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Effets des pratiques d enseignement de l écriture en cours préparatoire

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Academic year: 2022

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Revue française de pédagogie

Recherches en éducation  

196 | 2016

Apprendre à lire et à écrire au cours préparatoire : enseignements d’une recherche collective

Effets des pratiques d’enseignement de l’écriture en cours préparatoire

Effects of the practices involved in teaching first-grade pupils to write Catherine Brissaud, Laurence Pasa, Serge Ragano et Corinne Totereau

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/rfp/5079 DOI : 10.4000/rfp.5079

ISSN : 2105-2913 Éditeur

ENS Éditions Édition imprimée

Date de publication : 30 septembre 2016 Pagination : 85-100

ISSN : 0556-7807 Référence électronique

Catherine Brissaud, Laurence Pasa, Serge Ragano et Corinne Totereau, « Effets des pratiques d’enseignement de l’écriture en cours préparatoire », Revue française de pédagogie [En ligne], 196 | 2016, mis en ligne le 30 septembre 2019, consulté le 26 janvier 2022. URL : http://

journals.openedition.org/rfp/5079 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rfp.5079

© tous droits réservés

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Effets des pratiques d’enseignement de l’écriture en cours préparatoire

Catherine Brissaud Laurence Pasa Serge Ragano Corinne Totereau

Cet article analyse les effets des pratiques effectives d’enseignement de l’écriture sur les apprentissages réalisés par les élèves dans 131 classes de cours préparatoire (première primaire). Les analyses statistiques multiniveaux réalisées ont permis de mettre au jour les effets des différentes tâches proposées aux élèves par les enseignants : effets positifs des tâches de dictée, de production écrite, de planification et de révision sur les performances en écriture, et de façon différenciée sur les performances en code et en compréhension ; effets négatifs des tâches de copie et de production à l’aide d’unités pré-imprimées, notamment pour les élèves les plus faibles. Les résultats sont discutés à la lumière des méta-analyses récentes conduites sur l’enseignement explicite de l’orthographe et de la production d’écrit.

Mots-clés (TESE) : écriture, efficacité, enseignement, orthographe

Introduction

La recherche Lire et Écrire au CP, dont nous présentons ici une partie des résultats, s’inscrit dans le projet de caractériser les pratiques efficaces d’enseignement de la lecture et de l’écriture, au-delà des positions de prin- cipe et en essayant de dépasser les oppositions gros- sières qui sont à l’origine des « querelles de méthodes »1.

1 Cette présentation d’une partie des résultats de la recherche Lire et Écrire au CP est l’aboutissement d’un travail collaboratif du

À la démarche expérimentale (evidence-based research) habituellement employée pour ce type d’évaluation, nous avons préféré une approche écologique (educa- tional effectiveness research) qui permet d’observer des pratiques ordinaires, non modifiées par le dispositif de recherche (Van Damme, Opdenakker, Van Landeghem et al., 2009), et de comparer le fonctionnement de pra- tiques d’enseignement très diverses (Duru-Bellat

& Mingat, 1998) en identifiant des relations causales.

groupe Écriture. Nous remercions Valérie Fontanieu et Jérôme Riou

pour leur aide précieuse dans le traitement des données. 85-100

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Ainsi, l’approche écologique permet d’estimer l’im- pact relatif des différentes pratiques qui s’inscrivent dans l’offre didactique proposée par les enseignants sur la progression des élèves en lecture-écriture entre le début et la fin de l’année de CP en prenant en compte le contexte de scolarisation (caractéristiques des élèves et des classes). Ce type d’enquête se prête particulière- ment bien à un type de modalisation statistique, l’ana- lyse multiniveaux (Bressoux, 2007), dans la mesure où celle-ci permet de rendre compte des effets du milieu (caractéristiques des classes, pratiques) sur le compor- tement des individus (ici les élèves).

Nous nous demandons ici plus particulièrement dans quelle mesure et de quelle manière les pratiques d’enseignement de l’écriture favorisent chez les élèves le développement de compétences en lecture et en écriture.

Les liens entre écriture et lecture

L’hypothèse d’une interaction forte entre l’apprentis- sage de la lecture et de l’écriture, selon laquelle l’un et l’autre s’influencent mutuellement, n’est pas nouvelle : elle est depuis longtemps éprouvée par des chercheurs de disciplines variées. Les didacticiens du français l’ont développée et en ont nourri leurs propositions (Gar- cia-Debanc, 1990 ; Reuter, 1998 ; Fijalkow, 2003). Les psychologues ont travaillé sur la relation entre les pro- cessus impliqués dans l’apprentissage de la lecture et ceux concernés par l’apprentissage de l’orthographe et de la production de texte dans des langues variées (Rieben, Fayol & Perfetti, 1997 ; Nunes & Bryant, 2004 ; Joshi & Aaron, 2006). Ils ont ainsi montré les pouvoirs prédictifs de certaines caractéristiques ou dimensions de l’apprentissage de l’écriture sur celui de la lecture, par exemple la capacité à identifier les lettres de l’al- phabet ou à manipuler les unités orales de la langue (conscience phonologique). Dans sa récente revue, Shanahan (2015) examine les liens entre lecture et écri- ture et leur évolution dans différents contextes privi- légiant davantage la lecture. Les études examinées mettent en évidence l’impact plus grand de la lecture sur l’écriture que de celle-ci sur celle-là. L’auteur conclut sur l’idée que l’impact de l’écriture sur la lecture pour- rait se trouver réévalué dans un contexte où l’on ferait davantage écrire les élèves.

