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L activité commerciale accessoire de l avocat

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Cette étude est le résultat d’un projet réalisé dans le cadre de l’Ecole de l’innovation - ERAGE.

L’activité

commerciale accessoire de l’avocat

Sous la direction de :

Me Clarisse BERREBI, barreau de Paris Me Delphine GALLIN, barreau de Marseille

Réalisé par les élèves de l’ERAGE : PROJET 5 - 2017

Arnaud CHAPERT

Clarisse de BAILLENCOURT Henri HUET

Louis MARTIN

Octobre 2017

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Introduction

L’innovation est un facteur commun à tous les secteurs d’activité et les professions juridiques ne sauraient y faire exception.

Depuis 2014, la profession d’avocat fait l’objet de profondes mutations pour s’adapter à un nouveau contexte : l’arrivée de nouveaux acteurs économiques sur le marché du droit, des méthodes de travail révolutionnées par des outils technologiques toujours plus innovants et les nouvelles attentes des clients.

Ainsi, les récentes législations ont actées la libéralisation de la publicité, la fin de la territorialité, l’ouverture du capital du cabinet d’avocat, l’inter-professionnalité structurelle et la possibilité d’exercer une activité commerciale accessoire.

C’est sur ce dernier point que porte notre étude, une évolution majeure intervenue avec le décret n°2016-882 du 29 juin 2016 (dit « décret Macron »), qui dans son article 4-2 vient offrir la possibilité aux avocats de procéder « à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession

».

Ces nouvelles dispositions constituent un véritable bouleversement à un principe déontologique jusqu’alors inscrit dans le marbre, à savoir celui de l’incompatibilité entre la profession d’avocat et « toutes les activités à caractère commercial, qu’elles soient exercées directement ou par personne interposée » (Article 111-a, décret 27 novembre 1991).

A l’origine, le principe d’incompatibilité entre la profession d’avocat et les activités commerciales a été instauré à partir du XVIIIème siècle, essentiellement parce que celles-ci étaient considérées comme dérogeant à l’honneur de la profession.

L’objectif désigné de ce régime d’incompatibilité était de préserver la déontologie de l’avocat, plus particulièrement le principe d’indépendance et de désintéressement, lesquels sont au cœur de l’exercice professionnel.

Toutefois, l’heure est à l’assouplissement des règles gouvernant la profession et il convient de s’en féliciter puisque cela démontre une capacité d’adaptation à l’évolution du monde.

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Dès lors, il s’agit d’une véritable opportunité offerte aux avocats d’élargir le champ des possibles en diversifiant leurs activités, tout en développant concomitamment l’innovation, la créativité et le dynamisme au sein de la profession.

Jusqu’alors, la France n’était pas la seule à avoir une conception stricte de l’incompatibilité du métier d’avocat avec l’exercice d’une activité commerciale, puisque d’autres pays européens, comme l’Italie ou le Luxembourg, ont des dispositions similaires en ce domaine.

Cependant, certains ordres juridiques, tels que l’Espagne ou le Danemark, ont fait le choix d’un positionnement plus libéral car ils permettent déjà, aux avocats exerçant sur leur sol, de pratiquer une activité commerciale en parallèle de leur profession, dans la mesure où ladite activité ne comporte aucune restriction de liberté, d’indépendance ou de dignité.

En France, près d’un an après l’adoption du texte susvisé, les possibilités qui y sont offertes restent encore largement méconnues d’une grande partie de la profession et notamment des bâtonniers que nous avons eu l’occasion d’interroger.

Dans cette étude qui se veut didactique, on propose une analyse des textes, des travaux parlementaires en amont et des récentes interprétations doctrinales pour déterminer dans un premier temps le régime juridique applicable à l’activité commerciale accessoire de l’avocat.

Il s’agit ensuite de voir ce que recouvre la notion « d’activité commerciale accessoire

» et surtout le critère de connexité au regard des textes et des principes déontologiques inhérents à la profession. Un état des premières expériences des cabinets en la matière permettra d’affiner l’analyse.

Enfin, ce rapport s’achèvera par un regard prospectif avec quelques suggestions d’activités qu’on imagine voir en pratique dans les mois et les années à venir.

