

4 – riches (n=25) 7.02%

Valeur p 0,000

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pour le secteur public est presque général, 80.8% pour les dispensaires et 65% pour les hôpitaux.

L’opinion sur l’aide accordée dans les cabinets privés est associée à la richesse des chefs de ménage.

Près de huit sur dix s’accordent à avancer que le payement en fonction de l’épisode est approprié.

Le même enthousiasme (78,33%) est déclaré en ce qui concerne la proposition de laisser la possibilité aux autorités locales de taxer les ménages pour financer un accès « gratuit » aux soins de santé.

Conclusion

La mise en place d’un système politique plus stable en Afghanistan permet d’envisager une restructuration du système de santé du pays (4). Il apparaît que le paiement direct ne peut être considéré comme une solution au manque de viabilité financière du système de santé. Au cours de l’enquête, il est apparu que la quasi totalité des ménages consacrent plus que 5% de leurs ressources aux dépenses de santé, ce qui est considéré comme un maximum pour quantifier la capacité à payer (5). La situation financière des plus pauvres face aux dépense de santé est encore plus délicate et nous avons constaté que le système d’exemption manque totalement de transparence. En conséquence, demander aux populations parmi les plus pauvres du monde de payer les soins lors de l’utilisation des services n’a aucun intérêt, si ce n’est idéologique. La reconstruction du système de santé doit reposer sur le principe que la santé est un droit et non une marcha ndise. L’idéologie dominante dans les sphères internationales qui tend vers le paiement direct de la part des patients et la privatisation du financement et de la fourniture des services ne doit pas être expérimentée en Afghanistan.

Références :

1. Ridde, V. L'aide humanitaire et la santé de la population afghane sous le régime des Tâlebân. In: Conoir, Y. &

Vera, G., eds. L'aide humanitaire internationale canadienne. Québec, Presses de l'Université Laval, 2002.

2. Islamic Emirates of Afghanistan. Decree n° 15 - Charter for setting of fees for the central and provincial hospital and clinics, 2000, pp. 4.

3. Watkins, K. Cost-recovery and equity in the health sector : issues for developing countries, OXFAM UK &

Ireland Policy Department, 1997.

4. Ridde, V. La réorganisation du système de santé afghan : risques et dérives possibles. Revue Humanitaire. 4 (hiver): 68-74 (2002).

5. Russel, S. Ability to pay for health care : concepts and evidence. Health Policy and Planning. 11 (3): 219-237 (1996).

Références

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