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La cigarette électronique devient une pratique chaque jour plus politique

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1572 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 août 2014

actualité, info

La cigarette électronique devient une pratique chaque jour plus politique

C’est un mouvement de fond auquel on n’accorde sans doute pas l’attention qu’il mérite. Une invention technique banale com­

mence à bouleverser le monde du tabac.

Partant, elle bouleverse les termes de l’une des principales équations de santé publique contemporaine. La dépendance au tabac n’est certes pas vaincue mais elle évolue vers une addiction à la nicotine. La vapeur nicotinée commence à se substituer à la fumée des cigarettes de tabac. C’est une affaire médicale de première grandeur, une «révolution des volutes» aux conséquences sanitaires et éco­

nomiques dont on mesure encore mal l’exacte portée.

Il y a là, aussi, une nouvelle donne socié­

tale : le recours à la cigarette électronique (quand son usage n’est pas prohibé) est une pratique qui s’inscrit chaque jour un peu plus dans le champ politique. Et son inter­

diction (à l’échelon d’un pays ou de certains espaces, publics ou pas) prend une dimen­

sion nouvelle qui engage et engagera la res­

ponsabilité de ses auteurs. Un passé récent montre que la justice se rapproche chaque jour un peu plus des décisions politiques, dès lors que ces dernières ont à voir avec la santé publique.

De ce point de vue, une récente publica­

tion dans la revue Addiction constitue un symptôme particulièrement éclairant.1 Les signataires sont cinq spécialistes réputés dans ce domaine.2 Ils expliquent avoir procédé à un examen scientifique de près d’une cen­

taine d’études consacrées à l’utilisation, au contenu, et la sécurité des e­cigarettes. Et bien que les effets à long terme de son utili­

sation ne puissent (par définition) être tota­

lement connus, ces auteurs estiment (pour le dire simplement) qu’il n’y a pas photo quant à leur nocivité par rapport aux ciga­

rettes de tabac.

Ces cinq experts invalident notamment l’argument selon lequel la e­cigarette consti­

tuerait, chez les plus jeunes, une voie d’ini­

tiation conduisant à la consommation de

tabac. D’autre part, de multiples données convergent pour dire que le fait, pour un fu­

meur, de passer à l’e­cigarette peut l’aider à renoncer au tabac ou à en réduire sa consom­

mation. C’est là un assez beau résultat.

Pour les auteurs de la publication d’Addic­

tion, il existe certes encore des lacunes dans les connaissances, lacunes qui nécessitent davantage de recherche. Pour autant, les données actuelles sur les e­cigarettes ne justi fient pas que ces dernières fassent l’ob­

jet de réglementations plus contraignantes (ou mê me identiques) que les cigarettes classi ques.

Selon ces auteurs, les décisions réglemen­

taires fournissent le plus grand bénéfice en matière de santé publique quand elles sont proportionnelles, fondées sur des preuves, et qu’elles intègrent une évaluation ration­

nelle des risques et des avantages probables.

Pour le Pr Peter Hajek, premier signataire, il est clair désormais que les cigarettes élec­

troniques doivent être autorisées à entrer en concurrence commerciale avec les cigarettes classiques. Les professionnels de la santé peu­

vent aussi conseiller les fumeurs qui ne veu­

lent pas cesser d’utiliser la nicotine à passer à l’e­cigarette. «Les fumeurs qui n’ont pas réussi à arrêter avec les traitements actuels peuvent également bénéficier du passage aux point de vue

Les vacances, l’absence et l’accompagnement musclé

C’est l’été. J’ai pris des longues vacances.

Mes patients semblent survivre. Et moi aussi.

Une question se pose toutefois : me man- quent-ils ? Dans le long travail de thérapie surgissent des liens émotionnels dont ni moi, ni le patient mesurons l’ampleur.

Souvent je balaye les sentiments que j’éprouve à leur égard de manière automa- tique. Cela m’arrive surtout avec les émotions négatives, car elles sont pour moi plus diffi- ciles à admettre et à élaborer. J’ai bien com- pris que la règle qui m’invite à soigner, et non à m’énerver contre mes patients – règle qu’au demeurant, j’ai souvent soumise à l’aune de la critique – reste ancrée encore aujourd’hui dans ma pratique.

