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Histoire glaciaire du Léman

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Histoire glaciaire du Léman

WILDI, Walter, MOSCARIELLO, Andrea, PUGIN, André

Abstract

Dans le Bassin lémanique, les premières traces des glaciations se trouvent au sud de Palézieux (Canton de Vaud), à 800 m d'altitude, entre les villages d'Ecoteaux et de Maracon, où l'on observe les dépôts d'un ancien delta lacustre. Ce delta peut être relié à des moraines glaciaires et des sédiments lacustres, dont une partie est antérieure à la dernière inversion du champ magnétique terrestre il y a 860'000 ans1. La moraine glaciaire correspondante est celle de la glaciation dite du Günz. Jusqu'à cinq passages de glaciers de la période du Pléistocène moyen à supérieur sont ensuite documentés dans la vallée de l'Aubonne près de Morges et dans les dépôts équivalents sur la rive sud du Léman, en relation avec la vallée de la Dranse. A l'approche de Genève, ces traces d'anciennes glaciations se retrouvent dans le Léman, dans des sillons profonds creusés dans la Molasse par le glacier du Rhône. Au cours du dernier âge glaciaire, le Glacier du Rhône a érodé le bassin central du Léman jusqu'au niveau de la mer à hauteur de Lausanne. Depuis cette transversale le fond rocheux remonte en [...]

WILDI, Walter, MOSCARIELLO, Andrea, PUGIN, André. Histoire glaciaire du Léman. In:

Découvrir le Léman : 100 ans après Francois-Alphonse Forel . Genève : Musée du Leman; Slatkine, 1999. p. 400-414

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:90833

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DU LÉMAN

WALTER WILDI, ANDREA MOSCARIELLO & ANDRÉ PUGIN Institut F.-A. Fore[

10, route de Suisse, CH-1290 Versoix

ABSTRACT

F.-A. Fore/ (1892-1904), while recognzzmg the occupation of the Léman basin by the glaciers of the Pleistocene, attributes the formation of the basin to the fluvial erosion by the Rhône and the last movements of alpine folding, that is to say a «general heightening of the alpine massif». Research during the last century has now shown a more active role of glaciers, which since the Middle Pleistocene (about 780,000 years) have been the cause of the erosion of the Léman basin and its partialfilling by glacial and interglacial sediments. The last glaciation is the best represented in the central part of the basin and constitutes the major part of the sedimentfill of the Lake.

RÉSUMÉ

F.-A. Fore/ (1892-1904), tout en reconnaissant l'occupation du bassin lémanique par les glaciers du Pléistocène, attribue la formation du lac à l'érosion de la vallée par le Rhône et aux derniers plissements alpins, soit un «surexhaussement général du massif des Alpes». Les recherches menées depuis un siècle permettent aujourd'hui d'affirmer un rôle plus actif des glaciers, responsables depuis le Pléistocène moyen (env.

780 '000 ans) de l'érosion de la cuvette lémanique et de son comblement partiel par des sédiments glaciaires et interglaciaires. Le dernier cycle glaciaire est le mieux représenté au centre du bassin et forme l'essen- tiel du remplissage du Léman.

Mots clés: géologie glaciaire, Pléistocène, Léman, bassin genevois

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Pendant les périodes glaciaires du Pléistocène, le bassin du Léman a été occupé à plusieurs reprises par le glacier du Rhône, également res- ponsable de son creusement. La découverte de cet élément majeur de l'histoire de la Terre est liée à l'expérience du «Petit âge glaciaire», vécue par les peuples alpins du XVI° au XIXe siècle. Pendant cette période, caractérisée par une détérioration climatique, les glaciers connaissent une forte crue et leurs langues s'avancent jusqu'aux fonds des vallées. Alerté par les observations de J.-P. Perraudin et I. Venetz dans la vallée de Bagne, complétées par ses propres recherches, L.

Agassiz dépeint dans un discours devant la Société helvétique des sciences naturelles, les changements climatiques responsables de l'ex- tension des glaciers pendant l'âge glaciaire (Agassiz, 1837).

A. Morlot signale la possibilité, dans la vallée de la Dranse, de deux glaciations, séparées par un interglaciaire (Morlot, 1858). Dans leur tra- vail monumental intitulé« Eiszeitalter», Penck et Brückner établissent une stratigraphie du Quaternaire périalpin (Penck et Brückner, 1909).