La méta-analyse conduite par Graham et Hebert (2011) montre qu’à partir de la deuxième année, faire écrire les élèves sur les textes qu’ils lisent (suites des textes, résumés, prises de notes, réponses à des ques-

tions ou création de questions) augmente leur com- préhension de ces textes. Les études répertoriées montrent également que l’enseignement de l’écriture (orthographe, construction de phrases et structuration du texte) a un effet bénéfique sur la fluence des nor- mo-lecteurs et que l’enseignement de l’orthographe a un effet bénéfique sur la lecture de mots pour tous les élèves y compris pour les élèves les moins avancés en orthographe. La conclusion est donc claire  : les élèves apprennent aussi à lire en écrivant leurs propres textes. Il est néanmoins à noter que cette méta-analyse ne répertorie que sept études concernant la première année, dont cinq thèses non publiées.

Si le bénéfice qu’on peut tirer des interactions entre lecture et écriture a été pointé depuis longtemps par les didacticiens et par les psycholinguistes, nous disposons de peu d’études évaluant les effets des prin- cipales tâches d’écriture effectivement proposées aux élèves lors des apprentissages premiers.

Qu’entendons-nous par écriture ?

Le mot écriture est polysémique. Il recouvre en français les aspects graphomoteurs (hand-writing), l’encodage ou orthographe (spelling) et la production de texte (writing), activité complexe qui permet la communica- tion dans la société (Boscolo, 2008). S’agissant de jeunes élèves, nous prenons tout d’abord en considé- ration le coût cognitif de l’encodage et du geste graphomoteur, coût tel que les ressources disponibles pour les opérations de haut niveau décrites pour la production de texte par Hayes et Flower (1980) et Hayes (1996) – la planification, la mise en texte et la révision – sont très limitées. L’écriture au sens de géné- ration du texte est donc entravée par la transcription graphique (geste graphomoteur et encodage, tâches dites de bas niveau), qui mobilise largement les res- sources du jeune élève de 6-7 ans. Nous avons évalué en CP ces trois aspects de l’écriture dans trois épreuves différentes : dictée, copie et production de texte.

Les travaux de Berninger et ses collaborateurs ont bien mis en évidence le coût cognitif très élevé pour le jeune élève de la mise en œuvre de la production écrite, notamment de la transcription et de l’ortho- graphe. Ils ont conduit à une proposition d’adaptation du modèle de Hayes et Flower qui prend en compte d’autres dimensions que ce modèle initial : le coût de la transcription ainsi que les limites de la planification, de la mise en texte et de la révision, notamment chez les plus jeunes ; les différences individuelles dans la

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capacité à produire de l’écrit ; les dimensions tempo- relle et spatiale et de la planification et de la révision ; l’implication des connaissances de type métacognitif ; le rôle non seulement de la mémoire à long terme mais aussi de la mémoire de travail ; les différences liées au genre qui affectent plus l’orthographe que la mise en texte (l’avance des filles étant sensible sur la dimension orthographique seulement) ; le rôle de variables autres que cognitives comme la motivation, les affects et le contexte social (Berninger, Fuller &  Whitaker, 1996).

L’étude entreprise auprès de 600 élèves de la 1re à la 6e  année (Graham, Berninger, Abbott et  al., 1997) a montré le lien entre aspects graphomoteurs (évalués selon la capacité à produire des lettres lisibles et à copier un paragraphe en temps limité) et orthographe d’une part ; entre aspects graphomoteurs, qualité du texte produit (contenu et organisation de l’informa- tion), évaluée sur une échelle de 1 à 5 par deux ensei- gnants après normalisation de l’orthographe, de la ponctuation et des majuscules, et longueur du texte, d’autre part. Chez les plus jeunes, la fluidité du geste et l’orthographe contribuent directement à la lon- gueur du texte mais pas à sa qualité.

Produire un texte est donc une tâche complexe qui nécessite la coordination de multiples traitements. Le processus s’étend sur plusieurs années ; en première année du primaire, il n’en est qu’à ses débuts et semble marqué par le coût des processus de bas niveau (Fayol, 2014). Nous examinerons d’abord les résultats d’une méta-analyse mettant en évidence l’impact positif d’un enseignement explicite de l’orthographe, puis des travaux concernant l’efficacité d’un enseignement explicite de la production de texte.

