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Une pourriture bactérienne sur graminée fourragère tropicale
M. Bereau, R. Samson
To cite this version:
M. Bereau, R. Samson. Une pourriture bactérienne sur graminée fourragère tropicale. Agronomie, EDP Sciences, 1981, 1 (4), pp.273-276. �hal-02719819�
NOTE
Une
pourriture
bactérienne surgraminée fourragère tropicale
Moïse BEREAU Régine SAMSON (
*
) LN.R.A., Station de recherches agricoles de Cayenne, Centre de Recherches Antilles-Guyane, B.P. 739, 97300 Cayenne.
(!*) I.K.R.A., Station de Pathologie végétale et Phytobactériologie, Centre de Recherches d’Angers, route de St Clément Beaucouzé, 49000 Angers.
RÉSUMÉ
Erwinia chrysanthemi, Brachiaria ruziziensis.
Une pourriture de Brachiaria ruziziensis sur sol podzolique est apparue en mai 1978 en Guyane française. Une bactérie pectinolytique appartenant à l’espèce Erwinia chrysanthemi a été isolée ; les biotypes et sérotypes
ont été comparés à ceux d’autres souches d’E. chrysanthemi.
SUMMARY
Erwinia chrysanthemi, Brachiaria ruziziensis,
Fodder.
A bacterial rot of Brachiaria ruziziensis caused by Erwinia chrysanthemi
A rot of Brachiaria ruziziensis Germain & Everard caused by a pectinolytic bacterium of the genus Erwinia
was noted in French Guyana. Biochemical characters, serological tests and pathogenicity lead to the
identification of Erwinia chrysanthemi biovar 3.
INTRODUCTION
Au cours de l’étude du comportement d’espèces fourragè-
res dans les diverses situations écologiques de la Guyane française, un dépérissement de Brachiaria ruziziensis Ger- main & Everard, de nom vernaculaire, « Congo grass »
(H
AVARD& DUCLOS, 1967) a été observé sur sol podzolique (savane de sinnamary), au cours de la saison des pluies (mai-juin 1978).
Les tiges commencent à pourrir au contact du sol et s’aplatissent ; cette pourriture molle gagne la partie aérienne
de la plante et provoque un jaunissement puis un dessèche-
ment de toutes les feuilles.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Les isolements sont réalisés sur L.P.G.A. (Yeast extract 0,5 p. 100, Bactopeptone Difco 0,5 p. 100 ; Glucose 1 p.
100 ; Agar 2 p. 100 ; pH 7,0) à partir de fragments de tiges.
Le pouvoir pathogène est contrôlé sur Brachiaria ruzi- ziensis et d’autres graminées (B. decumbens, B. sp. Tanner)
en introduisant les bactéries par piqûre dans la tige.
Les bactéries isolées de B. ruziziensis et déposées à la
collection I.N.R.A.-C.N.B.P. (Angers, France) sous les
n’! 1884, 1885, 1886 et 1887, sont comparées à des souches de référence : E. chrysanthemi pv dianthiccla (DICKEY, 1979) 1200/(--- NCPPB 453) isolé d’oeillet par LELLIOT’r en
Grande-Bretagne et E II 443 isolé de dahlia par SAMSONen
France ; E. chrysanthemi pv dieffenbachiae (YoUNG et al., 1978) 1237 (= NCPPB 1514) isolé de Dieffenbachia picta par B
ORTELS en République Fédérale Allemande, E. chrysan- themi pv zeae (YOUNG et al., 1978) 1522 isolé de Zea mays par VICTORIA en Colombie, 1536 isolé de graminée en Australie, enfin 1886, isolé d’ananas par LiM, en Malaisie.