Ce document a été conçu et rédigé comme un outil pédagogique et synthétique, destiné aux bâtonniers, aux avocats et aux élèves-avocats, afin de faciliter leur compréhension de la thématique qui y est développée.

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I – Le régime juridique de l’activité commerciale accessoire

Pour tenter de déterminer les contours de la réforme du statut des incompatibilités de la profession d’avocat, il convient de s’attacher à la nouvelle rédaction du texte de l’article 111 du décret n° 911197 du 27 novembre 1991, telle qu’elle résulte du décret n°

2016-882, dont les dispositions sont entrées en vigueur au 1er juillet 2016.

Aux termes de cet article : « La profession d’avocat est incompatible : a) Avec toutes les activités de de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée ; b) Avec les fonctions d'associé dans une société en nom collectif, d'associé commandité dans les sociétés en commandite simple et par actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de président du conseil d'administration, membre du directoire ou directeur général d'une société anonyme, de gérant d'une société civile à moins que celles-ci n'aient pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat. Les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne font pas obstacle à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession. L'avocat ou la société d'avocat qui fait usage de la dérogation prévue au b ou au quatrième alinéa en informe par écrit, le conseil de l'ordre du barreau dont il ou elle relève dans un délai de trente jours suivant le début de l'activité concernée. Le conseil de l'ordre peut lui demander tous renseignements ou documents utiles pour lui permettre d'apprécier si une telle activité est compatible avec les règles de déontologie de la profession ».

Le principe général en matière d’incompatibilité demeure : la profession d’avocat reste, par principe, incompatible avec toute activité de caractère commercial (art. 111 a), ainsi qu’avec l’exercice d’un mandat social (art. 111 b).

Ce n’est donc qu’à titre dérogatoire que cette interdiction est aménagée, dans des conditions qu’il convient de préciser (A). L’exercice de cette activité commerciale doit en outre s’accomplir dans le respect de la déontologie, ce qui invite à s’interroger sur les éventuelles limites susceptibles d’entourer cette autorisation (B).

A. Les conditions de l’activité commerciale accessoire de l’avocat

Le nouveau texte autorise désormais les avocats ou sociétés d’avocats à commercialiser, directement ou par personne interposée, à titre accessoire, des biens ou services connexes à l’exercice de la profession d’avocat, dès lors que ceux-ci sont

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destinés à des clients ou les autres membres de la profession.

Ainsi, trois conditions cumulatives paraissent ressortir de cette formulation : d’abord le caractère nécessairement accessoire de l’activité commerciale envisagée (1), ensuite la connexité entre les biens ou services commercialisés et la profession d’avocat (2), et enfin la destination de cette activité aux clients ou autres membres de la profession (3).

1. Le caractère accessoire de l’activité commerciale

La mention relative au caractère « accessoire » n’apparaissait pas initialement dans le texte du projet de décret qui précisait seulement, aux termes d’un paragraphe c) ajouté1, que « les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne [faisaient] pas obstacle à la commercialisation de biens ou de services connexes à l’exercice de la profession d’avocat et destinés à ses clients ou aux autres membres de la profession

»2.

Dans le rapport portant sur ce projet de décret, le Barreau de Paris avait déploré cette omission et la préférence qui était donnée à l’adjectif « connexe»3. L’Ordre s’appuyait sur les dispositions réglementant le statut des experts-comptables4 et sur celles prévues par le Règlement intérieur du Barreau de Paris pour encadrer les nouvelles activités de l’avocat5 pour estimer que « le terme “accessoire“ est bien le terme adapté pour autoriser un professionnel, en l’occurrence un avocat, à exercer des activités s’inscrivant dans le prolongement de son activité ». Pour l’Ordre, « l’activité accessoire est celle qui découle de l’activité principale de l’avocat, qui reste secondaire par rapport à celle-ci et qui est exercée en qualité d’avocat ».

1La disparition de ce c) dans la rédaction du texte final adopté est à regretter, elle était cohérente au regard de la référence aux « incompatibilités prévues aux alinéas précédents ». 

2Avis de projet de décret sur l’article 63 de la Loi Macron transmis le 14 avril 2016 par la DGCCRF, titre II, 3°).

