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Texte intégral

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Madame le Garde des Sceaux,

Monsieur le Sénateur Maire de Lyon,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires

Monsieur le Directeur Général de la Caisse des Dépôts

Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats

Mesdames et Messieurs les Hautes Personnalités,

Monsieur le Président du Conseil Supérieur du Notariat

Mesdames et Messieurs,

Chers Confrères,

Lorsqu'il y a maintenant plus de deux ans, il m'a été demandé d'assumer la Présidence du 109ème Congrès des Notaires de France, j'ai dû réfléchir à un thème.

Ce moment est toujours délicat : que choisir ?

Dans nos Congrès, il y a deux types de sujets :

Un premier type, ce sont les sujets dont la seule évocation est immédiatement notariale, comme la vente d'immeuble traitée à Deauville en 2003, ou la transmission, évoquée l'année dernière par Philippe Potentier et son équipe.

Mais il y a un second type de sujet : ce sont les sujets que j'ai coutume d'appeler

"défricheurs". Ce sont les sujets qui, lorsqu'ils sont énoncés, allument dans les yeux de notre interlocuteur une question immédiate : En quoi ce sujet me concerne-t-il ? Rappelons-nous 1996 : le Congrès de Georges Daublon sur les associations, ou 2001 à Montpellier sur les collectivités locales, autour de Georges Bouju et de Christian Pisani. Voilà des thèmes qui sont loin d'être dans notre environnement immédiat.

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Pourtant curieusement, on s'en souvient facilement, comme des lieux d'ouverture. C'est dans cette veine que j'ai souhaité inscrire le 109ème Congrès, pour évoquer les propriétés publiques.

La plupart d'entre vous n'auront pas manqué de relever l'oxymore. Car, nous le savons, dire d'une propriété qu'elle est publique ne va pas de soi. Rapprocher ces deux notions pose questions. Car si la propriété est une évidence pour le droit privé, tel n'est pas le cas pour le droit public.

Cette summa divisio du droit c'est un peu comme les deux rives d'un détroit, détroit que je vous propose de parcourir ensemble.

A l'origine, de chaque côté de ce détroit, chacun vit sa vie en totalité ignorance de l'autre rive. Les moyens de communication n'existent pas, et pour tout dire, personne n'a véritablement envie de communiquer.

Puis, petit à petit, des passerelles vont être lancées, réunissant les deux rives, certes de façon fragile, mais les réunissant tout de même, permettant aux deux populations de découvrir chez l'autre des outils qu'elles vont utiliser voire s'approprier. Cette découverte est tellement féconde qu'on en viendra à édifier un pont au-dessus du détroit.

Quel sera alors l'avenir ? Peut-être celui d'une histoire commune à écrire, fédérant les deux rives.

Reprenons, si vous le voulez bien, cette géographie.

A l'origine, était l'ignorance réciproque.

Cette ignorance était équivalente des deux côtés du détroit. Sur la rive du droit privé, celle où nous nous tenons tous, la certitude régnait. La propriété était une notion fondamentale, l'un de ces piliers du temple sur lequel notre système juridique se reposait depuis la révolution

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Dans sa main droite, le privatiste tient la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et lit son article 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. S'il a encore besoin de se réconforter, il poursuit jusqu'à l'article 17 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Dans sa main gauche, il tient le Code civil, et lit son article 544 : La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Adossé à de telles tables de la loi, comment imaginer, concevoir, penser, que des juristes puissent ne pas s'appuyer sur cette belle notion de propriété ?

Et pourtant, force est de reconnaître, que sur la rive du droit public, la propriété ne rencontre pas le même succès. Mieux même, le courant de pensée dominant la nie.

Dans le sillage des légistes du XIVème siècle, les domanistes développent une théorie selon laquelle l'important, ce n'est pas la propriété, mais c'est l'usage que l'on en fait. Le Domaine de la Couronne n'appartient pas au roi. Il est indisponible. Le souverain n'en est que le dépositaire. Plus près de nous, l'école de Bordeaux menée par Léon Duguit rejette également la conception civiliste invoquant son inutilité, puisque l'affectation du bien est en elle-même nécessaire.