En me posant la question de savoir si les

patients me manquent, je crois m’interroger sur mes mouvements affectifs dits positifs, comme l’intérêt, la sympathie, la curiosité amu- sée, la tendresse et l’affection.

Je me rappelle d’une conférence qu’Odette Masson avait tenue en 1993 à Neuchâtel sur les adolescents : d’abord – disait-elle dans mon souvenir – nous avons avantage à nous laisser tester. Puis à résister à la mise à l’épreuve ; ensuite à mettre un cadre. Mais si nous n’arrivons pas, à la fin, à éprouver une solide affection pour eux, il sera difficile de considérer le traitement comme abouti. Dans la perspective d’Odette Masson, ce qui peut constituer l’indice d’une rencontre réussie n’est pas une modification comportementale, ni une prise de conscience de la part du pa- tient, mais bien une modification émotionnelle – dans le sens d’un mouvement affectif positif – de la part du thérapeute.

Puis-je admettre d’éprouver de l’affection pour mes patients ? Je sais que certains d’entre eux signalent un besoin de proximité, de disponibilité, sans que cette exigence soit nécessairement manifestée. C’est peut-être mieux ainsi : s’il est exprimé, ce besoin peut parfois susciter chez moi de la gêne, de l’irri- tation, de l’allergie, quel que soit mon degré de compréhension de sa légitimité historique.

Je trouve sympathiques certains patients, attachants d’autres ; je pense éprouver plus facilement de l’intérêt que de l’affection. Je peux être séduit, attiré et éconduit par des personnes avec qui, en principe, je n’ai que peu d’affinités électives ; j’éprouve de la com- passion pour les malheureux, pour les victi- mes, pour ceux qui ont traversé des épreuves analogues aux miennes, et qui, comme moi, ne s’en sont pas nécessairement sortis ga- gnants.

Je me sens souvent engagé, mais il m’est plus difficile de composer avec la tendresse qui m’habite presque à mon insu.

carte blanche

Pr Marco Vannotti Cerfasy

2000 Neuchâtel m.vannotti@gmail.com

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 août 2014 1573 e­cigarettes» ajoute ce spécialiste renommé.

Dans un monde rationnel, cette publica­

tion devrait constituer un tournant pour les politiques, être décryptée dans les cabinets des ministres de la Santé. Elle devrait per­

mettre d’en finir avec les atermoiements des autorités sanitaires qui hésitent à voir la réa­

lité en face. Au point qu’on en viendrait presque à imaginer on ne sait quel conflit d’intérêt avec le monde malsain de l’indus­

trie du tabac.

En finir avec les atermoiements ne signifie en rien un total laisser­aller en matière de surveillance sanitaire. Bien au contraire. Mais il y a désormais suffisamment d’éléments chiffrés et objectifs pour penser que conti­

nuer (par divers moyens) à contrecarrer leur usage et leur diffusion constitue désormais une politique nocive. Pour ne pas dire cou­

pable en ce qu’elle laisse les esclaves du tabac privé d’une opportunité salutaire. On peut le dire autrement : ceux qui, parmi les autorités sanitaires, s’y opposent devront bientôt rendre des comptes. A commencer par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui continue à faire blocage.

«Tant qu’aucun dispositif électronique de délivrance de nicotine n’est considéré comme sûr et de qualité acceptable par les orga­

nismes nationaux de réglementation compé­

tents, l’utilisation de ces produits y compris de la cigarette électronique, est vivement déconseillée» estime l’OMS.

En mai dernier, plusieurs spécialistes de santé publique de réputation internationale s’étaient directement adressés par courrier au Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS pour la mettre devant ses respon­

sabilités.3 Une initiative pour l’heure sans succès. Mais l’heure tourne.

En France, le président de la République lançait, le 4 février dernier, la troisième étape du «Plan Cancer», construction sanitaire jacobine voulue par l’un de ses prédéces­

seurs. A cette occasion, on apprenait ceci :

«Au total 66 000 décès par an sont impu­

tables au tabac en France dont 44 000 par cancer. Face à ces enjeux, il est indispensable d’utiliser tous les leviers reconnus efficaces dans une politique globale et ambitieuse.

