R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
P. F ERIGNAC
Erreurs de mesure et contrôle de la qualité
Revue de statistique appliquée, tome 13, n
o2 (1965), p. 57-60
<
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ERREURS DE MESURE ET CONTROLE DE LA QUALITÉ
P. FERIGNAC Statisticien
I - GENERALITES
La valeur d’une
grandeur
mesurable n’est connue que par sa me- sure.Or, quelle
que soit laprécision
del’appareil,
sa lecture ne donnequ’une
valeurapprochée
de la vraie valeur de lagrandeur.
Les mesuressont entachées d’erreurs
qui proviennent
del’opérateur
et del’appareil.
On
peut
tenter de ventiler l’erreurglobale
entre ces deux causesde fluctuation. Cela
peut
se faire par l’étude de lareproduct i bi l i té
d’unemême
opération
de mesuragequi permet
d’estimert’éQuation personnelle
de chaque
manipulateur.
Dans cequi suit,
nous considérerons l’ensembleopérateur-appareil
de mesure et nous supposerons que nous nechangeons
pas
l’opérateur
de sorte que la variationinter-opérateurs
n’est pas àprendre
enconsidération,
celacorrespond
au cas concret que nous dé- crivonsplus
bas.Représentons
par X la vraie valeur d’unegrandeur
et par x sa me- sure, on a :erreur = x - X = e
- l’erreur
systématique 03B51 qui
est constante dans le domaine d’utilisation courante del’appareil
de mesure, elle caractérise son exac- t i tude. La moyenne de l’erreurglobale E
estégale
à Ei. Onl’apprécie
par
l’étalonnage
del’appareil ;
onpeut
écrire- l’erreur
aléatoire,
03B52,qui dépend
d’ungrand
nombre decauses
(jeux,
erreurs delecture,
conditions dumoment) qui
fontqu’une
mesure n’est pas exactement
répétable.
On admet que les erreurs aléa- toires sontindépendantes,
ne sont pas liées à la vraie valeur X et sui- vent une loi normaleN(0 o)
dans le domaine d’utilisation del’appareil
de mesure.
L’écart-type,
o, caractérise ladispersion
des mesures au-tour de la moyenne
E(x),
c’est-à-dire lafidélité,
del’appareil.
Nous avons constaté
fréquemment
que lepersonnel
des atelierschargé
du contrôle est enclin à surestimer la fidélité des instruments de mesurequ’il
utilise. Ce faitpeut
causerquelques mécomptes
dansle contrôle ainsi que nous le montrons dans
l’exemple
que nousdonnons,
ci-dessous.Revue de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N’ 2
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II - EXEMPLEIl
s’agit
de laréception
de lots depapier
destiné au conditionne- ment d’une marchandise chèrequi risque
de se détériorer au contact d’unpapier
dont l’acidité n’est pas dans des limites assez étroites.L’ingé-
nieur demande que le
pH
réel soitcompris
entre 6 et6, 5.
Ces limites sontacceptées
par le fabricant dans le cahier descharges.
LepH
est mesuré par la méthode TAPPI(Technical
AssociationPulp
andPaper Industry), qui
faitl’objet
d’une norme AFNOR et consiste essentiellement dans une mesureélectrométrique
sur une macération de morceaux depapier
de 1 cm2qui
subit un certain nombred’opérations
bien définies.Chaque
livraison estaccompagnée
de la mesure dupH
donnée par leproducteur, puis
cette mesure est refaite par le client en contrôle deréception.
L’examen des deux séries de mesures montrequ’un grand
nombre de
points
sont extérieurs à l’intervalle 6 -6,
5 et que leur cor-rélation est
pratiquement
nulle.La
quasi indépendance
observée sous conduit à penser que la liaison entre les vraies valeurs X estmasquée
par les erreurs de mesure E sur les deuxséries, lesquelles
sontindépendantes.
On est ainsi amené àsuspecter
la fidélité de la méthode de mesureadoptée.
Pour
l’estimer,
on fait 25 mesures dupH
d’unpapier
dans des conditions aussi stables quepossible.
