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Réseau d’éducation en santé communautaire pour la prévention des maladies cardiovasculaires et du diabète au Burundi: mise en place et premiers résultats

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(1)

Réseau d’éducation en santé communautaire pour la prévention

des maladies cardiovasculaires et du diabète au Burundi:

mise en place et premiers résultats

Xavier Debussche

1

, Maryvette Balcou-Debussche

2

, Nelly-Ange Baranderaka

3

,

Samson Ndayirorere

4

, Véronique La Hausse de Lalouviére

5

et Nestor Nitunga

6

Résumé: Dans les pays en voie de développement aux ressources limitées, l’augmentation de la prévalence des maladies cardiovasculaires constitue un problème émergent majeur. Au Burundi, la fragilité du système de santé après la fin des conflits rend primordiale la mise en place d’actions de prévention en direction des personnes à risque. En 2007, un programme structuré de prévention des sujets à haut risque a été mis en place dans le cadre d’un réseau de santé communautaire à Bujumbura, la capitale. Dans 10 structures de santé et ONG et dans 3 associations de patients a été effectué un dépistage gratuit du risque à partir de critères cliniques et de la détermination de la glycémie capillaire. De juin 2007 à décembre 2008, 377 séances de groupe pour 1318 personnes à risque et 2457 participations (1 à 3 séances par personne sur un cycle comportant 3 thématiques) ont été réalisées par 19 infirmières et pairs éducateurs formés conjointement par un diabétologue et une ethnosociologue. Les situations d’apprentissage de groupe permettent un choix personnalisé et éclairé d’action(s) par les personnes à risque. Une évaluation intermédiaire du suivi éducatif réalisé chez 292 personnes ayant terminé le cycle éducatif et bénéficié d’un 2ème bilan éducatif a montré une évolution favorable des facteurs de risque modifiables. L’inscription rapide de cette approche dans le tissu burundais et l’implication des pairs éducateurs aux cˆotés des professionnels de santé laissent supposer un fort potentiel de développement dans d’autres pays. (Global Health Promotion 2010; Supp (2): pp 68–75) Mot-clés: Burundi, diabète, éducation du patient, maladies chroniques non transmissibles, réseau de sante communautaire

Introduction

La transition épidémiologique des maladies infectieuses aux maladies chroniques non transmissibles ajoute à la menace qui pèse sur les économies et les ressources humaines des pays les moins développés (1). Les modifications rapides des patterns épidémiologiques sont liées à l’urbanisation et l’industrialisation couplées à l’accentuation des écarts

sociaux, ainsi que le possible effet de la malnutrition fœtale sur le risque vasculaire ultérieur de l’adulte (2). Des stratégies préventives sont nécessaires à long terme pour enrayer la croissance des facteurs faisant le lit des maladies cardiovasculaires (3). Pour diminuer la morbidité et la mortalité liées aux maladies chroniques, il est important de développer des programmes de prévention axés sur les styles de vie, l’alimentation, l’activité physique et le tabac (4).

1. Nutrition, Pôle des pathologies chroniques et maladies métaboliques. Correpondance à Xavier Debussche, Nutrition, Pôle des Pathologies Chroniques et maladies Métaboliques, CH Felix Guyon, Diabétologie, Bellepierre, Saint-Denis 97400, Ile de la Réunion, France. (xavier.debussche@chr-reunion.fr)

2. PAEDI, Université de Clermont Ferrand, France.

3. Diététicienne, coordinatrice locale, réseau de santé communautaire APSA Burundi, Burundi. 4. Educateur en santé, ALUDIA (Association de Lutte contre le Diabète), Bujumbura, Burundi. 5. Medical project coordinator, APSA international, Curepipe, Ile Maurice.

6. Coordinateur médical, réseau de santé communautaire APSA Burundi, Bujumbura, Burundi.

(Cet article a étè soumis le 31 aout 2009. Aprés évaluation par des pairs il a étè acceptè pour publication le 28

décembre 2009).

