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La carrière publique de Michel Dufour (1767/1768 - 1843) jusqu'en 1810 : seconde partie (août 1802 - novembre 1810)

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Texte intégral

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La carrière publique de Michel Dufour (1767/1768'-1843)

jusqu'en 1810

Seconde partie (août 1802 - novembre 1810)

Pierre-Alain PUTALLAZ

Préambule

Le 23 août 1802, l'assemblée électorale du district de Monthey élit comme députés à la Diète constituante Charles-Emmanuel de Rivaz et Pierre-Louis Du Fay; puis, estimant «que des circonstances imprévues pourraient empêcher l'un ou l'autre» de ceux-ci «de remplir la mission dont ils viennent d'être chargés», elle décide «de leur établir» des remplaçants. Après cinq tours de scrutin, Grégoire Marclay est désigné premier suppléant au détriment, notamment, de Michel Dufour, lequel est choisi comme second suppléant après quatre nouveaux tours de scrutin. Quoique ce dernier refuse son élection et demande «qu'il soit procédé à un autre choix, l'assemblée l'a prié instamment de se rendre à son vœu et n'a pas cru devoir faire une autre nomination»2.

Bien que nous n'ayons trouvé aucun document qui évoque les motifs qui ont poussé le Bas-Valaisan à refuser son élection, l'un d'entre eux au moins nous paraît manifeste: alors même que les deux députés élus appartiennent, comme lui, au clan Du Fay, il n'a pas apprécié de n'avoir été désigné que second suppléant - et encore fort laborieusement - vu les services qu'il a rendus à la collectivité durant la période où le Valais fut incorporé à la République helvétique et vu que son statut est, en l'occurrence, sans intérêt: il n'a en effet quasiment aucune chan- ce de siéger à la Diète constituante.

1 Voir ci-dessous, p. 486, note 588.

2 AV, M, thèque 2 et 3, fasc. 1, n° 12.

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Le 30 août 1802, celle-ci dote le Valais d'une constitution: le pouvoir légis- latif est confié à une Diète; le pouvoir exécutif à un Conseil d'Etat qui peut seul proposer les lois et qui est composé d'un grand bailli et de deux conseillers d'Etat, un vice-bailli et deux vice-conseillers d'Etat remplaçant «les titulaires en cas d'absence ou de mort»3.

Ce 30 août encore, la Diète élit les membres du Conseil d'Etat, et Charles- Emmanuel de Rivaz est l'un de ceux-ci.

Il est intéressant de noter que, quelques jours auparavant, Antoine Augustini, sénateur, puis député à Berne sous la République helvétique, a fait parvenir au ministre de France en Suisse, Raymond de Verninac-Saint-Maur, une liste de citoyens valaisans que leurs «talents» devraient destiner à des charges publiques:

ils possèdent en effet la confiance de leurs compatriotes; «ils pourront, du moins en grande partie, contenter l'esprit public et se faire admirer et faire louer leur jus- tice et [leur] bienfaisance par le peuple» auquel ils devraient apporter le «bon- heur»; et ils sauront sans aucun doute «mériter la bienveillance du gouvernement français». Dans cette liste confidentielle, Augustini mentionne, pour le dizain de Monthey, Jean Devantéry, Pierre-Louis Du Fay, Michel Dufour, Grégoire Marclay, Joseph Donnet et Michel Pignat; de plus, s'interrogeant sur l'identité des trois personnalités du dizain qui composeront la députation à la Diète dès que l'organisation du Valais sera définitivement arrêtée, il écrit que Pierre-Louis Du Fay, Charles-Emmanuel de Rivaz et Michel Dufour «seraient assurément nom- més» s'ils n'étaient pas parents4, «de sorte que du moins un des trois ne le sera pas», et il suppose que Grégoire Marclay ou Joseph Donnet pourrait être élu5. Il ne s'agit pas ici d'analyser le degré de fiabilité des supputations d'Augustini - le lec- teur pourra le faire à la lumière de ce qui suit - mais de constater que, selon lui, Michel Dufour est l'une des personnalités politiques d'importance du dizain de Monthey et du Valais, qu'il jouit de l'estime de nombre de ses concitoyens et que l'on a de lui l'image d'un homme dévoué à sa patrie et acquis à la modernité6; ce qui ne fait que confirmer ce que nous savions déjà.

*

La période de la République «indépendante» va être marquée, politiquement, du sceau de l'ambiguïté. Comme l'écrit Jean-Henri Papilloud, «le régime se dit indépendant et il est sous la tutelle de la France. Il se dit unitaire et il doit renoncer

3 SALAMIN IV, p. 241, art. 42 de la constitution de 1802.

4 La constitution de 1802 ne mentionnera pas d'empêchement à devenir député en raison de liens de parenté.

5 AV, de Kalbermatten, p. 152.

6 Augustini - qui a des liens de parenté avec Michel Dufour - affirme que seul lui importe l'intérêt du Valais, qu'il fait abstraction de ses sentiments personnels et que, sur la liste qu'il a dres- sée, se trouvent des gens qui sont ses «ennemis».

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à en imposer aux collectivités locales7. Il se dit démocratique et il écarte le peuple de l'exercice du pouvoir.»

Cette citation suffit à souligner les faiblesses du régime que l'on peut égale- ment qualifier de «démocratie des notables»8 et que Michel Dufour va servir de son mieux.

Avant de revenir sur la carrière de celui-ci, nous souhaitons encore préciser que nous présenterons ses activités comme juge, député à la Diète et conseiller d'Etat, sans pouvoir les étudier de façon exhaustive. Les raisons en sont simples:

dans le domaine judiciaire, la documentation est parfois lacunaire, voire quasiment inexistante en ce qui concerne la composition ou les délibérations du Tribunal suprême; dans le domaine politique, les recès de la Diète et les protocoles des séances du Conseil d'Etat mentionnent rarement les interventions et les votes indi- viduels. Par exemple, les protocoles du Conseil d'Etat signalent que ce dernier a pris telle ou telle décision, mais, à quelques rares exceptions près, ils ne rapportent pas les délibérations de sorte que, le plus souvent, lorsque Michel Dufour est à la tête du département de la Justice, de la Police et de l'Intérieur, nous ignorons l'influence qu'il a pu avoir sur ses collègues, nous ignorons si, sur tel ou tel objet, il a été mis en minorité et, parfois même, s'il est présent à certaines des séances ou s'il y est remplacé par le vice-conseiller d'Etat Emmanuel Gay. De plus, nous n'avons pu trouver aucun document où Michel Dufour ne ferait ne serait-ce qu'esquisser une sorte de programme politique selon ses idées. On voudra bien excuser dès lors certaines insuffisances de notre étude, ce d'autant plus que divers travaux ont déjà été publiés sur l'histoire de la République «indépendante» et qu'il nous a donc paru inutile de les reprendre dans leur exhaustivité sans pouvoir indi- vidualiser, plus que nous l'avons fait, le rôle de Michel Dufour.

7 «Le pouvoir central n'a pas les moyens d'appliquer la politique déterminée par la Diète. Les contradictions sont inhérentes au mode de fonctionnement des autorités. Alors que la Diète, par son mode de composition et de fonctionnement, tend à favoriser l'unité, le Conseil d'Etat doit se reposer sur la bonne volonté des dizains et des communes. Il transmet les décisions aux présidents de dizain qui les font appliquer par les présidents de commune. La position des exécutants est des plus incon- fortables; ils sont constamment entre l'arbre et l'écorce.

«Le président de dizain est nommé par le conseil de dizain dans lequel se trouvent tous les pré- sidents de commune, leurs subordonnés, députés d'office pour représenter la première centaine d'habitants de leur commune. La situation des chefs de commune est encore plus délicate; ils sont directement en contact avec les citoyens desquels ils tiennent leur élection. Qu'une loi ou une déci- sion mécontente ses administrés et le président n'ose pas la faire appliquer.» (PAPILLOUD, pp. 38 et 40.)

8 Voir ibidem, respectivement, p. 48 et p. 42.

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Député à la Diète et juge (1802-1806)

En septembre 1802 encore, les nouvelles autorités sont mises en place9 et les trois députés qui ont l'honneur de représenter le dizain de Monthey à la Diète sont Michel Dufour, son beau-frère Pierre-Louis Du Fay et son cousin Jean Devantéry.

Comme ce dernier, président du dizain de Monthey, n'est guère en mesure de se déplacer jusqu'à la capitale valaisanne en raison de son état valétudinaire, c'est tout d'abord Barthélémy Trombert qui le remplacera, puis, dès la diète de mai

1803, Pierre-Marie de Lavallaz10.

