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Sport et partenariats public-privé (PPP)

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Sport et partenariats public-privé (PPP)

BELLANGER, François

BELLANGER, François. Sport et partenariats public-privé (PPP). In: Mahon, Pascal. L'activité et l'espace : droit du sport et aménagement du territoire : mélanges en l'honneur de Piermarco Zen-Ruffinen . Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 2011. p. 121-138

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42066

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Sport et partenariats public-privé (PPP)

par

FRANÇOIS BELLANGER*

1. Introduction

Les partenariats public-privé sont à la mode depuis plusieurs années. Les pouvoirs publics expriment un intérêt pour cette formule qui permet de créer des infrastructures à un moindre coût1. Les partenaires privés y voient quant à eux des opportunités économiques intéressantes tant lors de la construction de ces infrastructures qu'en relation avec leur exploitation. Dans le cadre de ces mélanges, vu les liens étroits entre le Professeur Piermarco Zen-Ruffinen et le sport, il nous a paru intéressant d'examiner les partenariats public-privé envisageables pour la construction d'un stade de football. Comme les solutions sont multiples, nous avons retenu trois scénarios possibles pour vérifier leur qualification éventuelle comme partenariat public-privé : l'opération immobilière, la commune locataire et la concession d'exploitation.

Après avoir énoncé nos scénarios et présenté leurs caractéristiques au regard des principes gouvernant les partenariats public-privé, nous examinerons dans quelle mesure les opérations envisagées sont soumises au droit des marchés publics. En effet, même si elle s'engage dans un partenariat public-privé, une collectivité publique doit toujours respecter le droit des marchés publics, l'application de ce dernier dépendra des formes de partenariat envisagé.

II. Un partenariat pour un stade?

A. Les opérations envisageables

Construire un stade coûte cher. L'exploiter est encore plus onéreux ... A titre d'exemple, la construction du Stade de Genève a représenté un coût de 121 millions de

* Je tiens à remercier ]\![me Céline Roy, assistante à la Faculté de droit de Genève, pour son aide dans la mise au point de ce texte.

Cf notamment la motion « Encourager le recours aux partenariats privé-public» déposée par DIDIER BURKHALTER le 15 février 2006 (MO. 06.3045).

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francs, dont 102 millions pour le stade lui-même, et l'entretien de l'infrastructure, même inutilisée, représente une somme de 2 millions par an2. Les sources de revenus pour couvrir ces charges sont limitées. Elles sont de trois ordres : présence d'un club résident, autres matchs et autres activités, notamment des concerts3. Le risque de déficit d'exploitation est donc élevé, avant même d'avoir correctement rentabilisé et amorti le capital investi.

Connaissant ces chiffres pour les avoir étudiés dans le cas du Stade de Genève, la ville de Montballon, commune-capitale du canton du Sifflet, a décidé de se lancer dans un partenariat public-privé pour la réalisation de son propre stade. Elle attache une grande importance à cette opération destinée à lui donner une visibilité internationale à l'occasion des matchs qui devraient se jouer dans cette installation et est prête à se montrer très flexible par rapport à ses futurs partenaires. Elle envisage plusieurs hypothèses.

Le premier scénario se fonde sur l'utilisation de terrains à bâtir appartenant à la commune. Elle est propriétaire de terrains d'une superficie de 80'000 m2 sur son territoire, à proximité du hameau de « Cartonjaune ». Ces terrains sont actuellement en zone agricole, mais pourraient être déclassés4 avec une belle plus-value, d'une part, en zone sportive et, d'autre part, en zone mixte, activités et logements, vu leur proximité avec la zone urbaine et d'excellentes liaisons routières. La moitié de ces terrains serait ainsi utilisée par la construction du stade et l'autre partie permettrait la réalisation d'un complexe de bureaux et de logements. La commune conclura un contrat avec une entreprise totale chargée, d'abord de développer le projet en obtenant les autorisations nécessaires, puis de construire le stade et les bâtiments d'activités et de logements avant de les commercialiser.

Le produit de cette opération immobilière financerait une large partie du coût de construction du stade, la commune empruntant le solde. La commune entend ensuite assumer les coûts annuels de fonctionnement du stade. Nous qualifierons ce scénario

«d'opération immobilière».

Le deuxième scénario repose sur un appel à investisseur. La commune s'engagerait à louer le stade à un investisseur qui le ferait construire et en serait le propriétaire. Elle mettrait en outre le terrain nécessaire à disposition de l'investisseur sous la forme d'un droit de superficie gratuit de manière à réduire la charge de loyer. Ce scénario est celui de

« la commune locataire ».

2 Projet de loi du 4 février 2009 accordant une aide financière de 2 360 000 F pour 2009, de 2 330 000 F pour 2010, de 2 180 000 F pour 2011 et de 2 110 000 F pour 2012 en faveur de la Fondation du stade de Genève (PL 10433), p. 6.

3 PL 10433, p. 6.

4 Nous prenons comme hypothèse de travail que ce déclassement serait compatible avec les exigences du droit de l'aménagement du territoire; nous n'examinerons donc pas son application dans le cas d'espèce.

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Le troisième et dernier scénario est la mise à disposition par la commune du terrain nécessaire pour la construction du stade, sous forme d'apport en nature d'un droit de superficie, à une société privée, créée spécialement pour ce projet conjointement par la commune et des investisseurs privés, qui se chargera à ses risques de construire et d'exploiter cette infrastructure pour une durée de cinquante ans en vertu d'une concession de service public5. Pour que l'opération puisse être équilibrée du point de vue économique, dès lors que l'ensemble des coûts de construction sont assumés par des investisseurs privés, la commune accordera un droit de superficie d'une même durée à cette société sur des terrains adjacents pour qu'elle puisse également construire un hôtel et un centre commercial. Nous considérerons ce scénario comme celui de « la concession d'exploitation».

B. Les conditions d'un partenariat public-privé

?

1.