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IUHPE – Global Health Promotion Supp(2) 2010 Le Burundi est un petit pays de 27.834 km2situé en

Afrique centrale, enclavé entre les montagnes et les grands lacs. Densément peuplé, le pays comprend une population globale estimée à 8.9 millions d’habitants en 2008 et à 28.3 millions en 2050 (5). L’espérance de vie à la naissance est de 48,3 ans pour les hommes et 58,1 ans pour les femmes. Avec un taux d’alphabétisation des hommes de 54% et pour les femmes de 32,7%, la population est fragilisée dans son accès aux savoirs (5). Elle est également affaiblie sur le plan économique puisque le produit national brut (PNB) par habitant et par an n’est que de 110 US$, ce qui équivaut à environ 0,30 US$ par jour par habitant. En 2006, l’index de développement situe le pays à 0,382%, soit au 172ème rang sur 177 pays (6). Les 10 années de guerre civile et les tensions accumulées jusqu’en 1993 ont bouleversé les institutions de santé du Burundi (7) tout autant que la santé mentale des populations (8). Une large part de la population ne bénéficie d’aucune couverture d’assurance et les disparités entre la ville et la campagne restent importantes. La plupart des hôpitaux sont sous équipés et non fonctionnels si bien que les professionnels se retrouvent confrontés à plusieurs difficultés : formation insuffisante pour la prise en charge thérapeutique et la prévention des complications à long terme des maladies chroniques (9), nombre faible de personnels soignants. Les données de 2007 font état d’un médecin pour 100 000 habitants (10). Si l’état de santé des populations et l’accès aux soins restent précaires, le Burundi fait aussi partie des pays en développement dans lesquels les transitions économiques et les modes de vie ont conduit à une explosion de la prévalence de l’obésité et des maladies métaboliques. Cette situation touche en premier lieu les milieux urbains tels que la capitale Bujumbura (environ 500 000 habitants en 2005). Au Burundi comme ailleurs, l’explosion des maladies métaboliques (au 1er rang desquelles se situe le diabète de type 2 et ses complications) est en passe de générer des coûts de santé majeurs dans les 10 à 20 ans qui viennent (11, 12). Actuellement, la prévalence estimée du diabète de type 2 au Burundi est de 1,3% en 2007 chez l’adulte de plus de 20 ans, soit 47 000 personnes diabétiques. Cette prévalence va être multipliée par 2 à 3 d’ici 2025 avec 112 000 personnes atteintes de diabète dont 60% vivant en milieu urbain et touchant avant tout la tranche d’âge active des 20–59 ans (13).

En matière de prévention du diabète et des complications cardiovasculaires, des travaux ont déjà

montré qu’une action ciblée conjointe sur l’ensemble des facteurs de risque permet de réduire l’impact du diabète et des maladies métaboliques et vasculaires (14). Selon les recommandations actuelles, la prévention passe par la mise en place de stratégies efficaces de management qui doivent associer l’éducation des personnes à risque ou présentant un diabète, l’accès minimal à des traitements adaptés et une surveillance permettant la détection précoce des complications (12, 15). L’Organisation Mondiale de la Santé a diffusé des abaques d’évaluation du risque de maladie cardiovasculaire utilisables dans des contextes aux ressources limitées et permettant de dépister les sujets à haut risque pouvant bénéficier des actions préventives (16). Un dépistage se basant uniquement sur des critères cliniques permet également là où les dosages biologiques sont difficiles à obtenir de prédire avec une bonne fiabilité le risque de survenue d’évènements cardiovasculaires (17). Au delà du dépistage des personnes à risque se pose également la question de l’accessibilité aux moyens et ressources de prévention primaire ou secondaire, dans un contexte de faible disponibilité des thérapeutiques à visée préventive et des personnels de santé (18).

Dans le présent article, nous rapportons les premiers résultats d’actions d’éducation de groupe ayant permis de travailler sur les pratiques de santé chez les sujets à risque à Bujumbura, la capitale du Burundi. L’approche éducative retenue a été développée précédemment à l’île de la Réunion et à l’île Maurice dans des réseaux de prévention des maladies cardiovasculaires et du diabète. Cette perspective fait appel au travail direct par les personnes dépistées à risque sur les facteurs de risque modifiables et sur les actions potentielles et réalistes à mettre en œuvre. Ces situations structurées d’éducation sont issues d’une articulation étroite entre d’une part la dimension théorique basée sur les données ethnosociologiques, le socioconstructivisme, l’empowerment, et d’autre part les expérimentations menées dans les différents lieux, qui ont déjà fait la preuve de leur faisabilité et de leur efficacité sur le terrain (19).

