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De l implicature : une mise au point The implicature : an update

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De l’implicature : une mise au point The implicature : an update

Abdelfettah Nacer Idrissi, PES.

Université Ibn Zohr, Laboratoire LARLANCO, Agadir.

Ibn Zohr University, LARLANCO Laboratory.

Abstract

Notre objectif dans la présente contribution est de rendre compte de l’implicature dans les différents cadres théoriques toute tendance confondue. Nous essayerons à la lumière des différentes contributions émises à cet effet de rendre compte de cette notion. Nous présenterons respectivement les travaux inscrits dans le cadre (i) de la philosophie du langage (Grice (1979), Searle (1979)), (ii) de la pragmantaxe (Gordon & Lakoff (1979), (iii) de la grammaire fonctionnelle, qui est une grammaire pragmatiquement orientée, l’accent est mis sur la nature et la représentation de la force illocutionnaire. Un énoncé, selon le contexte, peut véhiculer, soit une FIL, soit une FII, ou les deux à la fois. Le problème qui se pose à ce niveau concerne le mode de représentation de ces FI : doit-on représenter la FIL ? la FII ? ou les deux à la fois. Plusieurs propositions ont été émises à cet effet.

Mots-clés : Implicature, actes de langage, postulats de conversation, maximes, intention, force illocutionnaire

Abstract

Our objective in the present contribution is to report on the implicature in the various theoretical frameworks of any given trend. We will try in the light of the various contributions made for this purpose to give an account of this notion. We will present respectively the works inscribed in the framework of (i) the philosophy of language (Grice (1979), Searle (1979)), (ii) pragmantaxis (Gordon & Lakoff (1979), (iii) functional grammar, which is a pragmatically oriented grammar, the emphasis is on the nature and representation of the illocutionary force. A statement, depending on the context, may convey either a LIF, an IIF, or both. A problem that arises at this level concerns the mode of representation of these IFs:

do we have to represent the LIF? The IIF? Or both at once. Several proposals have been made for this purpose.

Keywords: Implicature, speech acts, conversational postulates, maxims, intention, illocutionary force.

Texte intégral

Dans le cadre de la linguistique théorique, bon nombre de thèmes ont été abordés et ont dominé pendant plus d'une décennie, notamment vers les années soixante-dix et quatre- vingt-dix. En effet, vers ces deux époques et dans des domaines relevant de la sémantique et

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de la pragmatique, plusieurs contributions ont été avancées sur la présupposition, les actes de langage et l’implicature1. Notre objectif, dans la présente contribution, serait de mettre l’accent sur deux notions essentielles, à savoir l’implicature et les actes de langage et la relation qui existe entre les deux. Pour ce faire, nous essaierons de rendre compte de l’implicature non seulement dans le cadre de la philosophie du langage, mais aussi dans le cadre de la pragmantaxe ou encore de la Théorie de la Grammaire Fonctionnelle. Le but étant de voir comment cette notion est appréhendée dans les différents cadres théoriques toute tendance confondue.

1- Implicature et philosophie du langage

Dans le cadre de la philosophie du langage ordinaire, deux approches abordent la question de l’implicature. Il s’agit notamment des analyses de Grice 1979 (version française) et de Searle (1975). Dans « logique et conversation », Grice propose un modèle où un certain nombre de règles régissent la conversation. Ces règles ou maximes sont sous-tendues par le principe de coopération qui stipule que ‘votre contribution conversationnelle doit correspondre à ce qui est exigé de vous, au stade atteint par celle-ci, par le but ou la direction acceptés de l’échange parlé dans lequel vous êtes engagés » (Grice 1979 :61).

En effet, l’orientation de la conversation se fait par un effort commun de ‘coopération’.

