UNIVERSITE TOULOUSE III PAUL SABATIER FACULTE DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES
ANNEE : 2016 THESE 2016 TOU3 2095
THESE
POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE
Présentée et soutenue publiquement par
CALVET Charlotte
TRICHINELLOSE ET VIRULENCE PARASITAIRE
Lundi 5 décembre 2016
Directeur de thèse : COSTE Agnès
JURY
Président : COSTE Agnès 1er assesseur : KARADJIAN Grégory
2ème assesseur : AUTHIER Hélène
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- 2 -
- 3 - Remerciements
Aux membres du jury,
A ma directrice de thèse et présidente du jury, Madame A. Coste, je vous remercie d’avoir accepté d’encadrer ma thèse d’exercice et pour vos conseils.
A Monsieur Grégory Karadjian, merci d’avoir accepté de participer à mon jury de thèse. Je ne saurai te remercier assez pour ton encadrement, tes conseils et ton implication lors de mon stage de M2. Merci de m’avoir aidée à trouver ma voie.
A Madame H. Authier, merci d’avoir accepté d’évaluer mon travail.
A l’ANSES et à l’équipe PARALIM,
A Isabelle, Sylvain, les Aurélies, Mohammed, Tamara, Vitomir, Myriam, Dany et tous les autres, merci pour ces 6 mois de stage en votre compagnie, et ces belles rencontres.
Aux autres stagiaires : Maëllys, Nicolas et Véronique, qui ont participé à la bonne ambiance pendant ce stage. Je vous souhaite bonne continuation.
Aux gens formidables que j’ai rencontrés en stage de 5
eannée, Zoubeir, merci de m’avoir formé, de ta confiance et pour ton soutien.
Au MEDES, Marie-Claude, Marie-Pierre, Pascale, Véronique, Patrick, Audrey, François, et Laurent, à ces 4 mois passés avec vous, merci pour votre aide et vos conseils.
A mes grands-parents et ma famille,
A Guy et Josette, pour tous les moments passés avec vous à Cazères et en Espagne, à jouer aux cartes et à discuter.
A Janine, tu n’es plus là mais je sais que tu aurais été fière d’avoir une pharmacienne dans la famille.
A François, tu nous as quittés trop tôt, je pense à tous les bons moments passés avec toi, ceux à Font-Romeu et tous les autres, lorsque tu m’aidais à réviser le BAC de Français.
J’aurais tant aimé que cela continue.
- 4 -
A Déborah, en souvenir des 3 années à Auzeville, de notre colloc et notre année commune à Paris, tu es superbe, reste comme tu es.
A tous les membres de ma famille, mes cousins, mes oncles et tantes, pour tous les repas de famille, les bons moments partagés avec vous et ceux à venir.
A Sandrine, Marc et les petits, aux bons moments passés avec vous à la montagne, la plage, la piscine, sans oublier la construction et destruction des châteaux de sable.
A Alex, pour ta bonne humeur et ta gentillesse immense.
A Monique, pour partager tes passions avec nous à la montagne, au ski… et l’initiation au ski de rando, toujours là pour nous.
A mes chers amis,
A mes amis de fac, Milena, Daphné, Marine et Gaëlle, à ces 6 années d’études ensemble, aux moments inoubliables comme l’inté mais aussi les exams et le stress.
A mes amies de master, Adélie et Sophie, je suis très contente de vous avoir rencontré l’année dernière, on a passé de très bons moments ensemble et j’espère que ça va continuer.
A mes bons copains, Marie, Mathilde, Hélène, Ambre, Hugo, Quentin, Olivier, Simon, Louis, Mathilde et les autres, merci pour les moments partagés avec vous et votre bonne humeur.
A Manèle, à toutes ces années passées ensemble, à l’orchestre, l’Udem, à nos fou-rires et aux moments de stress partagés lors des concerts et des auditions.
A mes amies d’enfance, Lise, Cécile, Marine et Marie, les premières rencontres ne s’oublient pas.
A Anne et Pacou, Domi et Pierre, qui m’accompagnez depuis mes premiers pas.
A mon ancienne nounou et amie Edith, et sa famille, tu es comme une grande sœur pour
nous.
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A mes deux familles adoptives, les Orch et les Oix-Timsit,
Aux Orch, Dadou, Maga, Idriss et Kenza, on se connaît depuis toujours, on se voit peu, pas assez, mais chaque retrouvaille est formidable.
Aux Oix-Timsit, Patouche, Oliv, Emma, Juju et Paloma, le temps passe vite, on grandit/vieillit mais on trouve toujours le temps de se retrouver.
A mes fidèles amies Séverine et Isabelle,
Merci d’être là quand j’ai besoin de vous, de me supporter, d’être à mes côtés, merci pour tout. On a encore tellement de bons moments à partager.
A ma famille,
Papa, Maman, Go et Lou, je ne serai pas là aujourd’hui sans vous, merci d’être là pour moi et de m’accompagner. Ceci n’est qu’une étape, encore 4 ans de thèse !
A Tony,
Au chemin que nous avons parcouru ensemble, et celui qui nous reste à parcourir. Merci
pour ton soutien, de m’écouter et de m’apaiser quand ça ne va pas.