3Rapport sur le projet de décret d’application de l’article 63 de la loi Macron : dispositions modifiant le régime des incompatibilités, rédigé le 11 mai 2016 et présenté le 17 mai 2016 au conseil, spéc. p. 9 et 10.

4La loi n° 2010¬-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services prévoit que « L’activité d’expertise comptable est incompatible :

- avec toute activité commerciale ou acte d’intermédiaire autres que ceux que comporte l’exercice de la profession, sauf s’il est réalisé à titre accessoire et n’est pas de nature à mettre en péril l’exercice de la profession, ou l’indépendance des associés experts-comptables ainsi que le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur statut et à leur déontologie (…) ».

5Concernant l’avocat intermédiaire en assurances, le RIPB prévoit que « Dans le respect des principes essentiels, l’avocat peut exercer à titre accessoire une activité d’intermédiaire en assurances » (’article P.6.2.0.1), et concernant l’avocat mandataire en transactions immobilières, il prévoit que « Cette activité doit être pratiquée en vue de la rédaction d’un contrat ou avant-contrat et constitue pour l’avocat une activité accessoire » (article P.6.2.0.4).

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Le texte finalement adopté a repris la précision relative à la commercialisation « à titre accessoire », tout en maintenant la référence à la notion de connexité.

Reste à savoir ce qu’il faut entendre par le caractère accessoire de l’activité, quel critère il conviendrait de prendre en considération pour déterminer ce qui est accessoire de ce qui ne l’est pas.

Trois critères peuvent être avancés pour déterminer le caractère accessoire de l’activité commerciale qui découlerait de l’activité principale qu’est l’exercice de la profession d’avocat : un critère financier (ou économique), un critère temporel ou un critère fonctionnel (ou organique).

Le premier impliquerait que le chiffre d’affaire de l’activité accessoire reste inférieur à celui de l’activité principale.

Le deuxième reposerait sur une appréciation de la répartition du temps consacré à l’activité principale et à l’activité accessoire.

Le troisième supposerait que l’activité accessoire, s’inscrivant dans la nécessaire dépendance de l’activité principale, entretienne un rapport suffisant avec la sphère juridique dans laquelle évolue l’avocat.

Si la doctrine paraît, souvent avec prudence, donner la préférence à l’aspect économique6, il ne semble toutefois pas que cet élément ait été particulièrement à l’esprit des rédacteurs du texte.

En effet, lors d’un évènement organisé par l’Incubateur du Barreau de Paris le 22 septembre 20167, l’auteur principal du texte de la réforme était amené à préciser que

«le pouvoir réglementaire n’avait jamais envisagé que le caractère accessoire revête une dimension économique ou temporelle»8. Comme le relève un observateur, cela signifie que « l’activité commerciale pourrait bien être bien supérieure, tant en termes de chiffre d’affaires que de temps passé, à l’activité d’avocat. Il s’agirait donc d’une définition fonctionnelle qui se confondrait ainsi avec le caractère connexe de l’activité puisqu’il suffirait dès lors que l’activité commerciale envisagée ait un lien avec la

6Voir en ce sens F. GSELL, « Décrets Macron : l’avocat n’est plus tenu à l’unicité d’exercice et peut exercer certaines activités commerciales », JCP G., 2016, 808.

La seule limite tiendrait alors « à l’impossibilité qui est faite à l’avocat de dépasser l’accessoire et d’en faire d’une de ses activités principales, compte tenu d’un caractère spéculatif et répétitif dont il tirerait l’essentiel de ses revenus » (in : « Décrets 63 et 67 Macron, I want your bizness, Part. 2 : les incompatibilités », Gaz. Pal. 19/07/2016, n°27, p. 8).

7Événement LegalMeUp organisé à la Maison du Barreau de Paris, en présence notamment de M.Xavier HUBERT, ancien conseiller juridique du ministère de l’Économie.

8Rapporté par A. LABAEYE, in « Quelle concurrence entre avocats et legal start-up ? », Revue pratique de la Prospective et de l’Innovation, mars 2017, art. 5, spéc. § 13.

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sphère juridique pour qu’elle réunisse ainsi les conditions du décret »9.

2. La notion de biens ou services connexes à la profession d’avocat

Selon l’article 111, l’activité permise doit consister en la « commercialisation de biens ou services connexes à l’exercice de la profession d’avocat ».