En l’absence de cet effort de coopération, il serait impossible de progresser dans la conversation et d’obtenir des propos cohérents. Le principe de Grice repose sur quatre règles régissant la conversation, à savoir :

1Selon les penseurs arabes anciens, le mécanisme de l’implicature est régi par deux éléments essentiels : le contexte d’énonciation et les conditions pragmatiques posées sur l’acte de langage direct véhiculé par l’énoncé. Il semble que le modèle d’Assakkaki demeure le modèle le plus explicite à cet égard. L’on établit la distinction entre actes de langages directs (?usul) , (bases ) et actes de langage indirects (furuc) (dérivés). Le passage de l’acte de langage direct vers l’acte de langage indirect se fait à partir du mécanisme emprunté à Moutaouakil (1982 : 187) et est énoncé de la façon suivante : « un énoncé quelconque ayant une certaine forme qui indique qu’une certaine signification lui est conversationnellement associée est produit dans une situation de discours qui n’est pas appropriée à cette signification qui lui est associée. L’utilisation de l’énoncé dans une situation non appropriée entraine la violation de l’une des règles constitutives posées sur l’acte qu’il est censé, initialement transmettre ; la violation de l’une des règles constitutives entraine le blocage de la transmission de cet acte et permet qu’un autre acte soit transmis »

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a- Maxime de quantité : (i) « Donner autant d’informations qu’il en faut », (ii) « ne pas en donner plus qu’il en faut »

b- Maxime de qualité : « Ne pas dire ce que vous pensez être faux ou ce que vous ne pouvez pas prouver »

c- Maxime de Relation (ou de pertinence) : « Soyez pertinent ». Il s’agit d’apporter une information qui corresponde au sujet de la conversation

d- Maxime de modalité (ou de manière) : « Ne soyez pas obscur », « Évitez l’ambiguïté », « Soyez bref et méthodique ».

Mis à part les quatre maximes, Grice propose d’autres règles de conversation non conventionnelle, qui renvoient aux règles sociales, esthétiques ou encore morales, comme il en est le cas de l’exemple suivant :

1) Soyez poli dans vos propos

Où ce genre de règles n’intervient pas dans la progression de la conversation, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas des règles conversationnelles et les implicatures, qui, bien au contraire, participent dans la progression de la communication.

Les règles conversationnelles sont ‘accordées aux buts particuliers par lesquels les échanges de paroles sont employés (Grice 1979 : 62). En d’autres termes, la conversation est considérée comme une conduite intentionnelle à travers laquelle le locuteur a l’intention de signifier quelque chose.

1-1- Implicature et sens selon Grice

Pour Grice, un énoncé est implicite lorsque le locuteur viole intentionnellement l’une des quatre maximes, tout en respectant le principe de coopération puisque toute conversation serait bloquée sans la présence de ce principe-là. Ceci veut dire que l’on doit tenir compte de de l’intention du locuteur et du sens qu’il veut donner à son message. A cet effet, Grice établit la distinction entre deux types de significations : (i) la signification de ce qui est dit, et (ii) la signification de ce qui est impliqué. La première représente la somme du contenu propositionnel et de l’acte de langage qui lui est associé eu égard à sa structure syntaxique. Il s’agit en fait de la signification littérale de l’énoncé, comme dans :

2) Pourrais-tu m’aider ?

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qui véhicule, de par sa forme syntaxique, une question mais qui transmet implicitement une requête, relativement au contexte où il est émis. Cette seconde signification est dite par Grice

‘le sens de ce qui est impliqué’ par la situation conversationnelle des interlocuteurs. La deuxième signification, quant à elle, est la signification de ce qui est impliqué. Elle concerne la signification impliquée conversationnellement ou conventionnellement. Pour Grice, seule l’implicature conversationnelle correspond au phénomène de l’implicature. Deux types de sens découlent de cette signification :

a) Le sens impliqué conventionnellemt qui représente le sens littéral de l’énoncé. Il servira à déterminer aussi bien ce qui est dit que ce qui est impliqué. Plus souvent illustrée par les phrases interronégatives, cette signification impliquée devient le sens littéral de l’énoncé, comme en témoigne l’énoncé (3) :

3) Ne t’ai-je pas tout donné ?

b) Le sens impliqué conversationnellement (implicature) dépend ou non du contexte situationnel. Les implicatures conversationnelles sont liées à l’existence de certains traits généraux du discours. À cet effet, Grice propose deux types d’implicature conversationnelle appelés respectivement : implicature particulière et implicature généralisée. La première est déclenchée dans un contexte déterminé et « provient de ce qu’on a affirmé à une occasion particulière en vertu d’éléments bien précis du contexte » (Grice 1989 :70), comme c’est le cas de l’exemple (1). La deuxième, déclenchée en l’absence de toute circonstance particulière, est dite conversationnelle puisque le simple fait d’utiliser certaines formes linguistiques dans un quelconque énoncé pourrait entrainer telle ou telle implicature, comme dans les interronégatives, qui impliquent une affirmation quel qu’en soit le contexte.