L’efficacité d’un enseignement explicite de l’orthographe

Dans leur quête d’identification des pratiques efficaces d’enseignement de l’écriture, Graham et Santangelo (2014) ont évalué l’impact de l’enseignement explicite de l’orthographe à l’aide d’une méta-analyse qui a porté sur 53 études expérimentales ou quasi expéri- mentales (dont une vingtaine de thèses non publiées) de la maternelle à la 10e année. Les résultats sont sans ambiguïté  : 1)  l’enseignement explicite de l’ortho- graphe fait progresser les élèves en orthographe, y compris dans les textes qu’ils produisent ; 2) les élèves ont de meilleurs résultats en orthographe, mais aussi en lecture, quand le temps consacré à l’enseignement de l’orthographe augmente ; 3) les effets observés dans

six études conduites de la maternelle à la 3e année sont durables dans le temps.

Les analyses conduites sur un nombre limité d’études (6) n’ont pas permis d’établir un impact de la performance orthographique sur la qualité du texte.

Les auteurs pointent le fait que presque toutes ces études concernent l’apprentissage de l’orthographe de l’anglais qui pose des problèmes spécifiques. De fait, dans cette méta-analyse, deux études seulement concernent le français : celle de Rieben, Ntamakiliro, Gonthier et alii (2005) et celle de Montésinos-Gelet et Morin (2005).

Dans la première de ces deux études, portant sur l’efficacité de la copie et de la pratique des ortho- graphes approchées, impliquant 145 élèves de 5 ans, répartis aléatoirement dans quatre conditions (copie ; orthographes approchées ; orthographes approchées avec rétroaction sur l’orthographe correcte ; dessin), Rieben, Ntamakiliro, Gonthier et alii (2005) concluent qu’au terme de six mois d’entraînement (18 séances d’environ 20  min) aucune des deux tâches isolées (copie ou orthographes approchées) n’est plus efficace que l’autre, que la pratique des orthographes appro- chées ne nuit pas à l’apprentissage de l’orthographe (la question semble ne pas se poser pour les auteurs concernant la copie) et que c’est la combinaison

« orthographes approchées avec rétroaction sur l’or- thographe correcte » qui entraîne le plus de progrès en orthographe et en lecture de mots. Dans la seconde étude francophone, Montésinos-Gelet et Morin (2005) ont mis en évidence l’effet positif de la coopération entre pairs en maternelle dans une tâche d’ortho- graphes approchées. Dans le groupe expérimental, après avoir écrit individuellement trois mots, les élèves doivent travailler en équipe de trois et se mettre d’ac- cord sur une graphie de groupe pour ces mêmes trois mots. Les conflits de type socio-cognitif qui naissent lors des échanges observés sont propres à susciter le questionnement des élèves sur l’écriture et abou- tissent, après une seule séance, à de meilleures perfor- mances en orthographe approchée dans le groupe expérimental que dans le groupe contrôle.

En résumé, l’enseignement explicite de l’ortho- graphe fait progresser les élèves en orthographe et en lecture de mots dès la maternelle. Les études portant sur la première année de l’école élémentaire (ou équi- valent) sont cependant en nombre limité.

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Les pratiques efficaces en production de textes

La méta-analyse conduite par Graham, McKeown, Kiu- hara et al. (2012) sur l’enseignement de la production de texte à l’école élémentaire dans 115  études expérimentales et quasi expérimentales souligne l’ef- fet bénéfique de la mise en œuvre de 12 pratiques sur les 13 testées, dont six précédemment mises au jour dans d’autres méta-analyses : l’enseignement de stra- tégies pour planifier, faire un brouillon ou réviser son texte, liées ou non à un genre de texte ; la collaboration entre pairs pour les opérations de planification, de mise en texte au brouillon et de révision ; l’assignation d’objectifs clairs de production ; les activités de prépa- ration à l’écriture (pour trouver des idées) ; l’utilisation du traitement de texte et de logiciels d’aide à l’écriture ; et la mise en place d’un programme d’apprentissage de l’écriture par étapes. Ces six premières pratiques produisent des effets avec les plus jeunes élèves comme avec les plus âgés.

Les auteurs mettent aussi au jour six autres pra- tiques efficaces : l’enseignement de l’autorégulation des stratégies enseignées (par exemple s’auto-évaluer, se fixer des objectifs) ; l’enseignement de la structure des textes ; l’enseignement de la créativité ou de la capacité à former des images mentales visuelles ; l’éva- luation de l’écriture et des progrès en écriture des élèves ; l’augmentation du volume d’écriture ; l’ensei- gnement de la transcription de texte (orthographe, écriture et saisie au clavier).

Il n’a pas été mis en évidence d’effet de l’enseigne- ment de la grammaire sur les performances des élèves en production écrite. Il est à noter que les élèves de première primaire ne sont concernés que par les résul- tats provenant de huit études s’intéressant à l’impact de l’enseignement de la transcription.