Ainsi, le Plan lance le Programme national de réduction du tabagisme (PNRT), qui aura pour objectif une réduction d’un tiers de la prévalence du tabagisme quotidien dans la population adulte pour atteindre une pré­

valence de 22% de fumeurs d’ici la fin du Plan. Cet effort mettra la France en situation de passer sous la barre des 20% de fumeurs dans les dix ans et pourra ainsi sauver près de 15 000 vies chaque année.

Le président de la République annonçait que ce «PNRT» serait détaillé «avant l’été»

par Marisol Touraine, ministre de la Santé.

Maître d’œuvre : la Direction générale de la Santé. L’été s’achèvera bientôt. On annonce que le PNRT sera connu à l’automne. Et tout laisse penser que la cigarette électronique y sera considérée comme une ennemie – com me elle l’a toujours été depuis qu’elle est arrivée dans l’Hexagone, avec le succès croissant que l’on sait. Une ennemie alors que la crois­

sance de ses ventes coïncide avec une baisse conjointe historique : celle des ventes de ta­

bac et celle des substituts nicotinés.

C’est dans ce contexte que, toujours en France, on perçoit les échos de ce qui se passe chez les responsables politiques suisses.

On apprend ainsi que la Commission de la Santé publique du Conseil National a donné suite, «sans opposition», à une initiative parlementaire de Lukas Reimann, de l’UDC/

Union démocratique du Centre qui vise à autoriser la production et la commercialisa­

tion du snus.

Snus : poudre de tabac humide en sachet que l’on place derrière la lèvre supérieure et que le consommateur garde pendant une durée qui peut aller de quelques minutes à plusieurs heures. Un lointain cousin germain de la e­cigarette en ce qu’il permet de faire l’économie des innombrables toxiques de la fumée du tabac carbonisé.

La Suisse rejoindra­t­elle au niveau euro­

péen, la Norvège et la Suède ? L’initiative de Lukas Reimann doit encore recevoir le feu vert de la Commission de la Santé publique du Conseil des Etats de la fédération helvé­

tique avant d’être intégrée dans la future Loi sur les produits du tabac, indiquent les services du Parlement. Une affaire, on le voit, éminemment politique.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com 1 Hajek P, Etter JF, Benowitz N, et al.Electronic ciga- rettes : reviewof use, content, safety, effects on smokers and potential for harm and benefit.2014;epub ahead of print. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25078252 2 Il s’agit de Peter Hajek et Hayden McRobbie (Centre for

Tobacco and Alcohol Studies, Wolfson Institute of Pre- ventive Medicine, Queen Mary University of London, London), de Jean-François Etter, (Institute of Social and Preventive Medicine, Faculty of Medicine, University of Geneva, Geneva), deNeal Benowitz (Division of Clinical Pharmacology and Experimental Therapeutics, Depart- ments of Medicine and Bioengineering & Therapeutic Sciences, School of Medicine, University of California, San Francisco) et de Thomas Eissenberg (Center for the Study of Tobacco Products, Department of Psychology, Virginia Commonwealth University, Richmond).

3 http://nicotinepolicy.net/documents/letters/Margaret Chan.pdf

Heureusement que mes patients ont un esprit de réparation fort aiguisé à mon égard. Tenez, je viens de recevoir un mail qui, après les salutations d’usage, dit à peu près ceci :

J’ai toujours des questionnements … . Cela fait une année que je suis suivi par vous et je réalise que je cherche mainte- nant un accompagnement, disons, plus

«musclé». J’aimerais commencer une autre forme de développement personnel, je ne sais pas encore comment.

Je vous remercie infiniment pour l’atten- tion et le soutien que vous m’avez appor- tés pendant cette année et je vous sou- haite une belle continuation.

Bon sang ! Je vais poursuivre mon séjour au soleil, ça c’est sûr. Je peux, certes, me dire que je manque à ce patient ; il me donne congé précisément au milieu de mes lon- gues vacances. Mon attitude à son égard ne me paraissait pas spécialement tendre, même si j’éprouvais pour lui de l’estime et de la bienveillance. Puis je me suis souvenu de Mme Masson : je commencerai à me laisser tester pour répondre ensuite à la mise à l’épreuve ; quant au cadre… je proposerai une discussion musclée à mon retour.

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