- 6 - Table des matières
Introduction ... - 12 -
Première Partie : Trichinella spp. ... - 14 -
1. Classification ... - 14 -
2. Répartition géographique des différentes espèces ... - 15 -
3. Phylogénie ... - 17 -
4. Morphologie des différents stades parasitaires ... - 20 -
a. Larves musculaires ... - 20 -
b. Adultes ... - 20 -
c. Larves nouveau-nées ... - 22 -
5. Développement parasitaire ... - 22 -
a. Cycle auto-hétéroxène ... - 22 -
b. Formation de la cellule nourricière... - 25 -
c. Développement de la capsule ... - 27 -
Deuxième partie : La trichinellose ... - 28 -
1. Historique... - 28 -
2. Epidémiologie ... - 29 -
a. Cycle sauvage et domestique ... - 29 -
b. Répartition géographique des cas de trichinellose Humaine ... - 31 -
3. Relation hôte - pathogène ... - 34 -
a. Pathogénèse ... - 34 -
b. Stratégies d’échappement au système immunitaire de l’hôte ... - 36 -
4. Diagnostic ... - 38 -
a. Diagnostic clinique et biologique ... - 38 -
b. Diagnostic différentiel ... - 40 -
5. Clinique ... - 40 -
a. Signes cliniques chez les animaux ... - 40 -
b. Signes cliniques chez l’Homme ... - 41 -
c. Complications ... - 43 -
6. Prise en charge ... - 45 -
a. Traitement ... - 45 -
b. Conduite à tenir ... - 46 -
7. Prophylaxie ... - 47 -
a. Systèmes de surveillance ... - 47 -
b. Contrôle de la viande ... - 48 -
- 7 -
c. Prévention individuelle ... - 49 -
Troisième partie : La virulence de Trichinella ... - 51 -
1. Etat des lieux ... - 51 -
a. Introduction ... - 51 -
b. Différences de virulence entre les espèces de Trichinella ... - 51 -
c. Classification des antigènes de Trichinella ... - 54 -
d. Protéines et antigènes spécifiques de Trichinella ... - 55 -
e. Cibles diagnostiques et vaccinales ... - 62 -
2. Travail de recherche : identification de protéines impliquées dans la virulence de Trichinella ... - 64 -
a. Contexte ... - 64 -
b. Introduction ... - 64 -
c. Objectifs ... - 65 -
d. Matériel et méthodes ... - 65 -
e. Résultats et discussion ... - 71 -
f. Conclusion ... - 84 -
Conclusion générale ... - 86 -
Références (153) ... - 88 -
Annexes... - 104 -
- 8 - Liste des figures
Figure 1 Distribution géographique des espèces et génotypes de Trichinella ... - 15 -
Figure 2 Taxa de Trichinella et principaux hôtes.. ... - 18 -
Figure 3 Phylogénie des espèces et génotypes de Trichinella. ... - 19 -
Figure 4 Larve musculaire (L1M) (1 mm x 40 µm) ... - 20 -
Figure 5 Vers adultes.. ... - 21 -
Figure 6 Larve nouveau-née (L1NN) (115 à 140 µm x 9 à 13 µm) ... - 22 -
Figure 7 Développement de Trichinella spiralis ... - 24 -
Figure 8 Développement de la cellule nourricière dans le muscle de l’hôte ... - 25 -
Figure 9 Evolution du nombre de cas de trichinelloses Humaines en Europe de 2007 à 2014 ... - 33 -
Figure 10 Signes cliniques de la trichinellose Humaine ... - 43 -
Figure 11 Méthode de digestion artificielle pour la récupération des larves musculaires (L1M) ... - 66 -
Figure 12 Récupération des vers adultes au niveau de l’intestin ... - 67 -
Figure 13 Schéma représentatif du succès parasitaire à différentes étapes du cycle de T. spiralis (en rouge) et T. nativa (en bleu) ... - 72 -
Figure 14 SDS-PAGE à une dimension d’extraits protéiques totaux de Trichinella colorée au nitrate d’argent.. ... - 74 -
Figure 15 Protéines spécifiques ou communes à différents stades de Trichinella. 1) ... - 74 -
Figure 16 Diagramme de Venn représentant les protéines retrouvées spécifiquement chez les L1NN de T. spiralis et/ou T. nativa.. ... - 78 -
Figure 17 Peptides identifies par SM/SM pour confirmer la présence de la Chymotrypsine- C dans les échantillons de T. spiralis. ... - 81 -
Figure 18 Alignement des séquences de la Chymotrypsine-C, putative trypsine, NBL-1 SS2 and SS2-1 sur multalin... - 81 -
Figure 19 Western Blot pour détecter la présence de NBL-1 dans des extraits totaux de
différents stades de Trichinella.. ... - 82 -
- 9 - Liste des tableaux
Tableau 1 Classification du genre Trichinella ... - 14 - Tableau 2 Caractéristiques des différentes espèces de Trichinella. ... - 16 - Tableau 3 Cas de trichinellose rapportés à l’ECDC en Europe entre 2007 et 2014. ... - 32 - Tableau 4 Algorithme pour diagnostiquer la probabilité d’infection de l’Homme par
Trichinella ... - 39 - Tableau 5 Différences d’infectiosité des Trichinella. ... - 52 - Tableau 6 Index des capacités reproductives (RCI) de T. spiralis, T. pseudospiralis et T.
papuae chez 4 espèces de rongeurs. ... - 52 -
Tableau 7 Liste des protéines identifiées et étudiées chez Trichinella . ... - 60 -
Tableau 8 Protéines retrouvées spécifiquement dans le stade larve nouveau-née (L1NN)
de T. nativa et T. spiralis... - 77 -
- 10 - Liste des abréviations
ADCC : antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity ADN : acide désoxyribonucléique
ALAT : Alanine aminotransférase
ANSES : agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
ARS : Agence Régionale de Santé ASAT : aspartate aminotransférase
ATU : Autorisation Temporaire d’Utilisation
CDC : Centers for Disease Control and Prevention CMH : complexe majeur d’histocompatibilité
CNR : Centre National de Référence CPK : créatine phosphokinase CSS : cellule striée squelettique
DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales
DDCSPP : Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations
DDSV : Direction Départementale des services vétérinaires ECDC : European Centre for Disease Prevention and Control ECF-A : eosinophil chemotactic factor
ECG : électrocardiogramme
EFSA : European Food Safety Authority ES : excrétée(s) - sécrétée(s)
FAO : Food and Agriculture Organization of the United Nations GST : glutathione-S-transférase
HRP : horseradish peroxidase HSP : Heat Shock Protein
ICT : International Commission on Trichinellosis
IGF-1 : insulin-like growth factor-1 (facteur de croissance 1) IL : Interleukine
InVS : Institut national de Veille Sanitaire IRM : imagerie à résonnance magnétique
IRTC : International Trichinella Reference Centre
IV : Intraveineuse
- 11 - L1M : larve musculaire
L1NN : larve nouveau-née LB : Lymphocyte B
LDH : lactate déshydrogénase
LNR : laboratoire national de référence LT : Lymphocyte T
MAC : complexe d’attaque membranaire
MAP kinase : Mitogen Activated Proteins kinase MIF : migration inhibitory factor
NK : natural killer NO : oxyde nitrique
OIE : Organisation mondiale de la santé animale OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PAF : platelet activating factor p-i : post-infection
RCI : Reproductive Capacity Index (Index des capacités reproductives) Serpin : serine proteinase inhibitor
TBST : Tris–Borate Saline–Tween TGF : Transforming Growth Factor
TIAC : toxi-infections alimentaires collectives TNF : tumor necrosis factor
TRACES : TRAde Control and Expert System TSL-1 : Trichinella spiralis larvae group 1 TsNd : T. spiralis nudix hydrolase
VEGF : Vascular Endothelial Growth Factor
WHO : World Health Organization (OMS)
- 12 - Introduction
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) estiment que 50 nouveaux pathogènes sont apparus durant les 30 dernières années. Récemment, l’émergence de l’encéphalopathie spongiforme bovine, du syndrome respiratoire aigu sévère, des grippes H5N1 et H1N1 à engendrer des couts économiques importants (Bank 2010). 60% des maladies émergentes sont des zoonoses, maladies transmissibles entre l’Homme et les animaux (Clements et Casani 2016). Les zoonoses ont donc un impact à la fois économique mais aussi sur la santé publique animale et Humaine. Dans les pays développés, l’impact de ces maladies sur la santé humaine reste limité, les maladies infectieuses et parasitaires représentent 3,2% de la mortalité avant 65 ans. Ces maladies nécessitent une approche globale de santé publique permettant une surveillance épidémiologique des cas animaux et Humains. Les systèmes de surveillance et de contrôle permettent de maitriser ces maladies. Mais l’Homme peut s’infecter en consommant des produits d’origine animale qui ne sont pas soumis au contrôle (« InVS », s. d.).