Les auteurs concluent à la variété méthodologique des études evidence-based relatives aux pratiques effi- caces en ce qui concerne l’enseignement de la produc- tion de textes à l’école élémentaire. Ils soulignent éga- lement que des pans de la production de texte demeurent non explorés comme la syntaxe ou le voca- bulaire, et que nous ne savons pas quelles combinai- sons de tâches ou quelles quantités sont optimales. Ils appellent de leurs vœux de nouvelles études afin de mettre en évidence de nouvelles pratiques efficaces dans le domaine de l’apprentissage de la production de textes, beaucoup moins documenté que celui de l’apprentissage de la lecture.

La recherche a ainsi produit des résultats robustes qui montrent l’efficacité, pour la production de texte, d’un enseignement explicite de la transcription (ortho- graphe, geste graphomoteur et saisie au clavier) et de stratégies d’écriture comme les opérations de planifica- tion, de mise en texte au brouillon et de révision. Des recommandations ont pu être formulées clairement (Graham, Gillespie & McKeown, 2013) : écrire souvent, créer un environnement propice aux apprentissages, enseigner explicitement les connaissances, compé- tences et stratégies d’écriture nécessaires. Il n’en reste pas moins que des zones d’ombre subsistent. Les auteurs de plusieurs revues de questions (par exemple Graham, Harris & Chambers, 2015) soulignent en conclu- sion leurs limites et les questions laissées en suspens : quelles combinaisons de tâches sont les plus efficaces ? Quelles intersections avec les apprentissages autres que celui de l’écriture ? Quels effets de la plus ou moins grande opacité du système d’écriture (nombre plus ou moins élevé de graphèmes et de correspondances pho- nographiques disponibles ; présence de graphèmes sans lien avec la chaîne sonore) ? Quelles implications pour la formation des enseignants et la prise en compte de leurs compétences professionnelles ?

Notre étude, qui s’inscrit dans une approche éco- logique (educational effectiveness research), tente de répondre aux deux premières questions évoquées ci-dessus. Nous nous demandons ici plus particulière- ment dans quelle mesure et de quelle manière les pra- tiques d’enseignement de l’écriture favorisent chez les élèves le développement de compétences en lecture et en écriture. Après avoir présenté la méthodologie de l’étude conduite dans 131 classes de cours prépara- toire, nous exposons les résultats obtenus concernant l’effet des pratiques d’enseignement de l’écriture sur les progrès des élèves en écriture mais aussi en lecture.

Méthodologie

Participants

131 enseignants volontaires de cours préparatoire issus de 13 académies différentes ont participé à l’enquête.

Leur ancienneté moyenne s’élève à 16,4  ans (écart- type = 7,4) et 8,4 ans au CP (écart-type = 5,3). 87,8 % des enseignants de l’échantillon sont des femmes et 16,8 % ont une expérience de formateur (professeur des écoles maître formateur ou maître d’accueil tempo- raire). Parmi les 131  écoles de l’échantillon, 29,8 %

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relèvent de l’éducation prioritaire. La taille moyenne des 131 classes est de 22,2 élèves (écart-type = 3,60).

6,1 % des classes sont des cours multiples.

L’échantillon est également composé de 2  507 élèves2, dont 50,3 % de filles et 49,7 % de garçons. On compte 71,7 % d’élèves qui parlent uniquement le fran- çais à la maison contre 6,7 % qui ne le parlent pas. Le reste, 21,6 %, parle donc au moins deux langues à la maison dont le français. 27,6 % des élèves de l’échan- tillon relèvent de l’éducation prioritaire.

L’observation des pratiques des enseignants

Un an de travail de la part des chercheurs impliqués dans l’enquête IFÉ a permis d’établir un consensus scientifique sur la manière de décrire les pratiques d’enseignement de la lecture-écriture et d’établir une typologie. D’un point de vue pragmatique, dans un souci de faisabilité de l’enquête, l’équipe a décidé de se centrer sur l’intention didactique des enseignants et d’identifier les tâches scolaires qu’ils prescrivent à leurs élèves. Constituée à partir de l’expertise des membres du groupe de recherche et de sources diverses (instructions officielles, formation, recherche), cette typologie tente de rendre compte de l’ensemble de l’offre didactique proposée par les enseignants des 131 classes, organisée en cinq grands domaines d’en- seignement du lire-écrire à l’école  : phonographie, lecture, compréhension, étude de la langue et enfin, écriture, dont il est question ici3.