La

notion de partenariat public-privé

Le concept de Partenariat Public-Privé ou PPP est généralement utilisé pour désigner toute action menée sur la base d'une structure commune par le secteur public et le secteur privé6. Le PPP est ainsi défini comme toutes les «activités effectuées en commun par le secteur public et des acteurs privés par ailleurs indépendants les uns des autres pour lesquelles les décisions stratégiques sont prises en commun, le financement et les risques financiers (ou les profits) sont répartis, la production et la gestion opérationnelles pouvant être également partagées »7. Cette définition n'a pas de reflet

5 La concession portant sur l'exécution d'une tâche publique est l'acte par lequel une collectivité publique accorde le droit à une personne privée, le concessionnaire, d'exercer tout ou partie d'une tâche publique ou des droits qu'elle détient en vertu d'un monopole de droit, de fait ou virtuel, pour accomplir une telle tâche publique. Le concessionnaire prend en charge l'activité concédée de manière indépendante et s'engage à la remplir en son propre nom et à ses risques et périls. Il poursuit normalement un intérêt lucratif. Il estime que l'exercice de l'activité concédée lui procurera un profit et est censé, en sa qualité d'entreprise privée, rechercher un tel profit. Sur les concessions : BLAISE KNAl'P, Précis de droit administratif, 4' éd., p. 294 ss.

6 Cf. l'vIARTIN PHILIPP WYSS, Doppelte Freude und geteiltes Leid? Kritische Schlaglichter auf Phanomene staatlich-privater Kooperation, in AJP 2002, p. 1195 ss, p. 1200; REGULA KAGI-DIENER, Privat fur die Ôffentlichkeit? Aufbruch zu Public Private Partnership, in BENOÎT BOVAY et MINH SON NGUYEN (éd.), Mélanges en l'honneur de PIERRE MOOR, p. 363 ss, p. 373 ;JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY/jULIEN LE FORT, L'assujettissement des PPP au droit des marchés publics, in BR/DC 2006, p. 99 ss, p. 99.

7 Rapport scientifique final du 13 juin 2005 d'une étude portant sur la pratique du partenariat public-privé en Suisse, effectuée par la Haute Ecole d'Ingénieurs et de Gestion du Canton de Vaud en collaboration avec la Haute Ecole Valaisanne et les Hautes Ecoles de Gestion de Fribourg, Genève, Lucerne et

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légal8, même si ce mode de fonctionnement commence à être reconnu comme un instrument reconnu du droit public. L'article 52a de !'Ordonnance sur les finances de la Confédération9, intégré dans ce texte légal le 5 décembre 200810, invite les unités administratives à examiner dans l'accomplissement de leurs tâches s'il existe une possibilité de collaborer à plus long terme, sur des bases contractuelles, avec des partenaires privés.

En revanche, ce texte ne définit pas ce qu'est cette collaboration avec des partenaires privés ou « Public Private Partnership ».

En conséquence, un PPP sera identifiable par l'existence d'une communauté de décision et de responsabilité (Entscheidungs- und Verantivortungsgemeinschaft'J réunissant les partenaires publics et privés, qui partagent les risques et opportunités de leur collaboration11 . Il s'agit d'une alliance plus stratégique qu'opérationnelle. Les pouvoirs publics décident de l'orientation politique du projet et du niveau de prestation à atteindre et conservent ainsi pleinement leurs droits de participation12, tandis que le partenaire privé reste libre de choisir avec quels moyens il va fournir la prestation. Une telle structure est généralement complexe vu la nécessité de coordonner les intérêts publics et privés dans un but commun 13. Le rôle des agents économiques privés amène certains auteurs à voir dans

Winterthur pour le compte de la Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale, p. 26 (cité ci-après

«Rapport sur la pratique du PPP en Suisse »). Le rapport est disponible à l'adresse Internet http:/ /www.sgvw.ch/f/focus/Docu-ments/050615_ppp_l.pdf (état du lien au 6 octobre 2010). Ajoutons que le Livre vert de la Commission européenne sur les PPP précise que le terme de PPP « se réfère en général à des formes de coopération entre les autorités publiques et le monde des entreprises qui visent à assurer le financement, la construction, la rénovation, la gestion ou l'entretien d'une infrastructure ou la fourniture d'un service » (COM (2004) 327 final du 30 avril 2004).

8 CLAUDIA SCHNEIDER HEUS!/FELIX JOST, Public Private Partnership - wenn Staat und Private kooperieren, in BR/DC Sonderheft 2006, p. 27 ss, p. 27 ; URS BOLZ, Public Private Partnership (PPP) in der Schweiz, in ZBI 2004, p. 561 ss, p. 567 ; Directive concernant la gestion des projets de partenariat public-privé (PPP) dans l'administration fédérale du 26 février 2009, p. 5 (cité ci-après «Directive»). Ce document est disponible à l'adresse Internet htrp:/ /www.ppp-schweiz.ch/fr/ppp-savoir/litterature- specialisee-etudes/ suisse/ articles/ 499 /?file=tl_files/ Artikel/Buecher-und-Studien/2009 /Dokumente/

Documents%20 sur%20le %20 PPP%20-%20parlement%20administration%20 federale.pdf (état du lien au 6 octobre 2010).

9 « OFC »; RS 611.01.

10 RO 2008 6455.

11 BOLZ, précité note 8, p. 568. Cf également WYSS, précité note 6, p. 1202.

12 BOLZ, précité note 8, p. 568.

13 JEAN RUEGG, Première approche du PPP, in JEAN RUEGG/STÉPHANE DECOUTÈRE/N!COLi\S iVIETIAN (éd.), Le partenariat public-privé. Un atout pour l'aménagement du territoire et la protection de l'environnement?, p. 1 ss, p. 5. Cf également BOLZ, précité note 8, p. 568. Cf également Département des Travaux publics du Canton de Zurich & al. (éd.), Partenariat Public Privé. Une approche nouvelle pour la Suisse, p. 5 (cité ci-après «Résumé de l'étude de base»). Ce document, disponible à l'adresse Internet http://www.ppp-schweiz.ch/ fr/ ppp-savoir/litterature-specialisee-etudes/ suisse/ articles/ 518/ (état du

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le PPP une forme de privatisation 14 alors que d'autres le considèrent comme un moyen associant le secteur privé à l'accomplissement d'une tâche publique15.

