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Entre dieux et mortels: le contact visuel sur les reliefs votifs grecs classiques

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Entre dieux et mortels: le contact visuel sur les reliefs votifs grecs classiques

BAUMER, Lorenz

BAUMER, Lorenz. Entre dieux et mortels: le contact visuel sur les reliefs votifs grecs classiques.

In: Courtray, R. & Christian, R. Regard et représentation dans l'Antiquité . Toulouse : Presses Universitaires du Mirail, 2013. p. 43-54

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:28958

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Entre dieux et mortels – le contact visuel sur les reliefs votifs grecs classiques

Lorenz E. Baumer Université de Genève Les reliefs votifs de l’époque classique sont qualifiés d’habitude d’expression caractéristique de la piété populaire en Grèce, et représentatifs pour un certain groupe social1. Même s'il s’agit souvent d’œuvres de qualité moyenne, un bon nombre de pièces impressionnent par leur haut niveau d’exécution. Une particularité de ces reliefs qui les distingue d’autres œuvres d’art du ve et du ive siècle av. J.-C., c'est qu’ils montrent le plus souvent les dieux directement en face des humains, comme l’illustre, choisis de manière assez aléatoire, un relief provenant du sanctuaire d’Artémis à Brauron (fig. 1)2 et un autre qui a été dédié dans le sanctuaire de Déméter à Eleusis (fig. 2)3 : sur le premier, Artémis est montrée à droite, tenant dans ses mains une coupe à omphalos et son arc ; la déesse est accompagnée par une biche dont seule la tête est visible, alors que s’approche de la gauche un groupe assez nombreux d’adorants, précédés d’un des servants qui mènent un bœuf à l’autel. Sur le relief d’Eleusis sont représentés Déméter, triptolème sur son trône ailé et Perséphone tenant deux torches ainsi qu’un groupe d’adorants qui s’approchent des divinités venant cette fois de la droite. Ces deux reliefs, qui ont été sculptés vers 330 av. J.- C. en marbre pentélique, soulignent comme beaucoup d’autres exemples la différence entre les dieux et les humains par la grandeur des figures, avec les mortels qui sont représentés beaucoup plus petits que les divinités.

Mais de quoi s’agit-il ? Est-ce qu’il s’agit d’une rencontre directe entre dieux et humains, et si oui, dans quel sens nous faut-il comprendre celle-ci ? Car à l’époque classique, et selon le discours de Périclès « les dieux non plus ne sont pas visibles, mais ce sont les honneurs qu’on leur rend

1 Voir en général Hausmann, 1960 ; Mitropoulou, 1977 ; Neumann, 1979 ; Vikela, 1997 ; Comella, 2002 et la bibliographie dans Baumer, 1997, 81 n. 585. – Pour les reliefs votifs béotiens voir Schild- Xenidou, 2008, pour les assemblées de dieux sur les reliefs votifs attiques Güntner, 1994, et pour les représentations des hommes Edelmann, 1999.

2 Brauron, Musée, inv. 1151 (5) : Baumer, 1997, p. 135-136 R 32 pl. 32,2 ; Edelmann, 1999, p. 215 F 27 fig. 31 ; Comella, 2002, p. 127 fig. 125 ; 205 Brauron 1.

3 Eleusis, Musée, inv. 5061 (11) : Güntner, 1994, p. 151 D 14 pl. 28,2 ; Baumer, 1997, p. 139-140 R 40 pl. 33,6 ; Edelmann, 1999, p. 216 F 33 fig. 31 ; Comella, 2002, p. 128 fig. 127; 209 Eleusis 4.

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et les biens qu’ils nous procurent qui nous fait juger qu’ils sont immortels4 ». Est-ce que le contact visuel et parfois même physique entre dieux et mortels que semblent illustrer les reliefs et qui semble contredire la notion des dieux comme l’a exprimée Périclès, est tout simplement l’expression d’une croyance peu réfléchie sinon naïve ? ou est-ce qu’il nous faut comprendre ces représentations différemment et de manière différenciée selon les dieux et les héros impliqués ?