Pour l’enseignement de l’écriture, après la phase de concertation et de validation sur le terrain du pro- totype de la typologie, neuf types de tâches ont été répertoriés. Ceux-ci rendent compte de l’ensemble des tâches directement liées à l’écriture4 proposées aux élèves durant l’année de CP : calligraphier (E1) ; copier avec modèle (E2) ou après disparition du modèle (E3) ; écrire sous la dictée (E4) ; produire en combinant des unités linguistiques pré-imprimées (E5) ; produire en dictant à autrui (E6) ; produire en encodant soi-même

2 Les analyses présentées ici portent sur 2 481 élèves.

3 Ces cinq grands domaines regroupent un certain nombre de tâches, par exemple cinq pour la lecture : lire silencieusement, reconnaître un mot entier, déchiffrer un mot, lire à haute voix, écou- ter la maîtresse/le maître lire à haute voix (voir le rapport en ligne : Goigoux, 2016, p. 83-84).

4 Ainsi, par exemple, les tâches consistant à répondre par écrit à des questions portant sur la compréhension apparaissent dans la typologie comme relevant de l’enseignement de la compréhen- sion et non de celui de l’écriture.

(E7) ; définir, planifier ou organiser la tâche d’écriture (E8) ; revenir sur l’écrit produit (E9). Notons que pour toutes les tâches, à part la planification/révision, le type d’unité linguistique impliqué (lettre, syllabe, mot, phrase, texte) a été pris en compte.

Afin d’identifier les contenus d’enseignement, leur planification, les tâches proposées aux élèves et les manières de faire des professeurs, une observation directe des pratiques a été réalisée simultanément dans les 131 classes de cours préparatoire durant trois semaines de l’année scolaire 2013-2014 : une semaine en novembre, une semaine en mars et une semaine en mai. Toutes les séances de lecture-écriture menées par les enseignants durant ces trois semaines ont été fil- mées et codées. Cette observation a permis d’obtenir la description et la durée effective, que nous appelons budget-temps, dans chaque classe, de toutes les tâches relevant de l’enseignement de la lecture et de l’écriture, en utilisant la typologie évoquée plus haut.

Un changement de tâche est repéré par l’enquê- teur « chaque fois que l’enseignant donne un nouveau but à ses élèves ou modifie les conditions pour l’at- teindre » (Goigoux, Jarlégan & Piquée, 2015, p. 44, pour une présentation plus détaillée de la méthodologie de la recherche et du calcul des budgets-temps).

L’évaluation des compétences des élèves

Avant de présenter l’évaluation des compétences des élèves, il est nécessaire de revenir sur les finalités de la recherche Lire et Écrire au CP. L’objectif de mesurer l’ef- ficacité des pratiques d’enseignement de la lecture et de l’écriture sur la qualité des premiers apprentissages s’inscrit certes dans une démarche heuristique mais sa finalité est essentiellement praxéologique5. De fait, les indicateurs choisis relèvent davantage de compé- tences scolaires que psycholinguistiques : il s’agit de savoir si, au regard des acquisitions définies par le socle commun de connaissances, de compétences et de culture (MEN, 2016, pour sa version actuelle), les pro- grès des élèves peuvent être imputables aux pratiques d’enseignement de l’écriture.

Ainsi, pour le domaine d’enseignement de l’écri- ture, l’évaluation de début de CP n’évalue que la décou- verte du principe alphabétique dans l’exploration des correspondances phonographiques et la segmentation

5 La recherche est financée à hauteur de 43 % par la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) en charge du pilotage

des politiques éducatives. 8 9

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lexicale au moyen d’une épreuve d’écriture tâtonnée.

Cette épreuve de « dictée » comporte l’écriture :

− du prénom : cette production est cotée 1 (prénom écrit orthographiquement) ou 0 (autre type d’écriture)6 ;

− de trois mots isolés (rat, lapin et éléphant) : pour le codage, l’ensemble des trois mots doit être considéré comme un tout7 et le nombre de points attribués est celui qui rend le mieux compte du niveau atteint par l’élève sur le plan de sa compréhension du fonctionne- ment du système d’écriture du français et, en particu- lier, des relations qu’il entretient avec le système oral ; on distingue ainsi trois grands paliers : l’élève n’a pas compris que l’écrit code les phonèmes (de 0 à 3 points)8, l’élève a compris que l’écrit code l’oral mais il n’a pas compris le principe alphabétique selon lequel chaque phonème est encodé par un graphème (4 ou 5 points)9, l’élève a compris le principe alphabétique mais il maî- trise plus ou moins bien les correspondances phonèmes-graphèmes (de 6 à 8 points)10 ;

− d’une courte phrase (Tom joue avec le rat) : comme précédemment, pour le codage, c’est l’ensemble des mots qui est pris en compte (de 0 à 8 points)11 ; de plus, le nombre de segments est pris en compte, c’est-à-dire le nombre de lettres ou de chaînes de lettres isolées par deux espaces (pas d’écrit : 0 point, un ou deux seg- ments : 1 point, trois segments et plus : 2 points) et 1 point de plus est accordé si la graphie du mot rat est identique, isolée et dans la phrase.

À la fin du cours préparatoire, la mesure des perfor- mances des élèves en écriture a reposé sur trois épreuves qui rendent compte des acquisitions en orthographe (lexicale et grammaticale) et en production de texte.