De manière générale, un PPP va présenter les caractéristiques suivantes 16 . En premier lieu, un tel partenariat mettra en présence au moins un partenaire public et un acteur privé pour une relation de longue durée. En deuxième lieu, le PPP nécessite la mise à disposition de capitaux, de moyens d'exploitation et de savoir-faire, avec pour objectif l'utilité mutuelle et l'augmentation de l'efficience. En troisième lieu, ce PPP vise l'accomplissement d'une tâche publique, vu l'intervention de l'Etat qui agit principalement dans l'intérêt public et non dans un simple but lucratif17. En quatrième lieu, les risques, liés à l'objectif d'intérêt public poursuivi, sont, au moins pour partie, transférés au partenaire privé. Enfin, la contribution du partenaire privé intervient selon le principe du cycle de vie et est liée à un mécanisme de rémunération attractif en relation avec l'objet du PPP, que les revenus proviennent de l'Etat ou des utilisateurs.

On distingue généralement deux types de PPP18. D'une part, il existe des PPP d'acquisition dans lesquels une opération d'achat est étalée sur la durée de vie du projet et inclut la planification, la construction, le financement et l'exploitation. Dans cette hypothèse, l'Etat intervient en tant que mandant et l'entreprise privée comme exécutant et exploitant d'une infrastructure ou comme prestataire d'un service à long terme. Cette variante se prête surtout aux domaines du bâtiment, des transports publics et de l'infrastructure routière. D'autre part, on classe comme PPP d'exécution de services tous les autres PPP fondés sur la nécessité de collaborer avec des partenaires privés pour assurer l'exécution d'un service public de manière optimale.

Dans ces deux catégories de PPP, en l'absence de rapport juridique sui generis19• la coopération entre les pouvoirs publics et l'acteur privé doit se fonder soit sur le droit des

lien au 6 octobre 2010), est le résultat condensé d'une étude de fond consacrée aux PPP (URS BOLZ (éd.), Public Private Partnership in der Schweiz, Grundlagenstuclie - Ergebnis einer gemeinsamen Initiative von Wirtschaft und Verwaltung, cité ci-après« Etude de base»).

14 ZUFFEREY/LE FORT, précité note 6, p. 100.

15 BOLZ, précité note 8, p. 562; KAGl-DTENER, précité note 6, p. 379 ; THOMAS MOLLER-TSCHUMI, PPP und Lex KOLLER, in AJP 2010, p. 907 ss, p. 907.

16 Bolz, précité note 8, p. 569 et Etude de base, p. 16 ss.

17 KAGl-DIENER, précité note 6, p. 376. Elle rappelle d'ailleurs à juste titre que le droit cantonal (contrairement au droit fédéral) ne doit pas expressément prévoir les tâches de l'Etat dans la loi ou la Constitution, mais celles-ci peuvent avoir des origines historiques ou découler d'une interprétation dynamique de l'évolution et des besoins de la société. Sur les tâches publiques : PAUL RlCHLI, Staatsaufgaben -Grundlagen, in DANIEL THORER/JEAN-FRANÇOIS AUBERT /JôRG-PJ\UL MÜLLER (éd.), Verfassungsrecht der Schweiz, p. 851 ss.

18 Etude de base, p. 15 ; Directive, p. 2.

19 BOLZ, précité note 8, p. 570.

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contrats, soit sur le droit des sociétés20. Bolz distingue ainsi trois modèles de base pour former un PPP21 : le modèle contractuel (Vertragsmodell), le modèle de concessionZZ (I<:onzessionsmodell) et le modèle d'entreprise23 (Gesellschaftsmodell).

Les éléments caractéristiques que nous avons énoncés se retrouvent dans les deux types de PPP. Nous pouvons donc analyser les trois scénarios de la municipalité de Montballon au regard de ceux-ci en retenant cinq critères d'analyse, qui sont l'existence d'un partenariat entre un pouvoir public et au moins une entité privée (1), prévoyant la mise à disposition de capitaux, de moyens d'exploitation et de savoir-faire, dans un but commun (2), en vue de l'accomplissement d'une tâche publique (3), cette opération impliquant un transfert d'au moins une partie des risques au partenaire privé (4) et une contribution du partenaire privé fondée sur le cycle de vie de l'objet du PPP avec un mécanisme de rémunération attractif lié à cet objet (5).

2. Les scénan'os envisagés sont-ils de vrais partenariats public-privé

?

a) L'opération immobilière

L'opération immobilière envisagée par la commune implique un partenaire privé, soit l'entreprise totale qui devrait développer le projet, puis construire le stade ainsi que les immeubles commerciaux et de logements avant de commercialiser ces derniers. Il existera un ou plusieurs contrats entre la commune et l'entreprise totale pour atteindre ces objectifs. Il y a donc une forme de partenariat entre la commune et l'entreprise totale, correspondant au premier critère que nous avons posé. Le deuxième critère est probablement vérifié avec l'apport en nature des terrains et l'apport du savoir-faire de l'entreprise totale dans le but de mener cette opération à son terme et, en particulier, de construire le stade pour la commune. On peut toutefois s'interroger sur le caractère

«commun» de ce but dès lors que l'entreprise totale est intéressée à construire les bâtiments d'activités et de logements dans son propre intérêt économique et que la

20 CHRISTOPH MEYER, Public Private Partnership - Chancen und Risiken, in THOMAS SUTTER-SOlV!M et al. (éd.), Risiko und Recht, Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 2004, p. 291 ss, p. 295. Cf également K.AGI-DIENER, précité note 6, p. 374.

21 BOLZ, précité note 8, p. 570.

22 Dans le cadre de la concession, le concessionnaire s'engage à fournir une prestation à un tiers (sous forme d'un ouvrage ou d'une prestation de service) en lieu et place des pouvoirs publics ; il sera autorisé en contrepartie à percevoir une redevance auprès du tiers afin de financer les coûts de construction et d'exploitation du projet.

23 Dans ce cas, le projet est confié à une société (de projet) ou à une autre structure de droit privé (p. ex. une fondation) à laquelle participent les différents partenaires.

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commune cherche quant à elle à financer son stade par une plus-value sur ses terrains.

Cependant, même si les intérêts propres de chacun des partenaires sont différents, leur objectif final reste commun.

Dans la mesure où la commune considère la réalisation de ce stade comme étant d'intérêt public, l'exigence, par ailleurs assez souple, de l'existence d'une tâche publique est remplie et le troisième critère est respecté.

En revanche, les deux derniers critères ne sont pas réalisés. En particulier, la rémunération de l'entreprise totale est liée au coût de construction des objets, sans aucun lien direct avec leur cycle de vie et leur utilisation. De plus, l'entreprise totale ne court aucun risque dès lors que ses prestations sont intégralement rémunérées quelle que soit l'issue de l'opération. Elle agit comme elle le ferait dans une opération immobilière usuelle où le promoteur fait apport en nature de terrains et conserve une partie des constructions à l'issue de la construction.