Ce sont donc, en toute rigueur, les biens et services qui doivent être « connexes » à la profession d’avocat, et non l’activité commerciale elle-même. Selon la formulation retenue, l’activité commerciale accessoire ne pourrait donc porter que sur des biens et services qui, par définition, sont en étroite relation avec l’exercice de la profession d’avocat.

Cette notion de « connexité » n’étant pas davantage précisée, il conviendra de proposer des critères permettant de déterminer les types de biens et services que l’avocat sera admis à commercialiser.

La notice du décret donne à titre d’exemple l’édition juridique, la formation professionnelle et la mise à disposition de moyens matériels ou de locaux au bénéfice d’autres avocats ou sociétés d’avocats.

Néanmoins, le terrain d’élection de ces biens et services connexes pourrait bien être le domaine de l’innovation et des nouvelles technologies, la réforme ayant été pensée notamment pour permettre aux avocats de concurrencer les start-up qui ont progressivement pris d’assaut le marché du droit10.

3. La destination de l’activité aux clients ou autres membres de la profession

Le décret précise que les biens ou services doivent être « destinés à des clients ou à d’autres membres de la profession ».

Là encore, la condition relative au public auquel est destinée la commercialisation de ces biens et services suscite des difficultés d’interprétation.

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A. LABAEYE, ibid.

10Voir notamment A. LABAEYE, Quelle concurrence entre avocats et legal start-up ? », Revue pratique de la Prospective et de l’Innovation, mars 2017, art. 5 ; D. JENSEN, « Avocats et legaltech : forcément adversaires ou peut-être alliés ?, D. avocats – Exercer et entreprendre 2017, p. 158 ; ibid., Cabinets d'avocats - Création et stratégie, organisation et gestion, Dalloz, 2017, n° 014.51 s.

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Selon certains, cela exclut tout prospect ou toute idée de courtage11. Pour d’autres encore, la condition d’accessoire semble impliquer que les biens ou services considérés devront être proposés à des clients déjà destinataires de prestations juridiques à titre principal12.

Toutefois, les exemples d’activités renseignés dans la notice du décret, en particulier l’édition juridique et la formation professionnelle, laissent à penser que le texte ne vise pas que les « clients effectifs » de l’avocat, mais plus largement tous ses «clients potentiels »13. La lettre du texte, qui vise bien « des clients » – et non « ses clients » – invite d’ailleurs à une telle approche extensive.

B. Les limites de l’activité commerciale accessoire de l’avocat

L’activité commerciale accessoire de l’avocat constitue ainsi un bouleversement du principe historique d’incompatibilité de la profession d’avocat avec l’exercice d’une activité commerciale. Toutefois, cette nouvelle activité doit être exercée par l’avocat dans le respect de ses obligations déontologiques.

Ainsi, la nouvelle formulation de l’article 111 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, modifié par le décret n°2016-882 du 29 juin 2016, dispose que lorsqu’un avocat souhaite procéder à une activité commerciale accessoire, celui-ci “ en informe par écrit, le conseil de l'ordre du barreau dont il ou elle relève dans un délai de trente jours suivant le début de l'activité concernée”. Le contrôle ordinal intervient donc a posteriori, ce que certains barreaux regrettent.

Cette procédure a pour objectif l’appréciation par l’Ordre de la compatibilité de l’activité commerciale entreprise avec les obligations déontologiques de l’avocat. A cette fin, le conseil pourra demander à l’avocat tous renseignements ou documents utiles.14 Il ne s’agit néanmoins pas d’une véritable procédure de contrôle, puisqu’aucune sanction au manquement à cette déclaration n’est envisagée. Toutefois, celui-ci pourra engager des procédures d’omission ou disciplinaire.15

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D. PIAU, loc. cit.

12 F. GSELL, loc. cit.

13En ce sens : C. BERREBI, L. DUPUIS, « Décrets Macron : activités commerciales des avocats, perspectives et enjeux », D. Avocats – Exercer et entreprendre 2016, p. 331, spéc. n° 2.

14C. BERREBI, L. DUPUIS, « Décrets Macron : activités commerciales des avocats, perspectives et enjeux », D.