Population et méthodes

Le réseau d’éducation en santé

communautaire APSA Burundi

Le réseau APSA (Association pour la Promotion de la Santé) Burundi est constitué d’un ensemble de 10 structures urbaines ou périurbaines de Bujumbura :

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3 hôpitaux, 1 centre de santé, 3 associations locales de diabétiques et 3 ONG partenaires. Le réseau est coordonné par une diététicienne, un médecin, un patient membre d’association et une secrétaire. L’équipe locale travaille en collaboration étroite avec un chef de projet international (VLH), un médecin endocrinologue consultant (XD) et une ethnosociologue consultante (MBD).

Après la phase initiale de mobilisation des structures de santé, ONG, et associations, le programme de formation des infirmiers et pairs-éducateurs issus des différentes structures et associations a débuté en juin 2007. Ce programme s’articule autour de trois pôles: la mise en place d’un cycle éducatif (les nids d’apprentissage) pour les patients, la formation au dépistage des personnes diabétiques ou à risque cardiovasculaire, et la surveillance des facteurs de risque de complications en synergie avec les médecins des structures participant en parallèle aux journées de formation. La perspective générale est d’aider les professionnels à changer de posture (par rapport à la posture du soignant) et à construire un minimum de compétences pour mener des situations d’apprentissage (20). Déclinée sur deux journées, la session de formation associe un travail de groupe pragmatique sur la situation d’apprentissage, des apports théoriques actualisés sur la thématique travaillée (sciences médicales et sciences humaines et sociales) et des ateliers de travail communs (médecins, éducateurs, structures impliquées dans le réseau) pour assurer l’organisation du suivi éducatif en liaison avec le suivi médical. Au cours de chaque session de formation, tous les savoirs minima nécessaires au bon déroulement de la séance sont travaillés. Chaque éducateur se confronte d’emblée à ses propres connaissances et représentations sur la thématique de la séance (risque cardiovasculaire, graisses dans l’alimentation ou activité physique). Il se confronte aussi à la position d’apprenant puisqu’il la prend lui-même en réalisant les différentes étapes de la situation d’apprentissage. Les apports théoriques qui sont travaillés par la suite prennent appui sur la connaissance et la maîtrise des livrets éducatifs qui servent de supports aux situations d’apprentissage pour les patients. Les situations d’apprentissage comprennent des indicateurs qui permettent aux patients et aux professionnels de suivre l’évolution des paramètres cliniques et biologiques, ainsi que les actions choisies et mises en œuvre. La perspective globale est de rendre les professionnels rapidement

opérationnels et efficaces en bénéficiant du soutien de la coordination du réseau. Le siège du réseau dispose de deux salles disponibles pour les sessions d’éducation. Les professionnels de santé sont libres de venir y animer des sessions d’éducation. Lorsque les salles de formation des différents partenaires ne sont pas disponibles, le siège du réseau constitue un moyen de secours pour un éducateur ou infirmier qui a programmé une session éducative.

Population

Le dépistage est réalisé au niveau des structures de santé et lors des campagnes de la Journée Mondiale du Diabète (14 novembre). Étant donné que l’accès aux examens de laboratoire reste réduit et coûteux, le dépistage fait appel à la réalisation d’une glycémie capillaire et aux seuls paramètres cliniques qui permettent de définir un haut risque de complications (17) : âge, pression artérielle systolique, index de masse corporelle, tour de taille, existence ou non d’un diabète connu ou dépisté sur glycémie capillaire, tabagisme. Les personnes à risque cardiovasculaire présentant un diabète connu, ou adultes de plus de 35 ans présentant 2 facteurs de risque modifiables associés (tour de taille > 90 cm; index de masse corporelle > 30 kg/m2 ; pression artérielle systolique > 130 mmHg; et/ou glycémie capillaire > 7 mmol/l ; tabagisme actif) sont invités à participer à une situation d’apprentissage sur le risque cardiovasculaire. Du fait des charges des professionnels et du manque d’effectif, les sessions d’éducation sont animées en dehors des heures de service dans l’ensemble des structures : les éducateurs sont indemnisés pour réaliser ces séances (ce point fait partie du cahier des charges établi entre la coordination du réseau et les structures partenaires). Lors de chaque opération de dépistage, les patients à haut risque (diabète ou présence d’un risque cardiovasculaire élevé) sont invités à participer à la première situation d’apprentissage sur la maîtrise du risque cardiovasculaire.