Dans les années 1900, les maladies d’origine alimentaire étaient à l’origine de nombreux décès. Les principaux agents en cause étaient Brucella, Clostridium botulinum, Salmonella typhi, Trichinella, et Vibrio cholerae. Depuis 1990, avec la mise en place de mesures de surveillance et de contrôle de ces agents infectieux, ils sont responsables de 0,01% des maladies d’origine alimentaire. La mise en place de mesures de sécurité alimentaire permet de maîtriser progressivement les maladies d’origine alimentaire (Morse 2007). Cependant, l’OMS estime qu’une personne sur 10 est contaminée chaque année et que ces maladies sont à l’origine de 420 000 décès par an dans le monde. Ces maladies touchent essentiellement l’Afrique et l’Asie du Sud Est (« OMS | Organisation mondiale de la Santé », s. d.).
La trichinellose est une zoonose d’origine alimentaire causée par le parasite nématode
Trichinella. Dans le monde, 11 millions le nombre de personnes auraient été exposées à la
maladie (d’après des analyses sérologiques) et 10 000 nouveaux cas sont rapportés chaque
année au CDC (« Centers for Disease Control and Prevention » 2016). La trichinellose est
responsable de centaines de cas par an en Europe, essentiellement en Roumanie et en
Bulgarie. Depuis 2007, le nombre de cas de trichinellose humaine a diminué (« Centers for
Disease Control and Prevention » 2016). Les sources de contamination de l’Homme sont
- 13 -
essentiellement les animaux domestiques comme le porc ou le cheval. Des cas de contamination sont rapportés après consommation de viande d’animaux sauvages comme le sanglier ou l’ours (J. Dupouy-Camet et al. 2015). La trichinellose fait partie des toxi- infections alimentaires collectives (TIAC), elle est donc soumise à une déclaration obligatoire des cas auprès de l’Agence Régionale de Santé (ARS) (« InVS », s. d.). Des mesures prophylaxiques sont en place pour contrôler la maladie. L’éducation du consommateur est essentielle, notamment pour les voyageurs et dans les pays où le contrôle de la viande n’est pas satisfaisant. Cette maladie a un impact économique important, le contrôle des porcs à faible risque de trichinellose coute 570 millions d’euros chaque année en Europe (Kapel 2005).
Le diagnostic de la maladie est généralement établi tardivement, alors que les traitements disponibles actuellement ne sont que partiellement efficaces lorsque les larves sont enkystées dans le muscle (Gottstein, Pozio, et Nöckler 2009). L’identification de protéines antigéniques permettrait le développement d’outils diagnostic précoces et de nouveaux traitements. De nombreuses études se sont focalisées sur l’étude des larves musculaires (L1M). Face à la nécessité de mettre en place un diagnostic précoce pour une prise en charge rapide, l’étude des stades pré-adulte et adulte, stades précoces de l’infection, s’est développée depuis quelques années (Zocevic et al. 2011; R. D. Liu et al. 2015; Bien, Cabaj, et Moskwa 2015; J. Yang et al. 2015).
Dans un premier temps, nous aborderons la biologie de Trichinella. Nous verrons ensuite la
maladie, la trichinellose et sa prise en charge. La dernière partie sera consacrée à l’état des
lieux sur la virulence parasitaire et un travail de recherche sur la différence de virulence
entre T. spiralis et T. nativa, deux espèces aux infectiosités divergentes chez la souris.
- 14 -
Première Partie : Trichinella spp.
1. Classification
Les parasites du genre Trichinella sont des Helminthes, vers parasites du tube digestif, et appartiennent à la classe des nématodes ou vers ronds (Tableau 1). 9 espèces et 3 génotypes ont été identifiés. Le genre peut être divisé en deux groupes : les espèces encapsulées et les espèces non encapsulées (Edoardo Pozio et al. 2009). Les espèces encapsulées ont une capsule de collagène qui se forme autour de la larve dans le muscle, parmi-elles on retrouve : T. spiralis, T. nativa, T. britovi, T. murrelli, T6, T. nelsoni, T8, T9 et T. patagoniensis. Les espèces non encapsulées sont T. pseudospiralis, T. papuae et T.
zimbabwensis.
La première espèce à avoir été identifiée est Trichinella spiralis par Paget et Owen en 1835 (Edoardo Pozio et al. 2009). La dernière espèce identifiée est T. patagoniensis en 2012 (Krivokapich et al. 2008; Krivokapich et al. 2012). Les dates, les auteurs des découvertes, la distribution géographique et les principaux hôtes de chaque espèce sont reportés dans le Tableau 2. Tableau 2 Distribution et hôtes des différentes espèces de Trichinella, d’après (E. Pozio et Zarlenga 2005).
Tableau 1 Classification du genre Trichinella modifié d’après (Ripert 1998).
Règne Animalia
Sous-règne Euméthazoa (métazoaires supérieurs)
Clade Bilatéria
Embranchement (phylum) Nématodes
Classe Enoplea
Ordre Trichocéphalida
Famille Trichinellidae
Genre Trichinella
- 15 -
2. Répartition géographique des différentes espèces Les espèces encapsulées (Figure 1) :
L’Homme est responsable des mouvements d’animaux dans le monde, ce qui pourrait expliquer que T. spiralis soit présente sur tous les continents (Edoardo Pozio 2014). Cette espèce est le principal agent responsable de trichinellose Humaine. T. nativa est résistante aux basses températures, elle est retrouvée dans les zones arctiques et subarctiques. T.
britovi est la seconde espèce la plus répandue, elle est présente sur tous les continents à l’exception de l’Océanie et l’Amérique du Sud. T. murrelli est retrouvée dans les régions tempérées du continent Américain. Le génotype T6 est retrouvé en Amérique du Nord. T.
nelsoni est particulièrement résistante aux hautes températures ce qui peut expliquer sa répartition sur le continent Africain. Le génotype T8 est retrouvé en Afrique du Sud. Le génotype T9 se trouve en Asie (Nouvelle Guinée, Thailande, Malaisie). T. patagoniensis est retrouvée en Amérique du Sud (Feidas et al. 2014; J. Dupouy-Camet et al. 2015).