Avocats – Exercer et entreprendre 2016, p. 331, spéc. n° 2.

15D. PIAU, « Décrets 63 et 67 Macron, I want your bizness, Part. 2 : les incompatibilités », Gaz. Pal. 19/07/2016, n°27, p. 8

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Quoiqu’il en soit, il apparaît que cette nouvelle possibilité ouverte aux avocats doit être conjuguée avec les principes essentiels de la profession, principes qui, selon la doctrine,16doivent être préservés à un “niveau d’exigence très élevé”17. Les avocats restent ainsi soumis aux obligations déontologiques dans le cadre de l’activité commerciale accessoire. Effectivement, ces règles ne sont pas cantonnées aux seules prestations effectuées par l’avocat en cette qualité18.

La doctrine tente d’établir un certain cadre. Ainsi, une activité commerciale accessoire ne pourrait pas contrevenir aux principes suivants : l’indépendance, le désintéressement, l’absence de conflit d’intérêts et le respect du secret professionnel19. De plus, l’activité commerciale accessoire de l’avocat ne peut aller à l’encontre des principes d’indépendance, de dignité et d’honneur qui régissent la profession d’avocat.20 Dans son article paru à la Gazette du Palais, le 19 juillet 2016, Maître Dominique Piau donne ainsi des exemples d’activités commerciales accessoires qui ne respecteraient pas les règles de déontologie applicables à la profession d’avocat : la vente d’armes ou bien encore la vente de boissons21.

Une seconde limite est enfin soulevée par la doctrine. En effet, l’activité commerciale accessoire de l’avocat semble se voir appliquer l’article 10 du Règlement Intérieur National concernant la publicité. Cette disposition s’appliquerait ainsi aux activités commerciales accessoires proposées par l’avocat à sa clientèle ou aux membres de la profession.22

16 Ibid.

17A. LABAEYE, “Quelle concurrence entre avocats et legal start-up?”, Revue pratique de la prospective et de l’innovation (Lexis nexis Jurisclasseur), mars 2017.

18D. PIAU, « Décrets 63 et 67 Macron, I want your bizness, Part. 2 : les incompatibilités », Gaz. Pal.

19/07/2016, n°27, p. 8

19C. BERREBI, L. DUPUIS, « Décrets Macron : activités commerciales des avocats, perspectives et enjeux », D. Avocats – Exercer et entreprendre 2016, p. 331, spéc. n° 2.

20D. PIAU, « Décrets 63 et 67 Macron, I want your bizness, Part. 2 : les incompatibilités », Gaz. Pal.

19/07/2016, n°27, p. 8

21Ibid.

22Ibid.

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II – Les critères de l’activité commerciale accessoire et connexe Le caractère connexe, critères d’évaluation

Le choix pour un avocat d’étendre son activité au-delà de la prestation juridique est donc aujourd’hui acté. Mais le nouveau dispositif prévoit un contrôle a posteriori par le conseil de l’Ordre.

Pour éviter les incertitudes juridiques, nous proposons une grille d’analyse de l’activité commerciale connexe, à destination des avocats pour une meilleure visibilité du champ des possibles mais aussi pour les bâtonniers pour une meilleure harmonisation des décisions sachant que ces décisions sont susceptibles d’un recours.

A. Connexité directe

Il s’agit de toute activité pouvant entrer dans une intégration verticale, pour utiliser un terme emprunté en matière de stratégie d’entreprise.

L’intégration verticale consiste à répondre à un besoin de son client qui se situe en amont ou en aval du produit ou de la prestation qui lui a été vendu. C’est le cas par exemple du fabricant d’imprimantes, qui va développer la vente de cartouches, de papier, ou encore la maintenance des appareils vendus.

Il est tout à fait possible de transposer cette stratégie à celui d’un avocat. Par exemple, un client qui demande une consultation pour la création de son entreprise pourra également avoir besoin de conseils en matière de financement, de stratégie marketing, de coaching, d’étude de marché… Tous les domaines de l’entreprenariat, nécessaires au développement d’une entreprise, peuvent être considérés comme des activités connexes à l’activité d’avocat. Les services ou produits commercialisés viennent satisfaire un besoin qui peut apparaître avant la création de l’entreprise (ex : l’étude de marché) ou après (ex : conseil stratégique en développement).