Pour ces motifs, même s'il y a une collaboration entre une collectivité publique et une entreprise privée, il n'existe pas dans ce cas de véritable PPP. Nous sommes en face d'une promotion immobilière menée par la commune de Montballon, grâce à la maîtrise de son territoire et à des déclassements dans la zone de Cartonjaune.

b) La commune locataire

Le cas de la commune locataire est ambigu au regard des critères du PPP. Dans ce cas, la relation sera triangulaire. Un investisseur privé financera la construction, une entreprise privée réalisera la construction et la commune louera le produit fini. Dans cette hypothèse, il existe un partenariat· entre la commune et l'investisseur. La première est intéressée à avoir un partenaire, son futur bailleur, qui construit, à sa place et selon ses spécifications, un stade. Le second souhaite investir dans un projet immobilier lui garantissant son capital et lui assurant un bon rendement ; la commune apparait comme un partenaire permettant d'atteindre cet objectif vu sa solvabilité présumée à long terme.

L'investisseur et la commune ont un but commun avec la réalisation du stade, même si chacun des partenaires a ses propres objectifs. Dans ce sens, les deux premiers critères sont réalisés comme dans le scénario de la promotion immobilière. L'objectif de la collaboration est l'exploitation du stade dans l'intérêt public tel qu'exprimé par la commune ; sur cette base, on peut considérer le troisième critère comme rempli. En revanche, la question du transfert des risques est plus délicate : l'existence d'un contrat de bail entre la commune et l'investisseur exclut tout risque d'exploitation pour ce dernier tant que ce contrat est en vigueur. L'investisseur est exposé uniquement aux risques liés à la construction dans les limites de son contrat avec l'entreprise totale; ces risques peuvent toutefois être très largement limités si le contrat de construction prévoit un prix plafond

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garanti avec des délais impératifs et que les éventuels problèmes géologiques ont été anticipés. Cette relation «investisseur-entreprise totale » est ponctuelle et ne concerne la relation «investisseur-commune » que dans la mesure où le prix qui sera payé pour la construction déterminera le loyer futur du stade. Seule la relation « investisseur- commune » est de longue durée et déterminante pour l'appréciation de l'existence d'un éventuel partenariat public-privé avec la commune.

La commune est, sauf circonstance extraordinaire, un locataire solvable et son loyer doit couvrir la rentabilisation du capital investi ainsi que les frais d'entretien de l'immeuble.

De plus, la commune, en tant que locataire, assume entièrement le risque d'exploitation.

En conséquence, dans cette relation « investisseur-commune », le seul risque de l'investisseur est la durée du contrat de bail et les conséquences de sa fin ; à ce moment, à défaut de clauses particulières, l'investisseur pourrait se trouver avec un objet qu'il ne pourrait correctement rentabiliser, voire vendre. Selon la manière dont le contrat de bail traite cette question, il peut y avoir un transfert de certains risques à l'investisseur. Compte tenu de ces risques, vu la nature très particulière d'un stade qui n'a que des formes d'utilisation très réduites, il est plus que probable que l'investisseur exigera soit un contrat de bail à très long terme avec des conditions financières garantissant pendant sa durée l'amortissement de l'investissement initial en plus de la rémunération du capital et la couverture des frais d'exploitation, soit une clause couvrant l'indemnisation de la valeur de l'investissement non amortie à la fin du contrat de bail. Même s'il est vraisemblable que l'investisseur refuse d'assumer des risques autres que celui de la solvabilité de la commune, l'hypothèse d'un partage limité des risques entre l'investisseur et la commune ne peut être entièrement exclue. En fonction de l'étendue des risques qui pourraient être finalement assumés par l'investisseur, le quatrième critère que nous avons posé sera ou non rempli.

Enfin, la location est une forme de rémunération fondée sur l'utilisation de l'objet, ce qui entre dans le champ du cinquième critère.

Compte tenu de ces éléments, il est possible que le scénario de la « commune locataire» puisse constituer un PPP. Comme pour le premier scénario, le critère qui assure la distinction entre une opération immobilière complexe, fondée sur une collaboration entre une collectivité publique et un partenaire privé, et µn partenariat public-privé est celui du partage des risques24 .

24 Directive, p. 3.

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c) La concession d'exploitation

Le dernier scénario est celui qui correspond le mieux à la définition du PPP. Nous avons clairement un partenariat concrétisé dans la société de projet. Chacun des acteurs, pouvoir public et investisseurs privés, fait un apport à cette société, l'un avec un droit de superficie sur le terrain, les autres avec des fonds privés. L'objectif est la réalisation d'un stade dans l'intérêt public ; la construction du centre commercial et de l'hôtel ne sont que des moyens accessoires permettant de réaliser ce but. Il existe un transfert effectif des risques à la société de projet au moyen de la concession d'exploitation qui déterminera les exigences devant être remplies par le concessionnaire dans l'intérêt public. Enfin, cette société doit être rémunérée par l'exploitation du stade, comme des autres bâtiments qui forment un ensemble, et est ainsi en relation avec l'objet du PPP. Les cinq éléments caractéristiques du PPP étant présents, cette solution est donc un véritable PPP qui devra reposer sur un ensemble complexe de contrats régissant dans la durée les relations entre toutes les parties25.

III. L'application du droit des marchés publics ?

A. Les règles pertinentes

Selon le Tribunal fédéral, il existe un marché public si un pouvoir adjudicateur acquiert des fournitures ou des prestations à titre onéreux dans l'intérêt public, notamment pour l'accomplissement d'une tâche publique26. En revanche, il n'y a pas de tel marché en cas d'octroi d'une concession par un pouvoir adjudicateur dès lors que ce dernier ne paye pas l'acquisition de biens ou de services, mais reçoit, sous une forme ou une autre, une rémunération. Toutefois, dans cette hypothèse, le Tribunal fédéral a exclu de détourner, par le biais de l'octroi d'une concession, l'application des règles sur les marchés publics, par exemple en subordonnant l'octroi de la concession à des contre-prestations d'une certaine importance dissociables de celle-ci et entrant clairement dans la définition d'un marché public. Dans ce cas, il se justifie de soumettre l'acquisition de telles prestations aux garanties procédurales propres au droit des marchés publics 27.