Michel Dufour fait donc partie de la députation du dizain de Monthey à la Diète: il participera à toutes les sessions du mois d'octobre 1802 au mois de mai 1806. Lors de la session qui se tient à Sion du 25 octobre au 8 novembre 1802, la première séance est présidée par le doyen d'âge Joseph Matter qui désigne le Bas- Valaisan comme secrétaire francophone et François-Joseph Andenmatten comme secrétaire germanophone. Le lendemain, soit le 26 octobre, les députés élisent à la présidence Valentin Sigristen11; à la vice-présidence, Pierre-Louis Du Fay; et ils confient les tâches des secrétaires à Michel Dufour et à Leopold de Sépibus12. Le Bas-Valaisan, dont nous avons souvent dit qu'il est consciencieux, est reconduit dans cette fonction durant la diète de mai 1805, après avoir été réélu député du dizain de Monthey.

Il est à noter qu'à l'époque, être député à la Diète valaisanne paraît un bon moyen de lancer la carrière de ses enfants destinés au service mercenaire.

Le fils aîné de Michel Dufour, Louis, souhaite entrer dans le régiment de Courten au service d'Espagne. Or, un renouvellement de la capitulation entre le Valais et l'Espagne a été préparé au cours des années 1804 et 1805. En août 1805, les députés valaisans, consultés par circulaire, donnent leur avis sur le projet de capitulation proposé par leur gouvernement; une majorité d'entre eux l'accepte et Michel Dufour, qui a intérêt à le voir aboutir rapidement, est de ceux qui l'approu- vent sans aucune restriction13. Une fois qu'a été conclu, le 22 septembre 1805, le renouvellement de la capitulation, appelée Traité d'accession à la capitulation des cinq régiments suisses au service de Sa Majesté Catholique, le service d'Espagne est encore plus attrayant qu'auparavant, et diverses familles valaisannes y convoi- tent des places pour l'un ou l'autre de leurs membres. C'est ainsi que, le 2 dé- cembre 1805, le Conseil d'Etat propose à la Diète trois personnes, soit Louis

9 «Le 5 septembre, les commissaires [Turreau, Lambertenghi et Müller-Friedberg] des trois Républiques [française, cisalpine et helvétique] garantes de l'indépendance du Valais proclament l'entrée en fonction du Conseil d'Etat qu'ils installent au nom de leurs gouvernements respectifs.»

(SALAMIN III, p. 209.)

10 AV, M, vol. 11, p. 131: protocole du CE, 25 oct. 1802; et vol. 31: Abscheid de la diète, mai 1803.

11 Sigristen fut le dernier grand bailli du Valais d'avant la révolution de 1798.

12 AV, Diète-Grand Conseil, n° 1001, vol. 1, pp. 14-15, 3-4. - En novembre 1802, il est alloué

«au président et aux secrétaires de la Diète pendant l'exercice de leurs fonctions une indemnité de huit francs par jour». (AV, M, vol. 71, n° 9: loi promulguée par le CE le 11 nov. 1802, orig.)

13 Ibidem, vol. 16/17, pp. 190-192: protocole du CE, 23 août 1805 au soir.

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Dufour, Adrien Guerraty et un certain Rey-Mermet, afin qu'elle puisse désigner l'un d'entre eux pour être présenté comme officier quand le tour du dizain de Monthey viendra14, et c'est Adrien Guerraty qui sera choisi.

Le 30 décembre 1805, Louis Ganioz se rend auprès du Conseil d'Etat et pro- pose son frère Joseph-Etienne «pour la première place d'officier qui viendra à vaquer au régiment valaisan au service d'Espagne qui doit être repourvue d'un sujet du dizain de Martigny», et il ne manque pas de dire «combien il lui serait dou- loureux si quelqu'un d'un autre dizain lui devait encore être préféré, ainsi qu'il lui est déjà arrivé deux fois, en faisant l'acquisition d'un droit de communauté uni- quement dans la vue de prélever ces sortes de place au préjudice des anciens condixanaires [sic]».

Le Conseil d'Etat lui apprend alors que la prochaine place réservée au dizain de Martigny est déjà promise à Louis Dufour et décide de présenter ce dernier si son père, Michel, a effectivement acquis, comme il l'espérait, un droit de commu- nauté dans ce dizain15. Michel Dufour n'a cependant pas encore obtenu ce droit et, par conséquent, le Conseil d'Etat arrête, le 4 janvier 1806, que «M. Jos[eph]- Etienne Ganioz de Martigny sera présenté pour officier au régiment valaisan au service d'Espagne pour le tour de Martigny». Mais Michel Dufour n'a pas aban- donné la partie, il a exploré d'autres possibilités et, le 7 janvier 1806, le grand bailli Augustini peut annoncer «au Conseil d'Etat que M. le gr[and] châtelain Dufour vient de se faire recevoir communier à Nax, qu'il lui en a exhibé l'acte de récep- tion et qu'il prie le Conseil d'Etat de présenter son fils [Louis] à la première place vacante au régiment valaisan au service d'Espagne qui tombe au tour du dizain d'Hérémence»16.

Il n'est donc pas étonnant que, en cette séance du 7 janvier 1806, le pouvoir exécutif choisit de proposer Louis Dufour «à S [on] Efxcellence] l'ambassadeur de Sa Majesté catholique près la Confédération suisse [Joseph Caamano] pour la place de sous-lieutenant porte-drapeau qui touchera prochainement ledit dizain d'Hérémence»17. Et, le 22 janvier, le grand bailli Augustini écrit ces mots à l'ambassadeur d'Espagne:

Votre Excellence a cru, d'après notre entretien d'hier, que Monsieur Adrien de Riedmatten pouvait se rendre au régiment vacant de Courten [qui, en ce mois de jan- vier encore, devient le régiment de Preux], y être reçu cadet et faire ce service en

14 Ibidem, vol. 26, pp. 280 et 281: liste d'officiers proposés par le CE à la Diète, Sion, 2 déc.

1805, minute. - «[...] Seuls pouvaient être admis au grade de cadet les jeunes gens nés ou naturalisés valaisans. Dès qu'une place de sous-lieutenant venait à vaquer, le colonel du régiment devait avertir le Conseil d'Etat et l'ambassadeur d'Espagne en Suisse. Il appartenait au grand bailli d'aviser le dizain intéressé que son tour de nomination était venu. Le candidat choisi devait alors se présenter devant le Conseil d'Etat et devant l'ambassadeur d'Espagne qui se prononcerait en dernier lieu sur son admission au régiment.» (SCHALBETTER, pp. 335 et 336.)

15 AV, M, vol. 16/17, pp. 392 et 393: protocole du CE, 30 déc. 1805.

16 Ibidem, pp. 418 et 419: protocole du CE, 4 janv. 1806; ibidem, pp. 424 et 425: protocole du CE, 7janv. 1806.

17 Ibidem, vol. 27, pp. 4 et 5: arrêté du CE du 7 janv. 1806, minute.

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attendant que le tour du dizain pour lequel il est destiné d'être officier arrive. Le fils de Monsieur Dufour, grand châtelain du l[ouable] dizain de Monthey et [de] Dame Dufour, née Du Fay, sœur du vice-président de la Diète [Pierre-Louis], à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, se trouve déjà au rég[imen]t18, et le Conseil d'Etat lui destine la place d'officier pour le tour du dizain d'Hérémence où le préfat [= susdit]

M. [le] grand châtelain Dufour a le droit de communauté.

Je prie donc instamment Votre Excellence de vouloir bien prendre gracieusement des dispositions afin que lesdits Messieurs Adrien de Riedmatten et Louis Dufour fils puissent être reçus le plus tôt possible cadets dans ledit régiment et faire ce ser- vice jusqu'à ce que le tour des dizains respectifs, pour lesquels lesdits Messieurs seront proposés à V[otre] E[xcellence] pour être officiers, soit arrivé; par ce moyen, ils apprendront d'autant mieux le service et pourront être alors d'autant plus tôt reçus quand le tour du dizain sera arrivé.

V[otre] E[xcellence], qui me donne gracieusement des marques de bienveillance dans toutes les occasions, voudra bien m'accorder cette faveur que je sollicite pour deux jeunes Messieurs très bien nés et doués de toutes les belles qualités, et particu- lièrement pour M. Louis Dufour comme mon parent.

Agréez, Excellence, les assurances de ma haute considération et [de ma] plus par- faite confiance.19

Le 3 mars 1806, Antoine Augustini s'adresse une nouvelle fois à l'ambassa- deur d'Espagne, affirmant notamment:

J'ai aussi communiqué convenablement les instructions qui concernent Messieurs de Riedmatten, Ganioz et Dufour, surtout celle que V[otre] E[xcellence] demande à les voir. Ce matin, le père [Pierre-Hyacinthe] de ce M. de Riedmatten m'a chargé de prier instamment V[otre] E[xcellence] qu'Elle veuille bien exempter gracieusement ces Messieurs du voyage pénible et dispendieux de Berne: le temps et les chemins sont très mauvais et les frais d'un voyage de huit à neuf jours pour aller et revenir ne laissent pas que d'être sensibles à des pères de nombreuses familles et dérangent les arrangements pour leur voyage d'Espagne.

