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Submitted on 16 May 2017

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Geste

Benoît Barut

To cite this version:

Benoît Barut. Geste. Jeanyves Guérin (dir.). Dictionnaire Eugène Ionesco, Honoré Champion,

pp.257-258, 2012, 978-2-7453-2379-8. �hal-01523280�

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Geste

Benoît BARUT (Polen EA4710 – Cepoc)

(Notice du

Dictionnaire Eugène Ionesco, Jeanyves Guérin (dir.), Paris, Honoré

Champion, coll. « Dictionnaires et références », 2012, p. 257-258.)

[257] La parole constitue le fondement dramaturgique de la quasi-totalité du théâtre occidental. En conséquence, le geste n’a le plus souvent existé que dans une relation de dépendance par rapport à l’acte de locution qu’il accompagne (pour l’appuyer ou bien le contredire créant ainsi un contraste comique) voire qu’il complète. Si Ionesco utilise évidemment de ces gestes ainsi subordonnés, il est loin de s’en contenter. « La parole est continuée par le geste, le jeu, la pantomime, qui, au moment où la parole devient insuffisante, se substituent à elle », proclame-t-il dans Notes et contre-notes. Le geste s’érige en langage plein et autonome dans la lignée d’un théâtre qui se veut concret et affranchi d’une dramaturgie logocentrique. Sans aller jusqu’au mimodrame, certaines pièces de Ionesco sont très largement fondées sur la gestuelle. Le Maître se compose essentiellement de mouvements et de cris. Après une première partie très verbale, Le Nouveau Locataire tend également vers une dramaturgie où gestes et objets priment. L’occupation maximale de la scène, son investissement par des déplacements nombreux et des gestes foisonnants nécessitent un réglage précis. Dans Les Chaises, les trajets de la Vieille sont ainsi minutieusement indiqués dans les didascalies au point qu’on est tenté de parler de théâtre chorégraphique. L’œuvre de Ionesco témoigne d’une « tension vers la danse » (Y. Hoffert) – Le Jeune Homme à marier et Apprendre à marcher sont ainsi des livrets de ballet – et l’auteur recourt aussi volontiers au mime. La gestuelle doit – au même titre que le décor, les lumières, les sons… – sortir du naturalisme et du décoratif. Elle doit se styliser pour devenir un outil signifiant : « Avec des chœurs parlés et un mime central […] on arriverait, par des gestes exemplaires, quelques paroles et des mouvements purs, à exprimer le conflit pur, le drame pur, dans sa vérité essentielle, l’état existentiel même, son auto-déchirement et les déchirements perpétuels » (Notes et contre-notes).

Du point de vue de la grammaire des gestes, Ionesco se caractérise d’abord par un retour du corps de manière violente et sexualisée dépassant largement l’héritage farcesque.

Les mots d’ordre sont « revenir à l’insoutenable » et « faire un théâtre de violence » (Notes et contre-notes). A cet égard, le coup de couteau orgasmique du Professeur de La Leçon, les gestes de « vieille putain » de Sémiramis (Les Chaises), Adélaïde se fendant le crâne avec un couteau (La Soif et la Faim) sont autant de gestes paroxystiques faisant éclater toute convention. Les gestes de salon, trop policés, sont remplacés par des gestes énormes – voir la

« ronde molle » qui clôt Jacques ou la soumission sous-titrée « comédie naturaliste » – car

« la vérité [258] est dans une sorte de névrose » comme le dit le piéton de l’air. De là, un

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second critère définitoire : plus souvent qu’à son tour, le geste sort de la perspective réaliste et crée l’insolite. C’est l’ascension puis la descente de Choubert ou bien l’envol d’Amédée.

C’est aussi le jeu avec l’invisible : gestes fondés sur des accessoires inexistants dans La Leçon ou dirigés vers des personnages invisibles dans Les Chaises. Ces gestes flottant dans une atmosphère onirique et ludique sont en même temps chargés de créer à eux seuls la situation dramatique. L’insolite repose aussi sur une rupture du code gestuel commun. Les mouvements et attitudes deviennent ambigus. M

me

Smith, par exemple, « montre ses dents » (La Cantatrice chauve) et non « les dents », expression plus clairement animalisante mais aussi plus attendue. Les gestes bousculent le code. Ils font fi également de toute graduation.

Mme Smith supplie de manière outrée le Pompier de raconter une nouvelle anecdote : elle

« tombe à ses genoux, en sanglotant, ou ne le fait pas » (ibid.). L’équivalence posée entre le jeu hyperbolique et l’absence de geste prouve qu’il est vain de compter sur une échelle rationnelle. Les gestes et les poses sont littéralement extravagants, souvent dépourvus de motivations logiques telles les traversées de la scène sans rime ni raison dans Le Maître voire Macbett. Parfois ils sont tout simplement inappropriés et signent alors l’altération ontologique des personnages : « Il la menace après s’être ébroué comme un caniche ; mais "vraiment"

comme un caniche » (Le Tableau). En dernière instance, l’accélération est une des modalités les plus représentatives de la gestualité ionescienne. La scène de thaumaturgie dans Macbett, celle du va-et-vient de la Concierge avec son plateau dans Ce Formidable Bordel !, celle de Madeleine apportant les tasses dans Victimes du devoir… sont fondées sur une répétition des mouvements avec augmentation de la cadence. Au final, l’effet produit est celui d’une mécanisation : « le Premier Agent répète les ordres de la même manière, en tournant la tête, à droite, à gauche, etc., comme une marionnette » (Tueur sans gages). Outre sa capacité à détacher le théâtre d’une dramaturgie purement verbale et à ouvrir sur d’autres dimensions esthétiques (onirisme, insolite) voire d’autres arts (danse, pantomime), le geste est le meilleur révélateur de l’obsession ionescienne de l’accélération en même temps qu’un des instruments privilégiés pour représenter l’homme comme un pantin métaphysique ou un vide ontologique.

Bibliographie

Paul V ERNOIS , La Dynamique théâtrale d’Eugène Ionesco, Klincksieck, coll. « Théâtre d’aujourd’hui », 1988, p. 189-205.

Yannick H OFFERT , « De la dimension chorégraphique du théâtre de Ionesco », in Marie-

France Ionesco et Norbert Dodille (dir.), Lire, jouer Ionesco. Colloque de Cerisy, Les

Solitaires Intempestifs, 2010, p. 271-292.

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