Avant de continuer ces réflexions, assurons-nous d’abord que les représentations des dieux sur les reliefs votifs ne sont pas à comprendre comme des représentations de statues de culte, ce qu’a aussi souligné récemment et à bon droit Anja Klöckner dans un article portant sur le contact entre mortels et dieux dans l’art classique5. L’utilisation de certains types statuaires sur les reliefs, dont certains de statues de culte, était en effet due à l’actualité de ces dernières et vient d’une tradition de modèles à l’intérieur des ateliers, sans être dictée – à quelques rares exceptions près – par l’intention de représenter une statue de culte précise6. À cela s’ajoute l’observation qu’on ne trouve que sur quelques rares reliefs des représentations de statues en tant que telles, comme c’est le cas sur un relief conservé à Athènes7. on approuvera ainsi la conclusion de Klöckner que les reliefs illustrent en effet des rencontres des humains avec les dieux in personam8, ce que soulignent par ailleurs aussi les réactions, tout d’abord des femmes, devant l’apparition divine qu’on peut observer sur quelques reliefs. Un exemple bien parlant est donné par un relief votif du troisième quart du ive s. av. J.-C. provenant de Karystos9 : ce relief, dont seulement la partie droite est conservée, montre à côté de Ploutos et Dionysos une femme vêtue d’un péplos, levant ses mains et ses avant-bras dans un geste qui semble signaler sa surprise ; la réaction spontanée devant l’épiphanie divine est par ailleurs soulignée par la position de son corps qui est légèrement penché vers l’arrière. Selon Klöckner, il serait en même temps peu approprié de prendre l’image à la lettre comme une illustration de ce qui s’est réellement passé dans le sanctuaire dans le cadre du rituel, alors que l’image essaie plutôt de mettre en valeur que quelque chose s’est passé, par exemple suite à des offrandes réussies : « The votives do not illustrate what has really happened in the sanctuaries, but they try to stress that something happened. And in imaging the gods as if they were present, they demonstrate that the ritual communication was successful10. » Autrement dit, les reliefs ne figurent ni des statues, ni des rituels, mais le résultat positif de ces derniers et ainsi une expérience religieuse qui est loin d’être naïve.

Si donc se confirme l’interprétation proposée des représentations, il semble néanmoins possible d’apporter encore quelques précisions à propos de la relation entre les dieux et les mortels sur les reliefs votifs en analysant leur contact visuel. Sur un niveau systématique, on devra tout d’abord faire une distinction entre les différentes catégories du regard, c’est-à-dire entre

4 Plutarque, Périclès 8, 9. traduction : Plutarque, Vies III, Périclès (texte établi et traduit par R. Flacelière et É. Chambry, Paris, les Belles Lettres, 1964, p. 23).

5 Klöckner, 2010, p. 108-109.

6 Baumer, 1997, p. 13-15, 81-88 et Baumer, 2000, passim.

7 Athènes, Musée de l’Acropole, inv. 2447 + 2605 + 4734 : Neumann, 1979, p. 61 pl. 37a ; Comella, 2002, p. 41 fig 26 ; 192 Atene 23.

8 Klöckner, 2010, p. 124-125.

9 Chalcis, Musée, inv. 337 : Edelmann, 1999, p. 194 B 63 ; Klöckner, 2010, p. 110-111 fig. 6.2.

10 Klöckner, 2010, p. 125.

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– « voir quelque chose », soit une personne ou un événement, de manière plutôt passive et unilatérale du côté du spectateur,

– « regarder quelque chose ou quelqu’un », donc activement, mais toujours unilatéralement,

– et enfin « se regarder » mutuellement dans les yeux et ainsi établir une relation personnelle et directe.

1. Le principe de base : éviter le regard

Sur le relief d’Eleusis (fig. 2 et n. 3), les têtes ne sont malheureusement pas toutes conservées, mais on peut constater que Perséphone se tourne vers triptolème, alors que celui-ci lève sa tête pour regarder Déméter. D’après ce qui en est conservé, la déesse avait sa tête tournée vers sa fille, et les trois dieux se regardent ainsi mutuellement dans une sorte de circuit fermé. Pour les adorants, l’analyse des regards n’est qu’à peine possible à cause de l’état de conservation, mais tout indique qu’il n’y en a aucun qui lève sa tête pour regarder les visages des trois divinités. Il n’existe alors aucun échange visuel entre le monde divin et les mortels, qui dépasserait pour les humains le niveau du « voir », alors que les dieux restent dans leur propre monde.