Les caractères morphologiques et biochimiques sont étudiés selon les techniques classiques : mobilité en milieu mannitol-mobilité, ciliature par la technique de RHODES, pouvoir fermentaire en milieu de HUGH & LEIFSON, crois-
sance à 37 °C, liquéfaction du pectate en milieu de SUTTON modifié par BONNET (1973), utilisation de carbohydrates en
milieu d’AYERS et al., (1919), production d’indole à partir de tryptophane, recherche d’activité phosphatasique sur du
phosphate de phénolphtaléine, de substances réductrices produites à partir de saccharose (GRAHAM, 1972), recherche
de pectine méthyl estérase (P.M.E.) selon BONNET &
V
ENARD(1975), dégradation de l’arginine (MOELLER, 1955), activité nécrotique par infiltration dans le parenchyme
foliaire de tabac. Les microtests pour Enterobacteriaceae
sur système API 50 E ont été ensemencés avec un milieu de base contenant de l’extrait de levure.
Les caractères sérologiques sont étudiés selon SAMSON
(1973) : agglutination des bactéries par des sérums obtenus
avec des E. chrysanthemi tués à la chaleur (100 °C, 2 h), 4 sérums correspondant à 4 séro-groupes différents sont
Utilisés (SAMSON & NASSAN-AGHA, 1978).
RÉSULTATS
1. Identification de l’agent pathogène
Les souches isolées ont les caractères suivants : Gram-, cils péritriches, fermentatifs, acidifiant et liquéfiant le polypectate, n’hydrolysant pas l’amidon. Ces germes sont lactose + tardif, malonate +, indole +, phosphatase +, croissant à 37 °C, ne forment pas de substances réductrices à partir du saccharose, sont a méthyl glucoside -, ont une
P.M.E. (tabl. 1).
Ces caractères conduisent à l’espèce Erwinia chrysan-
themi (LELLIOTT, 1974). On peut déjà remarquer que les bactéries isolées de fourrage en Guyane diffèrent de la souche 1536 isolée d’une graminée en Australie par le
caractère malonate ; elles s’écartent également des
E. chrysanthemi isolés d’oeillet, de dahlia et de Dieffenba-
chia par le caractère lactose.
Les microtests API 50 E réalisés avec les bactéries provenant de B. ruziziensis ont donné des résultats positifs
sur : glycérol, d(-) arabinose, L(+) arabinose, ribose, d(+) xylose, galactose, d(+) glucose, d(-) lévulose, d(+) man-
nose, rhamnose, mannitol, N acétyl glucosamine, arbutine, esculine, salicine, d(+) mélibiose, saccharose, pectate. Les
tests suivants sont négatifs : érythritol, 1(-) xylose, adoni- tol, méthyl-xyloside, 1(-) sorbose, dulcitol, sorbitol, méthyl-d-mannoside, méthyl-d-glucoside, amygdaline, d(+) cellobiose, maltose, lactose, d(-) tréhalose, inuline, d(+) mélézitose, dextrine, amylose, amidon, glycogène,
rouge de méthyle, Dnase, mucate, gluconate, lipase, tétra- thionate réductase, citrate de Christensen, acétate. Méso- inositol et d(+) raffinose sont positifs parfois faibles.
Malonate est plutôt négatif mais parfois positif faible.
Ces tests révèlent de nouvelles différences entre les bactéries isolées en Guyane et celle isolée en Australie : en
particulier d(+) mélibiose, d(+) raffinose et rouge de
méthyle. De plus, le caractère d(-) arabinose positif les distingue des E. chrysanthemi isolés d’oeillet et de dahlia.
Ces caractères figurent parmi ceux retenus par SAMSON &
NASSA N
-AGHA (1978) pour l’établissement de biovars chez E. chrysanthemi. Le tableau 2 montre que nos bactéries appartiennent au biovar 3, de même que 1522 du pathovar
zeae et 1889 isolé d’ananas.
2. Pouvoir pathogène, gamme d’hôtes et nature du sol Les cultures isolées de fragments de tiges ont provoqué
sur tiges de Brachiaria ruziziensis des pourritures identiques à celles survenues en conditions naturelles.