Les espèces non-encapsulées (Figure 1) :
T. papuae est retrouvée en Papouasie. T. zimbabwensis est retrouvée en Afrique du Sud.
T. pseudospiralis est largement distribuée, mais n’est pas retrouvée en Afrique et dans le Pacifique.
En Europe, quatre espèces sont présentes et responsables de trichinelloses Humaines : T.
spiralis et T. britovi sont les plus courantes puis T. nativa et T. pseudospiralis.
Figure 1 Distribution géographique des espèces et génotypes de Trichinella (A. De Bruyne
et al. 2006), modifié.
- 16 -
Tableau 2 Distribution et hôtes des différentes espèces de Trichinella, d’après (E. Pozio et Zarlenga 2005).
Espèces Découverte Distribution
géographique Principaux hôtes T. spiralis - T1 (Paget et Owen, 1835) Cosmopolite Porcs, animaux
sauvages T. nativa - T2 Britov and Boev, 1972 Régions arctiques
et subarctiques Carnivores sauvages sauf rat
T. britovi - T3 Pozio, La Rosa, Murrell
and Lichtenfels, 1992 Régions
paléarctiques Animaux domestiques et
sauvages T. pseudospiralis -
T4 Garkavi, 1972 Cosmopolite Mammifères, oiseaux
T. murrelli - T5 Pozio and La Rosa, 2000 Régions
néarctiques Animaux sauvages T6 Pozio, La Rosa, Murrell
and Lichtenfels, 1992 Régions
néarctiques Animaux sauvages T. nelsoni - T7 Pozio, La Rosa, Murrell
and Lichtenfels, 1992 Afrique
équatoriale Animaux sauvages T8 Pozio, La Rosa, Murrell
and Lichtenfels, 1992 Ethiopie, régions
subtropicales Animaux sauvages
T9 Nagano, Wu, Matsuo,
Pozio, and Takahashi, 1999
Japon Animaux sauvages
T. papuae - T10 Pozio, Kapel, and
Gamble, 1999 Papouasie
Nouvelle Guinée Mammifères, reptiles T. zimbabwensis -
T11 Pozio, Foggin,
Marucci,La Rosa, Sacchi, Corona,
Rossi, and Mukaratirwa,2002
Zimbabwe Mammifères, reptiles
T. patagoniensis -
T12 Krivokapich and Pozio,
2012 Argentine Puma
- 17 - 3. Phylogénie
A l’exception de l’existence d’une capsule chez certaines espèces et une différence de taille chez les espèces non-encapsulées, les parasites du genre Trichinella ne peuvent pas se différencier par leur morphologie quel que soit le stade (E. Pozio et Zarlenga 2005). La phylogénie permet d’étudier les liens existants entre différentes espèces. Les premières études dans les années 1980 se sont basées sur les caractères génétiques et biochimiques, elles ont permis de distinguer les espèces encapsulées des espèces non-encapsulées (Edoardo Pozio et Zarlenga 2013) (Figure 2). En 2006, une équipe Américaine a étudié les relations phylogénétiques entre les espèces en se basant sur les séquences d’ADN de chaque espèce ou génotype. Cette étude a confirmé la présence de 2 clades qui auraient divergé durant le Miocène moyen, il y a 10 à 15 millions d’années. Les espèces encapsulées infectent les mammifères et auraient une origine Eurasienne, les espèces non-encapsulées infectent aussi les reptiles, crocodiles et oiseaux (Zarlenga et al. 2006). Le génome de T.
spiralis a été séquencé en 2011 (Mitreva et al. 2011). Ce séquençage a permis une étude phylogénique basée sur la génomique et la transcriptomique en 2015 (Korhonen et al.
2016). Cette étude permet la distinction des espèces encapsulées de celles non-
encapsulées mais les relations phylogénétiques retrouvées sont différentes de celles
effectuées précédemment grâce à de l’ADN ribosomal et mitochondrial (Figure 3).
- 18 -
Figure 2 Taxa de Trichinella et principaux hôtes. Le renard et la hyène sont représentatifs des carnivores des continents Américain, Asiatique et Européen ou Africain respectivement.
Le cochon représente les espèces et races de porcs domestiques et sauvages. Le crocodile
représente le crocodile du Nile pour T. zimbabwensis et le crocodile des eaux salées pour
T. papuae. L’oiseau représente les oiseaux carnivores. Les pourcentages se réfèrent à la
probabilité de détecter un taxon de Trichinella dans le groupe d’hôtes. Les groupes d’hôtes
dont l’importance épidémiologique est faible ne sont pas représentés. Les données sur les
relations entre les Trichinella spp. et les hôtes et l’arbre du maximum de vraisemblance du
genre Trichinella proviennent de (Edoardo Pozio et Zarlenga 2013). D’après (Edoardo Pozio
2014).
- 19 -
Figure 3 Phylogénie des espèces et génotypes de Trichinella basée sur l’analyse de séquences en acides-aminés en utilisant différentes méthodes : l’inférence Bayésienne, le maximum de vraisemblance, le maximum de parcimonie. Trichuris suis et Ascaris suum sont les groupes extérieurs. 1042 et 747 groupes de gènes orthologues sont uniques dans les espèces encapsulées (en rouge) et non-encapsulées (en bleu) respectivement. La topologie des arbres construits par les 3 méthodes était la même. La barre grise sur les nœuds représente l’intervalle de confiance à 95% pour l’estimation des branches d’espèces dans le temps. T. spiralis ISS 195 partage la même position phylogénétique que T. spiralis ISS 3 (**). Les animaux hôtes (sur la droite) : 1) les suidés (Sus scrofa) représentent à la fois les porcs sauvages et domestiques, le potentiel reproducteur d’un taxon particulier de Trichinella chez Sus scrofa est indiqué par une échelle de couleurs : blanc : pas d’accès aux données, gris clair : faible, gris foncé : intermédiaire, noir : élevé. 2) les autres animaux représentent des exemples d’animaux sauvages carnivores dans différentes régions géographiques, ils incluent les renards, les lions, les lions des montagnes, les marsupiaux, les crocodiles, les oiseaux de proie et l’homme (hôte accidentel). D’après (Korhonen et al.