Les situations d’apprentissage

Sur le plan théorique, les nids d’apprentissage (19) s’appuient sur les apports du socioconstructivisme (21), tout en prenant en compte la présence du contexte dans lequel se négocie la maladie chronique au quotidien, dont le réseau d’interactions sociales et les atouts de l’environnement (22–25). Les situations prennent aussi en compte l’exigence de la décision

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IUHPE – Global Health Promotion Supp(2) 2010 d’actions par le patient. Plutôt que de réduire la

complexité des éléments en jeu dans la maladie chronique ou de n’en travailler que quelques aspects les uns après les autres, les situations d’apprentissage s’efforcent d’incorporer l’ensemble des éléments en les travaillant de façon clarifiée (19).

Pour chaque thème traité, les conceptions des apprenants sont mises en jeu à travers une confrontation aux savoirs de référence (la santé des artères, la nature des graisses contenues dans l’alimentation, les dépenses énergétiques…). Les apprenants mènent des actions diversifiées sur des formes de savoirs qui sont clarifiées, manipulables et accessibles aux personnes illettrées, notamment par le biais de repères facilement identifiables et de codes de couleurs. L’apprenant s’exerce à mettre en relation les savoirs de référence avec les contextes particuliers qui sont les siens. Des photos aident à visualiser des situations ordinaires (marcher, faire du vélo, faire ses courses) et des consignes précises aident l’apprenant à réaliser des actions qui participent à la prise de conscience des phénomènes à étudier. L’ensemble est présenté dans un support de 12 pages, en couleurs (26), dans lequel l’apprenant travaille tout en étant accompagné par le professionnel formé à cet effet. Les situations d’apprentissage comprennent des indicateurs qui permettent aux patients et aux professionnels de suivre l’évolution des paramètres cliniques et biologiques, ainsi que les actions choisies et mises en œuvre. Le malade emporte les livrets chez lui: le formateur est sûr que ces livrets font sens puisqu’ils ont été travaillés et négociés en situation. Un tableau de suivi est intégré dans chaque livret, ce qui permet d’intégrer la dimension durable de la maladie chronique (27) ainsi que la nécessité de penser l’action sur un temps long, avant de voir les premiers résultats. La pluralité et l’hétérogénéité des malades n’est pas pensée comme un problème (28), mais comme une richesse dont il est tenu compte dans la conception même de la situation. Les spécificités individuelles d’ordre psychologique, social, culturel, économique ou religieux des malades sont intégrables, sans exception. Pour le Burundi, des adaptations ont été réalisées avant la mise en œuvre, notamment en tenant compte de l’environnement spécifique alimentaire, géographique et de disponibilité de ressources. Des photos prises dans le contexte burundais ont été intégrées aux livrets et les écrits ont été traduits en kirundi. Lors

des séances, les malades utilisent aussi bien le français dans les échanges que leur langue nationale : en fonction de leur préférence, le livret leur est remis en français ou en kirundi.

Les situations d’apprentissage répondent aux impératifs définis par les différentes recommandations internationales (29) et françaises (30) : prise en compte des besoins des patients dans leurs dimensions psychosociales, biomédicales, et pédagogiques ; mobilisation par le patient des connaissances, compétences à acquérir et actions à mettre en place ; évaluation individuelle en séance et au long cours grâce à des indicateurs intégrés. Les situations d’apprentissage ont bénéficié, dans leur conception et leur évolution, de la multidisciplinarité en amont. Les disciplines médicales et de santé (travail conjoint de médecins endocrinologue et nutritionniste, d’infirmières et d’éducateurs médico-sportifs sur l’actualisation des connaissances dans les domaines du risque et des maladies cardiovasculaires) ont été associées aux sciences humaines et sociales pour l’adaptation culturelle et sociale, ainsi qu’aux sciences de l’éducation (19, 31).