L’impression se confirme sur le relief de Brauron (fig. 1 et n. 2) : alors qu’Artémis semble promener son regard sur l’ensemble du groupe, il ne se trouve aucun mortel qui lèverait sa tête pour vraiment regarder la déesse. Il y a même plusieurs participants qui tournent leur face vers le spectateur ou vers le sol et qui ne regardent pour ainsi dire nulle part. Même si la déesse se trouve en face des adorants, on ne peut que constater qu’il reste au niveau du regard une distance infranchissable entre dieux et humains. L’analyse des regards permet par ailleurs de mieux reconnaître la composition du relief qui est manifestement d’une grande régularité, ce qui souligne la haute qualité du travail.

Une autre situation se présente sur le relief de Chalcis (n. 9) : alors que les dieux restent dans leur propre monde et semblent ignorer la présence de la femme à leur côté, celle-ci lève sa tête pour regarder – manifestement cette fois activement – le visage de Dionysos. Sa réaction physique montre l’émotion que crée l’épiphanie inattendue du dieu et qui correspond ainsi aux descriptions littéraires d’un tel événement. En comparaison avec d’autres reliefs, la scène pourrait représenter un événement bien précis, mais il faut en même temps constater que les réactions physiques sur la rencontre avec les dieux se limitent à des femmes, ce qui contredit une interprétation trop concrète11.

Dans aucun des trois cas étudiés n’existe alors un contact visuel et mutuel entre les dieux et les mortels, ce dont on pourrait facilement multiplier les exemples. on a même l’impression que 11 Voir Klöckner, 2010, p. 110-111 qui cite dans ce même contexte un relief de la deuxième moitié du 4e s.

av. J.-C. qui a été trouvé au monastère de Loukou et qui montre Cybèle assise sur la gauche, alors qu’un groupe nombreux s’approche de la droite ; plusieurs participants lèvent leur main droite et semblent ainsi saluer la déesse, alors que seules les deux femmes montrent leur émotion avec le corps penché à l’arrière : tripolis, Musée archéologique, inv. 5767 : Edelmann, 1999, 218 F 46 ; Klöckner, 2010, 110 n. 11. – Un phénomène similaire est à constater pour les adorants agenouillés et qui semblent au moins parfois toucher le dieu : dans ce cas aussi il s’agit d’habitude de femmes qui en outre sont d’habitude plus grandes que les autres participants humains : Edelmann, 1999, p. 46-47. – Pour les réactions des adorants en face des dieux voir aussi Edelmann, 1999, p. 163-166.

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les sculpteurs se sont donnés beaucoup de peine pour éviter tout contact visuel trop direct entre les dieux et les hommes. C’est illustré par exemple aussi par un relief de la fin du ve siècle av. J.- C. à Berlin, avec Hermès et les nymphes accompagnés d’Achéloos à droite et d’un petit adorant de l’autre côté12 : alors que le regard de l’adorant, qui est beaucoup plus petit que les dieux, reste à l’horizontale et ne vise pas les visages des dieux, Hermès et les nymphes tournent leur visage vers le sol ou même vers l’arrière et semblent ainsi ignorer la présence humaine. Seul Achéloos regarde en direction de l’adorant, mais il est trop loin de celui-ci pour qu’on puisse constater une prise de contact active et immédiate.

Sans vouloir rallonger inutilement la liste des cas similaires, mentionnons enfin de manière aléatoire un petit relief de qualité moyenne de 330/20 av. J.-C. qui fut trouvé à Athènes au pied de l’Aréopage13 : la pièce, qui ne mesure que 31,4 sur 21,4 cm, montre à gauche Déméter assise, Perséphone et un jeune dieu portant un enfant en face d’une petite famille d’adorants qui s’approchent de la droite. De nouveau, les regards des dieux et des mortels ne se croisent pas, et aussi le dieu, qui semble se tourner vers les adorants, regarde en fait Ploutos enfant qu’il porte sur son bras. D’une qualité bien meilleure est – toujours en désordre – un relief fragmentaire au Musée national d’Athènes qui date de la même décennie et qui montre Asclépios assis et Hygie devant un groupe d’adorants, alors qu’un petit desservant mène un porc à l’autel14. Comme dans les exemples précédents, on ne peut que constater l’application du même principe. D’autres exemples, de sujets, de dimensions et de qualité bien différents, confirment l’impression que l’absence d’un échange mutuel de regards entre dieux et humains puisse être considérée comme le principe dominant15. Les humains semblent éviter de regarder directement le visage des dieux, alors que ces derniers restent dans leur propre monde, distant du monde des mortels.