2016).
- 20 -
4. Morphologie des différents stades parasitaires (ex T. spiralis ) a. Larves musculaires
Figure 4 Larve musculaire (L1M) (1 mm x 40 µm). D’après (Villella 1970).
La larve musculaire (L1M) mesure environ 1 mm de long et son diamètre est de 40 µm. La L1M est sexuée, on peut différencier les mâles qui possèdent une ébauche génitale émoussée et un rectum long aux femelles qui ont une ébauche génitale pointue et un rectum court. Le stichosome dans la partie antérieure est formé de stichocytes qui possèdent des granules denses contenant des enzymes antigéniques qui peuvent être sécrétées par le parasite. La L1M est plus épaisse en partie postérieure, c’est une apomorphie (caractère ancestral) des Trichinellidae (J. Dupouy-Camet et al. 2015) (Figure 4).
b. Adultes
Les adultes sont aussi plus épais en partie postérieure. L’extrémité antérieure est plus étroite et possède la bouche suivie d’un œsophage tubulaire, entouré des stichocytes, qui s’étend sur la moitié du corps. Ensuite on retrouve un intestin à paroi fine et dilaté à l’origine qui s’abouche sur un rectum musculeux renforcé par de la chitine (J. Dupouy-Camet et al.
2015).
- 21 - Figure 5 Vers adultes. D’après (Villella 1970).
a. Vers femelle (3 à 4 mm x 60 µm).
b. Vers mâle (1.4 à 1.6 mm x 40 µm).
Le vers femelle est vivipare, il mesure 3 à 4 mm de long et 60 µm de large. La vulve est en position centrale. Les œufs intra-utérins sont sphériques, leur membrane vitelline est très fine et ils mesurent 30 à 40 µm de diamètre. Les embryons mesurent 100 à 160 µm de long et 9 µm de large. Les oocystes ont des tailles variables : les plus petits sont dans la portion ventrale de l’ovaire, les plus grands sont dans la portion dorsale. Le rectum du vers femelle est plus court que celui du mâle (environ 25 µm) (Kozek 1975; J. Dupouy-Camet et al. 2015).
Le vers mâle est long de 1.4 à 1.6 mm et large de 40 µm. Il se distingue par ses deux
appendices copulateurs de 10 µm autour de l’orifice du cloaque. Son rectum mesure 50 µm
de long environ. Les spermatocytes sont tous de même taille. (Kozek 1975; J. Dupouy-
Camet et al. 2015) (Figure 5).
- 22 - c. Larves nouveau-nées
Figure 6 Larve nouveau-née (L1NN) (115 à 140 µm x 9 à 13 µm) provenant du muscle de souris 7 jours après infestation par des L1M. D’après (Khan 1966), modifié.
La larve nouveau-née (L1NN) mesure 0.08 mm de long et 7 µm de diamètre (D. D.
Despommier, R. W. Gwadz, P. J. Hotez and C. A. Knirsch. 2001). Les structures rectales apparaissent dès le 3
ejour de développement de la larve et l’anus au 12
ejour. Au 12
ejour, la larve mesure 270 µm de long et 21 µm de large. Elle va s’accroitre pour atteindre 252 à 705 µm de long et un diamètre de 24 à 29 µm 17 jours après infestation, elle est alors infestante pour l’hôte (Khan 1966) (Figure 6).
5. Développement parasitaire a. Cycle auto-hétéroxène
Le développement des différents stades parasitaires de Trichinella s’effectue chez le même hôte. Le cycle est de type auto-hétéroxène, il se réalise sans passage par une forme intermédiaire dans le milieu extérieur. Il nécessite la présence d’un seul hôte qui est à la fois hôte définitif en hébergent les vers adultes dans la muqueuse intestinale, puis hôte intermédiaire qui loge les L1M. L’infection s’effectue après ingestion de viande contaminée crue ou peu cuite. Les L1M encapsulées sont libérées au niveau de l’estomac et exposées à l’action de l’acide gastrique et de la pepsine qui vont libérer les L1M de leur capsule.
Ensuite, les L1M vont pénétrer dans la muqueuse intestinale et entrer dans les entérocytes.
Les L1M vont creuser des tunnels dans la muqueuse intestinale. Durant les 30 à 40
premières heures elles vont subir 4 mues successives (L2 à adulte) pour devenir des vers
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adultes sexués. Les adultes mâles et femelles vont s’accoupler rapidement après la dernière mue. 2 jours après l’accouplement, les femelles vont libérer les premières L1NN. La ponte dure 5 à 6 semaines et chaque femelle libère 500 à 2000 L1NN. Une fois libérées, les L1NN vont migrer par les vaisseaux lymphatiques et sanguins de l’hôte jusqu’au cœur et aux poumons. Le cœur gauche les disperse dans la circulation générale. Elles vont être transportées essentiellement au niveau des muscles striés squelettiques les plus oxygénés (diaphragme, langue et muscles des membres). Cependant elles peuvent migrer vers l’encéphale, les poumons, le foie et le cœur et provoquer des complications (confère page 43). Les L1NN quittent les vaisseaux sanguins pour entrer dans les cellules striées squelettiques (CSS). Elles vont dédifférencier les CSS et les redifférencier en cellules nourricières. Dans la cellule nourricière, la L1NN va s’accroitre et se transformer en L1M sans subir de mues. Les L1M sont infectieuses à partir du 14
ejour post-infection (p-i) mais la larve continue à s’accroitre jusqu’au 20
ejour p-i. Dans la cellule nourricière, les L1M peuvent survivre plusieurs années (jusqu’à 40 ans chez l’Homme et 20 ans chez l’ours polaire). Chez les espèces encapsulées, la capsule est composée de la cellule nourricière et d’une paroi fibreuse contenant du collagène, ce qui leur confère une meilleure résistance (Ripert 1998; D. D. Despommier, R. W. Gwadz, P. J. Hotez and C. A. Knirsch. 2001;
Gottstein, Pozio, et Nöckler 2009) (Figure 7).
- 24 -
Figure 7 Développement de Trichinella spiralis. D’après (D. D. Despommier, R. W. Gwadz,
P. J. Hotez and C. A. Knirsch. 2001) modifié. Larve musculaire : L1M, Larve nouveau-née :
L1NN.
- 25 - b. Formation de la cellule nourricière
Le mécanisme de formation des cellules nourricières n’est pas totalement connu. La formation de la cellule nourricière se fait grâce à une interaction entre le parasite et l’hôte.