La proposition avancée par Grice est cependant remise en question par Wilson (1979) dans son article « Remarques sur l’interprétation des énoncés selon P. Grice » qui avance trois remarques eu égard à l’analyse de Grice :

i) La première concerne les hypothèses avancées et non développées par Grice et qui traitent, selon Wilson de la désambiguïsation et de la détermination des référents.

ii) La deuxième porte sur les trop (ironie, hyperbole, métaphore, etc.) qui relèvent de mécanismes autres que l’implicature,

iii) La troisième est à propos des maximes de Grice qui selon Wilson pourraient être regroupées en une seule maxime, celle de pertinence.

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24 1-2 Implicature et actes de langage

Searle (1975) a tenté de mettre à jours les règles qui régissent nos actes de discours et de les exprimer eu égard aux circonstances de leur effectuation. La méthode de Searle consiste non seulement à élaborer un modèle théorique des actes de langage mais aussi à en déduire les règles à même de régir les différents jeux de langage.2 La théorie de la FI semble être la véritable mise en œuvre de la théorie des jeux de langage, puisque c’est à travers la différence des forces illocutionnaires (FI) que se développe la possibilité de dissoudre ‘le sophisme’ suivant lequel seules les propositions descriptives ont un sens. Searle conçoit l’acte de langage comme une sorte de jeu régi par des règles constitutives opposées aux règles normatives. Les premières gouvernent une activité dont l’existence en dépend logiquement, comme c’est le cas du jeu d’échecs et du football. Ces règles donnent naissance à l’acte de langage. Les secondes régissent une activité qui préexiste indépendamment de ces règles. Il s’agit des conditions auxquelles l’acte préexiste ’ Dans ‘Indirect speech acts’, Searle (1975), rejoint l’analyse de Grice, à la simple différence que Grice établit un système d’inférences décrivant le passage de la signification littérale à la signification seconde ou contextuelle.

L’implicature est analysée selon Searle en termes d’actes de langage. Il établit de ce fait une distinction entre deux actes de langage : un acte de langage direct, premier (littéral) et un acte de langage indirect, secondaire (impliqué).

2- Implicature et pragmantaxe3

Dans le cadre de la pragmantaxe, qui est une théorie mise au point à partir des travaux de certains partisans de la sémantique générative, trois analyses ont été retenues. Elles concernent essentiellement les travaux de Heringer (1974) qui soutient l’idée que seule la signification impliquée est pertinente puisqu’elle semble être la seule signification retenue par l’interlocuteur.

Sadock (1974) Green (1975) qui postulent que les significations littérale et contextuelle d’une phrase à implicature sont toutes deux pertinentes et sont à représenter dans la structure sous- jacente, et Gordon & Lakoff (1979).

Les aspects à étudier dans le cadre de la pragmantaxe peuvent être soit d’ordre pragmatique sémantique ou syntaxique. Nous nous limiterons, cependant, au travail proposé

2 La notion de jeu est introduite par Wittgenstein pour rendre compte des énoncés non descriptifs

3 La pragmantaxe est une théorie qui a vu le jour à partir d’un certain nombre de travaux inscrits dans le cadre de la sémantique générative.

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par Gordon & Lakoff (1979). En effet, dans « Postulats de conversation », Gordon & Lakoff (1979 : 32) proposent une généralisation formalisée de la notion d’implicature qui part du constat que certains énoncés transmettent en plus de leur signification littérale une signification impliquée, eu égard à certaines règles générales au contexte d’énonciation et aux postulats de conversation. Ils ont constaté qu’une phrase du langage naturel peut, dans certains contextes, véhiculer une signification autre que celle prévue par la structure syntaxique. Il s’agit d’une signification impliquée conversationnellement dérivée de la signification littérale à travers un mécanisme mettant en œuvre le contexte et les principes généraux, notamment les ‘postulats de conversation’ (PC). Pour la formalisation de ces postulats, Gordon & Lakoff (1979 :32) proposent :

i- une classe de contexte (CONi) ii- des postulats de conversation (PC) iii- une structure logique L ou (FI) littérale iv- une signification impliquée (P)

Ce dont résulte la généralisation suivante :

4) « Dans une classe de contexte i (CONi), étant donné les postulats de conversation (PC), la structure logique L infère P une signification impliquée conversationnellement » (Gordon &

Lakoff 1979 :32).