Les auteurs se réfèrent à quatre niveaux de terrasses et de moraines sur le Plateau bavarois et le long des affluents du Danube, correspondant à autant de glaciations. Les terrasses sont (de bas en haut, de la plus jeune à la plus ancienne) :

la Niederterrasse (glaciation du Würm), la Hochterrasse (Riss),

Junge Deckenschotter (Mindel), Altdeckenschotter (Günz).

Deux glaciations plus anciennes, Donau et Biber s'ajoutent à cette chronologie plus tard. Les niveaux glaciaires seraient recouverts et séparés par des sols et autres formations interglaciaires. Les deux auteurs établissent l'extension maximale du Glacier du Rhône. Selon les connaissances actuelles, chacune de ces glaciations «classiques»

correspond dans les faits à plusieurs fluctuations climatiques et gla- ciaires (voir § 3.2).

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F.-A. Forel rédige sa monographie «Le Léman» à une époque (1892-1904) où il connaît la thèse de Morlot (1858) des deux phases glaciaires. Sur les pourtours du Léman, il établit (p. 170) la stratigraphie des «revêtements quaternaires» qui comprendraient (stratigraphique- ment de bas en haut, des terrains les plus anciens aux terrains les plus jeunes):

«Les alluvions anciennes;

Les terrains glaciaires ;

Les terrasses anciennes et modernes ; Les alluvions modernes».

Les alluvions anciennes, corrélées entre le Fort de l'Ecluse, «la col- line de Bougy» et« les conglomérats de la Dranse», sont subdivisées en

«Marnes à lignites» à la base, suivies de «Graviers, sables et conglo- mérats». Au sujet de l'âge de ces formations, Forel (T. 1, p. 173) constate «que cette alluvion ancienne n'est sûrement anté-glaciaire que dans ses marnes à lignites du canton de Genève». Il interprète en consé- quence (op. cit., p. 265) les conglomérats de Bougy et de la Dranse comme «alluvion latérale dans des lacs ou étangs soutenus par les flancs du grand glacier».

Au sujet de la formation suivante, l'auteur conclut (op. cit., p. 175):

«Le terrain glaciaire recouvrant ainsi indistinctement les murailles du lac, répond bien à ce que nous avons appelé un revêtement quaternaire, postérieur au creusement du bassin du Léman».

Les terrasses anciennes et modernes sont attribuées à des niveaux élevés du Léman situés à 10 et à 30 m au dessus du niveau actuel, à l'époque postglaciaire. En revanche, Forel ne saurait que faire des ter- rasses élevées de Thonon, situées à 60 et 75 m au dessus du niveau du Léman: «J'avoue ne pas savoir en rendre compte, et je les recommande à l'étude de nos géologues» (op. cit., p. 178).

Enfin (op. cit., p. 179), «il n'y a aucun doute que les alluvions modernes et les terrasses d'alluvion sont des dépôts récents formés dans le lac depuis l'établissement de celui-ci; cela ne prête pas à discussion».

C'est fort de l'analyse de la géologie du bassin lémanique que F.-A.

Forel développe la «Théorie du Léman» (op. cit., p. 184-270). Cette dissertation se situe dans le contexte d'une bataille que les scientifiques se livrent autour de la question de savoir si les glaciers ont un pouvoir érosif ou non, et si, en conséquence, l'origine des lacs périglaciaires doit s'expliquer par effondrement tectonique, par érosion fluviatile ou par érosion glaciaire. La réponse de l'auteur à cette question est la suivante

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(op. cit., p. 265): «Le Léman est un reste non encore comblé d'une val- lée d'érosion creusée par le Rhône du Valais. La vallée a été poussée jusqu'aux assises qui forment les murailles du plafond du lac par le fait d'un surexhaussement général du massif des Alpes ( ... ). La vallée à pente déclive a été changée en un bassin de lac, avec contrepente du pla- fond, par un affaissement ultérieur du massif alpin lequel a été ramené aux altitudes modernes.»

Après un siècie de recherches, cette vision de l'origine et de l'évolu- tion du bassin lémanique se trouve aujourd'hui complètement modifiée.

ORIGINE ET HISTOIRE

DU RELIEF DU BASSIN LÉMANIQUE

Les données de la sismique pétrolière (Gorin et al., 1993) montrent que la formation du bassin lémanique est postérieure aux plissements du Salève et du Jura dont les phases principales sont généralement attri- buées au Miocène terminal - Pliocène (10 à 2 millions d'années). Les déformations ont cependant bien pu commencer avant (Blondel et al., 1988) et se poursuivre jusqu'à l' Actuel, comme en témoigne l'activité sismique de la région (Sambeth et Pavoni, 1988).