Dans le même essai, dans des parcelles où les conditions culturales sont identiques, 2 autres Brachiaria, B. decum- bens Stapf et B. sp. Tanner (variété de B. mutica (Forsk.) Stapf) sont restés indemnes, de même que 2 autres espèces fourragères : Digitaria swazilandensis Stent et Pennisetum purpureum Schumach.
Sur sols ferralitiques, avec les mêmes espèces fourragè-
res, il n’y a pas eu d’attaque bactérienne.
Quel que soit le traitement (sans engrais et 150 unités de N, P, K ha/an), les parcelles de Brachiaria ruziziensis sur
podzol, ont disparu momentanément de mai à juin 1978. Dès
le début de juillet, les premières repousses vertes ont
apparu, le système racinaire n’ayant pas été atteint ; pen- dant une année le fourrage a gardé un aspect rabougri, son port érigé n’étant retrouvé qu’en juillet 1979.
3. Caractères sérologiques
Les souches 1200, E II 443 et 1237 sont agglutinées par un sérum anti-E. chrysanthemi pv dianthicola, confirmant leur appartenance au sérogroupe 1. Les bactéries isolées de B.
ruziziensis n’appartiennent par contre à aucun groupe séro-
logique défini par SAMSON& NASSAN-AGHA(1978) ; elles se comportent ainsi comme les bactéries pathogènes du maïs.
DISCUSSION - CONCLUSION
Par leurs caractères morphologiques et biochimiques, les
germes isolés en Guyane de Brachiaria ruziziensis appar- tiennent bien à l’espèce Erwinia chrysanthemi. Ces germes diffèrent notablement de la souche isolée en Australie d’une Graminée non identifiée (probablement une herbe adventice
de canne à sucre, KE1,MAN, comm. pers.). Ils semblent plus proches par leur biovar des bactéries pathogènes de maïs-et
d’ananas que des pathovars dianthicola et dieffenbachiae.
Cependant, leur pouvoir pathogène n’ayant pas été étudié
sur maïs, on ne peut les inclure dans le pathovar zeae : ces bactéries seront donc seulement classées sous le vocable E.
chrysanthemi biovar 3.
C’est en 1954 que de telles bactéries sont signalées pathogènes pour la première fois sur Graminaceae : maïs
(SABET). En 1960, DOWSON & HAYWARD décrivent la bactérie provoquant le « mottle » de la canne à sucre, germe maintenant rattaché à E. chrysanthemi. Enfin GOTO (1979) isole un E. chrysanthemi d’une maladie du riz, bactérie qu’il
classe comme appartenant au même biovar que les souches maïs, bien qu’elle s’en distingue par le test malonate négatif.
Il est probable que le biovar 3 d’E. chrysanthemi est
lui-même fort diversifié étant donné le nombre de
plantes hôtes possibles et leur appartenance à des genres situés dans des familles très variées (Graminaceae, Compo- sitaceae).
En plein champ ou en inoculation artificielle, il faut noter
la grande spécificité de ces souches bactériennes, spécificité
liée à la plante hôte et au type de sol.
Il semble que des conditions climatiques favorables ont
permis une attaque de B. ruziziensis par des germes menant
probablement une vie saprophytique dans ces sols pauvres.
La pluviométrie qui était, en 1978, de 219,2 mm en avril et 330,8 mm en mai est passée à 167,8 en juin et 107,7 mm en juillet ; la moyenne des températures, de 27 °C en avril, oscille entre 30 et 32 °C les mois suivants.
En 1979, la maladie n’a pas réapparu dans la même
culture.
Bien que B. ruziziensis soit une graminée intéressante à faire pâturer, aucune méthode de lutte (préventive ou curative) ne peut être appliquée dans le cas d’attaque par cet Erwinia.
Reçu le 4 septembre 1980.
Accepté le 13 janvier 1981.
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