Cette généralisation donne lieu à la règle suivante : 5) CONi U PC U L// ⎯ P

où CONi = contexte; PC = postulat de conversation, L= structure logique ou FIL, P=

signification impliquée. Ainsi, un énoncé comme (6) ne véhicule pas purement une FI de Question mais une FII de Requête :

6) Peux-tu ouvrir la porte ? 7) Je veux que tu ouvres la porte.

Cette signification est inférée à partir de la signification littérale via le postulat de conversation qui comporte un verbe performatif, que l’on retrouve des deux côtés de la flèche.

8) Demander ((a,b) Pouvoir (b,Q)) Requérir (a,Q).

L’acte de requête est régi par un ensemble de règles regroupent les conditions de sincérité et de raisonnabilité.

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i) les conditions de sincérité : on peut transmettre une requête soit (par l’assertion d’une condition de sincérité du locuteur, soit (ii) par la mise en question d’une condition de sincérité de l’auditeur. Cette condition de sincérité, définie par Godron & Lakoff (1975 : 34) est formalisée ci-après :

9) « Si a requiert sincèrement que b fasse r, alors a veut que b fasse r, a pose que b peut faire r, a pose que b serait disposé à faire r et a pose que b ne fera r en l’absence de la requête »

10) a- sincère (a, requérir (a,b,Q)) vouloir (a, faire (b, Q) b- sincère (a, requérir (a,b,Q)) poser (a, pouvoir faire (b, Q) c- sincère (a, requérir (a,b,Q)) poser (a, vouloir faire (b, Q) d- sincère (a, requérir (a,b,Q)) poser (a, -Fut (faire(b, Q)))

Ces généralisations sont liées au contexte et la transmission de la requête n’est pas automatique, puisque hors contexte, ces généralisations seraient inadéquates et les exemples qu’elles permettraient seraient ambigus.

ii) les conditions de raisonnabilité : l’acte de discours devait être non seulement sincère mais aussi et surtout raisonnable, sino il sera assujetti à des contestations ? A chaque condition de sincérité correspond une condition de raisonnabilité : le locuteur a une raison d’affirmer la condition de sincérité. Cette condition est formalisée de la manière suivante :

11) Raisonnable (a, Vp (a, b, Q)) (r  Raison (r, a condition de sincérité) Eu égard aux conditions de sincérité, Gordon & Lakoff proposent les conditions suivantes : 12) a- raisonnable (a, requérir (a,b,Q)) (r) raison (r, a, vouloir (a, Q)

b- raisonnable (a, requérir (a,b,Q)) (r) raison (r, a, poser (a, pouvoir (b, Q) c- raisonnable (a, requérir (a,b,Q)) (r) raison (r, a, poser (a, vouloir (b, Q) d- raisonnable (a, requérir (a,b,Q))) (r) raison (r, a, poser (a, -Fut (faire (b, Q) Un exemple comme (13), qui peut prêter à confusion : puisqu’il peut être compris comme une offre ou comme une menace si son contexte de production n’est pas délimité, admet les deux postulats suivants :

13) Veux-tu que je le dénonce ?

14) a- sincère (a, offrir (a,b,Q)) poser (a, vouloir (b, Q) b- sincère (a, menacer (a,b,Q)) poser (a, -vouloir (b, Q)

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ces deux postulats pourraient être interprétés respectivement de la manière suivante : 15) a- « Si vous offrez sincèrement quelque choses à quelqu’un, vous posez qu’il la veut » b- « Si vous menacez sincèrement quelqu’un de quelque chose, vous posez qu’il ne veut pas de cette chose là ».