25 Pour un exemple de structure: THOJ\<IAS MOLLER-TSCf-JUMI, Vertragsstruktur von projektfinanzierten PPP, in BR/DC 2010, p. 34 SS.

26 ATF 135 II 49, consid. 4.2.

27 Ibid., consid. 4.4.

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Dans le cas d'une commune entendant construire un stade, le droit éventuellement applicable sera l'Accord intercantonal sur les marchés publics28, concrétisant l'Accord du GATT /OMC sur les marchés publics29 et la Loi fédérale sur les marchés publics30. Le champ d'application de cet accord dépend principalement de trois critères : la nature du pouvoir adjudicateur, le type de marché et sa valeur seuil 31 . Nous ne nous intéresserons dans la présente étude pour les deux premiers scénarios qu'à la question de la nature du marché dès lors que les autres critères sont manifestement remplis pour la construction d'un stade d'une valeur de plusieurs dizaines de millions, réalisé pour une commune, soit un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 8, alinéa 1, AIMP. En revanche, pour le troisième scénario, l'approche est plus complexe et nous traiterons en outre de la question de l'existence d'un pouvoir adjudicateur.

B. Le test des trois scénarios

1. L'opération immobilière

La structure de l'opération immobilière envisagée par la commune se fonde sur l'utilisation de terrains dont elle est propriétaire pour financer la construction du stade. Le contrat avec l'entreprise totale est un marché de construction, au sens de l'article 6, alinéa 1, litt. a, AIMP. Deux hypothèses sont envisageables : soit la vente des immeubles commerciaux et des logements ne permet pas de couvrir la totalité du coût de construction du stade, soit elle compense la totalité du coût de construction du stade et évite à la commune de devoir débourser des fonds complémentaires.

Dans la première hypothèse, la plus vraisemblable, dès lors que la valeur des immeubles construits et vendus ne couvre pas la totalité du coût des travaux du stade, la commune devra verser la différence, qui sera certainement supérieure à CHF 500'000, soit la valeur seuil pour une procédure ouverte selon l'article 7, alinéa 1, Ail'vIP pour les travaux de gros œuvre dans un marché de construction. La commune achètera alors une partie au moins des travaux de construction et son opération sera soumise à l'AIMP.

La seconde hypothèse est plus complexe dès lors que la commune ne verse aucun fond mais finance l'opération uniquement par un apport en nature de terrains et une vente des bâtiments. Elle couvre ainsi les frais de construction du stade, qui consistent dans la

28 « AIMP »; RS/GE L 6 05. Sur le droit applicable: FRANÇOIS BELLAL'JGER, Le droit applicable aux marchés publics, in RDAF 2001 I 367.

29 « AMP »; RS 0.632.231.422.

30 « LiVIP »; RS 172.056.1.

31 AURÉLIA RAPPO, Les marchés publics : champ d'application et qualification, in RDAF 2005 I 165, p. 165.

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rémunération de l'entreprise totale en charge du développement de la parcelle, des travaux de construction et de la commercialisation des immeubles. Dans son dernier arrêt de principe sur la question de la définition des marchés publics, le Tribunal fédéral a jugé qu'il faut tenir compte de toutes les formes de rémunérations versées par le pouvoir adjudicateur32. Un paiement en nature par des apports de terrains constitue clairement une rémunération en faveur de l'entreprise totale par la commune. Cette entreprise n'entreprendrait pas des travaux d'une telle ampleur sans une contrepartie de la commune ; le fait que la rémunération soit versée par les acquéreurs des futurs bâtiments est une forme de paiement indirect de la commune suffisant pour établir l'existence d'un marché public.

L'opération immobilière est ainsi certainement intéressante pour la commune dans la mesure où elle lui permet de financer la construction d'un stade en fructifiant son patrimoine, même si elle n'est probablement pas constitutive d'un PPP. En revanche, l'utilisation de son patrimoine par la commune ne l'exonère pas des règles sur les marchés publics.

2. La commune locataire

Dans le cas de la commune « locataire », la collectivité publique n'investit pas dans la construction_ du stade ; elle s'engage juste à louer le bâtiment à des conditions suffisamment intéressantes pour un investisseur privé. Ce dernier conclura un contrat d'entreprise générale ou totale avec la société chargée de la construction et assurera le financement par ses fonds propres et étrangers. La seule implication de la commune au stade du développement puis de la construction sera la participation à la définition des caractéristiques du stade comme futur locataire.

Le service qu'un tiers peut fournir à une collectivité publique pour rechercher des locaux à louer ou organiser la location est une prestation entrant potentiellement dans le champ des marchés publics. La location du bien lui-même, dès lors qu'il s'agit d'un bien offert de manière ordinaire à la location sur le marché, n'est en principe pas un service au sens du droit des marchés publics33. Toutefois, dans le cas d'espèce, le bien en cause n'est pas un immeuble ordinaire, il s'agit d'un objet dont l'exploitation n'intéresse qu'une collectivité publique vu son coût et qui n'est, de plus, pas utilisable par des tiers de manière conforme à sa destination sans subir des transformations importantes. Une personne privé ne construirait ou ne louerait pas un tel immeuble à des fins commerciales. Bien au

32 ATF 135 II 49, consid. 5.2.2.

33 RAPPO, précité note 31, p. 174.

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François Bellanger

contraire, l'investisseur privé n'intervient dans le cadre de ce projet qu'en raison des conditions de location assurées par la commune, soit le bail permettant tant l'amortissement que la rentabilisation du capital et la couverture des frais d'exploitation ou le bail comprenant une clause d'indemnisation adéquate à son échéance. La location versée par la commune constitue donc une forme de rémunération indirecte de la construction avec pour conséquence que l'opération doit être considérée comme assujettie au droit des marchés publics34.

En revanche, l'objet du marché est différent de celui de la première hypothèse. Il porte non pas sur le choix de l'entreprise chargée de la construction mais sur celui de l'investisseur qui ensuite choisira cette entreprise. Le service fourni à la commune est ainsi la fonction de maître d'ouvrage et de financier assurée par l'investisseur. Il ne s'agit pas d'un marché de services au sens de l'Annexe 4 de !'Appendice Ide l'ANIP dès lors que ce type d'activité ne figure pas sur cette liste35. Un tel marché n'entrerait donc pas dans le champ d'application actuel de la LMP en vertu de son article 5, alinéa 1, litt. b. En revanche, il s'agirait d'un autre marché de services selon l'article 6, alinéa 1, litt. c, AIMP, qui ne serait pas soumis aux traités internationaux en vertu des articles SA, alinéa 1, et 6, alinéa 3, AIMP.