V[otre] E[xcellence] peut être assurée, d'après la proposition du Conseil d'Etat, que ces candidats ont les qualités requises. D'ailleurs, ayant eu le bonheur de possé- der V[otre] E[xcellence] à S[ain]t-Maurice et ayant eu l'honneur de La consulter sur le parti à prendre en faveur desdits trois candidats20, je me serais empressé de les fai- re voyager nuit et jour pour les présenter à V[otre] E[xcellence] si Elle m'avait fait

18 Affirmation erronée, comme nous allons le constater.

19 AV, M, vol. 27, pp. 11 et 12: Augustini à l'ambassadeur d'Espagne, St-Maurice, 22 janv.

1806, minute. Voir aussi AV, Rz, cart. 80, fasc. 12, n° 19: copie de la même lettre, copie datée par erreur du 21 janv. 1806. - La ratification du renouvellement de la capitulation a eu lieu à St-Maurice le 21 janvier 1806.

20 Afin d'assister à la ratification du traité d'accession à la capitulation des cinq régiments suisses entre l'Espagne et le Valais, Joseph Caamano, accompagné notamment de son secrétaire, le chevalier Joseph Ferreira, est arrivé à Saint-Maurice le 20 janvier 1806, d'où il est reparti le 23 jan- vier. (SCHALBETTER, pp. 329-332.)

(7)

l'honneur de me dire qu'Elle est dans le cas de les voir avant leur départ pour le régi- ment. Enfin, V[otre] Efxcellence] obligera beaucoup ces Messieurs si Elle peut les exempter de ce voyage. J'attends cependant Ses ordres aussitôt [que] possible.21

Le 10 mars 1806, l'ambassadeur autorise Adrien de Riedmatten, Joseph- Etienne Ganioz et Louis Dufour à ne pas «se présenter devant lui avant de joindre le régiment», mais il précise «que cette exemption ne pourra plus avoir lieu à l'avenir»22. Quand Augustini reçoit cette réponse, les trois jeunes gens sont déjà partis pour l'Espagne sur la base d'une lettre confidentielle que le chevalier Joseph Ferreira, secrétaire de Caamano, a écrite au conseiller d'Etat Valentin Sigristen!23 Adrien de Riedmatten, Joseph-Etienne Ganioz et Louis Dufour vont donc être bientôt reçus comme cadets dans le régiment et, tout ce que nous savons, c'est que, le 25 juin 1806, ils n'ont pas encore «rempli leurs trois mois de service en cette qualité»24.

Il nous a paru intéressant de présenter les circonstances dans lesquelles Louis Dufour est entré dans le régiment de Preux; elles révèlent en effet combien Michel Dufour s'active pour permettre à son fils aîné d'entreprendre une carrière de mer- cenaire et combien sa tâche est relativement facilitée par le fait qu'il est député, qu'il connaît beaucoup de notables, par les liens de parenté qui l'unissent au grand bailli Augustini et par le fait que, dès la diète de l'automne 1805, on sait qu'il va entrer au Conseil d'Etat avant la fin du printemps 180625. C'est une constatation qui, transposée, vaut pour toutes les époques...

Les cas de Pierre-Marie et d'Adrien, deux des frères de Louis Dufour, retien- dront notre attention quand nous parlerons du conseiller d'Etat Michel Dufour26. Indiquons, d'ores et déjà toutefois, qu'à la suite de la capitulation passée entre le Valais et l'empereur Napoléon Ier et ratifiée le 8 octobre 1805, le Conseil d'Etat dresse une liste déjeunes Valaisans susceptibles de devenir officiers dans le bataillon valaisan au service de France et que Pierre-Marie Dufour y est prévu comme sous-lieutenant porte-drapeau27, ce qui n'étonnera personne.

21 AV, M, vol. 40, p. 33: Augustini à Caamano, Sion, 3 mars 1806, minute.

22 Ibidem, vol. 18, p. 162: protocole du CE, 17 mars 1806.

23 Ibidem, vol. 40, p. 41: Augustini à Caamano, Sion, 17 mars 1806, minute.

24 Ibidem, vol. 19, p. 69: protocole du CE, 13 juillet 1806.

25 En juin 1806, Augustini, écrivant au colonel Charles de Preux, évoque le fait que ce dernier a déjà demandé le brevet de cadet pour Louis Dufour et qu'il s'est engagé à solliciter le brevet de sous-lieutenant porte-drapeau pour le jeune Valaisan, si bien que «Monsieur Dufour, conseiller d'Etat, vous témoignera sa reconnaissance en son particulier». (AV, M, vol. 40, pp. 146 et 147:

Augustini à de Preux, les bains de Loèche, 16 juin 1806, minute.)

26 Voir ci-dessous, pp. 455-463.

27 AV, M, vol. 26, pp. 213-217: liste des jeunes gens proposés par le Conseil d'Etat «pour être placés dans le corps valaisan à lever pour le service de France», dressée au début nov. 1805, minute.

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Députés du dizain de Monthey

diète d'automne 1802 - diète d'automne 1806: présences Diète d'automne 1802

Pierre-Louis Du Fay, grand châtelain du dizain28, vice-président de la Diète;

Michel Dufour, ex-inspecteur, secrétaire francophone de la Diète;

Barthélémy Trombert, président de Val-d'Illiez.

Diète de printemps 1803

Pierre-Louis Du Fay, grand châtelain du dizain et vice-président de la Diète;

Michel Dufour, châtelain de Vionnaz, premier assesseur au tribunal du dizain, secrétaire francophone de la Diète;

Pierre-Marie de Lavallaz, châtelain de Collombey et Muraz, assesseur au tribunal du dizain.

Diètes d'automne 1803, de printemps 1804, d'automne 1804

Les mêmes que lors de la diète de printemps 1803 avec mention des mêmes fonctions.

Diète de printemps 1805

Pierre-Louis Du Fay, président du dizain et vice-président de la Diète;

Michel Dufour, grand châtelain du dizain, secrétaire francophone de la Diète;

Pierre-Marie de Lavallaz, châtelain de Collombey et Muraz, assesseur au tribunal du dizain.

Diète extraordinaire (1er octobre -11 octobre 1805)

Pierre-Louis Du Fay, président du dizain et vice-président de la Diète;

Michel Dufour, grand châtelain du dizain, secrétaire francophone de la Diète.

Diète d'automne 1805 (15 novembre - 6 décembre 1805)

Pierre-Louis Du Fay, président du dizain et vice-président de la Diète;

Michel Dufour, grand châtelain du dizain, secrétaire francophone de la Diète;

Pierre-Marie de Lavallaz, châtelain de Collombey et Muraz, assesseur au tribunal du dizain.

Diète de printemps 1806

Les mêmes que lors de la diète d'automne 1805 avec mention des mêmes fonctions.

Diète d'automne 1806

Pierre-Louis Du Fay, président du dizain et vice-président de la Diète;

Charles-Emmanuel de Rivaz, grand châtelain du dizain;

Pierre-Marie de Lavallaz, châtelain de Collombey et Muraz, assesseur au tribunal du dizain.

28 Le grand châtelain est, de droit, membre du tribunal de dizain qu'il préside, ainsi que du Tribunal suprême.

(9)

*

De 1802 à 1804, Michel Dufour est également châtelain de Vionnaz, c'est-à- dire juge de première instance, et premier assesseur au tribunal du dizain de Monthey.

Nous n'avons guère trouvé de documents sur les activités de châtelain du Bas-Valaisan. Deux «protocoles de cour de Vionnaz» qui concernent cette période et que nous avons consultés font la part belle à son lieutenant Joseph Veuthey.

Dans l'un de ceux-ci, malheureusement en piteux état, nous avons pu constater que, le 15 janvier 1803, Michel Dufour a officié comme châtelain dans deux causes. L'une ne mérite pas que nous nous y arrêtions, car, en raison de l'absence d'une des parties, Michel Dufour ne mentionne pas l'objet du litige; l'autre concerne des problèmes de limites de propriété entre Joseph Cornut et le sergent Jean-François Guérin, problèmes qui portent sur divers points dont celui de savoir

«si la muraille [...] au bas de la porte de maison du même Cornut et sur laquelle les archets [= poutres] de Guérin reposent n'appartiennent pas à Cornut»! Et Michel Dufour, acquiesçant à la demande de ce dernier, de lui accorder une quinzaine de jours pour qu'il puisse répondre à l'argumentation de son contradicteur29. Le 29 janvier 1803, c'est devant Joseph Veuthey que comparaissent Joseph Cornut et Jean-François Guérin et l'affaire est de nouveau reportée de quinze jours sans que nous en connaissions l'issue30.

Il n'est pas invraisemblable de supposer que le châtelain Dufour rédigeait ses propres cahiers de «protocole de cour» et que, le 15 janvier 1803, pour une raison précise que nous ignorons, il a exceptionnellement utilisé celui de son lieutenant.