3- Implicature, Actes de langage et Grammaire Fonctionnelle

Dans le cadre de la théorie des actes de langage, il a été établi qu’une expression linguistique comporte deux catégories de signification, i.e. un contenu propositionnel et une force illocutionnaire. Certains énoncés possèdent une signification véhiculée par la force illocutionnaire littérale (FIL) dénotée par l’un des indicateurs de force illocutionnaire (verbe performatif, intonation, particules distinctives, forme verbale spécifique, etc.). D’autres énoncés, qui véhiculent, en plus de leur signification première, une signification impliquée contextuellement, sont communément appelés énoncés à implicature. Comme en témoignent les énoncés suivants :

16) Voyageras-tu demain ? 17) Pars !

18) Je te promets de te rendre visite ce soir.

qui, envisagés dans une classe de contexte où le locuteur demande une simple information, véhiculent, respectivement une seule FI de Question (16), d’Ordre (17) ou de Promesse (18).

Cette dernière est exprimée par l’emploi du verbe performatif ‘je te promets’.

Dans les constructions du genre de (19) et (20) : 19) Pouvez-vous m’aider ?

20) Veux-tu sortir ?

Il est convenu de distinguer la FI inhérente à la construction (celle qui dénote la forme syntaxique de l’énoncé), et celle liée aux contextes situationnels. Cette FI est dite force illocutionnaire impliquée conversationnellement (FII). Aussi, les énoncés (19-20) véhiculent- ils des FII de Reproche, et d’Ordre. Dans la description linguistique, les énoncés à implicature ont fait l’objet de nombreuses controverses aussi bien au niveau de l’assignation d’une interprétation aux énoncés à FI complexe qu’à celui de la représentation de cette FI en grammaire. Ces différentes controverses étaient centrées sur les questions suivantes :

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i) DOIT-on représenter la FIL, la FII ou les deux à la fois ? ii) Comment représenter chacune d’elle ?

Nous essaierons de donner quelques éléments de réponses à ces questions aussi bien dans le cadre de la Grammaire Fonctionnelle (GF) ancienne et nouvelle version. Nous passerons en revue les différentes suggestions émises à cet effet.

3-1- De la grammaticalisation de la FII

Nous tenterons d’examiner les cas où la FII, par un processus de grammaticalisation, arrive à supplanter la FIL et devient, partant, l’unique FI de l’expression linguistique. Avant d’entamer cette question, nous tenterons de rendre compte de la représentation du potentiel illocutionnaire en GF.

3-1-1- Représentation de la FI en grammaire

Généralement, les linguistes d’obédience fonctionnaliste représentent en grammaire tout le potentiel illocutionnaire (aussi bien la FIL que la FII) étant donné qu’elles contribuent toutes deux à déterminer et la forme et le sens de l’énoncé auquel elles sont associées. Les nombreuses propositions émises dans cette perspective postulent de munir la GF d’un moyen formel qui permettra de rendre compte le plus adéquatement possible des deux FI (littérale et impliquée). Le potentiel illocutionnaire d’une expression linguistique sera représenté par un opérateur illocutionnaire ayant la forme générale suivante :

21) ILL Proposition

où Ill est l’opérateur de FI qui peut être, suivant la nature de la FI véhiculée, soit simple, soit complexe. Conformément à ce schéma, l’énoncé (22) aura la représentation sous-jacente (23) 22) Viendras-tu demain ?

23) Qu- Req Tu viendras demain

Dans la structure sous-jacente (23), deux opérateurs illocutionnaires sont prévus : le premier représente la FIL de Question et le second la FII de Requête. La nécessité de représenter les deux FI par un opérateur complexe est justifiée par le rôle que joue ce dernier tant au niveau de l’interprétation sémantique qu’au niveau formel. Généralement, la FII est dérivée de la FIL ; cette dérivation repose sur une chaine inférentielle assujettie à des

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conditions contextuelles. La violation de l’une de ces conditions entraine le passage de la FIL à la FII. D’après Moutaouakil (1988 :20), les conditions contextuelles sont formulées de la manière suivante :

24) « Étant donné les conditions C1, C2…Cn, relatives à la force illocutionnaire littérale ‘F’, une expression ‘E’ peut impliquer contextuellement la force illocutionnaire ‘F1’ par la violation de l’une des conditions C1, C2,…Cn… La force illocutionnaire ‘F1’ est celle dont l’une des conditions est la condition ‘non-C’ ».