3.

La

concession d'exploitation

Selon le troisième et dernier scénario, l'apport de la commune consiste en la mise à disposition d'un terrain pour le stade sous la forme d'un apport en nature à une société de projet et la constitution de droits de superficie sur d'autres terrains en faveur de la même société. Ces opérations préliminaires n'entrent pas dans la définition d'un marché public. Il n'y a, à ce stade, aucune acquisition de prestations par la commune ; l'objet des opérations est uniquement la gestion des biens communaux.

La société de projet a pour actionnaires tant la commune que ses partenaires privés.

Il s'agit par hypothèse d'une société anonyme de droit privé. Cette société va devoir financer la construction du stade, de l'hôtel et du centre commercial. L'hypothèse de travail est que les ressources nécessaires pour ces travaux sont apportées par des investisseurs privés sans intervention de la commune, cette dernière se limitant à faire apport de ses terrains sous la forme de droits de superficie. Cette opération soulève deux

34 DENTS ESSETVA, Les grandes nouveautés: La législation et les normes privées III. Normes privées, in JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY/HUBERT STôCKLT (éd.), Marchés Publics 2008, p. 35 ss, p. 39.

35 BELLANGER, précité note 28, p. 372.

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Sport et partenariats public-privé

questions, la qualification éventuelle de la société de projet comme adjudicateur (i) et l'assujettissement du choix du futur concessionnaire au droit des marchés publics (ii).

i) La qualification de la société de projet comme pouvoir adjudicateur

La qualification de la société de projet dont est actionnaire la commune comme adjudicateur peut intervenir dans deux hypothèses : cette société est un autre « pouvoir adjudicateur» au sens de l'article 8, alinéa 1, litt. d, AIJVIP, où elle est financée à plus de 50% par des fonds publics selon l'article 8, alinéa 2, litt. b, AIMP36.

ia) L'existence d'un pouvoir adjudicateur

L'article 8, alinéa 1, AIMP distingue trois catégories de pouvoirs adjudicateurs : les collectivités publiques avec leurs entités décentralisées à caractère administratif (litt. a), les autorités, de même que les entreprises publiques et privées opérant au moyen d'un droit exclusif ou particulier dans les domaines de l'approvisionnement en eau, en énergie et dans celui des transports et des télécommunications (litt. c) ainsi que les autres adjudicateurs selon les traités internationaux en vigueur.

Dans le troisième scénario, l'entité en cause est une société de droit privé dans laquelle tant la commune concernée par les travaux qu'un partenaire privé sont actionnaires. Il ne s'agit manifestement pas d'une entité décentralisée au sens de l'article 8, alinéa 1, litt. a, AIMP. Vu le champ d'activité de cette entreprise qui est limité à l'exploitation d'un stade, il ne peut s'agir d'un pouvoir adjudicateur selon l'article 8, alinéa 1, litt. c, AIMP. Seule est potentiellement pertinente l'hypothèse visée à l'article 8, alinéa 1, litt. d, AIMP. Toutefois, cette norme ne définit pas ce que sont ces« autres adjudicateurs».

Pour cerner ce concept, il est nécessaire de se référer aux traités internationaux auxquels renvoie cette norme et, en particulier, à l'AMP.

Selon son article I, § 1, l'AMP a un champ d'application étendu. Il s'applique «à toute loi, tout règlement, ainsi qu'à toute procédure ou pratique concernant tout marché passé par les entités visées par le présent accord, telles qu'elles sont spécifiées à l'Appendice I ». Cet appendice I, propre à chaque partie contractante, contient dans cinq annexes, l'offre finale du pays en cause dans le cadre de !'Accord. Ces annexes tiennent compte de trois critères déterminants : le type de marché en cause (travaux publics, fournitures ou services) (a.), la nature de l'entité adjudicatrice (b.) et la valeur seuil du marché (c.).

36 ETIENNE POLTIER, Les pouvoirs adjudicateurs : champ d'application personnel du droit des marchés publics, in AJP 2008, p. 1107 ss, p. 1122.

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Selon l'annexe 2, sont des entités vJSées par l'AMP, les autorités publiques cantonales, les organismes de droit public établis au niveau cantonal n'ayant pas un caractère commercial ou industriel ainsi que les autorités et organismes publics du niveau des districts et des communes. Cette annexe ne contient pas de définition des « autorités publiques » ou des « organismes de droit public ». En revanche, l'annexe 3 précise la notion de «pouvoir public» et« d'organisme de droit public» en reprenant les définitions communautaires de cette dernière entité37.

Est un «pouvoir public», l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public38.

Est un « organisme de droit public », tout organisme qui remplit trois conditions cumulatives. En premier lieu, il est créé pour satisfaire des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel et commercial39. En deuxième lieu, il est doté d'une personnalité juridique. En troisième lieu, soit son activité est financée majoritairement par l'Etat, des collectivités territoriales de droit public ou d'autres organismes de droit public, soit sa gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit encore l'organe d'administration, de gestion ou de surveillance de cet organisme est composé de membres dont plus de la moitié est nommée par l'Etat, des collectivités territoriales de droit public ou d'autres organismes de droit public40.

En conséquence, la notion d'« organisme de droit public » utilisée par la Suisse à

!'Appendice I de l'AMP est indépendante du mode de création de l'organisme. Peu importe que cet organisme ait été constitué selon des formes propres au droit public ou privé pour autant qu'il remplisse les trois conditions ci-dessus41 .

L'article 8, alinéa 1, litt. d, AIMP doit ainsi être interprété comme signifiant que

« les autres adjudicateurs selon les traités internationaux en vigueur » sont notamment des organismes de droit public au sens que nous avons donné ci-dessus dans la mesure où ces organismes n'entrent pas dans l'une des définitions de l'article 8, alinéa 1, litt. a à c, AIMP et pour autant qu'ils passent des marchés au sens des Annexes 4 et 5 de l'Al\!IP.