2. Les dieux qui regardent les hommes

Beaucoup plus rares sont les cas où l’intérêt au moins d’une divinité pour les adorants semble être un peu plus grand. Ceci se voit par exemple sur un relief au Musée national d’Athènes, créé vers 410 av. J.-C., qui montre les trois nymphes avec Pan dans sa grotte et enfin le dédicant, de nouveau bien plus petit que les nymphes, dont le nom, Archandros, est inscrit 12 Berlin, Staatliche Museen, inv. Sk 709a (K 83) : Güntner, 1994, p. 123 A 31 pl. 6 ; Comella, 2002, p. 91

fig. 86 ; 221-222 Roma 4.

13 Athènes, Musée de l’Agora, inv. S 1251 : Güntner, 1994, p. 152 D 19 pl. 29,2 ; Baumer, 1997, p. 114- 115 R 2 pl. 25,2 ; Edelmann, 1999, p. 201 D 1 ; Comella, 2002, p. 114 fig. 113 ; 194 Atene 54.

14 Athènes, Musée national, inv. 1330: Güntner, 1994, p. 139 C 18 ; Baumer, 1997, p. 124-125 R 14 pl. 27,4 ; Edelmann, 1999, p. 234 U 52 ; Kaltsas 2002, p. 223 no. 466 fig. ; Comella, 2002, p. 107 fig. 104 ; 196 Atene 75.

15 Voir p. ex. Paris, Louvre, inv. Ma 742 : Hamiaux, 1992, p. 214-215 no. 222 fig. ; Baumer, 1997, p. 148- 149 R 54 pl. 36,3 ; Edelmann, 1999, p. 195 B 72 ; Comella, 2002, p. 62 fig. 53 ; 204 Atene 174. – Brauron, Musée, inv. 1153 : Neumann, 1979, p. 61 n. 37 fig. 38b ; Edelmann, 1999, p. 216 F 29 ; Comella, 2002, p. 127 fig. 126 ; 206 Brauron 3. – Paris, Louvre, inv. Ma 752 : Hamiaux, 1992, p. 215 no. 223 fig. ; Güntner, 1994, p. 148 D 4 ; Baumer, 1997, p. 148-149 R 54 pl. 36,3 ; Edelmann, 1999, p. 200 C 19 fig. 14 ; Comella, 2002, p. 128 fig. 128 ; 210 Eleusi 19. – Rome, Vatican, inv. 799 : Baumer, 1997, 150-151 R 57 pl. 37,1 ; Edelmann, 1999, 196 B 77 ; Comella, 2002, p. 55 fig. 42 ; 205 Atene 179.

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sur l’entablement16 : contrairement aux quelques exemples étudiés au préalable, la première des nymphes baisse cette fois sa tête et semble regarder Archandros, alors que celui-ci semble éviter de lever la tête et se limite à saluer les dieux avec la main droite levée.

Le même principe se retrouve sur un relief sculpté vers 330 av. J.-C. et provenant de l’île d’Eubée17 : il montre Apollon Citharède, Léto et Artémis Dadophoros, alors qu’un dédicant barbu et bien plus petit s’approche de la droite. Comme sur l’exemple précédent, il salue les dieux avec la main droite, mais évite de lever sa tête pour les regarder directement. Seule Artémis, qui est la plus proche de lui, penche sa tête et semble prêter une certaine attention à l’homme.

Sur un relief au Louvre, c’est Hygie qui semble viser du regard le dédicant qui est en train de faire son offrande, alors que les autres participants au rituel regardent un peu partout, mais surtout pas dans la direction des dieux18. Sur un autre exemplaire de 400-390 av. J.-C., la déesse ne se limite pas à regarder le dédicant, mais lève même la main pour toucher sa tête ou le couronner (fig. 3)19.

Jusqu’à maintenant, on a pu constater trois possibilités pour le contact visuel entre les dieux et les humains :

(a) le cas le plus fréquent : les mortels et les dieux évitent de se regarder ; ces derniers, visibles pour les humains, mais sans créer une interaction, restent dans leur propre monde, (b) une parmi plusieurs divinités, le plus souvent une déesse qui n’est pas la plus importante

de la scène, vise du regard un des adorants, d’habitude le premier, qu’on peut identifier probablement avec le dédicant ; celui-ci ne répond par contre pas à ce regard,

(c) encore plus rare est le cas représenté par le relief de Chalcis (n. 9) où un mortel regarde activement la divinité et réagit physiquement à la rencontre.

