• Aucun résultat trouvé

ÉDITORIAL. CES VILLES DONT ON NE PARLE PAS

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "ÉDITORIAL. CES VILLES DONT ON NE PARLE PAS"

Copied!
7
0
0

Texte intégral

(1)

ÉDITORIAL. CES VILLES DONT ON NE PARLE PAS Jean-Yves Authier, Catherine Bidou-Zachariasen

Érès | « Espaces et sociétés » 2017/1 n° 168-169 | pages 9 à 16 ISSN 0014-0481

ISBN 9782749255019 DOI 10.3917/esp.168.0009

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2017-1-page-9.htm

---

Distribution électronique Cairn.info pour Érès.

© Érès. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

© Érès | Téléchargé le 05/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(2)

I C es Villes

dont on ne parle pas

© Érès | Téléchargé le 05/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(3)

Éditorial Ces villes dont on ne parle pas

Jean-Yves Authier

Catherine Bidou-Zachariasen

L

es villes de la recherche urbaine ont longtemps été et sont encore très large- ment aujourd’hui, pour des raisons diverses et sans doute de façon plus ou moins accentuée selon les disciplines, des très grandes villes ou pour le moins des métropoles. Mais les réalités du fait urbain ne se limitent pas à elles seules.

Aujourd’hui dans le monde, plus de la moitié de la population urbaine vit, et devrait continuer à vivre, dans des agglomérations de moins d’un demi-million d’habitants – et 9 % seulement dans des « mégavilles » de 10 millions d’ha- bitants ou plus. En France, près du quart de la population citadine réside dans des unités urbaines peuplées de 10 000 à 100 000 habitants et les petites unités urbaines (moins de 10 000 habitants) sont depuis le tournant des années 2000 celles qui gagnent le plus d’habitants (Insee-Première, 2011).

Une raison principale de cette focalisation de la recherche sur les très grandes villes tient sans doute au fait que dans les représentations générales, mais surtout celles des décideurs politiques ou économiques, elles sont consi- dérées comme les seules à constituer des territoires de croissance et d’inno- vation. Les grandes métropoles seraient les seules susceptibles de procurer des emplois aux diplômés mais aussi aux couches sociales peu qualifiées lais- sées pour compte par les reconversions industrielles. C’est sans doute aussi

© Érès | Téléchargé le 05/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(4)

Espaces et sociétés 168-169 12

ce type de représentations qui est à l’origine d’une distribution des crédits de recherche favorisant largement les projets orientés sur des thématiques liées aux métropoles.

Dans une première perspective, l’objectif de ce dossier d’Espaces et Sociétés a été de traiter de ces villes « invisibles » (petites villes, villes moyennes…) que la recherche urbaine a peu prises en compte. Qu’est-ce que l’observation de ces villes apporte à la connaissance du phénomène urbain et des processus sociaux qui s’y déroulent ? Quelles populations habitent dans ces villes ? Quels processus d’agrégation et de ségrégation sont observables ? Quels modes de vie et quelles manières de cohabiter ? Quelles formes de gouvernement, de gestion ? Quelles représentations ces citadins ont-ils de la ville et de l’urbanité ? Dans une deuxième perspective nous désirions que ce dossier fût aussi l’occasion d’exhumer des villes (et des travaux) de l’his- toire de la recherche urbaine qui sont peu visibles dans les travaux actuels en sociologie urbaine ou en géographie qui participeraient à une réflexion sur ce que l’on dit des villes quand on ne parle pas des métropoles ou des villes en difficulté…

C’est par cette constatation que les études sur les petites et moyennes villes sont restées relativement dans l’ombre que démarre l’article de Christophe Demazière intitulé « Le traitement des petites et moyennes villes par les études urbaines ». Il propose ainsi de faire le point sur les apports des travaux français du xxe siècle sur ces catégories de villes. Leur définition peut être très variée en fonction des sources. Leur type d’approche a souvent été la monographie, et les connaissances accumulées loin d’être négligeables. Les grandes villes sont censées être au cœur du développement économique et l’étude des flux, de personnes, de marchandises, d’informations qu’elles s’échange semblent de plus grand intérêt que les expériences urbaines qui ont pour cadre les villes de moindre taille. Or des expériences tant sociales qu’industrielles ont pu être recensées dans ces villes que l’on désigne aussi comme secondaires, montrant que de l’innovation peut émerger et diffuser hors des aires métropolitaines.

Dans « Explorer la ville moyenne à Auxerre et à Vienne. Retour sur deux études fondatrices de la sociologie urbaine française », Justine Pribetich constate aussi que les grandes villes, mondiales ou globalisées, concentrent à elles seules l’attention et l’intérêt scientifique d’une majorité de chercheurs.

Pourtant des villes moyennes ont été l’objet d’études importantes, assez oubliées aujourd’hui et elle nous propose de revenir sur l’intérêt de ces travaux.