Nous le voyons mal, en effet, n'avoir tenu que deux séances - et durant un seul jour - de 1802 à 1804. Cependant, nous ne saurions écarter l'hypothèse que le châ-

telain Dufour ait assez souvent délégué ses pouvoirs à son lieutenant, ayant accor- dé la priorité à ses autres activités politiques et judiciaires.

Quant au tribunal du dizain, la constitution de 1802 apporte les précisions suivantes:

Article 63. Il y a dans chaque dizain un juge sous le nom de grand châtelain qui a un lieutenant.

Article 65. D'un jugement de première instance, on appelle en cour du dizain qui est composée du grand châtelain ou de son lieutenant et de six assesseurs. Ces assesseurs sont choisis parmi les juges de commune, anciens juges, grands châtelains et leurs

29 AV, Vionnaz, J 27; ibidem, J 26, pp. 12-14 qui sont endommagées.

30 Ibidem, pp. 14 et 15. - Le document AV, Vionnaz, J 26, se termine au 5 mars 1803 et le do- cument ibidem, J 27, commence au début du mois d'août de la même année.

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lieutenants dans le dizain ou dans les dizains voisins. La loi détermine la manière dont ils sont nommés31.

Article 71. Dans les causes criminelles et de police correctionnelle, le grand châte- lain ou son lieutenant, qui instruisent les procédures avec deux assesseurs, forment, avec huit assesseurs, choisis comme il est dit à l'article 65, le tribunal de première instance.32

A propos des diverses affaires dont le tribunal du dizain de Monthey s'est occupé, nous avons connaissance d'une quarantaine de procédures qu'il a enga- gées33 et de plusieurs sentences qu'il a prononcées, alors même que nous sommes certain que Michel Dufour y siégeait comme assesseur.

Nous allons nous contenter d'indiquer quelques sentences. La première est libellée comme suit:

Le tribunal criminel du dizain de Monthey,

composé de Messieurs Michel Dufour, châtelain de Vionnaz, Hyacinthe Vuilloud, châtelain de Monthey, Pierre-Marie de Lavallaz de Collombey, châtelain de la com- mune des Quartiers d'En-bas, François Cornut, châtelain de Vouvry, Hyacinthe Darbellay de Monthey, Jean-François Vannay de Vionnaz, Hyacinthe Dubosson de la commune de Troistorrents et Barthélémy Trombert du val d'Illiez [= de Val- d'Illiez], juges assesseurs convoqués sous la présidence de M. Pierre-Louis Du Fay, grand châtelain dud[i]t dizain;

Vu la plainte, rendue le 20 d'octobre dernier par Maurice Vannay de Vionnaz, d'un vol de huit louis d'or qui lui a été fait ledit jour à Monthey, à l'époque du retour de la foire, dans la ruelle attenante à l'auberge de la Croix d'Or, sur le pont de la Meunière, désignant comme complices de ce vol des individus étrangers, au nombre desquels s'est trouvée la nommée Séraphine-Victoire Trintella, arrêtée à la suite de ce délit;

Vu la procédure criminelle instruite contre ladite Séraphine-Victoire Trintella, accusée, et ouï ses moyens de défense;

Considérant qu'il est prouvé par les témoignages de Benjamin Cornut, huissier de Vouvry, et de Jean-Nicolas Delavy-Jordan, témoins ouïs le 21 octobre d[ernie]r, qu'elle s'est trouvée présente au vol commis sur Maurice Vannay de la commune de Vionnaz avec les trois autres détenus [Jean-Baptiste Jacouse, Victor Martin et son frère Jean-Baptiste Martin];

31 «Les assesseurs du tribunal d'appellation et du tribunal criminel seront nommés par le conseil du dizain, au scrutin secret, à la majorité absolue des voix, sur une triple présentation faite par le grand châtelain, son lieutenant et un député à la Diète (le premier de la nomination) qui se réuni- ront à cet effet». «Les six premiers assesseurs nommés formeront le tribunal civil. Dans les causes criminelles et de police correctionnelle, il leur sera adjoint les deux derniers assesseurs pour former le nombre de huit qui doivent composer le tribunal suivant l'article 71 de la constitution» (art. 1 et art. 2). «Dans les causes civiles, les deux derniers assesseurs seront les suppléants des six premiers»

(art. 3). (Lois VSI, pp. 28 et 29: loi du 4 sept. 1802 «sur la formation du tribunal d'appellation et cri- minel et du Tribunal suprême».)

32 SALAMIN IV, pp. 244 et 245.

33 Monthey, AB, n° 378 et n° 380.

(11)

Considérant qu'elle a avoué ce fait, ainsi que d'avoir reçu entre ses mains l'argent volé qui lui a été remis par Jean-Baptiste Jacouse, l'un des accusés, ce qui établit d'une manière évidente sa complicité;

Considérant, de plus, qu'elle est convaincue par ses aveux de s'être associée à des hommes adonnés au crime et dont la conduite lui était parfaitement connue, de les avoir suivis et accompagnés, vivant du produit de leurs vols, d'en avoir même reçu des effets volés, tels que la montre et l'argent trouvés sur elle au moment de son arrestation, de s'être conséquemment par là rendue complice de tous leurs crimes;

Mais considérant, d'un autre côté, qu'il ne conste [= que l'on n'est pas certain] de la plupart de ces délits dont elle [ne] s'est reconnue coupable que par son propre aveu;

Considérant encore la facilité avec laquelle cette fille, livrée à elle-même et âgée seulement de 16 ans, a pu s'égarer et que c'est moins à la perversité de son cœur qu'aux circonstances dans lesquelles elle s'est trouvée qu'on doit attribuer ses fautes;

Considérant le repentir qu'elle a manifesté, ses protestations d'amendement et enfin sa longue et dure détention dans les prisons;

le tribunal déclare et prononce:

Séraphine-Victoire Trintella est condamnée à deux ans de détention dans une maison de correction, ainsi qu'aux frais de la procédure.

Ainsi a été jugé et prononcé à Monthey, en la Maison nationale, le 15 de décembre l'an 1802, et expédié sous la signature de M. le grand châtelain du dizain et celle du greffier.

[Pierre-Louis] Du Fay, grand châtelain Gab[riel] Guerraty, greff[ie]r Le 16 de décembre dit, la susdite sentence a été notifiée à la susdite Séraphine- Victoire Trintella, laquelle a déclaré l'accepter.

En foi: [...] G[abriel] Guerraty, greff[ie]r14

Le 15 décembre 1802 encore, nous savons que le tribunal du dizain de Monthey, dans lequel siégeait donc Michel Dufour, a également condamné, d'une part, Jean-Baptiste Jacouse «à six ans de détention dans une maison de force», au bannissement à perpétuité «des territoires valaisan et helvétique avec défense d'y rentrer sous peine de mort» et à être «exposé pendant une heure sur la place publique avec un écriteau portant son crime et sa condamnation»; d'autre part, les frères Victor et Jean-Baptiste Martin, qui «ont été [...] bannis à perpétuité du Valais et de l'Helvétie avec défense d'y rentrer sous peine de quinze ans de fers»35. Ces criminels ont également accepté le jugement si bien qu'ils n'ont pas fait appel devant le Tribunal suprême.

34 AV, H,cart. 28, fasc. 8,n°41.

33 AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 1 . 3 . - L'instruction de l'affaire, qui a duré près de deux mois, a démontré que les quatre condamnés faisaient partie «d'une bande de filous» qui écumait le Bas- Valais. (Ibidem, fasc. 72. 1. 7, n° 2: Pierre-Louis Du Fay au conseiller d'Etat Ch.-Emm. de Rivaz, Monthey, 4 déc. 1802, orig.)

(12)

Cependant, le Valais n'ayant pas encore de maison de force, le Conseil d'Etat propose aux députés, par circulaire, une commutation des peines de Jacouse et de Trintella: le premier recevra «cinquante coups de bâton sur le dos36, en chemise», puis sera banni «sous peine d'être pendu»; la seconde subira «une heure d'exposi- tion et le bannissement sous peine d'être décapitée»37. La majorité des députés, Michel Dufour compris, accepte la proposition du Conseil d'Etat qui devient donc exécutoire. Il nous faut néanmoins signaler que six députés ont souhaité «au'on coupe les oreilles en tout ou en partie à Jacouse et les cheveux à Trintella» P Les membres du pouvoir législatif sont à l'évidence encore partisans de certaines méthodes des temps anciens... Plus généralement, comme on peut le constater au vu de l'évolution des mentalités et des peines encourues qui a marqué l'histoire de l'Europe occidentale et de quelques autres régions encore, il vaut mieux se condui- re en hors-la-loi aujourd'hui qu'au début du XIXe siècle, notamment en Valais, surtout si l'on tient à la vie ou, tout simplement, à son intégrité physique.

