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Le dernier meunier de Salvan

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L'abondance des chutes de neige pendant l'hiver 1965-66 devait causer bien des avalanches. H y en eut une de neige molle partie de la région de la cave à fromage de Singline. Elle a balayé la pente jusqu'à la Navisence, accumulant une couche de neige de cinq à six mètres.

(De plus une avalanche poudreuse s'est détachée du flanc nord de la Garde de Bordon, elle a balayé la pente jusqu'à la Navisence, remon- tant sur la rive droite jusqu'au chalet de l'AIpina, sans lui faire de mal.

Les cuisines et les dortoirs des pâtres ainsi que la cave à fromage n'ont pas souffert parce que des amas de pierres avaient été disposés en amont jusqu'à la hauteur des toits. De même les granges-écuries placées en contre-bas sur le talus de la Navisence. De jeunes mélèzes et des aroles ont été déracinés. C'était une réplique de l'avalanche de 1911, un peu moins forte.

LE DERNIER MEUNIER DE SALVAN

par Clara Durgnat-Junod f

Autrefois il n'y avait pas moins de six moulins entre Bougnon1 et la forêt des Crosses. Us s'échelonnaient sur la meunière2 jusqu'au rocher qui plonge dans les gorges du Trient où l'eau tombe en cascatelles dans le torrent.

L'automne venu, les paysans, leur sac de grain de froment ou de seigle sur le paillet3 portaient moudre au moulin des «Meunières».

François, le meunier le leur rendait en farine grise. Quand il n'y avait plus rien à moudre, c'était le temps de presser les poires et les pommes pour faire le cidre.

C'est bien dommage; avec les années ces coutumes s'en sont allées.

Les pauvres meuniers n'ont pu que fermer leur porte et chercher ail- leurs du travail: les uns à la campagne, les autres sont devenus cordon- nier, boucher, forgeron ou charretier. François, lui retournait à 6es planches d'où glissaient des copeaux blonds qui cachaient ses pieds

1 Quartier sud-ouest de Sah an.

* Canal.

3 Petit sa« rempli de paille que les sulvamins posent sur lies épaules et qu'ils nouent sur le front. Celui-ci sert à porter de lourdes charges: foin, fumier, pommée die terre, graine etc.

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comme dans un nid. H avait beau charpenter, l'ennui de son moulin le tenait et, au crépuscule, lanterne en main il partait y faire un tour pour voir si tout était en ordre. Ses yeux clairs comme ceux des petits enfants regardaient partout: l'arbre, la roue, ila meule de dessus, celle de dessous, l'entonnoir, le tamis, le couloir, l'arche et même la petite pelle pour brasser la farine. Ses mains caressaient la pierre grossière de la meule encore en bon état. Souvent le meunier soupirait ou parfait tout seul à ces choses qu'il aimait en secret. Ne les avait-il pas vues vivre à ses côtés? Son cœur pleurait de ne plus les entendre chanter. Lui qui, jeune homme, sifflait devant l'ouvrage ne pouvait plus se réjouir depuis que son moulin s'était endormi. Il pensait: mon moulin est encore entier et pourtant il va tomber en poussière tout comme moi. Attristé il remontait à la maison. Ses braves enfants, s'il les aimait? pour sûr, mais comment aurait-il oublié son moulin?

Un jour, un artiste arriva au village. Les objets des ancêtres firent son admiration. Alors, avec insistance il vint frapper à la porte du père François pour lui demander d'acheter son moulin.

— Moi, vendre mon moulin?... et pourquoi?

—• Ce coin me plait, j ' y serais tranquille, loin du bruit, parmi l'herbe et les fleurs, à l'ombre des grands arbres où le lièvre se régale en brou- tant sans avoir peur de se faire tirer par les chasseurs. Pour moi ce serait le paradis sur la terre...

François écoutait l'artiste lui révéler ce qu'il avait toujours senti sans pouvoir l'exprimer. L'autre le regardait. Dans les yeux si clairs du meunier, après avoir découvert un rayon de lumière céleste, il vit autre chose qui lui fit mal: une larme.

— Non, non, répondit François d'une voix tremblante, cela je ne le puis pas... Moi, vendre mon moulin? ce n'est pas possible, j'en ai besoin;

c'est aussi mon paradis sur terre. Moi et lui nous ne faisons qu'un. Quand je mourrai, lui aussi mourra. Jusqu'à la fin nous resterons ensemble.

Cela dit, le meunier senti son cœur soulagé. Du seuil de la porte, il cria à l'homme:

•— Vous pouvez prendre mon moulin en peinture: pas besoin d'argent pour ça. Ainsi il sera aussi vôtre.

Maintenant le brave François est mort. L'artiste a peint le moulin sur toutes ses faces, mais il voit bien que le pauvre s'ennuie car la roue est tombée; déjà quelques pierres du mur ont roulé dans la meunière.

François, le bon meunier avait raison: tout doucement le moulin se meurt.

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