Le cycle éducatif pour prévenir les

complications

Le cycle éducatif sur la maîtrise des facteurs de risque de complications cardiovasculaires s’appuie sur 2 séances obligatoires ‘maîtrise du risque cardiovasculaire’ réalisées entre 6 et 12 mois d’intervalle et complétées de 2 séances facultatives plus spécifiques portant sur la maîtrise des graisses dans l’alimentation et la gestion de l’activité physique, séances dont la programmation est décidée en fin de 1ère ou de 2ème séance. Les séances durent de 1h30 à 2h maximum et réunissent de 6 à 10 personnes.

La 1ère séance ‘apprendre à maîtriser le risque cardiovasculaire’ amène chaque personne à travailler le risque cardiovasculaire, à analyser les actions préventives effectives et faisables. Dans une 1ère étape, chacun est amené à analyser son ‘total santé’ en tenant compte des facteurs de risque modifiables : pression artérielle, cholestérol total (s’il est disponible), triglycérides (si le résultat est disponible), glycémie, tour de taille et tabagisme. Chaque facteur est affecté d’un score qui va de 0 à 10 et qui tient compte du résultat biologique (par exemple la pression artérielle va de 0 point pour une pression artérielle systolique ≥ 18 mmHg à 10 points pour

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une PA systolique < 13 mmHg). Durant la séance, chaque participant détermine le score de ses différents facteurs de risque et reporte les résultats dans son livret. Si la pression artérielle, le tour de taille ou la glycémie n’ont pas été mesurés antérieurement, le formateur s’organise pour prendre ces mesures au cours de la séance. Le dosage des lipides étant cher et rarement accessible, les items cholestérol et triglycérides sont cotés en prenant une valeur moyenne de 5 points s’ils ne sont pas disponibles. Les patients font ensuite leur « total santé » et le situent par rapport à un maximum de 60 points qui correspond à des artères en bonne santé. Dans une seconde étape, les patients découvrent un ensemble d’actions simples, susceptibles de faire progresser le ‘total santé’. Dix actions sont visualisées dans le livret sous forme de vignettes (manger moins salé, marcher 30 mn par jour, éviter les sucreries et grignotages … ). Chaque action choisie et mise en œuvre fait progresser les points attribués à telle ou telle variable de risque. Les patients sont amenés à analyser le bénéfice sur la santé et la pertinence des 10 actions : à la fin, ils en choisissent une prioritaire (ou 2 maximum) à mettre en œuvre en continu. La troisième étape consiste à considérer la faisabilité de l’action choisie en tenant compte du contexte individuel, social, économique, familial, psychologique. Chaque participant se penche sur les différents items à analyser et évalue leur faisabilité en travaillant sur une échelle allant de 1 à 5. Les actions et leurs implications sont ensuite discutées en groupe, avant que chacun décide (en le notifiant dans son livret) s’il choisit ou non de mettre en œuvre cette action. Dans le cas contraire, l’apprenant est invité à reconsidérer une autre action.

Les apprenants qui ont suivi une session sur le risque cardiovasculaire sont convoqués dans un délai de 6 à 12 mois pour suivre la seconde session de bilan éducatif sur le risque cardiovasculaire. Avec le support des livrets et des indicateurs travaillés lors de la 1ère séance, ils font le point en groupe de leurs indicateurs de santé et de la ou des actions engagées, des difficultés et obstacles d’ordre individuel, social, culturel, économique et familial.

L’amélioration des indicateurs santé est évaluée par la progression ou non du score pour chaque facteur de risque, et par la progression du score total santé (addition des scores totaux). Les apprenants sont amenés à réorienter de façon réaliste les actions qu’ils peuvent engager et maintenir en tenant compte de leur contexte.