La surface topographique quaternaire la plus ancienne de la région lémanique a été identifiée à Ecoteaux, près de Palézieux, où des sédi- ments interglaciaires comportent notamment des pollens de Carya et de Pterocarya. Pris entre deux séquences glaciaires, ces sédiments coïnci- dent avec une inversion du champ magnétique terrestre (Pugin et al., 1993). Or, la dernière inversion, soit celle entre les époques magné- tiques Matuyama et Brunhes, est datée de 780'000 ans (Singer et Pringle, 1996). Les sédiments deltaïques de la Formation supérieure d'Ecoteaux indiquent un niveau lacustre à une altitude de 800 m, loin au-dessus des reliefs de 1' actuel bassin lémanique (Wildi et Pugin, 1998).

Les phases de creusement successives du bassin lémanique au cours du Pléistocène peuvent être retracées en suivant les données stratigra- phiques élaborées par Arn (1984) pour la zone comprise entre le Léman et Bière, et par Blavoux ( 1988) pour la région de Thonon et la vallée de la Dranse.

Les lodgement tilt (moraines de fond) les plus anciens qui drapent le rocher de cette transversale du Grand-Lac sont attribués par les auteurs (op. cit.) à une glaciation qui correspondrait au «Mindel» du plateau

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bavarois. Ces dépôts définissent une vallée en auge très large entre le pied du Jura et les Préalpes. Au cours des derniers cycles glaciaires, l'auge du bassin du Grand-Lac a été creusée en profondeur, en éliminant les anciens sédiments et en approfondissant l'érosion du substrat rocheux, comme en témoignent les profils sismiques (Vernet et al., 1974 et données non publiées). Le dernier maximum glaciaire du Würm, est marqué par une moraine de base (ou lodgement till) qui drape le paysage. Dans le Léman, le creusement maximal du rocher atteint le niveau de la mer à hauteur de Lausanne, pour descendre, dans la vallée du Rhône en amont du lac, jusqu'à environ 400 men dessous du niveau marin (Pugin, 1988). En revanche, sur les bordures du bassin léma- nique, les anciens sédiments qui constituent les hauts-reliefs entre la Côte et le Jura, de même que les reliefs d'Evian, ont été préservés de l'érosion.

Dans le Petit-Lac, les avancées glaciaires antérieures au dernier maximum glaciaire ont laissé des gorges étroites. Ces gorges se trou- vent également dans le bassin genevois, en dehors du lac, comme en témoignent les anciens sédiments dans le sillon de Montfleury analysés par Wegmüller et al. (1995), ou ceux décrits par Amberger (1978) dans la région de Plan-les-Ouates. Aucun relief rocheux ne peut être attribué avec certitude à la présence d'accidents tectoniques. Les sédiments au fond du lac datent essentiellement de la dernière phase glaciaire et de la période postglaciaire.

L'auge du bassin lacustre se termine par les reliefs de la ville de Genève, témoins d'un stade de retrait du glacier du Rhône à la fin de la dernière glaciation (Moscariello et al., 1998; Wildi, 1997).

CYCLES CLIMATIQUES

ET GLACIAIRES DU BASSIN LÉMANIQUE AU COURS DU QUATERNAIRE Les indicateurs

Deux types de données nous servent d'indicateurs et permettent de reconstituer l'histoire climatique et glaciaire:

les données globales,

les données locales et régionales.

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Les données de type global sont liées soit à l'évolution générale de la biosphère qui nous entoure, soit à des changements physiques de l'in- térieur terrestre ou provenant de l'espace.

Données globales

Une des informations clés, liée à l'évolution générale de la bio- sphère, concerne les teneurs de l'eau douce et des eaux océaniques en Oxygène-18 (ou 01s). La teneur en 01s enregistrée dans les restes d'or- ganismes ou contenue dans les bulles d'air des glaces est un indicateur des volumes de glaces fixés dans les calottes et les glaciers alpins au cours du Quaternaire (Müller-Merz et al., 1997).