Le 19 avril 1803, le tribunal du dizain de Monthey juge Claude Bérod de Val- d'Illiez, auteur de plusieurs vols et de «violences envers des particuliers»; il le condamne «au bannissement perpétuel du Valais et de l'Helvétie avec défense d'y rentrer sous peine de mort»39. En février 1804, de retour au pays, Bérod, après avoir commis un larcin à Vouvry, est appréhendé sur le territoire de la commune de Val-d'Illiez, non sans mal, puisque les agents de la force publique ont dû tirer sur lui, l'atteignant à une cuisse, blessure dont il gardera quelques séquelles. Son arrestation met dans l'embarras les juges du tribunal du dizain de Monthey qui ne pensaient pas devoir un jour appliquer la mesure comminatoire qu'ils avaient pro- noncée afin de dissuader à jamais le délinquant de revenir chez lui. C'est pourquoi le grand châtelain Pierre-Louis Du Fay s'adresse au Conseil d'Etat: après avoir indiqué que, naguère, Claude Bérod «a eu connaissance de son jugement», qu'il

«l'a accepté», il demande notamment si le Val-d'Illien doit être obligatoirement condamné à mort alors que «les délits» qu'il a «commis», n'étant «pas considé- rables», ne justifient nullement la peine capitale. Dans sa séance du 20 février

36 C'est-à-dire sur le postérieur. (Monthey, AC, H, n° 973.)

37 AV, M, vol. 11, p. 308: protocole du CE, 29 déc. 1802. - Quand la circulaire est envoyée aux députés, le Conseil d'Etat ignore que Séraphine-Victoire est «enceinte» de Jacouse «avec lequel elle a vécu avant leur emprisonnement»; au mois de janvier 1803, elle en serait à son quatrième mois de grossesse. (AV, DJP I, cart. 86, fasc. 126. 13, n° 1: Du Fay à Ch.-Emm. de Rivaz, Monthey, 19 [janv.] 1803, orig.)

38 AV, M, vol. 11, pp. 413-415: protocole du CE, 3 fév. 1803. - Le 9 février, Pierre-Louis Du Fay écrit à Ch.-Emm. de Rivaz: «J'ai l'honneur de vous accuser la réception du décret de commuta- tion de peine rendu par la Diète contre les nommés J[ean]-Baptiste Jacouse et Séraphine-Victoire Trintella, détenus dans nos prisons, dont l'exécution a été différée jusqu'[à] aujourd'hui qui a été un jour de marché et qui a eu lieu en conformité dudit décret et de vos instructions. Je fais conduire demain ces criminels hors de nos frontières par la route de St-Gingolph.» Ce décret s'explique par le fait que le Valais ne possède pas alors de «maison de force», que les prisons qui y existent «sont affreuses et très peu sûres», et par un souci d'économie. (AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 1. 7, n° 6: Du Fay à de Rivaz, Monthey, 9 fév. 1803, orig.; ibidem, n° 2; ibidem, fasc. 72. 1.3.)- Une loi du 31 mai 1803 établira «une maison de correction» (Lois VS I, pp. 183-186), aménagée dans l'ancienne Chancellerie de Sion.

39 Monthey, AC, H, n° 989. Voir aussi AV, M, thèque 70, fasc. 4, fol. 21.

(13)

1804, le pouvoir exécutif examine la lettre de Du Fay et il «décide» de lui signifier

«que le tribunal ayant prononcé son jugement et le criminel l'ayant accepté, la chose jugée doit être maintenue et que, d'ailleurs, elle est soumise à l'appel au Tribunal suprême»; il lui rappelle de plus «qu'aucun jugement à peine de mort ne peut être exécuté» sans avoir été confirmé par le Tribunal suprême. Le 23 février 1804, Claude Bérod est condamné à vingt ans de fers, «au bout desquels la sen- tence de bannissement perpétuel du 19 avril 1803 sera de nouveau mise en exécu- tion». Conscients que la peine de mort aurait été une sanction trop lourde en l'occurrence, les juges ont donc décidé de ne pas respecter non seulement la teneur de la précédente sentence, mais encore la volonté - apparente - du Conseil d'Etat.

Dans la réalité, en effet, celui-ci semble également soulagé par cette issue, puisque, lors de sa séance du 27 février, il «délibère de ne pas» s'opposer à ce jugement40. Curieusement, après quelques hésitations il est vrai, le Val-dTllien prendra le risque de faire appel et il aura la satisfaction, le 20 mars 1804, de voir sa peine réduite à dix ans de fers par le Tribunal suprême41. Cette issue étonnante ne peut s'expliquer selon nous que par quelques interventions occultes du Conseil d'Etat qui, à l'évidence, a pris conscience de la trop grande dureté avec laquelle, en 1803, les juges du tribunal du dizain de Monthey ont sanctionné Claude Bérod et qui n'a pas souhaité que ceux-ci perdent de leur crédit42.

Le 21 octobre 1803, c'est au tour de Jean Daberre de Monthey d'être

«condamné à trois jours de prison et aux frais» pour «avoir grièvement maltraité»

le dénommé Jean Vuarend .

Le 10 novembre 1803, une sentence est prononcée contre le Savoyard Claude Veuillet. En voici la teneur:

Le tribunal du dizain de Monthey,

composé de MM. Pierre-Louis Du Fay, grand châtelain, et des assesseurs Michel Dufour, châtelain de Vionnaz, Pierre-Marie Du Fay de Lavallaz, châtelain de la com- mune des Quartiers d'En-bas, Barthélémy Trombert, Hyacinthe Dubosson, François Cornut, châtelain de Vouvry, et Hyacinthe Darbellay;

40 Voir ibidem, vol. 13, pp. 350-352 et 368-369: protocoles du CE, 20 et 27 février 1804.

41 Monthey, AB, n° 183; AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 3. 13. - Du Fay a aussi évoqué «l'habi- tude criminelle de cet homme d'ailleurs très immoral et des plus odieux à ses concitoyens dont il est la terreur» (ibidem, n° 1 : Du Fay à de Rivaz, Monthey, 18 fév. 1804, orig.). Mené à la maison de for- ce le 25 mars 1804, Bérod s'évadera dans la nuit du 30 au 31 mars, mais il sera repris le 17 déc. 1804 sur la commune de Val-d'Illiez et, après un bref passage dans les prisons de Monthey, il sera recon- duit à la maison de force à la fin de l'année.

42 II est possible que notre dire soit peu ou prou corroboré par le point 13 de la page 504.

43 AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 3. 18. Les parents de Jean Daberre s'engageront à payer les 33 francs mis à sa charge (ibidem, fasc. 72. 3. 14) et c'est son père Guérin qui versera l'argent (AV, M, vol. 14, p. 494: protocole du CE, 12 oct. 1804). - Daberre ayant participé à une rixe à Massongex le 27 déc. 1805, puis s'étant engagé «dans le bataillon valaisan au service de France», le tribunal du dizain de St-Maurice ne le condamnera pour coups et blessures que le 12 mai 1810 «à dédommager le plaignant, à l'amende de 60 livres mauriçoises et aux frais du procès», «tout le poids de cette sen- tence» étant en fait supporté par le père du condamné «par l'effet d'un cautionnement auquel se sont laissés trop légèrement engager» l'épouse de ce dernier, Marie Perroud, ainsi que leur fils François.

(Voir, dans AV, DJP I, vol. 125, la pétition du notaire Charles Chapelet au CE, Monthey, 18 mai 1810, orig.)

(14)

Vu l'accusation portée contre le nommé Claude Veuillet, natif de Lullin en la ci- devant Savoie, habitant en dernier lieu en la commune de Troistorrents44, prévenu d'un vol fait dans le courant du mois d'août dernier sur les pâturages communs dudit [lieu] de Troistorrents appartenant à Jean-Claude Donnet et de divers autres vols de meubles et d'effets commis chez différents particuliers de la même commune, ainsi que d'excès criminels à la maison presbytérale dudit lieu qui a été assaillie à coups de pierres, les fenêtres brisées et le jardin dévasté dans la nuit du 17 juillet de la pré- sente année;

Ouï les conclusions de l'assesseur rapporteur;

Considérant qu'il conste par le propre aveu de l'accusé Claude Veuillet qu'il est coupable de l'enlèvement fait sur les pâturages communs du cheval de Jean-Claude Donnet dont il a ensuite disposé en le vendant pour le prix de sept louis d'or;

Considérant que les variations et les contradictions dudit accusé sur l'effraction du grenier de Jean-François Morisod en Tassonaire et le vol fait au même d'un pot de métal dans son bâtiment de Savolayre, joints au détail circonstancié qu'il donne sur ces différents vols ainsi que sur ceux faits à Jean Dubulluit et Jean Beirut, for- ment des présomptions graves qu'il a participé à ces mêmes vols;

Considérant qu'il est encore convaincu par son aveu d'avoir pris part aux excès commis au presbytère de Troistorrents et de ne s'être permis cet attentat que par des motifs de vengeance envers le rév[éren]d curé [Maurice Bruttin];

Considérant enfin que la nature des délits dont cet individu s'est rendu coupable, ainsi que sa conduite en général, annoncent une disposition et une habitude au crime qui, en le rendant dangereux à la société, imposent à la justice l'obligation de la garantir des effets qu'elle serait dans le cas de redouter de ses inclinations perverses et criminelles par le choix d'une peine également propre à corriger le coupable et à contenir le crime;

Le tribunal, ayant égard à la longue et dure détention qu'il a subie dans des pri- sons malsaines et où sa santé a été altérée d'une manière sensible,

déclare et prononce:

Claude Veuillet est condamné à une détention de douze ans dans une maison de force; à l'expiration de ce terme, il sera banni à perpétuité des terres de la République, avec défense de rentrer sous peine de mort. Il sera préalablement exposé pendant une heure sur la place publique de ce lieu, un jour de marché, où il entendra de nouveau la lecture de sa sentence, ayant un écriteau sur la poitrine indiquant son crime et la peine qu'il doit subir. Il est en outre condamné à la restitution du cheval volé ou de la valeur [de celui-ci] et à tous les frais.