37 EVELYNE CLERC, art. 5 LJ\III, in PTERRE TERCIER/CHRISTIAN BOVET (éd.), Droit de la concurrence, p. 1305 SS, p. 1355.

38 Annexe 3 de I' Appendice I, note 1.

39 JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY, Le champ d'application du droit des marchés publics - Quelques aspects d'un problème décidément complexe, in JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY /HUBERT STôCKLT (éd.), Marchés Publics 2008, p. 143 SS, p. 155.

40 Rapport du Conseil d'Etat du 31 janvier 2002 à l'appui du projet de loi modifiant la loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics (PL 8679), p. 7.

41 POLTIER, précité note 36, p. 1117.

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Sport et partenariats public-privé

La société de projet pourrait être un tel pouvoir adjudicateur selon les modalités de son organisation.

En premier lieu, la commune ne fait aucun apport en espèces dans le capital de la société. En revanche, elle accepte de conclure un droit de superficie en faveur de cette dernière. Si les conditions de ce droit sont inférieures à celles du marché, l'avantage financier correspondant pourrait être considéré comme un apport en capital. Dans la mesure où il serait majoritaire par rapport à celui du partenaire privé, la troisième condition serait remplie.

En second lieu, même si la commune n'apporte aucun financement ou si son apport est minoritaire, dans l'hypothèse où la commune détiendrait la majorité du capital ou des membres du conseil d'administration, voire encore où elle disposerait de pouvoirs de contrôle particuliers, la société serait qualifiée d'« organisme de droit public». Son activité serait alors susceptible de constituer un marché public de construction au sens de l'article 6, alinéa 1, litt. a, AIMP. En revanche, si la commune est minoritaire et sans pouvoir de contrôle particulier, la société de projet n'est pas un tel organisme et l'ensemble de ses activités sont soustraites du droit des marchés publics, sous réserve d'un financement à plus de 50% par la commune ou une autre collectivité publique.

ib) Le subventionnement à plus de 50%

Selon l'article 8, alinéa 2, litt. b, AIMP, l'adjudication de projets et de prestations qui sont subventionnés à plus de 50 % du coût total par des fonds publics déclenche l'application du droit des marchés publics concernant les marchés non soumis aux traités internationaux et ce, quelle que soit la nature de l'adjudicateur42. Selon la jurisprudence, les subventions sont des versements des pouvoirs publics qui visent à inciter leur bénéficiaire à adopter une certaine attitude ou à effectuer certaines tâches dans un but d'intérêt public.

Hormis le comportement attendu de leur bénéficiaire, ces montants sont donc alloués

«gratuitement», sans contrepartie économique équivalente en faveur de la collectivité qui les verse43 . Dans le même seris, l'article 2, alinéas 1 & 2, de la Loi genevoise sur les indemnités et les aides financières44 définit les subventions soit comme des aides financières, soit comme des indemnités. Les premières sont des avantages pécuniaires ou monnayables accordés à des bénéficiaires étrangers à l'administration cantonale aux fins d'assurer ou de promouvoir la réalisation de tâches d'intérêt public que l'allocataire s'est librement décidé d'assumer. Les secondes sont des prestations accordées à des tiers

42 Rapport du Conseil d'Etat, précité note 40, p. 7; POLTIER, précité note 36, p. 1120.

43 ATF 126 II 443, consid. 6c ; article 29 de l'ordonnance du Conseil fédéral régissant la taxe sur la valeur ajoutée(« OTVA,,; RS 641.201).

44 «LlAF» ;RS/GE D 111.

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François Bellanger

étrangers à l'administration cantonale pour atténuer ou compenser des charges financières décmùant de tâches prescrites ou déléguées par le droit cantonal. L'article 3 de la Loi fédérale sur les aides financières et les indemnités45 comprend une définition similaire.

Dans le cas d'espèce, la commune ne verse aucun fond à la société; en revanche, elle octroie un droit de superficie à la société de projet. Si ce droit est conféré gratuitement ou à des conditions plus avantageuses que celles du marché, la valeur de l'avantage fourni à la société de projet est une forme de subvention au sens de l'article 8, alinéa 2, litt. b,

AIMP46 . Sa valeur devra être estimée pour déterminer si elle représente plus ou moins de

50% de l'investissement total du projet. Dans l'hypothèse où le seuil de 50% serait dépassé, cela déclencherait l'assujettissement de la société de projet comme adjudicateur.

En revanche, si ce seuil n'est pas franchi, la société de projet n'a pas à respecter le droit des marchés publics même si elle bénéficie d'un droit de superficie plus avantageux que les conditions du marché.

ii) Le choix du futur concessionnaire

Dans ce scénario, la société de projet assume les risques de l'opération comme

«propriétaire» des lieux pour une durée de cinquante ans, la commune n'a aucun risque économique n'étant ni propriétaire, ni locataire. Ce n'est qu'à l'échéance de la durée de cinquante ans prévue pour la concession que la commune devrait récupérer le stade. De même, à l'échéance de la même durée, les contrats de superficie prendront fin et, à défaut de renouvellement, la commune devrait récupérer les immeubles construits au bénéfice de ces droits aux conditions fixées par ceux-ci.

Pendant cette période, la société de projet sera au bénéfice d'une concession de service public pour l'exploitation du stade. Tout en poursuivant un intérêt lucratif, elle va exécuter la tâche publique de gestion du stade pour le compte de la commune et agir dans le cadre de sa mission publique comme une autorité administrative soumise à l'ensemble du droit public en vigueur47, notamment les principes constitutionnels48 et de procédure régissant l'activité de l'administration49. Les autres activités commerciales de la société de projet restent soumises au droit privé. Dans notre hypothèse de travail, la commune transfère au concessionnaire la responsabilité complète de l'exécution de la tâche publique, de telle sorte que le concessionnaire exerce l'activité en en assumant tous les risques.

45 «LSu»;RS616.1.

46 ATF non publié du 17 octobre 2005 (lP.117 /2005), consid. 4.

47 FR!\NÇOIS BELL\NGER, Les "privatisations" : une notion à géométrie variable, in RDAF 2001 I 37, p. 50.

48 SJ 2001 I 557, p. 562.

49 Sur les principes généraux de l'activité administrative: PIERRE MOOR, Droit administratif, Vol. 1 : Les fondements généraux, 2" éd., p. 387.