Pourtant, sur la rive du droit public, certains osent diriger leur regard vers l’autre côté du détroit. Maurice Hauriou analyse cette notion de propriété, et l’adapte aux collectivités administratives, même sur leur domaine public. Dans le sillage de la pensée du maître, l’idée de cette propriété des personnes publiques ne cesse de gagner du terrain, à tel point que l’on peut considérer cette analyse comme la première passerelle reliant les deux rives de

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notre détroit. Cette passerelle permet d’ouvrir le second temps de notre géographie : le temps de la découverte progressive. Cette découverte, pour être progressive n’en est pas moins réciproque. Puisqu’il faut débuter par un côté du détroit, débutons par la rive du droit privé.

Pour nous, privatistes, la découverte du droit public se fait par l’arrivée massive des droits de police dans nos contrats. Rappelons que si, aujourd’hui, nous vivons avec les réglementations issues du droit public, cela n’a pas toujours été le cas.

Relisons nos minutes des années 50. Nous y chercherons en vain une trace quelconque d’un droit de police.

Depuis cette date, les passerelles partant de l’autre rive ne cessent de venir créer des têtes de pont de ce côté ci.

Je prendrai simplement trois exemples :

- la loi du 16 juillet 1976 sur les ICPE (le droit public nous a aussi initié aux acronymes…), les installations classées, analysée notamment par la première commission de notre 99ème Congrès, Thierry Delesalle et Olivier Herrnberger, nous fait entrer de plein pied dans un univers d’une technicité extrême, sous le contrôle précis de l’Etat. Il nous a fallu découvrir le sujet, comprendre son importance et suivre, parfois difficilement, les solutions complexes imposées.

- Plus près de nous, la loi sur l’eau du 30 décembre 2006, décrite par la deuxième commission de notre 104ème congrès, Jean-Pierre Prohaszka et Catherine Dubois- Salon, nous a rappelé là aussi combien certains enjeux dépassaient nos contrats de droit privé.

- Mais surtout, surtout, la loi de police que nous connaissons tous, et que nous fréquentons assidument au point d’en être devenu des spécialistes reconnus, c’est le

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code de l’urbanisme, qui, en cinquante ans, est devenu un élément tellement incontournable de nos contrats que d’aucuns ont pu s’étonner de ce qu’ils ont appelé le « nouvel ordre urbanistique ».

A ce stade, l’intrusion du droit public dans le droit privé est patente, et nous conduit à redéfinir la notion de propriété, à un point tel que l’on peut se demander si les axes fondamentaux du départ ne sont pas inversés. Finalement, entre les autorisations de division, de démolition, de construction, de location peut-être, la préemption, voire l’expropriation, que reste-t-il de cette propriété absolue décrite par la déclaration de l’homme et du citoyen et le code civil ? La question mérite d’être posée. Mais il ne faut pas croire que le droit public, dans une approche impérialiste, envahit notre rive privatiste du détroit.

Nous aussi, nous avons lancé nos passerelles. Nous avons même bâti un pont.

Le temps nous est conté, j’évoquerai une seule passerelle, mais quelle passerelle : le contrat lui-même. Indubitablement, le développement de la technique contractuelle dans notre droit public est un fait marquant de ces dernières années.

Il l’est à un point tel que le Conseil d’Etat lui-même reconnaît dans un de ses derniers rapports le rôle désormais joué par le contrat, qu’il qualifie lui-même de mode d’action publique et de production de normes. Si nous pouvons nous réjouir du premier terme de la phrase, le second nous inquiète davantage, tellement la norme inutile affaiblit la norme nécessaire.

Une des premières techniques contractuelles que nous avons exportée, c’est le bail emphytéotique administratif décrit par la deuxième commission du 93ème congrès, Bernard Dumas et Marc Henri Louvel.

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Oh bien sur, en 1988, la rive droit public du détroit a vu arriver ce contrat avec un rien de condescendance. Quoi, un contrat, de plus issu du droit rural ? Au pays de l’acte unilatéral ? La première approche était circonspecte.

Et puis, petit à petit, le succès est venu, à tel point que, comme nous le verrons mardi après midi, chaque fois que le législateur a besoin d’une technique juridique pour réaliser un objectif précis, il utilise le BEA. Oh certes, ce bail emphytéotique administratif n’est qu’un lointain cousin de notre bail emphytéotique privé, tellement lointain que l’on se demande encore si les deux contrats sont bien de la même famille. Mais quand même ! Quelle réussite, pour nous privatistes, que de voir le succès de ce contrat sur la rive du droit public !

Mais cette réussite n’est rien à côté du pont qui a été lancé entre les deux rives du détroit le 1er juillet 2006, date de la promulgation du Code général de la Propriété des Personnes Publiques. Il ne m’appartient pas d’entrer dans le détail des dispositions du Code, nous avons trois jours pour le faire.