Ainsi a été jugé à Monthey le dixième jour de novembre de l'an 1803 et expédié sous la signature du préfat grand châtelain près celle du greffier dudit tribunal.

[Pierre-Louis] Du Fay, grand châtelain Gab[riel] Guerraty, greff[ie]r

44 Claude Veuillet, «depuis dix-sept ans», était domestique à Troistorrents dans la famille de Pierre Donnet (AV, M, vol. 12, p. 442: protocole du CE, 6 août 1803).

(15)

Le même jour, 10 novembre 1803, la susdite sentence a été notifiée à Claude Veuillet qui s'est déclaré pour son acceptation.

Gab[riel] Guerraty, greff[ie]r45

En été 1804, le tribunal du dizain de Monthey s'occupe de deux ressortissants de Troistorrents: Hyacinthe Martinet, dit Rapet, et Ignace Meythiaz, auteurs du vol d'une jument «sur les communs de Troistorrents» dans la nuit du 25 au 26 juillet 1804, jument appartenant à Pierre-Joseph Défago. Hyacinthe Martinet, déjà expul- sé de sa commune par le Conseil de celle-ci, est condamné à douze ans de fers - peine à laquelle le Tribunal suprême, le 12 septembre 1804, décidera d'ajouter une amende de 60 livres - ainsi que, «ensuite, au bannissement perpétuel après avoir été au préalable attaché au carcan par l'exécuteur de la haute justice et expo- sé une heure aux regards du public»46. Quant à Ignace Meythiaz, «sous le poids d'une sentence qui le condamne au bannissement perpétuel» et de la menace de voir «recommencer son procès, s'il rentre», pour avoir, avec préméditation, le 4 octobre 1795, assassiné «d'un coup de fusil» sa belle-sœur, Madeleine Rouiller- Martin, il est condamné à mort, en été 1804, et cette sentence est confirmée par le Tribunal suprême, le 12 septembre 1804, «avec l'addition d'une amende de soixante livres»47. Le 26 septembre 1804, Ignace Meythiaz est exécuté «en pré- sence d'un concours considérable du peuple»48, tandis qu'Hyacinthe Martinet est exposé une heure durant au carcan.

Le 25 avril 1805, le tribunal du dizain de Monthey juge, pour vol, la récidi- viste Anne-Marie Manolier de Nendaz, laquelle, d'une part, a «enfreint le bannis- sement qui lui a[vait] été imposé [en 1802] par le tribunal du dizain de Sion»49, et,

45 Ibidem, cart. 78, fasc. 1, n° 27. - Le 16 novembre, Veuillet est sorti des prisons de Monthey

«pour être conduit à Sion»; il est incarcéré d'abord à la Tour des Sorciers probablement, puis, dès le 15 décembre 1803, dans la maison de force (AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 2. 7, n° 1: Hyacinthe Darbellay, lieutenant du grand châtelain, à Ch.-Emm. de Rivaz, Monthey, 16 novembre 1803, orig.;

AV, M, thèque 70, fasc. 2, fol. 20). Malade dès le 29 décembre, Claude Veuillet est soigné par le Dr Süss qui propose bientôt de le prendre chez lui pour douze batz par jour, non compris les médi- caments. Avec l'accord du Dr Emmanuel Gay, le détenu est transporté dans le logement de Süss, le 23 janvier 1804 au matin. Après s'être évadé de là le 9 mars 1804, Veuillet gagnera la France.

Il sera arrêté peu après dans le département du Léman, mais le préfet Brugière de Barante refusera de l'extrader, vu qu'il est Français.

46 «Le tribunal a jugé utile de le condamner à être mis au carcan par le bourreau pour imprimer une crainte plus salutaire à ceux qui seraient tentés à l'avenir d'enlever des chevaux de dessus les pâturages communs, délits qui paraissent devenir fréquents et d'autant plus dangereux que notre situation sur l'extrême frontière donne plus de facilité que dans l'intérieur du pays pour commettre ces sortes de vols et plus de sécurité aux voleurs qui, ayant une fois dépassé les frontières, sont pour ainsi dire assurés de l'impunité de leurs crimes.» - Il nous faut cependant préciser que Martinet et Meythiaz ont été arrêtés dans le département du Léman, puis livrés à la justice valaisanne par les autorités françaises. (AV, DJP I, cart. 63, fasc. 83. 64, n° 1: Du Fay à Ch.-Emm. de Rivaz, Monthey,

1er sept. 1804; ibidem, n° 11: le même au même, Monthey, 29 sept. 1804, orig.)

47 Voir ibidem, cart. 53, fasc. 72. 3. 12, n° 1: Jean-Joseph Donnet, lieutenant du grand châte- lain, à Du Fay, Troistorrents, 2 août 1804, orig.; ibidem, n° 2: Du Fay à de Rivaz, Monthey, 15 août

1804, orig.; Monthey, AB, n° 247.

48 AV, DJP I, cart. 63, fasc. 83. 64, n° 11.

49 Ibidem, cart. 53, fasc. 72. 4. 2, n° 1 : Du Fay à de Rivaz, Monthey, 27 avril 1805, orig. Voir aussi AV, ABS, tir. 245, liasse 8, fasc. 7, 4e cahier, p. 48.

(16)

d'autre part, s'est vu infliger, le 1er novembre 1804, une peine de six ans de réclu- sion dans le canton de Vaud, peu avant de réussir à s'évader du château d'Aigle; il la condamne «à une détention perpétuelle dans la maison de force, au fouet et à la marque»50, et aux frais de la procédure qui, en réalité, seront à la charge de l'Etat, vu le dénuement de la jeune femme51.

Bien évidemment, l'activité d'un tribunal de dizain dépasse fort largement le cadre dressé par les quelques exemples susmentionnés: celui de Monthey con- damne plusieurs dizaines de particuliers à des «amendes correctionnelles» pour divers délits52 semblables à ceux qui vont être évoqués quand nous parlerons du grand châtelain Michel Dufour. Et - faut-il le préciser? - il arrive aussi que cer- tains accusés soient innocentés!

Le 1er août 1803, Michel Dufour reçoit une lettre du grand bailli Augustini qui, confidentiellement, lui annonce sa «nomination à un emploi dans le corps de milice qui va s'organiser», soit une place de lieutenant. Le 3 août, le Bas-Valaisan refuse cette nomination, écrivant notamment:

J'ai occupé pendant plusieurs années dans nos milices des places assez distin- guées pour n'avoir plus rien à désirer de ce côté-là53; et, du moment que je me trou- ve dans une classe exempte de service, quel qu'eût été le grade qu'on ait pu m'offrir, je n'aurais pareillement pas hésité à le refuser. Toute mon ambition se borne dans ce

moment à être tranquille et à m'éloigner des embarras que je n'ai que trop éprouvés dans l'exercice de mes fonctions d'inspecteur.

J'ose croire que mon refus ne rendra point équivoque à vos yeux mon dévoue- ment à la patrie envers laquelle je suis encore prêt à faire tous les sacrifices lorsque mon devoir m'y appellera.

Le 10 août 1803, le Conseil d'Etat propose à Michel Dufour la place de capi- taine du dizain de Monthey, place qu'il refuse également54.

Qui pourrait s'étonner de ces refus en se souvenant des tribulations que le Bas-Valaisan a connues, de 1798 à 1802, en tant qu'inspecteur des milices, voire

50 Monthey, AB, n° 336.

51 Anne-Marie fera appel au Tribunal suprême qui modifiera partiellement cette sentence: le fouet et la marque lui seront épargnés, mais elle sera «exposée à Monthey pendant une heure de temps aux regards du public, où sa sentence lui sera lue publiquement» (AV, M, vol. 15, pp. 480 et 481: protocole du CE, 4 juin 1805).