On obtient les résultats ci-dessous :dont la moyenne est :
5, 38,
la variance :0, 0341
etl’écart-type : 0,
18 .La fidélité de la méthode de mesure du laboratoire est donc carac-
térisée par un
écart-type
de0,
18 unitéspH
etexplique,
à elleseule,
une fluctuation dupH
de ±0, 54 (±
3o)
autour de sa vraie valeur. Il estévident,
dans cesconditions,
que les limites de contrôle fixées pour la vraie valeur dupH (6
à6, 5)
doivent êtreélargies
afin de tenircompte
des écartsimputables
àl’opération
de mesurage. On savait, certes, que la mesure dupH
n’était pasparfaitement
fidèle mais on nepensait
pasqu’elle puisse
êtrereponsable
d’écarts aussi élevés.L’introduction de l’erreur de mesure aléatoire nous conduit à mo-
difier les limites de contrôle du
pH
moyen des livraisons.Le technicien
papetier
admet que la vraie valeur dupH peut
variersans inconvénient de 6 à
6, 5 unités,
l’écart0,
5représente
donc 6 écarts-types,
parconséquent
unécart-type
de6 - 0,
08 caractérise les fluc- tuations propres auprocédé
de fabricationqui permet
de sortir dupapier
dont le
pH
doit suivre la distribution normaleN(6,
25 ;0, 08).
D’autre
part,
l’erreur sur les mesures depH
au laboratoiresuit,
avec une
approximation suffisante,
une loi normaleN(0 ; 0, 18) indépen-
dante de la vraie valeur de la
grandeur
mesurée. La fluctuationglobale
de la mesure du
pH (vraie
valeur et erreur demesure)
est donc nor-male de moyenne
6, 25
et de varianceégale
à la somme des variances pro- pres aux deux sources de fluctuationsci-dessus,
soit :Revue de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N’ 2
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qui correspond
àl’écart-type
a =V 0, 0404 = 0, 20, lequel
caractérise la distribution des mesures dupH.
Contrôle du
pH
L’erreur
systématique
estnégligeable
car on étalonne l’électro-mètre à
chaque
série de mesures à l’eaubidistillée,
l’erreur de dérive est, dans cesconditions,
incluse dans l’erreur de mesure.Pour contrôler le
pH
moyen des livraisons depapier,
soit6,25 unités,
on fait la moyenne des 4 mesures dontl’écart-type
est0,20 2 = 0,
10.Les limites de contrôle de la moyenne à 3
écarts-types
de la valeur centrale sont alors :limite
supérieure : 6, 25
+ 3 x0,
10 =6, 55
limite inférieure :6, 25 -
3 x0, 10 = 5, 95
Si l’on n’avait
pris
en considération que les fluctuations duprocédé
de
fabrication, l’écart-type
sur la moyenne de 4prélèvements
est0,
04qui
nous aurait donné les limites de contrôletrop
sévères6,
37 et6, 13 ,
nous aurions donc refusé des lots corrects.
Efficacité du contrôle
L’erreur de mesure n’a pas seulement pour
conséquence
la modi-fication des limites de
contrôle,
elle diminueégalement
son efficacité.Nous nous bornons à constater ce fait pour une seule valeur du
déréglage
de la fabrication autour de sa moyenne.
Soit un
déréglage égal
à0, 08,
calculons laprobabilité
del’accepter dans
deux cas.1/
L’erreur de mesure est nulleL’écart-type
sur la moyenne de 4 valeurs vraies dupH
étant0, 04
ledéréglage
est alors de 2écarts-types
la limitesupérieure
de contrôlé étant à30,
laprobabilité d’accepter
le lot estF(u) = F(l) = 0,84(1).
2/
La mesure est entachée d’erreurL’écart
type
sur la moyenne de 4 mesures est0,
10 et ledéréglage
est
de 0,08 0,10 = 0,
8écart-type,
comme dans le casprécédent,
laproba-
bilité
d’acceptation
estF(u) = F(3 - 0, 8) = F(2, 2) = 0, 986.
La
comparaison
de ces deuxprobabilités d’acceptation
nous montreque l’erreur de mesure atténue l’efficacité du contrôle et cela d’autant
plus
que le
rapport
erreur demesure/erreur
propre duprocédé
estplus grand.
Remarque
Dans le cas décrit nous avons considéré que la
production
fournis-sait des
papiers
dont lepH
variait de 6 à6,
5 selon une loi normale . C’est le cas courant des fabrications sous contrôle.(1) F(u) est la fonction de répartition de la loi normale réduite : F(u) = probabilité
de trouver une valeur inférieure ou égale à u.
Revlle de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N’ 2
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On aurait pu admettre une
répartition quelconque
de la valeur vraie dupH
entre les tolérances 6 et6, 5,
alors l’erreur de mesure aurait pour effet deplacer
les tolérances sur lagrandeur
mesurée à 6 - 3o et6, 5
+3o,
o caractérisant la fidélité de la méthode de mesure.III - CONCLUSION
Dans tout contrôle d’une
grandeur mesurable,
il ne faut pasperdre
de vue l’erreur de mesure
qui
a deuxconséquences importantes :
- elle entraîne la modification des limites de contrôle de la vraie valeur de la
grandeur,
- elle diminue l’efficacité du contrôle.
Revue de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N’ 2