Je voudrais juste vous faire remarquer que le nom de ce pont ne porte pas à la rêverie. Il est même assez austère. Mais pour tout juriste, qui sait que le nom porte souvent en lui la qualification, qu’un code s’intitule Code général de la Propriété des Personnes Publiques est à lui seul le gage que la propriété a maintenant plein droit de cité sur l’autre rive.

Et ce code va permettre aux deux rives du détroit de dépasser le stade de la découverte pour bâtir une histoire commune.

Cette histoire commune pourrait passer aux yeux de certains pour une utopie. Il n’en est rien. C’est au contraire une ardente obligation.

C’est une ardente obligation pour les biens, c’est une ardente obligation pour les personnes.

Pourquoi une ardente obligation pour les biens ?

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Parce qu’à l’heure du désengagement tous azimuts de l’Etat, il n’est plus temps de s’interroger sur la nécessaire valorisation du patrimoine des personnes publics, qu’il dépende de leur domaine public, ou de leur domaine privé. La valorisation de ce patrimoine est indispensable.

Cette valorisation passe d’abord par la connaissance. Le droit privé, grand connaisseur de la propriété, dispose de tous les outils pour aider les collectivités territoriales à prendre la mesure de leur richesse. Il ne nous paraît plus possible, en 2013, que la Cour des comptes rende un rapport comme celui qu’elle a rendu l’hiver dernier, s’étonnant du peu de fiabilité des inventaires patrimoniaux des collectivités.

La valorisation passe ensuite par une meilleure utilisation de ces biens. Il faudra les vendre et les acquérir au meilleur prix, et naviguer entre le droit positif national et la jurisprudence communautaire. Il faudra aussi travailler toujours plus autour du démembrement de la propriété. A l’heure où, dans de nombreuses régions, le prix du foncier est tel que le parcours résidentiel est à l’arrêt, qui ne voit pas l’importance et l’enjeu portés par toutes les techniques de démembrement que nous maîtrisons parfaitement.

Nous avons parfaitement conscience que cette valorisation rencontrera des résistances.

Pour certains, le CG3P, avec sa volonté de réduire au maximum le domaine public, n’est qu’une étape. Pour d’autres au contraire, qui veillent scrupuleusement à contenir la tête du pont pour que leur rive ne soit pas trop envahie par les privatistes, le CG3P est une fin.

Pourtant, au-delà des biens, c’est par les personnes que cette histoire commune s’écrira.

Car la valorisation pour la valorisation des biens des collectivités territoriales n’a aucun sens.

Cette valorisation n’a de sens que si elle est tournée vers l’intérêt général. Et, des deux côtés du détroit, l’intérêt général est une expression porteuse de sens. Elle a du sens pour l’élu, pour le fonctionnaire territorial qui doit l’assurer au quotidien, dans chacune de ses

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décisions. Mais elle a aussi du sens pour le juriste de droit privé, et tout particulièrement pour le notaire, officier public et délégataire de la puissance publique.

Le Notaire peut apporter beaucoup dans cette histoire commune. Il apporte d’abord, n’ayons pas peur des mots, sa science de la rédaction. Un acte, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, ce n’est pas si facile que cela à rédiger. Je crois que tout le monde en prend peu à peu conscience.

Mais le Notaire, c’est aussi celui qui conseille, et face à un monde où, quelque soit notre rive, la judiciarisation est en marche, le conseil n’est pas moins précieux que l’art de rédiger. Bien sur, cela nous oblige à sortir de nos études. Mais c’est déjà le cas.

Sans doute, pour écrire cette histoire commune, il faudra encore travailler ensemble.

Il faudra que, nous privatistes, acceptions sans doute que la propriété n’est plus celle que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen décrivait, qu’elle est désormais balisée par les lois de police.

Il faut aussi que nous bâtissions un vocabulaire commun. Il nous sera impossible de nous comprendre si les mots que nous employons n’ont pas le même sens des deux cotés du détroit. L’emphytéose doit vouloir dire la même chose pour toutes les parties, et si les publicistes utilisent les techniques des privatistes, il faut accepter d’employer les mêmes qualificatifs.

Même si la route est encore longue, l’histoire commune est inexorablement en marche. Le 109ème congrès des notaires de France a l’ambition d’être une pierre contribuant à l’édification de cette histoire commune.

Avec votre aide, je suis certain que nous y parviendrons.

Je vous remercie

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