52 Le 3 juillet 1804, le tribunal du dizain de Monthey, dont Michel Dufour est l'un des asses- seurs, condamne le récidiviste Joseph-Antoine Lone «à 80 francs d'amende, à quatre jours de prison au pain et à l'eau, aux frais de sa procédure et au dédommagement envers les parties offensées»;

Jean-Louis Vannay, «à quatre jours de prison, [à] deux louis d'amende, aux dommages envers la par- tie lésée et à tous les frais de sa procédure»; Michel Delseth, à une peine similaire à celle du précé- dent. Ces trois individus ont «assailli dans un cabaret de Vouvry et grièvement maltraité deux parti- culiers de Torgon». (AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 3. 14; ibidem, fasc. 72. 4. 6.)

53 Cf. PUTALLAZ I, pp. 23-24, et dès p. 66.

54 AV, DM, cart. 3, fasc. 4. 6, n° 3; AV, M, vol. 12, pp. 494 et 495: protocoles du CE, 29 juillet et 10 août 1803; ibidem, vol. 13, pp. 68 et 428: protocoles du CE, 29 septembre 1803 et 20 mars 1804.

(17)

en tant que membre du tribunal cantonal? En cette année 1803, son siège de député à la Diète et ses fonctions judiciaires lui suffisent largement. A l'évidence, sa carrière publique, moins tourmentée que sous la République helvétique, lui permet d'atteindre à une sérénité qui ne lui était plus coutumière et qu'il souhaite préserver.

*

Le 5 mai 1805, Michel Dufour est élu grand châtelain par le Conseil du dizain de Monthey et il remplit cette charge, officiellement, jusqu'au 31 mai 180655. Comme l'attestent plusieurs documents, lui-même et ses assesseurs s'occupent de tutelles et de délits divers, jugent des individus qui se sont rendus coupables d'in- jures, de voies de fait, de «batteries», de déprédations; des particuliers qui ont fraudé le fisc, ont fait de la contrebande, exercent quelque industrie sans patente ou qui ont commis le crime de «lubricité», mot concernant la femme qui donne nais- sance à un enfant conçu hors mariage, ainsi que son «complice»56.

A l'époque où Michel Dufour est grand châtelain, nous savons qu'ont notam- ment été condamnés

— pour délit de lubricité: la dénommée Benoîte - ou Bénédicte - Bovard et son «complice» Jean-Claude Vignoud57, Marie-Julienne Meythiaz et Emmanuel Vignoud, tous quatre de Troistorrents, Ursule Meythiaz de Troistorrents et son complice Louis Jugation, alias Carneveizoz, un Italien «sans domicile fixe», tous condamnés à payer une amende de huit francs chacun58;

— pour «contravention au système des finances»: Jacques Dupré à 100 francs, lequel a introduit en Valais, prétendument de façon frauduleuse, sept

55 Le recès de la diète de mai 1806 indique qu'alors Dufour est encore grand châtelain (AV, M, vol. 9, fol. 1/b) et quelques pièces qu'il transmettra à son successeur de Rivaz sont datées de juin

1806 (AV, Rz, cart. 80, fasc. 4). Ce n'est donc qu'après la diète de mai 1806, une fois que de Rivaz a passé le témoin de conseiller d'Etat à Michel Dufour, que celui-ci abandonne sa charge de grand châtelain au profit de celui-là. Mais de Rivaz déclinera son élection, avant de l'accepter en août (ibi- dem, cart. 58, fasc. 10, n° 2: Hyacinthe Vuilloud à de Rivaz, Monthey, 16 sept. 1806, orig.), cédant à des démarches pressantes provenant notamment de personnalités du dizain de Monthey. Nous sup- posons que le lieutenant de l'ex-grand châtelain Dufour a assuré l'intérim (voir tableau, p. 337).

56 AV, Bertrand, P 188, P 193, P 195, P 196, P 200, P 205, P 208, P 209, etc. - Le 30 avril 1806, «le département] de Justice observe au Conseil d'Etat que MM. les grands châtelains des dizains de Monthey [Dufour] et d'Entremont [Gaspard-Etienne Delasoie] ont retenu le tiers en faveur du dénonciateur sur toutes les amendes financières; que S[on] Efxcellence] Sigristen, comme ancien gr[and] châtelain de Conches, ne l'a pas fait.» La façon d'agir des deux premiers étant légale, le CE ne se permet - officiellement en tout cas - aucun commentaire à ce sujet. (AV, M, vol. 18, pp. 374 et 375: protocole du CE, 30 avril 1806.)

57 L'un ou l'autre document indique Emmanuel Vignoud, ce qui est inexact.

58 Naissances: Marie-Thérèse Vignoud, bapt. le 27 nov. 1805, fille illégitime de Jean-Claude et de Benoîte Bovard; Pierre-Emmanuel Vignoud, bapt. le 14 mai 1805, fils illégitime d'Emmanuel et de Marie-Julienne Meythiaz; Jean-Louis Jugation, bapt. le 26 juillet 1805, fils illégitime de Louis et d'Ursule Meythiaz. - Au 15 mars 1806, seuls Jean-Claude et Emmanuel Vignoud ont payé leur amende.

(18)

quintaux d'eau de vie de marc59; André Roch, du Bouveret, à 40 francs; Jean Christin de Saint-Gingolph, à douze francs; Hyacinthe Lange, de Troistorrents, à quatre francs;

— pour «voie de fait légère»: Jean-Claude Chervaz, de Collombey, à quatre francs;

— pour «batterie»: Pierre-Joseph Donnet et Jean-Pierre Donnet de Muraz, à seize francs;

— pour «rixe très grave»: Emmanuel Défago de la commune de Val-d'Illiez, à 40 livres mauriçoises, soit 53 francs, trois batz, deux creutzer, et son frère Joseph à 20 livres mauriçoises60.

Est également condamné Laurent Vettio (ou Vecchio, voire Vescio), de Bognanco, à l'ouest de Domodossola, à propos d'une affaire sur laquelle nous allons nous attarder quelque peu.

Le 5 juin 1805, le président du dizain de Monthey, Pierre-Louis Du Fay, la rapporte au conseiller d'Etat Charles-Emmanuel de Rivaz, en ces termes:

Je ne puis me dispenser de vous rendre compte d'un fâcheux événement qui a eu lieu à S[ain]t-Gingolph lundi passé, 3 du courant: des ouvriers qui travaillent à la route [de Meillerie], que l'on construit sur le territoire de cette commune, ont été, au nombre de quatre à [sic] cinq, aborder un nommé [Jean-Louis] Penel de Vevey qui était dans un pré à quelque distance du village et, après lui avoir cherché querelle, ils le frappèrent à coups de bâton et l'obligèrent à se rendre avec eux jusqu'au village;

59 La «bonne foi» de Dupré sera reconnue par le CE qui affirmera, dès le mois de mai 1806, que ce citoyen «a sollicité la permission de faire entrer cette eau-de-vie avant qu'elle ait été embar- quée à Genève et que le retard à la lui donner venait de ce que nous avons voulu consulter le Conseil de St-Maurice avant que de lui donner cette permission; et, effectivement, ledit Conseil y a donné son assentiment et nous aussi. Le malheur est que l'eau-de-vie est arrivée avant l'expédition de la per- mission.» D'ailleurs, Dupré s'était présenté confiant devant le grand châtelain Dufour, le 29 mars

1806, «et, certain de n'avoir qu'un tort de formalité, s'il en avait réellement un, pour obvier aux frais de procédure, il fit soumission pour l'amende et la valeur de la confiscation, se réservant de recourir en aggraciation auprès du Conseil d'Etat et de la Diète» (AV, M, vol. 27, p. 86: message du CE à la Diète, Sion, mai 1806, minute; AV, DJP I, vol. 123, pp. 259 et 260: message du CE à la Diète, Sion, 12 nov. 1806, orig.; ibidem, cart. 86, fasc. 126. 12, n° 13). Il est piquant de rappeler qu'en nov. 1806 l'ex-grand châtelain Dufour est membre du CE... - Le 18 nov. 1806, Dupré bénéficiera d'une grâce partielle: il n'aura pas à verser les 50 frs d'amende dus à l'Etat et l'eau-de-vie lui sera rendue, mais il aura à payer le solde, soit 25 frs au dénonciateur et 25 frs aux pauvres du Bouveret, lieu où l'eau- de-vie a été saisie. Dupré continuera néanmoins son combat et, en 1808, il passera un accord avec la commune du Bouveret, accord dont nous ignorons la teneur. (AV, T, cart. 11, fasc. 1, n° 40, fol. 12/b:

Etat des amendes et taxes de frais à recouvrer dans le dizain de Monthey [...], un cahier, 18 fol. dont cinq vierges, Monthey, 23 déc. 1808, signé par Ch.-Emm. de Rivaz, orig.)