Trichinella tire parti de l’hôte pour sa survie en utilisant le système de régénération des cellules musculaires de l’hôte (Figure 8).
Figure 8 Développement de la cellule nourricière dans le muscle de l’hôte. D’après (D.
Despommier et Racaniello 2004), modifié.
1) Activation des cellules satellites, prolifération et différentiation
L’accroissement des L1M endommage les cellules infectées. Un processus similaire à la régénération des cellules musculaires se met en place, des cellules satellites sont activées : les myoblastes. Les facteurs de régulation myogénique, ayant un rôle dans la myogenèse et la régénération musculaire, sont surexprimés ainsi que des gènes associés à la différentiation des cellules satellites et des marqueurs de l’activation des cellules satellites.
Les cellules satellites vont donc permettre le remplacement des fibres musculaires
endommagées. Des différences au niveau de l’expression des cadhérines ont été
observées entre T. spiralis et T. pseudospiralis (Z. Wu, Nagano, et Takahashi 2013),
pouvant expliquer la différence de virulence entre les deux espèces. L’IGF-1 permet la
prolifération et la différenciation de cellules satellites lors de la régénération du muscle
(Zhiliang Wu et al. 2008; Z. Wu, Nagano, et Takahashi 2013).
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2) Dédifférenciation des cellules musculaires infectées et différentiation ratée des cellules satellites
Les cellules musculaires infectées n’arrivent pas à se régénérer. Des gènes de dédifférenciation sont surexprimés ce qui entraine la production de facteurs myogéniques (Zhiliang Wu et al. 2008; Z. Wu, Nagano, et Takahashi 2013).
3) Pro-apoptose et anti-apoptose liées à l’accroissement de la larve et à sa survie Le cytoplasme basophile des cellules musculaires va devenir éosinophile au cours du développement des cellules nourricières. Ce nouveau cytoplasme est métaboliquement actif (activité phosphatase alcaline). Le changement de cytoplasme suggère des mécanismes de pro-apoptose et anti-apoptose. Les mécanismes d’apoptose sont visibles morphologiquement et ont été montrés au niveau moléculaire, ils sont p-53 indépendants.
Des gènes liés à l’apoptose sont présents dans le cytoplasme des cellules musculaires infectées. Le parasite exerce un stress cellulaire au niveau du cytoplasme éosinophile, des gènes d’apoptose sont donc exprimés. Mais des gènes anti-apoptotiques sont aussi présents dans le cytoplasme éosinophile. L’activité cytoplasmique est donc régulée par la balance entre l’expression des gènes apoptotiques et anti-apoptotiques. L’IGF-1 semble jouer un rôle dans la survie des cellules nourricières par l’activation de protéines anti- apoptotiques et l’inhibition de protéines pro-apoptotiques (Zhiliang Wu et al. 2008; Z. Wu, Nagano, et Takahashi 2013).
4) Cycle cellulaire
Les cellules musculaires infectées sont des cellules différenciées en phase G0. Après l’invasion par les L1NN, elles vont entrer à nouveau dans le processus du cycle cellulaire jusqu’en phase G2/M. Des gènes impliqués dans la prolifération, la réentrée et l’arrêt du cycle cellulaire des cellules musculaires infectées sont exprimés. IGF-1 joue aussi probablement un rôle dans la réentrée des cellules musculaires infectées dans le cycle cellulaire lors de la formation de la cellule nourricière par la voie des MAP kinases (Zhiliang Wu et al. 2008; Z. Wu, Nagano, et Takahashi 2013).
5) Les larves utilisent les systèmes métaboliques des cellules hôtes pour satisfaire leurs besoins nutritionnels
La cellule nourricière apporte les nutriments nécessaires à la croissance rapide de la larve
et permet la gestion des déchets. Durant la formation du kyste, les besoins métaboliques
de la larve sont importants, ce qui entraîne une augmentation de l’angiogenèse autour du
- 27 -
kyste. Il semblerait que la larve utilise le système métabolique de l’hôte ce qui expliquerait l’augmentation des taux d’insuline. Les gènes liés à la voie de signalisation de l'insuline sont surexprimés dans la cellule nourricière. La cellule nourricière synthétise du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) qui favorise l’angiogenèse et la néovascularisation autour de la cellule nourricière (V. A. Capó, Despommier, et Polvere 1998).
6) Les protéines excrétées-sécrétées (ES) messagers instruisant les cellules musculaires pour qu’elles se transforment en cellules nourricières
Le processus de la formation des cellules nourricières semble être le résultat d’un conflit entre les signaux des cellules musculaires et des larves. Les protéines ES sont produites par les larves et permettent la cohabitation des cellules musculaires et des larves. Certaines protéines produites par les L1NN semblent jouer un rôle dans la formation de la cellule nourricière. Certaines protéines ES sont spécifiques d’un stade donné, mais la plupart des études ont été réalisées chez les L1M (Zhiliang Wu et al. 2008; Z. Wu, Nagano, et Takahashi 2013).
c. Développement de la capsule
Le kyste (ou capsule) est constitué d’une paroi fibreuse et de la cellule nourricière qui sont formées grâce à des cellules de l’hôte. Le terme capsule est alors souvent préféré car un kyste est formé à partir de cellules parasitaires. La paroi de la capsule comporte deux couches : une intérieure produite par la cellule nourricière et une extérieure produite par les fibroblastes autour de la capsule. Les cellules satellites sont localisées à l’intérieur de la paroi fibreuse et permettent une régénération constante des cellules. Ceci explique pourquoi la cellule nourricière reste intacte plusieurs années. La capsule est constituée de collagène de type IV et de type VI synthétisés par la cellule nourricière (Polvere et al. 1997; D. D.
Despommier 1998; Zhiliang Wu et al. 2008; Z. Wu, Nagano, et Takahashi 2013).
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Deuxième partie : La trichinellose 1. Historique
L’origine du cycle domestique de Trichinella pourrait être liée à la domestication des porcs par l’Homo sapiens qui est passé du mode chasseur-cueilleur à la domestication et l’élevage après la dernière période glaciaire (après le 11
emillénaire avant Jésus Christ) (E. Pozio et Zarlenga 2005).