Dès lors, le premier critère est :

L’activité en question répond-elle aux besoins du client sur l’ensemble de son projet ? Si la réponse est positive, l’activité est connexe.

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11 B. Connexité indirecte

Au-delà du critère basé sur le principe d’intégration verticale, l’avocat pourrait tout à fait fournir une prestation ou un bien qui découlerait de son domaine de spécialisation.

La prestation ou le bien n’a plus à être rattaché à un client qui fait appel à lui pour un service juridique. Il n’y a plus besoin de s’inscrire dans un projet global pour un client en particulier.

L’avocat serait sollicité pour une compétence, un savoir-faire, qui lui est propre. On peut penser par exemple à un avocat spécialisé en propriété intellectuelle qui pourrait produire des musiciens. Ainsi l’activité de production d’artiste serait-elle connexe à celle d’avocat conseil en propriété intellectuelle.

Le bien ou le service dérive-t-il d’une compétence particulière de l’avocat ? Une fois encore, si la réponse est positive on pourra considérer l’activité comme connexe.

De façon globale, l’esprit de la loi Macron est d’étendre le champ d’activité de l’avocat, qui aujourd’hui commence à être occupé par les legal start-up. L’interprétation doit donc pouvoir être large pour répondre aux besoins de la profession dans les années à venir.

Il faudra noter que certaines activités connexes peuvent nécessiter des conditions ou obligations de formation ou de diplôme. L’avocat ne pourra pas s’en dispenser et devra remplir les mêmes conditions légales pour exercer sa nouvelle activité.

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III – Les premières expériences et l’utilisation des critères dégagés

Plusieurs cabinets d’avocats ont commencé à se lancer dans une activité commerciale accessoire et connexe. Bien qu’ils n’y soient pas tenus, certains ont demandé, au préalable, l’aval de leur barreau qui, au gré du vent, a accordé ou refusé ces activités.

L’ouverture d’une salle de yoga

Un cabinet d’avocats spécialisé en droit de la famille a souhaité proposer à ses clients de bénéficier de cours de yoga, cours dispensés dans des locaux du cabinet. Le barreau a approuvé cette activité accessoire.

En l’espèce, au regard des critères dégagés de la loi Macron, ce service dérive directement de la compétence de l’avocat en ce qu’il permet à ses clients d’aborder une procédure de divorce ou de médiation dans des conditions apaisées. La connexité indirecte se reconnaît ici.

L’enseignement de la pratique du ski

Un avocat nullement spécialisé en droit du sport a demandé l’autorisation à son barreau de pouvoir être moniteur de ski. Le conseil de l’Ordre a répondu par la positive.

Toutefois, il est important de noter ici que cette information n’a pas été présentée sous l’angle de l’activité commerciale accessoire mais celle de l’activité de formation, activité compatible avec la profession d’avocat même si cet enseignement ne découle pas directement de la compétence de l’avocat ni du projet de ses clients.

En revanche, si l’avocat était spécialisé en droit du sport, on peut imaginer que l’activité commerciale de moniteur de ski aurait répondu au critère lié à la connexité indirecte.

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13 L’ouverture d’un débit de boisson

Un avocat a demandé à son barreau de pouvoir ouvrir un débit de boisson. Cette activité a été refusée au visa des règles de déontologie et notamment du serment de l’avocat qui prône la dignité. Un avocat ne saurait valablement ouvrir un débit de boisson sans ternir l’image de la profession et de ses relations avec d'hypothétiques clients qui consommaient des boissons dans le bar nouvellement créé.

Au regard des critères dégagés de la loi Macron, un barreau peut valablement interdire cette activité car d’une part cela ne répond pas aux besoins du client sur l’ensemble des projets qu’il peut soumettre (connexité directe) et d’autre part ce service ne découle d’aucune compétence de l’avocat ou de l’une de ses spécialités (connexité indirecte).

Mais qu’en est-il de l’avocat qui met en place un bar ou un espace de restauration dans ses locaux, à destination de ses clients ? Le contexte dans lequel l’activité est exercée est différent et appelle peut-être une appréciation différente.