Données régionales et locales

Parmi les données les plus importantes on peut mentionner:

les pollens préservés dans les sédiments, qui reflètent l'état de la couverture végétale,

les faunes et les flores, indicateurs du climat, de la disponibilité de nourriture, des températures extrêmes et des précipitations,

la présence de sols ou de loess, reflet général d'un climat humide (sols), ou aride et froid (loess),

les sédiments glaciaires et les traces d'érosion glaciaires, indicateurs du milieu, de la présence de glace, d'eau, etc.

Combien de glaciations dans la région lémanique?

Emiliani a été le premier à démontrer la variation du 0 1s en fonction des changements du climat (Emiliani, 1955). Depuis lors, 30 à 50 périodes avec de grandes quantités de glace bloquées dans les calottes polaires et les glaciers d'altitude, et autant de périodes avec de plus petites quantités de glace ont été identifiées au cours du Quaternaire. A l'échelle globale, la dernière glaciation, soit celle du Würm, représente- rait deux périodes importantes de croissance glaciaire.

Kukla, en analysant les sols et les sédiments de loess de la vallée du Danube, a mis en évidence un nombre comparable de fluctuations cli- matiques en Europe Centrale (Kukla, 1977).

Ces données nous conduisent aux conclusions suivantes:

la région lémanique, comme les auti:es régions d'Europe, a subi au cours du Quaternaire trente à cinquante rythmes climatiques, accom- pagnés de croissance et décroissance glaciaire;

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au cours de la dernière glaciation, le Würm, deux avancées majeures, interrompues par un recul partiel, se seraient produites, pour autant que le climat régional ait suivi l'évolution globale.

Les données régionales les plus complètes sont fournies par l' enre- gistrement sédimentaire. Le premier dépôt glaciaire observé à Ecoteaux (Pugin et al., 1993), qui est également le plus ancien connu dans la région, est antérieur à la dernière inversion magnétique de 780'000 ans.

En y ajoutant la deuxième séquence glaciaire de la même localité, et en tenant compte des trois niveau glaciaires décrits par Arn (1984) et par Blavoux (1988) pour la transversale du Grand-Lac, entre Bière et la val- lée de la Dranse, on peut admettre qu'au moins cinq cycles glaciaires sont actuellement représentés. Le dernier de ces cycles serait dédoublé et représenterait les deux avancées majeures du glacier du Rhône pen- dant le Würm.

Climats glaciaires et interglaciaires

Dans la rade de Genève, les premiers pollens découverts en carotte dans les dépôts glaciolacustres datent de la déglaciation du Dryas ancien inférieur, (ou zone pollinique la, Amman, 1989; Rachoud- Schneider in Wildi, 1997; Rachoud-Schneider, 1999). Ils reflètent un paysage steppique ouvert, une végétation sans arbres.

En comparant cette flore avec les étages alpins actuels, on déduit que le front glaciaire se situait dans un climat proche de celui qui règne aujourd'hui à une altitude de 2000 à 2300 m, avec une température moyenne annuelle proche de 0 °C. Ce constat est cependant à corriger pour la période du maximum glaciaire, où le bassin lémanique se trou- vait caché sous une langue de glace dont le toit atteignait 1400 mimer à hauteur de Lausanne et 1200 m à Genève (Montjuvent et Nicoud, 1988), soit un niveau de presque l '000 m au-dessus de la topographie actuelle.

Cette différence d'altitude a dû abaisser la température moyenne annuelle à la surface du glacier à des valeurs inférieures à - 5 °C.

En comparaison avec le climat terrestre actuel (Strahler et Strahler, 1992) on peut penser que le refroidissement au début d'une glaciation correspond à un déplacement de la limite entre les masses d'aires polaires et équatoriales en direction de l'équateur. Sur l'hémisphère nord, la descente des anticyclones polaires, l'extension de la banquise sur l'Atlantique du Nord et la croissance des calottes en Scandinavie, sur les Iles britanniques et en Amérique du Nord conduisent à un climat plus sec et plus continental que le climat actuel.

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Le cJjmat tempéré de !'Holocène qui s'est installé en Europe Cen- trale il y a ll '500 ans, est à comparer à celui d' une période intergla- ciaire (Rachoud-Schneider, 1999). Il est caractérisé par son humidité relativement élevée, et des contrastes de température saisonnière modé- rés. Pendant cette période post-glaciaire, un optimum climatique a été atteint entre 6'000 B.P. et 4'700 B.P., à l' Atlantique récent, période à laquelle Jes glaciers alpins disparaissent presque entièrement. Le réchauffement postérieur au Petit âge glaciaire, dès la deuxième moitié du siècle dernier, est en partie à mettre au compte de fluctuations de 1 'activité solaire et d'une augmentation de l'effet de serre, conséquence, notamment, du rejet de gaz carbonique par l'homme (Magny, 1995).