Auxerre et Vienne ont constitué dans les années 1950 et 1960 les terrains d’analyse de deux équipes différentes de sociologues urbains. L’auteur nous rappelle qu’il y a eu dans ces années-là un renouveau de l’enquête urbaine. Le choix de ce type de villes, moyennes comme taille, mais aussi comme niveau économique et social représentait une entrée pertinente pour saisir toutes les formes de la vie sociale in situ. La ville est apparue de façon nouvelle, comme

© Érès | Téléchargé le 05/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(5)

Éditorial

13

terrain d’enquête et comme objet sociologique. L’approche urbaine a acquis à travers ces travaux un statut dans le champ de la sociologie.

Élie Guéraut a rédigé « Mobiliser ses capitaux d’un espace à l’autre, le “retour qualifié” dans les villes moyennes ». Il s’est en effet intéressé au

« retour » dans la ville moyenne de leur enfance de jeunes diplômés ayant fait leurs études ailleurs. La recherche qui nourrit cet article est principale- ment menée par une approche qualitative à travers laquelle il va appréhender les conditions de ce retour. Ce type d’approche permet de comprendre que des processus sociaux comme de la mobilité sociale sont possibles en dehors des grandes métropoles. Leurs capitaux scolaires trouvent à se valoriser dans l’espace social localisé. Leur capital d’autochtonie, leur fréquent engagement associatif constituent un contexte favorisant l’accès à l’emploi. L’auteur nous dit vouloir « contribuer à éclairer la connaissance de ces espaces parfois hâtive- ment qualifiés de périphériques ». Ce type de ville moyenne, dont on ne parle pas, et où les catégories moyennes-supérieures sont légèrement sous-repré- sentées, ne constitue pas pour autant des espaces de relégation d’une France populaire et fragile. Ce sont même les caractéristiques de taille restreinte de ville qui facilitent la mobilisation de capitaux relativement limités. L’auteur insiste sur la vitalité des villes moyennes en termes de territoires attractifs.

L’article de Berroir et al., « Petites villes périurbaines et ancrage local des habitants. Les cas de Méru et Senlis dans l’Oise » porte sur deux petites communes des franges nord de l’agglomération parisienne. Les auteurs y montrent que des logiques différentes de celles marquant de façon domi- nante la métropolisation peuvent y émerger. Bien que la majorité des actifs ne travaillent pas à proximité, les vies quotidiennes hors travail s’organisent largement localement dans les ressources qu’offrent ces petites villes. Celles-ci présentent un degré notable d’autonomie vis-à-vis de leur métropole de ratta- chement et jouent un rôle structurant dans leur environnement local. Tandis qu’à Senlis les habitants fréquentent préférentiellement les commerces de centre-ville, à Méru ce sont les équipements commerciaux de périphérie qui les attirent en premier lieu. Ces différences de pratique peuvent être rapportées à leur composition sociale différente. Dans la première commune les catégo- ries moyennes et supérieures sont plus nombreuses que dans la seconde où dominent les couches populaires. C’est la notion même de périurbain qu’in- terroge cet article montrant qu’elle est une catégorie aussi descriptive que fonctionnelle.

Dans son article « Des chevaux et des réformes, les villes des haras natio- naux » Damien Bruneau nous montre comment depuis le milieu du xixe siècle l’État français avait organisé un véritable service public des haras nationaux visant au développement et à la reproduction des races équines. Le choix des villes qui regroupaient ces fonctions avait longtemps été déterminé par les besoins de l’armée, des agriculteurs, des éleveurs… L’auteur analyse comment cette implantation des haras a marqué des siècles durant l’économie de tout

© Érès | Téléchargé le 05/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(6)

Espaces et sociétés 168-169 14

un spectre de villes très diverses pouvant aller de la métropole à la très petite ville. Les haras nationaux ont participé à la formation de citadelles de l’État central au sein de régions. Mais ces empreintes très prégnantes ont pu aussi entraver le développement des centres de ces villes. Depuis le tournant des années 2000, l’État se désengage de ces équipements laissant la responsabilité de leur gestion aux collectivités territoriales ainsi qu’à des entreprises privées.

Bon nombre des petites et moyennes villes des haras nationaux peuvent alors se trouver fragilisées tandis que de nouveaux enjeux se profilent, de mise en valeur immobilière ou touristique.

Ygal Fijalkow et al. nous proposent un papier « Le retour des commerces en centre-ville comme stratégie d’aménagement local, le cas d’Albi », issu d’une recherche portants également sur une ville moyenne qui n’était pas parmi les plus « visibles ». Son propos est de montrer que des politiques publiques, locales, diversifiées et menées sur le long terme ont pu contrer une tendance générale de désertification du centre-ville. En effet depuis les années 1960- 1970, la ville d’Albi avait vu ses habitants quitter le centre et l’habitat ancien pour l’habitat individuel en lotissements périurbains pavillonnaires. De ce fait la fréquentation des commerces de centre-ville avait décliné au profit des équi- pements de la périphérie. L’action publique a porté à la fois sur une recherche de valorisation symbolique du site qui s’est faite à travers une demande précoce de classement Unesco. C’est aussi une valorisation du centre-ville qu’ont poursuivie les édiles en y soutenant l’implantation d’équipements cultu- rels et d’enseignement supérieur. Des opérations de rénovation de l’habitat ancien ont également été promues dans le but d’y faire revenir la population.