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Sport et partenariats public-privé

Compte tenu de ces éléments, il n'y aura pas de marché public en l'espèce lors du choix du concessionnaire. En effet, même si la commune doit opérer un choix pour sélectionner ce concessionnaire et que celui-ci perçoit une rémunération indirecte de la part de la commune en ayant le droit de conserver le produit du prix de ses prestations, la commune n'achète pas une prestation au sens du droit des marchés publics. Elle se limite à transférer une compétence d'exercer une tâche publique. L'octroi d'une telle concession de service public n'est donc pas un marché public50 au sens de l'AIMP.

Conclusion

La construction d'un stade est un sport périlleux, pourtant nécessaire pour l'exercice d'un autre sport. Vu le montant des investissements nécessaires, la tentation peut être grande pour la collectivité publique souhaitant disposer d'une telle infrastructure de s'engager dans la voie du partenariat public-privé. Cette forme d'association ouvre des possibilités très intéressantes pour la collectivité dès lors qu'elle permet de faire assurer tout ou partie de l'investissement à un partenaire privé ou de réduire, voire différer la charge financière devant être assumée par la collectivité. Les scénarios que nous avons examinés mettent en évidence la nécessité d'avoir un vrai partenariat entre la collectivité publique et un investisseur ou constructeur. Des formes élaborées de développement immobilier ne répondent pas à la définition du partenariat public-privé sans prise de risque par le partenaire privé. Ainsi, les scénarios de l'opération immobilière et de la commune locataire correspondent à des opérations immobilières complexes sans pour autant constituer des partenariats public-privé du fait que, soit l'entreprise totale chargée de la construction, soit l'investisseur réalisant le stade pour la commune locataire, n'assument pas de réels risques : l'entreprise totale construit aux frais de la commune, même si ces frais sont couverts par la création de droits à bâtir sur des terrains appartenant à la commune et l'investisseur voit son risque garanti par le contrat de bail avec la commune.

En revanche, dans le troisième scénario, avec la concession d'exploitation conférée à une société de projet réunissant la commune et le partenaire privé, les deux acteurs du partenariat assument les risques de la construction et de l'exploitation du stade. Ils agissent

50 Dans ce sens, CLERC, précité note 37, 52; PETER GALL!/ ANDRÉ MOSER/ELISABETH LANG/EVELYNE CLERC:, Praxis des offentlichen Beschaffungsrechts, 2" éd., p. 45 ; ETIENNE POLTIER, Les marchés publics - premières expériences vaudoises, in RDAF 2000 I 297, p. 311-312;

JEAN-BAPTISTE ZUJ'FEREY, Affichage sur le domaine public: monopole admissible, in Medialex 03/1999, p. 63.

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François Bellanger

dans un but commun et en supportent ensemble les conséquences. C'est le seul scénario où l'existence d'un partenariat public-privé ne fait pas de doute.

L'existence ou non d'un partenariat public-privé n'a pas d'incidence sur l'application du droit des marchés publics. Il rend uniquement plus difficile l'analyse en ajoutant des paramètres supplémentaires par rapport à un marché classique. Ainsi, en plus de la question de savoir si une opération constitue un marché de service de construction ou de services classiques, il faut également s'interroger sur la procédure de sélection d'un investisseur lorsque celui-ci intervient à la place ou aux côtés de la collectivité publique. De même, si le partenariat implique la création d'une société de projet, cette dernière peut, dans certaines hypothèses, constituer un pouvoir adjudicateur. La notion d'organisme de droit public utilisée pour l'application de l'article 8, alinéa 1, litt. d, AIMP joue un rôle déterminant. C'est à l'aune de celle-ci que la société de projet peut ou non devenir un

«pouvoir adjudicateur » et être, si les autres conditions légales sont remplies, assujettie au droit des marchés publics. A cet égard, toute société de projet dans laquelle, d'une manière ou d'autre, une collectivité publique serait majoritaire, risque d'être qualifiée comme un pouvoir adjudicateur.

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L'entrée en bourse des clubs sportifs· dix ans d'expérience juridique

par

JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY*

1. Introduction

Le 9 octobre 1999, le Prof. PIERMARCO ZEN-RUFFINEN avait organisé à Lugano un congrès qui entendait apporter une réponse économique, juridique et de management à la question « comment améliorer la situation des clubs sportifs professionnels ? ». La publication qui s'en est suivie en 2000 m'avait permis d'examiner les aspects juridiques de l'entrée en bourse des clubs sportifs (émission publique et cotation) 1. J'étais parvenu aux résultats suivants : les IPOs (Initial Public Offerings) et les émissions secondaires étaient une nouvelle réalité, qui suscitait un certain engouement des managers et des médias ; il n'existait pas de régime spécifique pour les clubs sportifs au sein du droit des marchés financiers, de sorte qu'ils devaient satisfaire aux eX1gences communes de la réglementation ; ces exigences étaient très lourdes pour les clubs sportifs, en particulier pour ce qui a trait à la forme juridique des entités qui les supportent, au niveau économique à atteindre pour s'ouvrir au public (en particulier en termes de stabilité des profits) et au degré de transparence à maintenir (surtout pour ce qui est de la publicité événementielle) ; il en résultait une sorte de «choc culturel» pour les clubs et il fallait suggérer à leurs décideurs de bien peser le pour et le contre avant de s'ouvrir au public (« going public»).

Dix ans plus tard, la situation a évolué et la présente contribution entend

«revisiter» le domaine. Dans la ligne des auteurs qui s'y intéressent2, les affirmations

* Professeur à l'Université de Fribourg (CH). Je remercie M. DARIUS SCHETDEGGER et l'vime AURORE ESTOPPEY, assistant(e)s à l'Université de Fribourg, pour l'aide qu'ils m'ont apportée dans l'élaboration et la mise au point de cette contribution.

ZEN-RUFFlNEN P. (édit.), Comment améliorer la situation économique des clubs sportifs professionnels ?, Berne 2000, p. 83 ss.

2 Bibliographie sélective : AGLIETTA M./ ANDREFF W./DRUT B., Bourse et Football, Revue d'économie politique 2/2008, Paris 2008, p. 255 ss ; ANDREFF W./SZYN1ANSKI S. (édit.), Handbook on the Economies of sport, Cheltenham/Nortb.ampton 2006; BAYLE E./CHANTELAT P., La gouvernance des organisations

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