3. Les dieux guérisseurs

Le dernier exemple étudié (fig. 3 et n. 19), qui montre un contact plus immédiat entre le monde divin et le monde humain, n’appartient probablement pas tout à fait par hasard au domaine des dieux guérisseurs. Car ce sont tout premièrement parmi ces derniers qu’on trouve un certain nombre d’exemples qui semblent montrer un contact visuel et physique plus direct20.

Un contact physique est montré sur un relief de l’Amphiareion d’oropos où il a été dédié selon l’inscription sous la scène par un certain Archinos21. Sur la partie droite de la scène et 16 Athènes, Musée national, inv. 1329 : Güntner, 1994, p. 118 A 8 pl. 1,2 ; Baumer, 1997, p. 123-124 R13 pl. 27,3 ; Edelmann, 1999, p. 192 B 47 ; Kaltsas 2002, p. 135 no. 260 fig. ; Comella, 2002, p. 55 fig. 43 ; 196 Atene 74.

17 Athènes, Musée national, inv. 1892 : Baumer, 1997, p. 131 R 24 pl. 29,4 ; Kaltsas 2002, p. 216 no. 446.

18 Paris, Louvre, inv. MA 755 : Neumann, 1979, p. 54 n. 74 fig. 44b ; Hamiaux, 1992, p. 218 no. 227 fig. ; Güntner, 1994, p. 139 C 19 pl. 19,2 ; Baumer, 1997, p. 124 n. 873 ; Edelmann, 1999, p. 217 F 41 fig. 24 ; Comella, 2002, p. 106 fig. 103 ; 204 Atene 175. – Le desservant, lui aussi, qui lève sa tête semble observer plutôt le dédicant et ne pas la déesse.

19 Athènes, Musée national, inv. 1338 : Güntner, 1994, p. 138 C14 pl. 18,2 ; Edelmann, 1999, p. 192 B 48 ; Kaltsas 2002, p. 141 no. 268 fig. ; Comella, 2002, p. 104 fig. 99 ; 197 Atene 83.

20 Voir à ce sujet prochainement Baumer, à paraître.

21 Athènes, Musée national, inv. 3369 : Neumann, 1979, p. 51 fig. 28 ; Edelmann, 1999, p. 189 B 24 ; Kaltsas 2002, p. 209 no. 425 fig. ; Comella, 2002, p. 132 fig. 134 ; 216 oropos 5.

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devant une stèle votive est couché un malade sur son lit, accompagné d’une figure masculine qui tient sa tête et dont l’identification est discutée22. En même temps, un serpent est en train de lécher l’épaule du malade. Cette même partie du corps fait aussi l’objet d’un traitement sur la partie gauche du relief, où le dieu est en train de l’opérer ou d’y appliquer un pansement.

Comme on peut l’observer sur l’image, le regard du dieu est orienté vers la tête du malade – et non pas vers la partie blessée –, de même que le regard de ce dernier. Ce qui est surprenant d’après ce que nous disent les sources littéraires, le patient ne dort pas pendant l’intervention du dieu, mais l’assiste même en levant son bras, ce qui contredit le principe de l’incubation qui se passait la nuit alors que le patient dormait23.

Ce contact physique entre le monde divin et le monde humain est aussi représenté sur un relief votif du Pirée de 400 av. J.-C.24 Il montre au centre une femme couchée, les yeux fermés et visiblement endormie, alors qu’Asclépios la touche avec les mains à son épaule droite, la tête penchée vers elle. Hygie, qui occupe le côté droit du relief, et les adorants s’approchant de l’autre côté regardent par contre tout droit et sans orientation particulière vers la scène de guérison centrale. Il faut en même temps constater que la représentation d’Hygie et des adorants qui sont visiblement plus petits que les dieux, correspond à l’iconographie traditionnelle des reliefs votifs de l’époque classique, alors que la femme qui occupe le centre de l’image est visiblement plus grande que les autres humains. Elle atteindrait en effet, si elle se dressait debout, presque la taille des dieux. Prenant l’iconographie du relief au sérieux, la malade semble ainsi se trouver dans un stade intermédiaire entre la vie humaine et le monde divin (voir aussi plus bas).