L’exemple (25) servira d’illustration à la règle (24) 25) Pouvez-vous fermer la porte ?!

Pour qu’il y ait acte de Question, le locuteur doit ignorer effectivement l’information demandée. Si (25) est énoncée dans un contexte approprié (contexte où la condition d’ignorance est satisfaite), son potentiel illocutionnaire se restreint à la seule force illocutionnaire de Question. Dans le cas contraire, i.e. cas où la condition d’ignorance est violée, la FIL de Question est bloquée au profit de la FII de Requête dont « l’une des conditions est la condition opposée » (Moutaouakil 1994 :142). L’abolition de la FIL au profit de celle impliquée contextuellement est l’un des facteurs facilitant le processus de la grammaticalisation, objet du point suivant.

3-1-2- De la FIL à la FII : vers un processus de grammaticalisation

Compte tenu de son contexte d’énonciation, la FII peut être dérivée à partir de la FIL au moyen d’un dispositif de règles inférentielles. Il est cependant des cas où la FII acquiert plus d’importance que la FIL. Ce stade n’est atteint que par voie de grammaticalisation qui réside, en général, dans le passage d’un élément marqué à un élément non –marqué ou tout simplement à une neutralisation de la marque. Ce processus, expliqué par le principe du transfert de la marque, est présenté de la manière suivante :

26) marquée non-marquée désuète

Etape1 E2 E1 ----

Etape2 --- E2 E1

Etape3 E3 E2 ---

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L’observation du tableau montre qu’il est possible d’avoir à une même étape (étape1) deux expressions linguistiques E1 et E2 dont la première est non-marquée par rapport à la seconde. Au niveau de la deuxième étape, l’expression marquée E2 devient non-marquée au détriment de l’expression E1 qui disparait de l’usage. Une nouvelle expression marquée apparait à la troisième étape (étape3) pour que le principe du transfert de la marque puisse de nouveau opérer. Appliqué au domaine illocutionnaire, ce processus donne lieu à la représentation (15) que nous formulerons après Moutaouakil (1994 : 89-90) de la manière suivante :

27) marquée non-marquée désuète

Etape1 (E2) construction à double FI (E1) construction à FI unique ----

Etape2 --- (E2) construction à FI unique (E1)

Etape3 (E3) construction à double FI (E2) construction à FI unique ---

Par la fréquence d’usage, la FII véhiculée par les constructions en pouvez-vous tend à devenir une seconde FIL. Au cours du processus de conventionnalisation, la pertinence de la première force s’amoindrit progressivement et se trouve totalement neutralisée au stade de la littéralisation à tel point que la FII devient l’unique FIL. Ce type de FI est représenté généralement par les constructions interronégatives du genre de (28) :

28) Ne t’ai-je pas prévenu ?!

où l’énoncé est interprété comme véhiculant d’emblée une Assertion, et correspond à la construction déclarative simple suivante :

29) Je t’ai prévenu.

Pour récapituler, nous pouvons avancer que la représentation de la FI en GF nécessite le recours à un opérateur illocutionnaire complexe véhiculant en plus de la FIL une FII dont la représentation contribue à donner une interprétation totale à l’énoncé. Cette FI, ayant subi un processus de grammaticalisation, acquiert plus d’importance que la FIL et devient, par conséquent, l’unique FIL de l’expression linguistique. Nous essaierons de rendre compte du

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même type de problème dans le cadre de la Grammaire Fonctionnelle, nouvelle version (Théorie de la Grammaire Fonctionnelle (TGF)).

3-2- Vers une représentation adéquate de la FI en TGF

Dans les travaux les plus récents en GF, la FI associée à une expression linguistique est représentée au niveau de la structure sous-jacente de la clause. Cette FI est déterminée non seulement par des facteurs contextuels mais aussi situationnels. Aussi, la FI de l’expression linguistique est-elle considérée comme un aspect de la langue qui doit être traité aussi bien en grammaire que dans une large théorie de l’interaction verbale. De ce fait, « la grammaire doit rendre compte du degré de codage de la FI dans une expression linguistique, alors que la théorie large de l’interaction verbale se doit d’analyser comment l’illocution exprimée est reliée à l’intention du locuteur et à l’interprétation dans un contexte et une situation donnés » (Risselada 1988 :1).