Le «glacier du Léman» au dernier âge glaciaire

L'état physique et le fonctionnement du glacier qui occupait le bas- sin lémanique au dernier âge glaciaire peuvent ên·e reconstitués à partir des dépôts glaciaires. En particulier, le bassin genevois, le Petit-Lac et la rade de Genève comportent une séquence sédimentaire analysée en grand détail en carotte, à l'affleurement et en sismique réflexion par Ve1,11et et Horn, J 97 J ; Maystre et Vergain, 1992 ; Moscariello, l996;

Moscariello et al., 1998; Signer, 1996.

A sa périphérie, à l'Ouest de Laco.nnex (fig. 1), le bassin genevois compte des dépôts de deux cycles glaciaires, séparés par une séquence lacustre montrant plusieurs fluctuations climatiques, probablement interstadiaires (Reynaud, 1982). Il est possible que le glacier du Rhône se soit arrêté au dernier cycle glaciaire, H y a plus de 20'000 B.P., à hau- teur de Laconnex, juste en amont de ces dépôts lacustres. D'autre part, rien ne permet de croire que le glacier du R11ône ait abandonné le bassin du Petit-Lac au cours du Würmien.

Des témoins de cycles antérieurs se trouvent dans certains sillons molassiques du bassin genevois (Amberger, l978; Wegmüller et al., 1995). En revanche, le l.ong de l' axe de la cuvette, du Léman jusqu'à Laconnex, les sédiments d'un seul cycle glaciaire sont le plus souvent préservés et reposent par un contact érosif sur les termes antérieurs.

Dans le Petit-Lac, des sédiments fins, reposant su.r le rocher ont été cisaillés lors de la dernière avancée glaciaire (unité A, fig. 2 et 3). Ils sont surmontés d' un lodgem.ent tilt (moraine de fond, unité B) marquant l'extension maximale de la langue glaciaire. La séquence de déglacia- tion débute par des graviers et sables sous-glaciaires en structures de

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Vallums morainiques, stades glaciaires:

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Fig. 1. Situai.ion du bassin genevois au dernier maximum glaciaire et géologie gla- ciaire du Petit-Lac, stades glaciaires de Laconnex, Genève, Coppet et Nyon.

A-A' et B-B': coupes géologiques et glaciologiques fig. 2 (modifié d'après Moscariello et al .• 1998).

Situation of the Geneva basin du ring the lasr ice age and glacial geology of rhe

«Petit-Lac»; glacial stages of Laconnex, Gene va, Coppet and Nyon of the last glaciation. A-A' and B-13 ': gcological and glaciological Sèl'.:Liu11~ uf figuit: 2;

moditïed 11fter Moscariello et al., 1998)

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Complexe glacio-ecustre deltaïque, delta de la Cité de Genève Limons glaclolacuslres dos plateaux Unité D: Sédiments glaclo-lacustJes Unilé C: Graviers proglaciaires et eskers Unité B: Complexe morainique supérieur

Complexe glacio~acustre limono-argilew

Unttés A- D: voir fig. 3

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Moraine basae intermédiairi Unité A: Sédiments cisaillés Alluvion ancienne et Marnes à lignite Moraine basale inférieure Sédiments glaciaires anciern

indifférenciés Rocher, Molasse

300

Fig. 2. Coupes géologiques et glaciaires du bassin genevois pendant le stade de retrait de Laconnex (coupe A-A') et le st.adede Genève (coupe B-B', situation des coupes:

"- fig. 1). Dans les deux cas, le front du glaeier se trouve noyé dans le lac progla- ciaire ; les sédiments amenés par les torrents sous-glaciaires se déposent sur les deltas forrnant le Complexe glaciolncusire deltaïque (Laconnex) et le delta de la Cité de Genève (modifié et complété d'après MoscarieUo et al., 199-8).

Geological and glaciologicnl sections of the Geneva basin during the singes of Laconnex (section A-A') and Geneva (section B-B'; see fig. 1 for the location of the sections). ln both cases the glacial front was submerged in the progla- cial Jake; the sediments brought down by the sub-glaciaJ torrents were depo- sited on the deltas forming the glacial outwash complex (Laconnex) and the dellll of the Ciré de Genève (modified and supplemented after Moscariello et al., 1998).