Sur un autre relief de ce même groupe, provenant cette fois de l’Asclépieion d’Athènes, le contact visuel entre dieu et mortel va encore plus loin (fig. 4)25 : la pièce, qui date de la deuxième moitié du ive s. av. J.-C. montre à gauche deux adorants, alors que se dresse à droite une figure beaucoup plus grande qu’on a proposé d’identifier avec un des fils d’Asclépios. Au centre de l’image, le dieu est assis sur une chaise près du lit du malade dont il touche le bras gauche. Le malade ne semble pas dormir, et la scène ressemble plutôt à la visite d’un chef de clinique dans un hôpital moderne. Comme le souligne le menton posé dans sa main gauche, Asclépios et le malade se regardent avec attention, et même l’accompagnant du dieu guérisseur, le bras levé au-dessus du malade dans un geste difficile à interpréter, porte tout son intérêt sur l’acte de guérison. Comme dans le cas du relief précédent, et même si l’état de conservation ne permet pas une réponse définitive, il semble que le malade est de nouveau représenté plus grand que les autres humains26.

Ce petit groupe de reliefs dédiés aux dieux guérisseurs permet de constater deux particularités qui les séparent des autres reliefs votifs : ils montrent un contact physique entre le dieu et le patient humain et en même temps, au moins dans le dernier cas, un échange direct de regards.

22 Voir Baumer, à paraître, pour une discussion de la pièce.

23 Pour l’incubation voir Baumer, à paraître, avec bibliographie.

24 Le Pirée, Musée archéologique, inv. 405 : Güntner, 1994, p. 137 C 2 ; Edelmann, 1999, p. 215 F 24 ; Leventi 2003, p. 133-134 R 13 pl. 15,1 ; Comella, 2002, p. 73 fig. 65 ; 219 Pireo 17.

25 Athènes, Musée national, inv. 1841 : Edelmann, 1999, p. 204 D 24 ; Comella, 2002, p. 47 fig. 32 ; 200 Atene 119 ; Kaltsas 2002, p. 225, no. 473. – Je remercie François Queyrel pour la photographie de la pièce.

26 Voir Baumer, à paraître.

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Mais il faut aussi retenir que le malade traité par le dieu est représenté plus grand que les autres humains et qu’il ne semble alors pas se trouver au même niveau que ceux-ci, mais dans un stade intermédiaire entre le monde humain et le monde divin. Les représentations sur les reliefs de guérison rappellent, probablement pas par hasard, les Iamata d’Épidaure, rapports de guérison gravés sur pierre et exposés dans le sanctuaire, dont il sera traité ailleurs avec plus de détail27. Les éléments communs de ces histoires sont la nécessité du rêve, soit du malade, soit d’un intermédiaire qui passait la nuit dans le sanctuaire, et le contact physique entre le dieu et le malade qui a été confirmé le jour suivant, par exemple par une tache de sang sur le sol. Le contact physique semble avoir élevé le malade à un niveau « presque héroïque » et ainsi un contact visuel direct et mutuel est devenu possible.

4. Les héros et les humains

En dehors du monde des dieux guérisseurs, le contact visuel et mutuel entre l’homme et les êtres surhumains se retrouve dans le domaine des héros. on citera ici comme exemple le relief dit de Sosippos, conservé au Louvre et créé au premier quart du ive siècle av. J.-C.28 on voit à gauche Thésée, identifié par l’inscription et enlevant (?) avec sa main droite le pilos29. En face de lui – et ceci est à prendre dans ce cas précis tout à fait littéralement – est montré Sosippos qui salue le héros avec la main levée. Il est plus petit que Thésée, mais environ un quart plus grand que le jeune homme qui se tient derrière lui. Les deux figures centrales se regardent droit en face, dans un échange visuel et mutuel entre le héros et l’homme « presque héroïsé », qui surpasse avec sa grandeur le domaine des autres mortels. Le contact visuel semble possible à cause du fait que le héros est inférieur au monde des dieux olympiens et que le dédicant du relief se sentait visiblement supérieur au monde humain, comme dans le cas des reliefs dédiés aux dieux guérisseurs probablement suite à une expérience religieuse.