6 Non pris en compte dans le score global en écriture.

7 On code ainsi la dominante qui apparaît dans les trois tentatives de l’élève et en cas de réponses très hétérogènes, un score moyen est choisi, qui correspond à une moyenne.

8 0 : absence de toute trace ; 1 : dessin ; 2 : simulation de l’écriture ; 3 : utilisation de lettres sans intention de transcrire des sons.

9 4 : écriture syllabique (exemple : l’élève utilise une lettre pour coder une syllabe) ; 5 : écriture syllabico-alphabétique (exemple : l’élève utilise une lettre pour coder tantôt une syllabe, tantôt un phonème).

10 6 : écriture alphabétique non totalement conforme à la forme orale ; 7  : écriture conforme à la forme orale ; 8  : écriture orthographique.

11 De fait, s’agissant du même codage que pour les mots isolés (qui sont considérés comme un ensemble) qui est à la base qualitatif (il s’agit d’évaluer le niveau de compréhension du fonctionnement du système d’écriture du français de l’élève) et dans la mesure où les comportements de scripteurs d’apprentis de cet âge peuvent être très variables (Fijalkow, 2006), le calcul du score global en écri- ture ne prend en compte que le meilleur de ces deux scores.

Pour l’orthographe, l’épreuve d’écriture tâtonnée a été reprise à l’identique, augmentée d’une phrase Les lapins courent vite, afin d’évaluer le marquage du pluriel.

La cotation de la partie commune à l’évaluation de sep- tembre est cependant sensiblement différente. Ainsi, le premier palier (l’élève n’a pas compris que l’écrit code les phonèmes) n’octroie aucun point et le second (l’élève a compris que l’écrit code l’oral mais il n’a pas compris le principe alphabétique selon lequel chaque phonème est encodé par un graphème) n’est validé que par 1 point. In fine, c’est la maîtrise des correspondances phonèmes-graphèmes qui est évaluée ici12 avec trois degrés : écriture alphabétique non totalement conforme à la forme orale (2  points), écriture alphabétique conforme à la forme orale (3 points), écriture orthogra- phique (4 points). Dans la mesure où c’est essentielle- ment l’aspect conventionnel de l’écriture, en référence à l’écrit normé, qui est pris en compte ici, les deux scores (mots isolés + phrase) sont additionnés. Enfin, deux points sont attribués pour la marque du pluriel de lapins et courent ; le score maximum est ainsi de 10 points.

Une seconde épreuve, de copie différée, vise sen- siblement les mêmes objectifs orthographiques mais intègre d’autres dimensions de l’apprentissage de l’écriture (maîtrise graphomotrice, vitesse de traite- ment et quantité d’information traitée) : les élèves ont trois minutes pour recopier en cursive au verso d’une feuille, la phrase Dans le jardin de Léonard, il y a un arbre extraordinaire, inscrite en script au recto. Du point de vue du codage :

− les aspects graphomoteurs sont évalués sur le pas- sage script/cursive (script dominant : 1 point, écriture mixte : 2 points, cursive dominante : 3 points) et sur la qualité de la calligraphie (de 1 à 4 points selon que les lettres sont majoritairement mal formées, à moitié, majoritairement ou totalement bien formées). Les points obtenus sont ensuite rapportés à un total de 2 (0 point si ≤ 4 ; 1 point si compris entre 5 et 6 ; 2 points si égal à 7) ;

− la vitesse de copie est quantifiée sur 3 points en fonction du temps mis par l’élève : 1 point s’il n’a pas fini, 2 points s’il a mis entre 2 et 3 minutes et 3 points s’il a terminé en moins de 2 minutes ;

− la quantité d’information traitée est calculée en effectuant un ratio entre le nombre de mots copiés par l’élève et le nombre de retournements qu’il a dû effec-

12 La segmentation de la phrase et la reprise du mot isolé dans la phrase ne sont d’ailleurs plus prises en compte dans le score global en écriture.

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tuer pour le faire. Si le nombre de retournements est égal ou supérieur au double du nombre total de mots écrits (stratégie de prise d’information minimale), alors le score est égal à 0 ; inversement, s’il y a moins de retournements que de mots écrits (stratégie de prise d’information supra-lexicale), le score est égal à 4 ; tout autre ratio se voit attribuer un score de 2 ;

− le score d’orthographe est mesuré de façon nor- mée : chacun des 11 mots et les 2 signes de ponctua- tion correctement écrits se voit attribuer 0,5 point pour un total maximum de 6,5  points. Le score total de copie, sur 15,5 points, est le résultat de la somme des 4 sous-scores.