Le soutien à la réouverture de commerces centraux a complété cette action publique multifronts. Les auteurs concluent sur le risque d’une revitalisation du centre trop « réussie » pouvant le faire évoluer sur une « touristification » monofonctionnelle.

En rédigeant « Charleroi, enquêtes sur une ville aux images confuses », les auteurs Jean-Alexandre Pouleur et Ornella Vanzande ont souligné que cette ville de 200 000 habitants, la plus importante de Wallonie, est moins connue et moins citée que Liège ou Namur, pourtant plus petites. La recherche qui fut la leur est basée sur deux enquêtes menées auprès des habitants de Charleroi, sur leurs représentations de cette ville atypique, au patrimoine immobilier inté- ressant mais peu reconnu. Charleroi fut longtemps une ville industrielle au centre d’un bassin minier ne possédant pas de centre-ville tel ceux des villes traditionnelles. La ville est constituée d’une mosaïque d’unités de voisinage, auxquelles les habitants sont attachés et s’identifient. Dans leur analyse les auteurs ont voulu se démarquer par rapport à la grille de E. Lynch sur les

« images de la ville », classiquement convoquée par les sociologues urbains. Ils ont pu montrer que les habitants imbriquent trois composantes : le patrimoine immobilier au sens large, le vécu spatial et le sens social ; trois composantes qui constituent le « patrimoine social vécu ».

© Érès | Téléchargé le 05/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(7)

Éditorial

15

Dans le dernier article de notre dossier intitulé « Dynamisme et fragilité du développement non-métropolitain en Inde, l’exemple de Kartarpur, petite ville-cluster d’artisans-menuisiers », Rémi de Bercegol nous emmène dans une petite ville indienne de l’état du Pendjab au nord de l’Inde. Spécialisée dans l’artisanat du meuble, cette petite ville fonctionne tel un cluster ou un « district industriel », en assurant la pérennité et la complémentarité des savoir-faire traditionnels. Mais les artisans locaux ont su aussi adopter certains éléments de production moderne. Ainsi Kartapur a connu dans les dernières décennies un développement endogène relativement indépendant du processus de métro- polisation – hors du paradigme métropolitain – faisant prospérer un « système productif local ». L’intégration au commerce international en complexifiant ce système l’a cependant fragilisé. Les conditions de travail se sont dégra- dées. Les tensions concurrentielles sont croissantes. C’est dans ce contexte que de façon récente les autorités de la grande ville voisine de Jalandhar – dont Kartapur était indépendante fonctionnellement – ont pris conscience de l’in- térêt qu’ils pouvaient tirer du développement de programmes immobiliers dans sa périphérie. De nouveaux acteurs économiques sont entrés sur le marché et plusieurs projets urbains prévoient qu’à terme Kartapur pourra représenter une réserve immobilière de la banlieue de Jalandhar, risquant de la faire évoluer vers la fonction ville-dortoir. L’artisanat du meuble aura du mal à résister à l’appétit des promoteurs immobiliers.

© Érès | Téléchargé le 05/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

Références

Documents relatifs

Les géographies de la différence s’inscrivent ainsi dans le sillage des géographies de l’exclusion dont les travaux (Sibley, 1995) ont clairement montré comment une diversité

Giordano (UMR ART-Dev): Nightlife and urban change in Bairro Alto, Lisbon. de Natal et UMR ART-Dev): Présence du Brésil dans les fêtes nocturnes européennes.. 15h00 :

Por último, desde un tercer ángulo de ataque, este número temático podría ser una buena ocasión para hablar de ciudades, de obras y de autores de la historia de la

« On ne force pas les professeurs ou les départements à passer à la formation en ligne [...] mais, de temps en temps, on leur rappelle que s'ils veulent se faire connaître,

Ce graphique représente les précipitations (en mm) dans trois grandes villes de France sur une année?. Quel est le mois le plus humide

Très conscient du fait qu’un bâtiment s’inscrit dans la ville pour très longtemps, nous avons à cœur de faire de nos projets des lieux de vie agréables.. 2020 nous aura

A partir de trente (30) jours du départ, les frais d''annulation sont calculés suivant le tableau ci-dessous (sauf conditions d''annulation spécifiques de

Lorsqu’il est bien clair pour le pro- fessionnel que ce geste n’est pas une manifestation du désir d’emprise sur l’enfant-objet, mais bien une forme d’échange affectif qui