Les Juifs se sont aperçus du danger que pouvait présenter un animal qui, en apparence, était en bonne santé. Les maladies comme la trichinellose pourraient expliquer, en partie, l’interdiction de consommer de la viande de porc dans certaines religions, notamment juive et musulmane (Neghina et al. 2012). Au 20e siècle, après l’autopsie d’une momie, des chercheurs ont trouvé un kyste de Trichinella, indiquant l’existence de la maladie depuis l’antiquité (de Boni, Lenczner, et Scott 1977). Cependant, Jean Dupouy-Camet remet en cause cette découverte, selon lui la momie présenterait plus probablement une cysticercose (Jean Dupouy-Camet 2015). Des larves de Trichinella ont été mises en évidence dans l’estomac d'Ötzi, chasseur préhistorique retrouvé momifié dans les Alpes (Lamoureux 2012).
Du 15
eau 19
esiècle, plusieurs épidémies de « grandes fièvres » se sont déroulées en Europe, d’abord en Angleterre et en Irlande puis en Allemagne et dans d’autres pays. Les personnes touchées présentaient les signes caractéristiques de la trichinellose. La maladie est apparue sur le continent Américain au 18
esiècle.
En 1835, Paget et Owen ont annoncé la découverte d’un parasite enkysté dans les muscles suite à une autopsie, et l’ont nommé « Trichina ». En 1846, Joseph Leidy, parasitologue, s’est aperçu que le porc pouvait être contaminé par le parasite. Entre 1855 et 1860, Zenker, Leuckart et Virchow ont mis en évidence le cycle évolutif de T. spiralis. Friedrich Zenker en 1860 a publié les signes cliniques de la maladie et a fait la connexion entre la maladie et la consommation de viande de porc peu cuite ou crue. En 1897, Thomas Brown a associé l’éosinophilie à la maladie. Le parasite a été renommé « Trichinella spiralis » par Louis- Joseph Alcide Railliet parce que le nom « Trichina » était déjà attribué à un insecte (Ripert 1998; Neghina et al. 2012).
Les nombreuses épidémies de trichinellose ayant eu lieu au 19
esiècle en Europe ont abouti
à la mise en place de la trichinelloscopie pour le contrôle des porcs. Par mesure de sécurité,
- 29 -
l’Allemagne a interdit l’importation de porcs Américains dans les années 1880. En suivant, ces mesures ont été adoptées par plusieurs pays Européens. Suite à ces évènements, le gouvernement Américain a mis en place le contrôle des porcs destinés à l’exportation par trichinelloscopie en 1890. A cette époque, la maladie était connue et reconnue dans le monde entier. Les cas de trichinellose ont diminué après les années 1950 aux Etats-Unis suite à l’interdiction de nourrir les animaux avec des déchets de viande de porc crue. A la fin du 19
esiècle, la maladie a été retrouvée en Inde et dans les régions arctiques. En 1945 en Irlande du Nord la maladie toucha 705 prisonniers Allemands, et plus de 1000 personnes ont été infectées en Pologne en 1960 (Ripert 1998; Neghina et al. 2012).
La mondialisation, c’est-à-dire l’échange de personnes, animaux, ressources et autres, contribue à la dissémination des parasites alimentaires. Ce phénomène crée par l’Homme a aussi des conséquences négatives au niveau de la sécurité alimentaire et au niveau économique. La distribution de Trichinella pourrait s’expliquer par deux phénomènes (Robertson et al. 2014) :
- le mouvement de personnes comme la dissémination des rats voyageant avec l’Homme ou la contamination de voyageurs qui consomme de la viande peu cuite ou crue comme l’ours.
- le mouvement de nourriture, par exemple, l’exportation et l’importation de porcs, essentiellement les échanges avec les pays où le contrôle de la viande est insuffisant.
2. Epidémiologie
a. Cycle sauvage et domestique
Trichinella peut se transmettre entre les animaux et l’Homme. La contamination s’effectue
après ingestion de viande contaminée par des L1M. Les animaux sauvages sont les
réservoirs principaux. Mais des transmissions peuvent avoir lieu entre la faune sauvage et
domestique. Ces transmissions surviennent essentiellement dans les fermes où les
pratiques sont à haut risque : nutrition intentionnelle des animaux avec des déchets
alimentaires contenant des restes de porc, exposition non intentionnelle des animaux
domestiques à des carcasses de porcs morts ou des animaux sauvages contaminés,
élevage en plein air. Ces pratiques se retrouvent essentiellement dans les pays défavorisés
où les services vétérinaires sont absents. Les hôtes de Trichinella spp. sont les mammifères
omnivores monogastriques, les oiseaux et les reptiles (Edoardo Pozio 2014).
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Des co-infections a plusieurs espèces de Trichinella ont été retrouvées chez des animaux sauvages en Finlande : T. nativa avec T. britovi, T. nativa avec T. spiralis, T. nativa avec T.
pseudospiralis (Airas et al. 2010). En Afrique du Sud, un lion (Panthera leo) était co-infecté par Trichinella T8 et T. nelsoni (Marucci et al. 2009).
1. Sauvage
Le cycle sauvage se retrouve sur tous les continents à part l’Antarctique. En fonction de la localisation, différentes espèces animales et parasitaires sont présentes. Les mammifères monogastriques sont les réservoirs principaux de Trichinella. T. pseudospiralis touche aussi les oiseaux. T. papuae et T. zimbabwensis sont aussi retrouvées chez les reptiles. T. spiralis et T. britovi sont essentiellement retrouvées dans les zones tempérées chez les sangliers, les renards, les coyotes, les loups… Les rongeurs entretiennent le cycle sauvage par cannibalisme. T. nelsoni infecte les carnivores des zones tropicales comme les hyènes et les phacochères. T. nativa se retrouve dans les zones arctiques et subarctiques et infecte essentiellement les renards, les ours, les loups, les chiens et les morses (J. Dupouy-Camet et al. 2015). Le raton laveur est un réservoir de Trichinella, il a été importé en Russie au 20
esiècle et participe à la dissémination des espèces de Trichinella en Europe (Edoardo Pozio 2015).
2. Domestique
Le porc et le cheval sont source de contamination chez l’Homme. Le chien provoque aussi des infections chez l’Homme, notamment en Chine (M. Liu et Boireau 2002). Le porc peut se contaminer par l’ingestion de déchets contaminés, par le biais des rongeurs présents dans les fermes ou par caudophagie. Il peut aussi se contaminer lors d’exposition à des carcasses d’animaux sauvage contaminés. Le contrôle de la viande de porc permet de limiter les contaminations mais des cas persistent en Europe de l’Est, Asie et Amérique du Sud car la surveillance n’est pas suffisante. Des cas de trichinellose Humaine ont été rapportés en entre 1975 et 2005 en France et en Italie après consommation de viande de cheval contaminée par T. spiralis, T. murrelli ou T. britovi. Ces contaminations sont attribuables aux habitudes alimentaires, la consommation de viande crue ou peu cuite. La viande de cheval à l’origine de ces épidémies a été importée d’Europe de l’Est ou du continent Américain. 5 patients sont décédés en 1985 en France (Boireau et al. 2000;
Edoardo Pozio 2014; J. Dupouy-Camet et al. 2015; Edoardo Pozio 2015). Le cheval est
vecteur de la maladie mais n’est pas un réservoir de Trichinella (E. Pozio 2005).