Enfin, la troisième épreuve, d’une durée de 15 minutes, consiste en la production écrite de l’his- toire d’un petit chat, à partir de 4 images séquentielles (un petit chat part en exploration, tombe, se met à miauler puis est récupéré par sa mère). Six sous-scores sont calculés sur la base de l’écrit produit :

− la longueur de l’écrit, de 0 (absence d’écrit) à 5 points (plus de 100 lettres produites) ;

− la segmentation, de 0 à 4 points, selon que l’élève n’a rien écrit ou a segmenté correctement moins de 50 %, plus de 50 % ou tout le texte (totalement ou en quasi-totalité) ;

− la lisibilité, estimée à partir de la qualité de la calli- graphie et cotée sur 2 points selon les mêmes critères que pour l’épreuve précédente ;

− la présence de marques graphiques ou textuelles indiquant une séparation entre les idées développées : majuscule, point, retour à la ligne non imposé par la fin d’une ligne, connecteur temporel ou logique ; la pré- sence de chacun des quatre critères précédents est comptée 1 point ;

− la quantité d’information reprise dans le texte  : l’évocation de chacune des quatre images est cotée 1 point ; un point de plus est accordé par information supplémentaire (l’état émotionnel des protagonistes par exemple), à hauteur de 3 points maximum ;

− les aspects narratifs sont enfin pris en compte  : titre, formule d’ouverture, temps du passé, formule de fermeture, reprise pronominale ; la présence de chacun des cinq critères précédents est comptée 1 point.

Le score global de production écrite est obtenu par la somme de chacun des sous-scores pour un total maximum de 27  points (5  points pour la longueur, 4 points pour la segmentation, 2 points pour la lisibi- lité, 4 points pour la présence de séparateurs d’idées, 7  points pour les informations, 5  points pour les aspects narratifs).

Pour l’analyse des résultats, les scores des trois épreuves sont statistiquement centrés et réduits (rame- nés à une moyenne de 0 et un écart-type de 1). Un indice global composite, constitué de la somme de ces trois scores (leur accordant donc le même poids) est aussi calculé afin d’estimer quantitativement la performance en écriture13. Enfin, dans la mesure où les résultats rap- portés ici s’inscrivent dans le cadre plus large de la recherche Lire et Écrire au CP, les élèves sont aussi évalués sur d’autres champs de compétences en lecture-écriture (voir Goigoux, 2016, p. 56-72 pour une présentation détaillée)  : la maîtrise du code grapho-phonétique (connaissance des lettres, conscience phonologique, lecture de mots et de pseudo-mots, fluence) et la com- préhension (vocabulaire, compréhension de phrases et de textes entendus, compréhension de phrases en lec- ture autonome).

Modalités d’analyse des résultats

Afin de « dégager ce qui, dans les différences de résul- tats aux épreuves finales, peut être imputé aux pra- tiques d’enseignement après avoir contrôlé l’impact des autres facteurs » (Goigoux, Jarlégan & Piquée, 2015, p. 40), tels que les caractéristiques des élèves, des classes et des maîtres, des analyses statistiques multi- niveaux ont été réalisées14.

Ainsi, pour pouvoir raisonner à caractéristiques égales des élèves et des classes, un certain nombre de variables est contrôlé. Au niveau de l’élève, on prend en compte le score initial, le sexe, le milieu social (en trois catégories : favorisé, intermédiaire et défavorisé), l’âge (année découpée en quadrimestres) et la langue parlée à la maison (français, autre, français et autre). Au niveau de la classe et de l’enseignant, l’appartenance ou non à un réseau d’éducation prioritaire, le rythme scolaire hebdomadaire (4 jours ou 4,5 jours), le niveau moyen initial de la classe, l’hétérogénéité initiale de la classe (écart-type des scores de la classe), la tonalité sociale (pourcentage d’élèves de milieu favorisé) ainsi que l’an- cienneté de l’enseignant au CP sont considérés.

13 Et non qualitativement dans la mesure où un élève fort en ortho- graphe mais faible en production écrite peut avoir le même score qu’un autre élève ayant des caractéristiques exactement inverses.

14 Pour ne pas alourdir la lecture des analyses, nous avons décidé de ne pas reporter les résultats statistiques dans le corps du texte.

On trouvera en annexe deux exemples de traitement. Le premier porte sur l’impact, pour les élèves de niveau intermédiaire, du temps passé à écrire sous la dictée sur le score en écriture et le second sur l’effet du temps passé à produire des écrits en encodant soi-même

sur le sous-score de dictée. 9 1

Effets des pratiques d’enseignement de l’écriture en cours préparatoireDOSSIER

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Pour chacune des pratiques d’enseignement de l’écriture, différents types d’effets ont été recherchés et testés statistiquement (linéaire, quadratique, inte- raction, palier)15.

Les pratiques étant estimées en termes de bud- get-temps, nous nous sommes tout d’abord demandé si l’accroissement du temps passé à une tâche avait une influence (positive ou négative) sur la progression des élèves (on parle alors d’effet linéaire ou « moyen ») sachant que dans certains cas, des seuils de temps en deçà ou au-delà desquels une pratique n’a pas ou plus d’effet peuvent apparaître (effet quadratique).