60 Emmanuel Défago, qui fera recours au Tribunal suprême en vain, devra payer les frais sup- plémentaires causés par son appel. Lui et son frère Joseph paieront un premier acompte sur leurs amendes, leur oncle Innocent se portant garant pour eux; nous ignorons si, finalement, ils se sont entièrement acquittés de leurs dettes envers l'Etat. (AV, T, cart. 11, fasc. 1, n° 26: amendes pronon- cées par le tribunal du dizain de Monthey, 15 mars 1805 - 15 mars 1806, Dufour, Monthey, 21 mars

1806, 2 fol., orig.; AV, Rz, cart. 58, fasc. 16, n° 11/2: Extrait des comptes rendus [...], depuis l'indé- pendance jusqu'au 15 mars 1807 inclus, des amendes prononcées ou encourues, 8 p., orig. ou copie.

Voir aussi AV, T, cart. 11, fasc. 1, n° 28: état des amendes, 15 mars 1806 - 15 sept, suivant, 2 fol.

dont le premier, seul, est utilisé; AV, M, thèque 70, reg. 1, fol. 2-5; ibidem, cart. 78, fasc. 4, n° 9 bis, pp. 2-7.)

(19)

chemin faisant, ils ne cessèrent pas de le frapper et, arrivés à S[ain]t-Gingolph, ils redoublèrent leurs coups de manière que ce particulier, croyant sa vie en danger, trouve moyen de se dégager de leurs mains et se réfugia dans la maison du châtelain du lieu [Maurice Derivaz] où les ouvriers le suivirent. Les gens de la maison barri- cadèrent la porte de la chambre où il était entré, mais inutilement; un des ouvriers [Laurent Vettio] y pénétra par la fenêtre, tira l'épée, empoigna cet individu en lui disant qu'il voulait l'aller égorger dans la rue et le conduisait déjà dehors, apparem- ment pour accomplir son dessein, lorsqu'il survint nombre de personnes qui sont accourues au secours et qui saisirent le coupable qui fut mis en arrestation dans une maison voisine d'où, s'étant échappé, il se rendit incontinent au port où venaient d'arriver deux bateaux sur lesquels se trouvaient un grand nombre d'ouvriers, ses camarades61, auxquels [sic], après avoir raconté ce qui s'était passé, il les engagea d'aller mettre le feu aux quatre coins du village. Le propos, ayant été entendu, fut aussitôt rapporté; l'alarme devint alors générale, toute la commune fut réunie en un instant, chacun s'arma de fusils, d'épées, de fourches et de bâtons, et on se porta vers la réunion d'ouvriers parmi lesquels on saisit le coupable et on l'a conduit, sous escorte et tout ensanglanté, dans les prisons de ce dizain. M. le grand châtelain [Dufour], instruit de cet événement, s'est transporté à S[ain]t-Gingolph pour y rece- voir les plaintes, [les] rapports et tous les autres renseignements nécessaires pour l'instruction de la procédure du détenu. C'est de lui [que]62 je tiens le détail que j'ai l'honneur de vous faire de tout ce qui s'est passé.

Et Du Fay de craindre «des réclamations de la part des entrepreneurs» fran- çais, raison pour laquelle il s'empresse de communiquer cette nouvelle au gouver- nement «afin que le Conseil d'Etat pût prendre sur cette affaire telles détermina- tions qu'il jugera convenables»63.

Et voilà que le résident français Joseph Eschassériaux écrit le 7 juin 1805:

Je viens de recevoir dans ce moment un procès-verbal et une lettre du conseiller d'Etat [Emmanuel] Cretet relatifs à un mouvement insurrectionnel des habitants de S[ain]t-Gingolph contre les ouvriers qui travaillent à cette route. Il est nécessaire que nous concertions à cet égard des mesures promptes pour réprimer les auteurs de cette émeute et prévenir de pareils désordres à l'avenir.64

Le 7 juin 1805 encore, le gouvernement valaisan nomme un commissaire en la personne du lieutenant-colonel Augustin de Riedmatten, chargé de faire la lumière sur cette affaire, et lui recommande, «particulièrement» précise-t-il,

«de se conduire dans cette occasion délicate de manière que ni les agents français ni le gouvernement ne puissent [...] se plaindre de partialité, encore moins de déni de justice, les ingénieurs français s'étant déjà plaints officiellement contre la partialité des autorités locales»65.

61 Ces ouvriers, de retour d'une balade du côté de Vevey, étaient Italiens en majorité. Se trou- vaient avec eux quelques «Allemands», autrement dit des Suisses allemands.

62 Pour l'expression fautive «de qui».

63 AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 4. 3, n° 5: Du Fay à de Rivaz, Monthey, 5 juin 1805, orig.

64 Ibidem, n° 11: Eschassériaux au grand bailli Augustini, Sion, 18 prairial an XIII (7 juin 1805), orig.

65 AV, M, vol. 15, pp. 484, 485 et 487: protocole du CE, 7 juin 1805.

(20)

Très rapidement, il s'avère que la lettre du président Pierre-Louis Du Fay, du 5 juin 1805, est proche de la réalité et c'est pourquoi le grand châtelain Michel Dufour poursuit Laurent Vettio considéré comme l'auteur principal des troubles.

La «Commission au criminel du tribunal du dizain de Monthey», dans la- quelle siègent Michel Dufour, l'assesseur François Cornut et l'assesseur suppléant Pierre-Louis Du Fay, se réunit au château de Saint-Gingolph les 10 et 11 juin 1805 et entend quinze témoins. Le 14, devant la Commission, cette fois composée de Michel Dufour, des assesseurs Pierre-Marie de Lavallaz et Hyacinthe Darbellay, et réunie au château de Monthey, comparaît Laurent Vettio, âgé de quelque 30 ans, qualifié de «chef d'atelier» des ouvriers: avec grande honnêteté, il affirme que, le lundi de Pentecôte, soit le 3 juin, il a beaucoup bu, qu'il ne se souvient pas des faits qui lui sont reprochés, qu'«il serait bien possible que ce dont on l'accuse fût vrai puisque les témoins le déclarent», «qu'il n'a rien à dire sauf que, s'il n'avait pas eu bu, il ne se serait pas porté à de semblables désordres, qu'il ne croit pas qu'aucun individu de la commune [de Saint-Gingolph] ait eu jusqu'alors à se plaindre de lui et qu'il est prêt à subir la peine que la justice lui infligera»66.

Le 28 juin 1805, tandis qu'Eschassériaux reconnaît que «l'affaire de S[ain]t- Gingolph» a été causée «par une rixe particulière» et affirme qu'il fait confiance aux autorités valaisannes pour «en réprimer les auteurs», le tribunal du dizain de Monthey condamne Laurent Vettio «à quatre mois de détention dans la maison de correction, à la réparation des dommages qu'il a occasionnés et aux frais» de la procédure, jugement que l'ouvrier italien accepte67. Vettio n'ayant «aucun avoir connu», les frais de justice qui se montent à 234 francs huit batz et trois creutzer sont mis «à la charge de l'Etat» valaisan68 et, quant aux dommages commis, nous pouvons raisonnablement supposer qu'ils auront dû être supportés par les per- sonnes lésées elles-mêmes.

L'affaire Vettio montre un Michel Dufour déterminé à remplir les devoirs de sa charge dans un contexte politique difficile au début du moins, ce qui est tout à son honneur.

Quant au Vaudois Ferdinand Emery, il nous permet de constater que le grand châtelain montheysan se préoccupe d'économiser les deniers publics. Cet individu, ouvrier engagé par Pierre-Maurice Rey-Bellet de Val-d'Illiez, après avoir dérobé à son maître un manteau, deux gilets, deux chemises, un pain de seigle, du fromage, du sérac et un jambon, «le tout pouvant être évalué au plus à trois louis», est arrêté et une instruction menée contre lui. Le 22 décembre 1805,

66 AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 4. 3, n° 1: procédure contre Vettio, Monthey, 16 juin 1805, copie. - On y apprend que Penel, boulanger, est «préposé pour la fourniture des vivres - pains - pour les troupes françaises en Valais».

6* AV, DJP I, cart. 53, fasc. 72. 4. 3, n° 13: Eschassériaux à Augustini, Sion, 8 messidor an XIII (28 juin 1805), orig.; ibidem n° 17: Dufour à Ch.-Emm. de Rivaz, Monthey, 29 juin 1805, orig.

68 Ibidem, n° 19: taxes de frais concernant la procédure contre Vettio, 2 fol., Monthey, 6 juillet 1805, orig. signé par le grand châtelain Dufour et par le greffier Hyacinthe Darbellay. - Laurent Vettio, entré dans la maison de force le 4 juillet 1805, en ressortira le 28 octobre, compte tenu du temps passé dans les prisons du dizain de Monthey.

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