Quant à l’avocat spécialisé en droit de la vigne qui devient négociant en vin ou entend commercialiser du vin, non seulement cela pourrait entrer dans le cadre de la connexité directe, mais il semble incontestable que cela entre a minima dans le critère de la connexité indirecte.

L’activité de guide touristique au Palais de justice

Un avocat a voulu développer une activité de guide touristique dans les Tribunaux et notamment auprès du Palais de justice de son barreau. Le barreau, après avis de la commission Règles et usages du CNB, a répondu par la négative en considérant qu’une telle activité n’entrait pas dans les possibilités offertes par la loi Macron.

La décision est conforme aux critères dégagés ci-dessus, l’activité ne répondait ni aux besoins du client sur l’ensemble de ses projets ni ne découlait d’une spécialité ou d’une compétence particulière de l’avocat.

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Néanmoins, il convient de nuancer une nouvelle fois cette affirmation et de prendre connaissance parfaitement des faits et de la situation de l’avocat. Si ce dernier était spécialisé en droit du tourisme ou autre appellation ayant la même teneur, cette activité commerciale est bel et bien accessoire et connexe, connexe dans le sens où elle découle directement de la compétence particulière de l’avocat et de sa spécialité (connexité indirecte).

L’activité de traduction

De nombreux avocats travaillent dans un contexte international, et doivent produire des pièces (réglementations, contrats …) en plusieurs langues en fonction des clients ou des juridictions. Il est ainsi possible pour un avocat de développer pour ses propres clients, mais aussi ceux de ses confrères un service de traduction.

Cette activité généralement sous-traitée peut ainsi être organisée en interne pour les clients du cabinet et proposée comme une prestation pour les clients avocats.

Au regard des critères évoqués, l’activité de traduction répond aux besoins d’un client sur l’ensemble de son projet, puisqu’elle lui permettra d’intégrer ce service en plus de la prestation juridique. Il y a donc une connexité directe incontestable entre l’activité de traduction et l’activité de l’avocat.

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IV – Demain, de potentielles nouvelles activités

Droit des affaires

Activité de domiciliation d’entreprise - De nombreux avocats sont confrontés à des clients étrangers, personnes physiques, souhaitant s’établir en France et y avoir une adresse. Avant la loi Macron, il était impossible aux avocats de proposer ce service à leurs clients, qui se tournaient vers des sociétés de domiciliation.

Au vu du nouveau dispositif, on peut estimer qu’aujourd’hui il est possible aux avocats de proposer cette prestation à leurs clients, puisque la connexité est indiscutable notamment pour les avocats exerçant en droit des affaires.

Droit du sport

Pour un avocat spécialisé en droit du sport, et dont la clientèle serait issue du monde du sport professionnel ou même amateur (athlètes, clubs, associations, fédérations…), il serait tout à fait possible d’imaginer qu’il soit en charge, à titre d’activité commerciale accessoire, de l’organisation et la promotion d’évènements sportifs tels que par exemple :

- Des combats de boxe ; - Des tournois de tennis ; - Des meetings d’athlétisme ; - Des courses automobiles ; - Des compétitions de e-gaming...

Cette activité aurait pour objet l’organisation matérielle de l'événement, mais également son développement d’un point de vue marketing auprès du public et des médias, auprès desquels les droits de retransmission audiovisuels seront commercialisés.

En outre, depuis la loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires du 28 mars 2011, l’avocat est expressément autorisé à exercer une activité de mandataire sportif, c’est-à-dire de représenter en qualité de mandataire l’une des parties intéressées (joueurs, entraîneurs ou clubs) à la conclusion de contrats.

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Ainsi, les activités susvisées seraient tout à fait connexes de l’activité principale de l’avocat et viendraient parfaitement compléter le panel de services pouvant être proposés par celui-ci, faisant de lui un professionnel tout à fait polyvalent.

Droit de la construction

Il serait parfaitement envisageable de voir un avocat, disposant d’une expertise particulière en matière de droit de la construction et d’une bonne connaissance du marché immobilier, d’exercer une activité de promotion immobilière parallèlement à ses missions de conseils juridiques.

Sa maîtrise des aspects législatifs et réglementaires, particulièrement lourds dans ce domaine, serait synonyme d’avantage concurrentiel certain par rapport aux autres professionnels du milieu de l’immobilier.