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b. Répartition géographique des cas de trichinellose Humaine 1. Au niveau mondial
La trichinellose est une zoonose importante au niveau mondial. 10 000 nouveaux cas par an sont rapportés au CDC. Entre 1986 et 2009, plus de 65 000 cas ont été rapportés dans le monde. La majorité des cas ont été rapportés en Europe dont plus de 50% en Roumanie.
Sur le continent Américain, la majorité des cas de trichinellose est due à la consommation de viande d’ours et de morse. Aux Etats-Unis 12 cas ont été rapportés entre 1997 et 2001.
En Amérique du Sud et en Amérique centrale, la trichinellose porcine est toujours un problème.
En Afrique, de rares cas de trichinellose ont été rapportés suite à la consommation de porc dans les communautés non soumises aux interdits religieux. Des cas de trichinellose ont été rapportés suite à la consommation de phacochère, de sanglier et de chacal.
En Asie, des cas de trichinellose ont été rapportés suite à la consommation de sanglier et de porc. En Chine la maladie est un véritable problème de santé publique, entre 1964 et 2002 plus de 500 épidémies ont eu lieu. Cependant le nombre de cas est sous-estimé puisque la maladie n’est pas à déclaration obligatoire. Le chien est source de contamination.
Au Japon des cas ont été rapportés suite à la consommation d’ours. En Corée et en Thaïlande des contaminations ont eu lieu chez des consommateurs de tortues.
En Océanie on retrouve des cas de trichinellose Humaine suite à la consommation de viande de porc (J. Dupouy-Camet et al. 2015).
2. Au niveau Européen
Entre 1986 et 2010, 65818 infections et 42 morts ont été rapportés dans 41 pays dont 87%
des cas en Europe (K. Darwin Murrell et Pozio 2011). 175 cas ont été rapportés en 2005, 776 en 2006 et 867 en 2007 en Europe. L’augmentation du nombre de cas pourrait s’expliquer par l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union Européenne (Jean Dupouy-Camet, Talabani, et Ancelle 2010). Selon le Centre Européen pour la prévention et le contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC)) entre 2008 et 2012, 2289 cas ont été rapportés en Europe dont 51% des cas en Roumanie (1177 cas) et 23% en Bulgarie. 537 cas ont été rapportés en 2013 et 2014 en Europe.
Depuis 2007 on observe une diminution du nombre de cas de trichinelloses Humaines
(Tableau 3, Figure 9).
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Tableau 3 Cas de trichinellose rapportés à l’ECDC en Europe entre 2007 et 2014 (« European Centre for Disease Prevention and Control », s. d.).
Pays 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 2007 Cas rapportés Cas confirmés Cas rapportés
Allemagne 1 14 2 3 3 1 1 10
Autriche 0 0 0 1 5 0 0 0
Belgique 16 1 0 0 3 0 5 3
Bulgarie 60 36 30 27 14 407 67 62
Chypre 0 0 0 0 0 0 0 0
Croatie 3 0 - - - - - -
Danemark - - - - - - - -
Espagne 1 23 10 18 10 7 27 36
Estonie 0 0 0 0 0 0 0 0
Finlande 0 0 0 0 0 0 0 0
France 0 0 0 2 0 9 3 1
Grèce 0 0 0 0 4 2 0 0
Hongrie 0 0 0 0 0 9 5 2
Irlande 0 0 0 0 0 0 0 2
Italie - - 33 6 0 1 0 1
Lettonie 5 11 41 50 9 9 4 4
Lituanie 5 6 28 29 77 20 31 8
Luxembourg 0 0 0 0 0 0 0 0
Malte 0 0 0 0 0 0 0 0
Pays-Bas 0 0 0 1 0 1 1 0
Pologne 6 4 1 10 14 18 4 217
Portugal 0 0 0 0 0 0 0 0
République
Tchèque 0 0 1 0 0 0 0 0
Roumanie 221 116 149 107 82 265 503 432
Royaume-Unis 1 0 0 0 0 0 0 0
Slovaquie 0 5 5 13 2 0 18 8
Slovénie 0 1 1 1 0 1 1 0
Suède 1 0 0 0 0 0 0 1
Total UE 320 217 301 268 223 750 670 787
Islande 0 0 - - - - - -
Liechtenstein - - - - - - 0 -
Norvège 0 0 0 0 0 0 0 0
- 33 -
Figure 9 Evolution du nombre de cas de trichinelloses Humaines en Europe de 2007 à 2014 (« European Centre for Disease Prevention and Control », s. d.)
3. En France
En France, 2538 cas ont été rapportés entre 1975 et 2005 (« Centre national de référence des Trichinella », s. d.) et 14 cas entre 2008 et 2012 (« European Centre for Disease Prevention and Control », s. d.). Des cas de trichinellose ont été rapportés après consommation de viande provenant de Corse en 2015 (Peignaud et Orsoni 2015). Trois Français se sont contaminés suite à la consommation de viande d’Ours Polaire infestée par T. nativa (« ProMED - the Program for Monitoring Emerging Diseases » 2016). Les cas de trichinellose Humaine en France sont dus à des viandes contaminées importées et non contrôlées. Aucun cas de trichinellose Humaine n’a été déclaré sur de la viande contrôlée depuis 1998 (J. Dupouy-Camet et al. 2015).
4. Les cas récents de trichinellose
En aout 2016, 4 cas de trichinellose ont été rapportés en Ukraine suite à la consommation de viande achetée sur un marché. Les personnes ont été hospitalisées.
20 personnes se sont contaminées en Sibérie (Russie) suite à la consommation de viande d’ours et ont été hospitalisées.
3 Français se sont contaminés suite à la consommation de viande d’ours polaire (Ursus maritimus) lors d’un voyage au Groenland en février. L’un des consommateurs, âgé de 55 ans s’est présenté à l’hôpital Cochin pour des douleurs musculaires et une forte fièvre. Un autre consommateur, âgé de 56 ans, était totalement asymptomatique. Le dernier consommateur, âgé de 59 ans, a présenté des diarrhées, une forte fièvre, des myalgies et
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Nombre de cas
Année