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dômes allongés (eskers, unité C), indiquant la présence de tunnels liés aux tonents sous-glaciaires. Lors de la fonte du glacier, une épaisse série de diamictes (matériel morainique) est restée au fond du lac (fig.

3). Elle est recouverte par les sédiments glaciolacustres contenant des galets lâchés depuis les icebergs, puis par des sédiments glaciolacustres laminés (unité D) et les sédiments lacustres de l' Holocène (MoscarielJo, 1996).

Quatre stades glaciaires s'échelonnent le long de l'axe de la cuvette lémanique et permettent de retracer la fonte du glacier à la fin du Wür- mien. (fig. 1, Moscariello et al., 1998):

1) le Stade de Laconnex, connu de longue date, et dont le relief émoussé s'explique par sa formation en milieu lacustre (fig. 2, coupe A). Il est attribué au dernier maximum glaciaire;

2) le Stade de Genève, défini en vieille-ville et dans la rade de Genève (fig. 2, coupe B);

3) le Stade de Coppet, reconnu en sismique lacustre (fig. 1);

4) le Stade de Nyon, marqué au centre du sillon du Petit-Lac par des surmontant les premiers sédiments glaciolacustres laminés.

Les stades 2) à 4) correspondent chacun à une réavancée du glacier.

C'est dans la rade de Genève et dans le Petit-Lac que l'on retrace le plus facilement le mode et l'histoire de la déglaciation (fig. 3):

- le waterlain till de l'unité B indique le début de la fusion dans des conditions aquatiques, sous un glacier dont l'épaisseur est déjà très diminuée;

- des tunnels sous-glaciaires et éventuellement englaciaires évacuent de grandes masses d'eau artésienne et déposent les graviers et sables des reliefs d'eskers ou de paraeskers à proximité du front glaciaire (unité C, fig. 3, Moscariello et Wildi, 1994 et Wildi, 1997). L'orien- tation des dômes d'eskers dans la région de Versoix (fig. 1) peut indi- quer un échappement latéral des eaux sous-glaciaires vers le Nord;

- le décollement du glacier précède le dépôt de l'unité D. Cette der- nière représente les conditions glaciolacustres d'abord proximales, comportant des intercalations de diamictes et des galets lâchés (drop stones), puis des conditions plus distales, avec des sédiments lami- nés. On peut penser que cette sédimentation se trouve liée au «lac de 405 m».

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Fig. 3. Coupes transversales de la Rade de Genève du dernier maximum glaciaire jus- qu'à la déglaciation. Les sections a-d momrent les conditions de déposition de la séquence glaciaire du Petit-Lac (simplifié d'après Moscariello, 1996).

Légende voir fig. 2).

Transverse sections of the Rade de Genève frorn the Last Glacial Maximum up until deglaciation. Sections a-d illustrale the conditions of sediment deposition (simplified after Moscariello, 1996. Caption : see fig. 2).

DISCUSSION ET CONCLUSION

Les connaissances actuelles permettent d'affirmer que l'histoire du Léman se trouve étroitement liée à l'histoire glaciaire au cours du Pléis- tocène. Le bassin lémanique se serait formé depuis environ 780'000 ans, en évoluant d'une large cuvette, de faible profondeur, vers un bas- sin de plus en plus étroit et profond. Les sédiments des anciens cycles glaciaires se trouvent en conséquence préservés sur les bordures du bas- sin, alors que le remplissage du lac est constitué essentiellement de sédi- ments du dernier cycle glaciaire.

L'analyse sédimentologique permet de retracer en détail la paléo- géographie des régions glaciaires et de préciser les conditions physiques du glacier du Rhône au cours des temps glaciaires; elle met notamment en évidence l'importance de la circulation d'eau à la base du glacier, dans des tunnels sous-glaciaires, dont les dépôts fonnent actuellement

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une maille complexe d'eskers enfouis sous les sédiments tardi- et post- glaciaires.

REMERCIEMENTS

Nous remercions le Fonds national suisse de la recherche scientifique qui a soutenu cetle étude dans le cadre des requêtes No 2000-042108.94 et 2000- 052432.97. Ce manuscrit a profité de la lecture critique de Ph. Schëneich.

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