L’observation d’un rapprochement des deux mondes est confirmée, semble-t-il, aussi par le fameux relief de Xénokrateia, trouvé en 1908 dans le sanctuaire des Echélides au Nouveau Phalère30. Ce relief qui date de 410 av. J.-C. montre au premier plan Xénokrateia avec son enfant qui lève son bras devant un personnage qu’on a proposé d’identifier avec un prêtre. Autour de ce groupe central, dix dieux sont représentés dans une sacra conversazione. Selon une inscription qui a été trouvée au même emplacement, il s’agit (de gauche à droite) d’Apollon, d’Artémis et de Léto, de Képhissos, d’Hestia et de Rhapso, enfin de deux nymphes anonymes, de Callirhoé et d’Achéloos. Même si on peut garder quelques réserves sur l’identification du soi-disant prêtre, on constatera que l’échange visuel et mutuel ne se fait pas entre Xénokrateia et les dieux, mais entre elle et un personnage qui est plus grand qu’elle, mais en même temps plus petit que les

27 Voir Baumer, à paraître.

28 Paris, Louvre, inv. 743 : Neumann, 1979, p. 50 fig. 43b ; Hamiaux, 1992, p. 142 no. 135 fig. ; Comella, 2002, p. 60 fig. 51 ; 223 Scon. 26.

29 on a en effet l’impression que le héros se découvre avec ce geste aux humains, mais sans que cette interprétation puisse être prouvée.

30 Athènes, Musée national, inv. 2756 : Neumann, 1979, p. 49. 66 pl. 27a ; Güntner, 1994, p. 161 G 5 pl. 36,2 ; Baumer, 1997, p. 132-133 R 27 pl. 30,3 ; Edelmann, 1999, p. 209 E 6 fig. 28 ; Kaltsas 2002, p. 133 no. 257 fig. ; Comella, 2002, p. 71 fig. 63 ; 212 Falero 2.

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dieux. Ce relief, qui est particulièrement intéressant et impressionnant par la finesse du travail, semble ainsi suivre les règles de la hiérarchie où un contact visuel direct entre le monde humain et le monde divin est devenu possible.

5. Contrépreuve

L’échange de regards entre dieux et mortels sur les reliefs votifs de l’époque classique semble ainsi suivre des règles bien différenciées, ce qui contredit leur interprétation trop simpliste. Une contrépreuve pour ces principes constatés est fournie par un relief provenant de l’Acropole d’Athènes qui montre à gauche Aphrodite et à droite Athéna, alors qu’entre ces deux divinités un homme barbu ne profite pas seulement du contact physique avec Aphrodite qui pose sa main sur sa tête, mais semble regarder par ailleurs Athéna directement dans les yeux (fig. 5)31. La différence avec les autres exemples étudiés ici s’explique par la fonction du relief qui n’est pas une dédicace votive, mais l’en-tête d’une stèle érigée vers 420-400 av. J.-C. sur l’Acropole d’Athènes qui décerne la proxénie à Proxénidès de Cnide. Les deux déesses qui ont une relation si intime avec le personnage honoré sont les divinités poliades des deux cités concernées. À ma connaissance, aucun relief votif ne montre une mise en relation aussi directe et complète de l’ensemble des dieux présents avec le ou les humains. Le raisonnement politique semble ici l’emporter sur le sentiment religieux – et si cette interprétation s’avérait juste, ce ne serait ni la première, ni la dernière fois dans l’histoire que cela s’est produit.

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31 Athènes, Musée de l’Acropole, inv. 2996 et al. : Meyer, 1989, p. 266-267 A6 pl. 2 ; Lawton, 1995, p. 115-116 no. 68 pl. 36 ; Baumer, 1997, p. 118-119 R 8 pl. 26,3. – on a l’impression qu’Aphrodite incline sa tête vers l’arrière pour l’obliger à regarder Athéna, sans que cette impression ne puisse être prouvée.

(10)

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(11)

Fig. 1. Brauron, Musée, inv. 1151 (5) : photo Lorenz E. Baumer.

Fig. 2. Eleusis, Musée, inv. 5061 (11) : photo Lorenz E. Baumer.

(12)

Fig. 3. Athènes, Musée national, inv. 1338 : photo Lorenz E. Baumer.

Fig. 4. Athènes, Musée national, inv. 1841 : photo François Queyrel.

(13)

Fig. 5. Athènes, Musée de l’Acropole, inv. 2996 et al. : photo Lorenz E. Baumer.

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