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Histoire géographie :
Construire les acteurs du “ vivre ensemble dans une société démocratique ”
La IIIème république avait assigné un rôle essentiel à l’enseignement de l’histoire et de la géographie : fonder à la fois l’identité nationale et l’identité républicaine. Cet enseignement fut ainsi-et est toujours - une des très rares disciplines à avoir été enseignée à absolument tous les élèves à tous les niveaux.
En quoi ces disciplines sont-elles toujours fondatrices d’une culture partagée ? Elles assument des fonctions fondamentales :
-L’élaboration d’une identité individuelle, qui implique le repérage dans le territoire et la temporalité, dès la prime enfance, avec une progressive complexification de ces cadres, et la construction d’une capacité à situer l’autre et l’ailleurs dans des références, des constructions sociales. C’est la maîtrise de ces compétences qui permet d’unifier une personnalité qui a multiplié ses expériences, mais a en même temps besoin d’une continuité psychique, celle que donne la mémoire.
-La construction d’une identité partagée avec d’autres, de manière à construire une co- appartenance et un dialogue entre générations, dans un temps et un espace social et politique commun.
-La capacité intellectuelle à sortir de son identité individuelle, à mettre à distance sa mémoire, son territoire de vie, son expérience individuelle, pour comprendre, interroger, sortir du patrimonial et mémorial, du local, pour accéder à la compréhension. C’est la base d’une identité démocratique qui sort des différents groupes d’appartenance, qui remplace la mémorisation des repères par la compréhension du sens, le patrimoine par l’interrogation : l’esprit critique.
-L’inscription des jeunes dans la construction d’un avenir commun. Cet avenir, ce seront eux qui le construiront, à nous de leur donner les outils, les compétences d’acteurs efficaces, capables de prendre des décisions à bon escient, en prenant en compte la complexité des systèmes et les multiples échelles, en pesant les enjeux et les conséquences de leurs choix, dans l’aménagement de l’espace comme dans l’élaboration d’une société politique.
La différentiation croissante des publics d’élèves, des destins nationaux, les changements dans le rapport au travail, le rapport différent au temps de notre société, qui vit dans le présent mais est aussi submergée par les rappels de mémoire, modifient en profondeur la construction d’une identité collective, d’autant plus que les repères spatiaux de cette identité se brouillent : dimension européenne, mais aussi mondiale. On ne peut pas se contenter de former un citoyen hexagonal à l’heure où les enjeux sont de plus en plus mondiaux.
Nos programmes doivent donc changer en profondeur :
-Il faut mettre l’accent sur les moments où les sociétés se sont mises en demeure de construire des projets communs, en étudiant avec quels enjeux, choix, acteurs elles l’ont fait. Parler des
“ impensés ” de l’histoire, des utopies inabouties mais qui cheminent souterrainement nous semble essentiel. Ce projet d’un futur commun doit prendre en compte les différentes cultures de ceux qui vivent en France et qui ont décidé que leur futur serait dans ce pays-là.
-Il faut prendre en compte l’expérience de chacun, en lui donnant une égale valeur. Non pas en enfermant chacun des élèves dans son ghetto social et ethnique, mais au contraire en mettant en valeur ce que chacun apporte à tous : c’est la définition d’une culture partagée.
Cela veut dire, en France, construire une histoire scolaire désaliénée, libérée de l’ostracisme dans lequel sont tenues les cultures populaires, libérée en particulier de notre propre histoire
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coloniale. Il est essentiel de mettre l’accent sur les rencontres, sur notre passé commun., sur l’expérience de l’exil, de l’émigration, du métissage –tant à travers le temps que l’espace : cela permettra à nos élèves de comprendre les expériences des autres et la leur, en mettant l’accent sur ce qui rassemble, et de sortir de la victimisation par laquelle chacun semble construire actuellement son identité.
-Il faut en même temps historiciser et spatialiser les références structurantes, religieuses, ethniques, sociales, culturelles, tout en les respectant. C’est d’autant plus nécessaire que s’adresser à un élève comme faisant partie d’un groupe permanent et éternel, alors que l’évolution de la société et du monde du travail met l’accent sur l’individu, condamne à une impossibilité de se situer dans le nouveau jeu social et professionnel.
-Il faut prendre en compte les acquis de la géographie actuelle, qui met l’accent sur la manière dont les sociétés aménagent l’espace : quels enjeux ? quelles interventions du citoyen, de l’habitant ? Cette génération va devoir prendre des décisions à l’échelle de la planète, mais aussi dans son environnement immédiat, en dépassant les intérêts particuliers pour prendre en compte l’intérêt général. La géographie est un enseignement qui va devenir ainsi essentiel pour créer les bases d’une culture partagée d’une génération capable de gérer les grandes questions de l’aménagement de l’espace et de l’environnement.
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Nous sommes ainsi loin de la succession de commémorations et de dates, de la description utilitaire auxquelles un “ socle commun ” réduirait l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Nous revendiquons une culture historique et géographique pour tous les jeunes.
SNES – secteur contenus – groupe histoire géographie Dominique Comelli
Hélène Latger Printemps 2005