Dik (1989-a : 257), dans son examen du potentiel illocutionnaire, propose que seule la FI codée grammaticalement ou lexicalement dans l’expression linguistique soit représentée en grammaire. Plus explicitement dit, l’on ne doit représenter que la FI qui a un impact sur les propriétés formelles de l’expression linguistique (lexicale, morphologique, syntaxique). La FI n’ayant pas cette propriété sera prise en charge par « une théorie pragmatique plus vaste de l’interaction verbale » (Cf. Dik 1989-a : 257). Cette prise de position a conduit Moutaouakil (1991-a) à adopter une nouvelle démarche suivant laquelle l’ensemble du potentiel illocutionnaire (FI non codée comprise) doit être représenté à l’intérieur du Modèle de l’Utilisateur du Langage Naturel (MULN). Cette proposition comporte trois solutions et requiert le concours des modules grammatical (MG) et logique (ML), que nous tenterons d’expliciter après Moutaouakil (1991 : 14-19) de la façon suivante :

(i) « Outside Grammar Analysis » : cette hypothèse prévoit de prendre en charge les énoncés à implicature dans le ML, appelé aussi ‘logique fonctionnelle’. De ce fait, deux structures sous-jacentes sont prévues/ la première est représentée au niveau du module grammatical (MG). La seconde, déduite de celle-ci par voie d’inférences logiques, est prise en charge par le ML défini, selon Dik (1989 –b : 273), comme une composante du MULN « capable de dériver des connaissances à partir d’autres connaissances selon des principes de raisonnement valide ». Le ML contient, entre autres sous-composantes, une sous-composante dite ‘ la logique illocutionnaire’ qui, selon Dik (1989-b : 273), traite « des propriétés logiques des opérateurs

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illocutionnaires spécifiant les différents types d’acte de langage » et permet de rendre compte des FII associées aux expressions linguistiques, i.e. le passage de la FIL à la FII. Les règles d’inférence mises en œuvre dans le processus de la dérivation de la structure sous-jacente du ML sont considérées comme reflétant les mécanismes de raisonnement qui opèrent dans l’esprit de l’allocutaire au moment où il assigne une interprétation pragmatique à l’expression linguistique. La structure obtenue à la sortie est soit :

a) une SSJ ayant un contenu sémantique identique à celui de départ et un opérateur illocutionnaire différent, comme dans (30) :

30) M’accompagneras- tu au théâtre ce soir ?

où la FI de Question est remplacée par une FI de Requête, le contenu sémantique étant le même :

31) a- Qu  tu m’accompagneras au théâtre ce soir

b- Req tu m’accompagneras au théâtre ce soir

b) Une SSJ différente de celle que l’on avait au départ, comme dans l’exemple (32) :

32) Il fait froid ici.

Énoncé dans un contexte où le locuteur formule une Requête, l’exemple (32) aura comme paraphrase (33) :

33) Fermez la fenêtre SVP !

De ce fait, les énoncés (32-33) auront deux SSJ distinctes : 34) a- Ass  Il fait froid ici

b- Fermez la fenêtre

Eu égard à la nature des mécanismes de raisonnement mis en œuvre dans la dérivation des SSJ ‘out-put’, la logique illocutionnaire peut être conçue comme un système de règles inférentielles. Celui-ci est exemplifié par l’énoncé interrogatif (35) qui véhicule une FII de Reproche :

35) ?awa takdibou ? Int toi mentir ‘Tu mens ?!’

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L’énoncé (35) aura comme SSJ la structure (36) : 36) Qu  tu mens

Dans cette structure, on dérive une autre SSJ du genre de (37) dont la représentation se fait dans le ML :

(37) Rep  tu mens

où Rep est l’opérateur indiquant la FII de Reproche.

Les règles d’inférences responsables de cette dérivation peuvent être formulées de la manière suivante :

38) a- L demande à A s’il ment.

b- L sait que A a commis cet acte, on peut inférer donc que L ne pose pas une question.

c- Mentir est considéré comme un acte blâmable. L’intention de L est de reprocher à A d’avoir commis l’acte en question.