Des séances complémentaires peuvent alors

être programmées, permettant de travailler plus

précisément les problématiques : ‘apprendre à gérer l’activité physique’, et ‘apprendre à maîtriser l’apport de graisses dans l’alimentation’. Ces séances complémentaires sont construites avec la même approche que celle des ‘nids d’apprentissage’, avec une phase d’analyse (repas pris la veille ou les jours précédents pour l’alimentation, activités quotidiennes pour l’activité physique), une phase de découverte des actions potentielles en fonction des recommandations, et une phase de décision tenant compte des possibilités individuelles, contextuelles, sociales et économiques (19).

Resultats

Mobilisation des structures et des éducateurs

Menée en août 2007, la première session de formation de trois jours a concerné 22 infirmiers (ou diététiciens) et 10 éducateurs (patients membres d’associations de diabétiques ou intervenants d’ONG). Dix structures urbaines ou périurbaines de Bujumbura étaient concernées : 3 hôpitaux, 1 centre de santé, 3 associations locales de diabétiques et 3 ONG partenaires. Quatorze médecins ont participé en parallèle à la formation. Dans les 2 mois qui ont suivi la première formation sur le risque cardiovasculaire, 12 sessions d’éducation ont été menées avec 9 participants par séance en moyenne. Le travail a été conduit dans 7 des 10 structures : 2 hôpitaux, 1 centre de santé, 2 ONG et 2 associations de diabétiques. Durant les 7 premiers mois, un total de 61 séances avec 567 patients à risque a été réalisé, avec une implication continue des professionnels et éducateurs dans ces 7 structures. En 2008, une seconde session de formation de professionnels a été mise en place. Cette nouvelle session a été l’occasion de recruter et de former de nouveaux éducateurs : 13 médecins, 22 infirmiers et 13 éducateurs. Au total, 19 infirmiers et éducateurs formés ont pu mener des séances d’éducation en 2007 et 2008.

Profil des personnes à risque et éducation

Entre août 2007 et décembre 2008, 1914 personnes ont été dépistées à risque (Tableau 1), dont 574 dans les hôpitaux ou cliniques, 275 par les associations de patients et 891 au cours des 2 journées mondiales du diabète. Le corpus comprend autant d’hommes que de femmes et 99% résident à Bujumbura.

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IUHPE – Global Health Promotion Supp(2) 2010 Un total de 1318 de ces personnes (69%) ont pu

bénéficier de 1 à 3 situations d’apprentissage, représentant 377 sessions et 2457 participations (Figure 1). La participation aux séances des patients programmés est de 50% environ, et 2 à 3 convocations

sont nécessaires pour obtenir une participation globale de 60 à 70%. Ce fait est proche de ce qui a été constaté dans l’expérience menée à l’île de la Réunion chez les patients diabétiques (19). L’implication des pairs éducateurs dans l’action au Burundi est forte:

Participation à la 1ère séance Maîtrise du risque cardiovasculaire

RCV 1 1318 personnes

198 sessions

Séance

Maîtrise des graisses dans l’alimentation 661 personnes

116 sessions

Séance de bilan éducatif RCV 2 292 personnes

28 sessions Séance

Gestion de l’activité physique 186 personnes

35 sessions

Evaluation intermédiaire: 292 personnes avec bilan éducatif à 6–12 mois Personnes dépistées à risque cardiovasculaire

août 2007–décembre 2008 1914 personnes Hôpitaux et cliniques : 574 Entreprises : 28 Association de patients : 275 ONG : 146

Journée Mondiale du diabète 2007 : 516 Journée Mondiale du diabète 2008 : 375

Tableau 1. Profil des personnes à risque inclues dans le réseau d’éducation entre août 2007 et décembre 2008 (n = 1318)

Sexe (H/F) Glycémie élevée1 Obesité abdominale2 HTA3 Tabac4 Haut RCV5

n 575/743 558 661 560 98 1112

% 44%/56% 42% 50% 42% 7% 84%

Notes:1Glycémie élevée : définie par une glycémie capillaire de dépistage >7 mmol/l;2Obésité abdominale : tour de taille

mesuré au niveau de l’ombilic > 90 cm;3HTA: pression artérielle systolique > 14 cmHg;4Tabagisme actif;5Haut RCV:

Risque cardiovasculaire défini par le cumul de 2 facteurs de risque modifiables.