L’avocat pourrait ainsi gérer simultanément les volets financiers, juridiques et administratifs de ce type d’opération, tout en respectant les prescriptions de l’article 1831-1 du Code civil, relatif au contrat de promotion immobilière.

Droit rural

Au cours de leurs activités, les avocats spécialisés en droit rural sont notamment amenés à rencontrer et côtoyer différents acteurs du monde agricole (agriculteurs, propriétaires fonciers…). Par conséquent, il est possible d’imaginer que ces avocats organisent des événements afin de permettre la mise en relation des différents acteurs du monde agricole entre eux, mais également avec les particuliers.

Ainsi seraient par exemple possibles :

- la mise en relation de cultivateurs, qui souhaiteraient se regrouper pour proposer à la vente des paniers de fruits et légumes et/ou de spécialités régionales ;

- la mise en relation d’agriculteurs souhaitant augmenter leur surface de cultures avec des propriétaires fonciers ;

- la mise en relation d’agriculteurs souhaitant investir avec des vendeurs de matériel agricole ;

Cette activité commerciale accessoire aurait pour principal objet l’organisation d’événements permettant aux clients de l’avocat de se rencontrer sur des thématiques relatives au droit rural.

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D’autres activités commerciales accessoires relatives au droit rural peuvent également être envisagées :

- la vente de produits régionaux (vente de produits de clients agriculteurs) ; - le développement d’une petite exploitation agricole par le cabinet (culture,

élevage…) ;

Toutefois, dans le cadre de ces activités commerciales accessoires, il est important que les avocats soient attentifs au respect des principes essentiels applicables à la profession d’avocat. En effet, on rappelle que la vente de boissons contrevient aux règles déontologiques auxquelles l’avocat est assujetti.23

Droit social:

Les avocats spécialisés en droit social sont en contact avec des salariés qui, à la suite d’un licenciement, se retrouvent au chômage. Afin d’accompagner ces personnes dans leur processus d’insertion professionnelle, l’avocat pourrait proposer plusieurs types d’activités commerciales accessoires :

- assistance dans les démarches relatives à la demande d’allocations chômage - assistance dans la reconversion professionnelle ;

- proposition de formation professionnelle ;

- aide à la création d’entreprise pour les anciens salariés désirant devenir indépendants ;

Cette activité commerciale accessoire serait ainsi une réelle plus-value apportée au client, en l’accompagnant dans transition professionnelle, de la procédure de rupture de contrat à la signature d’un nouveau contrat.

Parallèlement, l’avocat spécialisé en droit social défendant les intérêts d’une entreprise, pourra lui proposer les activités commerciales accessoires suivantes à ses clients en mettant en avant sa connaissance approfondie du fonctionnement interne :

- assistance dans le recrutement ; - formation des nouveaux salariés.

Ces différents types d’activités ont pour principal objectif l’accompagnement des clients, et à ce titre sont connexes à l’activité principale qui est la prestation juridique.

23D. PIAU,« Décrets 63 et 67 Macron, I want your bizness, Part. 2 : les incompatibilités », Gaz. Pal. 19/07/2016, n°27, p. 8.

(18)

18 Conclusion

Le métier d’avocat, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est probablement en train de tirer petit à petit sa révérence, au profit d’une profession nouvelle, moderne, en phase avec son temps et avec une plus large palette de domaine d’intervention.

Il est pour l’heure encore difficile d’évaluer les impacts concrets de cette importante innovation pour la profession, mais il y a fort à parier qu’elle saura trouver un écho favorable, notamment chez les jeunes générations d’avocats peut-être plus conscientes de la nouvelle conjoncture du marché du droit.

La diversification de l’activité permettra par ailleurs d’appréhender sa profession avec une vision globale des besoins du client, ce qui correspond également au profil du « client- consommateur » d’aujourd’hui qui, grâce au monde digitalisé, est habitué à avoir tout à portée de main et à toute heure.

Les contours de cette nouvelle opportunité restent à construire dans un équilibre entre les garde-fous déontologiques qui font la force de la profession et une compréhension des nouveaux besoins des clients et du nouveau contexte économique du monde du droit. Le rôle des barreaux est plus que jamais déterminant.

Références

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