(ii) la deuxième hypothèse, i.e. « Within Grammar Analysis » prévoit d’examiner l’ensemble du potentiel illocutionnaire dans le MG. En d’autres termes, tous les types de FI (FI codées formellement ou non) sont à représenter dans la SSJ au moyen d’un opérateur illocutionnaire. Pour prendre un exemple, la SSj de l’énoncé (35), repris pour convenance en (39), serait (40) :

39) M’accompagneras-tu au théâtre ce soir ?

40) Qu<Req  tu m’accompagneras au théâtre ce soir

où les symboles Qu et Req représentent respectivement la FIL de Question et la FII de Requête. le symbole (<), qui sépare les deux valeurs illocutionnaires, représente la supériorité de la FI de Requête.

(iii) la troisième hypothèse, i.e. « Within and outside Grammar Analysis », prévoit d’étudier non seulement la FI qui a un impact formel sur l’expression linguistique mais aussi celle qui n’en a pas. Dans le premier cas, la FI codée grammaticalement ou lexicalement est représentée dans la structure sous-jacente du MG; dans le second, la FI non-codée est représentée dans la structure sous-jacente du ML.

Généralement, la conversion illocutionnaire détermine un changement au niveau des fonctions pragmatiques en ce sens que les fonctions associées à l’illocution basique tendent à être remplacées par celles compatibles avec l’illocution dérivées.

Selon Moutaouakil (1991 :71), les règles d’assignation du Topique /Focus doivent

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tenir compte des informations contenus dans la structure sous-jacente des modules grammatical et logique. La structure sous-jacente de l’énoncé (35), repris pour convenance dans (42), serait (43) :

42) ?awa takdibou ? Int - toi mentir ‘Tu mens ?!’

43) Int- Qu<Ref Ei :  takdibou Foc Nouv

L’assignation des fonctions pragmatiques Top/Foc convertit la structure (43) en une structure sous-jacente totalement spécifiée (44) :

44) Int- Qu<Ref Ei :  kadiba (ta) Top Foc Rej

Des trois hypothèses avancées, la troisième est, selon Moutaouakil (1991), la plus pertinente. En effet, contrairement aux deux premières, elle satisfait à l’adéquation psychologique puisqu’elle ne fait appel au raisonnement logique qu’en cas de nécessité et présente l’avantage d’éviter le recours à une éventuelle théorie pragmatique de l’interaction verbale.

Conclusion

Notre objectif dans la présente contribution était de rendre compte de l’implicature dans les différents cadres théoriques toute tendance confondue. Nous avons essayé, autant que faire se peut, de voir comment cette notion est appréhendée dans le cadre de la philosophie du langage ordinaire, avec les travaux de Grice et de Searle, notamment, où l’implicature est évoquée par la violation intentionnelle de l’une des quatre maximes proposées par Grice et où l’on établit la distinction entre deux types de sens : le sens de ce qui est dit et le sens de ce qui est impliqué. Alors que chez Searle, l’implicature est étudiée en termes d’actes de langage qui peuvent être directs ou indirects (impliqués). A partir de son analyse Searle distingue deux types de règles : des règles constitutives et des règles normatives. Dans le cadre de la pragmantaxe, nous avons surtout mis l’accent sur le travail de Gordon & Lakoff, notamment leur contribution dans les ‘postulats de conversation, le but étant de rendre compte de la place de l’implicature et des règles régissant tout acte de discours. Ces postulats de conversation reposent sur deux conditions essentielles, à savoir les conditions de sincérité et les conditions de raisonnabilité. La violation de l’une d’elles donne lieu à des énoncés ambigus. Dans le

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cadre de la grammaire fonctionnelle, qui est une grammaire pragmatiquement orientée, l’accent est mis sur la nature et la représentation de la force illocutionnaire. Un énoncé, selon le contexte, peut véhiculer, soit une FIL, soit une FII, ou les deux à la fois. Le problème qui se pose à ce niveau concerne le mode de représentation de ces FI : doit-on représenter la FIL ? la FII ? ou les deux à la fois. Plusieurs propositions ont été émises à cet effet. Nous avons essayé de les présenter et les examiner, exemples à l’appui.

Bibliographie

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Références

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