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ils ont mené des 1ères séances (maîtrise du risque cardiovasculaire) pour 334 personnes et 25% au total des séances d’éducation réalisées en 2008.

Une évaluation intermédiaire a pu être menée sur les 292 personnes ayant pu compléter le cycle et réaliser une 2ème séance de bilan éducatif cardiovasculaire entre 6 et 12 mois après la 1ère séance. Les participants ont choisi de s’engager sur 1 à 2 actions, majoritairement 2 actions (68% des sujets). Les actions les plus choisies étaient le contrôle des graisses dans l’alimentation, la marche quotidienne, la limitation du sel, et la limitation des grignotages et sucreries (Tableau 2). De façon intéressante, alors que seulement 11% ont choisi d’agir sur le traitement à prendre à la 1ère séance, cette proportion était doublée à la 2ème séance, alors qu’il n’y a pas de prise en charge financière des traitements médicamenteux au Burundi. Les indicateurs de santé relevés en séance sont en faveur d’une amélioration globale des facteurs des risque modifiables et du « total santé » modifiable travaillés par les sujets en séance (Tableau 3).

Conclusion

La rapidité avec laquelle l’action a réussi à se mettre en place dans la capitale du Burundi témoigne

de plusieurs aspects très encourageants, malgré le contexte difficile et fragilisé actuel. La conception ‘en réseau’ a permis de coordonner à la fois des hôpitaux, des centres de santé, des ONG et des associations de patients autour du dépistage de sujets à risque et de l’orientation de patients vers un accès à des actions d’éducation. Chaque action de dépistage est accompagnée par des propositions concrètes (les situations d’apprentissage) de prise en charge des personnes malades ou à risque. Les actions choisies par les patients sont réalisables dans des contextes ordinaires, quelles que soient les organisations sociales et familiales.

Toutefois la pérennisation d’une telle action doit tenir compte de la fragilité du système burundais et des aspects financiers, essentiellement d’indemnisation des personnels. L’implication forte des associations de patients et des pairs éducateurs, la cohérence et la faisabilité du dispositif mis en place sont autant de points d’appui qui peuvent aller dans le sens d’une inscription potentiellement durable dans les pratiques.

Remerciements

Les auteurs tiennent à adresser leurs remerciements à l’ensemble des personnes sans lesquelles ce projet

Tableau 2. Evolution du choix des actions entre la 1ère et la 2ème séance, situation d’apprentissage sur le risque cardiovasculaire (n = 292 patients)

Session 1 Session 2 Total des 2 sessions

Diminuer les graisses dans l’alimentation 107 150 257

Marche 30 minutes/jour 96 86 182

Manger moins salé 71 56 127

Limiter sucreries/grignotages 60 72 132

Fruit et/ou légumes à chaque repas 37 23 60 Marche 30 minutes 3 fois/semaine 35 17 52

Prise régulière des traitements 33 65 98

Modérer les boissons alcoolisées 27 14 41

Prendre des repas équilibrés 14 9 23

Arrêt tabac 6 11 17

Aucune action décidée 2 2 4

Total 488 505 993

Nombre moyen d’actions choisies par personne 1,66 1,73

Tableau 3. Evolution des indicateurs de santé (facteurs modifiables) à 6–12 mois chez les 292 personnes à risque ayant bénéficié d’une 2ème séance de bilan éducatif cardiovasculaire

Glycémie Tour de Taille Pression artérielle Tabac (arrêt) Total santé

Amélioration n 169 175 183 15 160

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IUHPE – Global Health Promotion Supp(2) 2010 n’aurait pu être mené: les formateurs et éducateurs

du réseau de santé, les malades, le gouvernement et le ministère de la santé du Burundi, ainsi qu’à l’équipe logistique et de coordination d’APSA international. Ce projet bénéficie du soutien financier de la World Diabetes Foundation, Lottenborgvej 24, DK-2800 Kgs. Lyngby, Danemark.

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Figure

Figure 1. diagramme d’évolution de l’action d’éducation au 1er janvier 2009.
Tableau 3. Evolution des indicateurs de santé (facteurs modifiables) à 6–12 mois chez les 292 personnes à risque ayant bénéficié d’une 2ème séance de bilan éducatif cardiovasculaire

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