Par ailleurs, le niveau initial des élèves a été pris en compte (effet d’interaction)  : on distingue ainsi 919 élèves initialement faibles en écriture (scores infé- rieurs à -0,5 écart-type16), 805 élèves initialement forts en écriture (scores supérieurs à +0,5  écart-type) et 757 élèves aux scores intermédiaires (entre -0,5 et +0,5 écart-type).

De plus, nous avons recherché des effets palier en regroupant les différentes durées observées pour une pratique en trois ou quatre catégories. Cette catégori- sation permet en particulier d’estimer l’impact d’une pratique en prenant comme référence les classes où l’on y passe le moins de temps.

Enfin, nous avons identifié les 15  classes où les élèves progressent le plus en écriture et les 15 classes où ils progressent le moins afin de faire apparaître, de façon plus descriptive, d’éventuelles différences en termes de pratiques d’enseignement de l’écriture.

Effets des pratiques d’écriture sur les performances des élèves

Une de nos hypothèses initiales était que les progrès des élèves seraient reliés au temps cumulé passé en écriture. Ce temps représente en moyenne 143 min par semaine soit 32 % du temps consacré à la lecture et à l’écriture. Mais cette moyenne cache de grandes dis- parités  : les 10 % des classes qui en font le moins y passent 75 min contre 213 pour les 10 % des classes qui en font le plus.

Nous nous sommes donc tout d’abord demandé si les progrès dépendaient du temps global passé en

15 Nous nous appuyons ici sur la section E.4.3. du rapport dispo- nible en ligne (Goigoux, 2016, p. 357-361).

16 Parmi ces élèves, nous avons aussi distingué les 290 plus faibles (scores inférieurs à -0,7 écart-type).

écriture. La réponse est clairement non : à caractéris- tiques des élèves et niveaux initiaux comparables et à caractéristiques des classes et des enseignants constantes, aucun effet global de la durée totale du temps consacré à l’écriture n’a pu être détecté. Si l’on regroupe les classes en fonction de leur budget-temps consacré à l’écriture, le tiers des classes qui font le plus d’écriture ne fait pas plus progresser les élèves que les autres. Le temps passé globalement à faire écrire les élèves, toutes tâches d’écriture confondues, n’explique donc pas les différences observées dans les progrès des élèves.

Nous nous sommes alors penchés sur les bud- gets-temps des différentes tâches d’écriture prescrites par les 131 enseignants observés17. Cependant, dans la mesure où les enseignants n’ont que très peu recours à la dictée à l’adulte (la tâche E6 : 4 min en moyenne par semaine), certains ne la pratiquant pas du tout (89  enseignants sur 131 en début d’année, 127 en milieu et 128 en fin), nous n’avons pas mesuré son effet isolé sur les progrès des élèves.

La calligraphie (E1)

Les tâches de calligraphie occupent en moyenne 16  min, ce qui représente 11 % du temps consacré à l’enseignement de l’écriture. Relativement présentes en début d’année, leur importance décroît ensuite (de 26 min en novembre à 14 en mars, puis 8 en mai), envi- ron la moitié des enseignants les ayant même aban- données en fin d’année (69 enseignants sur 131). L’ana- lyse des résultats montre que cette pratique n’a pas d’effet sur les performances des élèves, tant sur le score global en écriture que sur les trois épreuves d’écriture distinctement ou sur les autres domaines de compé- tences (code et compréhension). Cependant, on ne peut exclure que ce type de tâche ait un effet sur les habiletés graphomotrices des élèves, qui en tant que telles n’ont pas été évaluées spécifiquement ici.

La copie (E2 + E3)

Dans les 131 classes observées, la copie occupe plus d’un tiers du temps consacré à l’écriture (47  min en moyenne, soit 33  %) et ce pour chacune des trois semaines d’observation (46 min en novembre, 46 en mars et 50 en mai). En d’autres termes, les élèves

17 Pour une description détaillée des pratiques d’enseignement de l’écriture, voir Pasa, Totereau, Soulé et al. (2015).

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passent un temps considérable à copier de l’écrit, essentiellement des mots et des phrases (Pasa, Tote- reau, Soulé et al., 2015). Pourtant, les effets communs des tâches E2 (copie avec modèle) et E3 (copie après disparition du modèle)18 ne semblent pas à la hauteur du temps imparti à la copie. En effet, l’analyse du lien entre le temps consacré à la copie et les résultats des élèves en écriture montre que cette tâche a peu d’im- pact sur leurs performances en écriture. De plus, des résultats contrastés s’observent selon le niveau initial des élèves. Si le temps passé à faire de la copie en classe n’a aucun effet sur les élèves de niveau intermédiaire (ni sur le score global ni sur les scores obtenus aux dif- férentes épreuves d’écriture), il a un effet tendanciel- lement négatif sur le score global en écriture de la sous-population des 290 élèves les plus faibles de l’échantillon (p  <  0,10)  : plus ils passent de temps à copier, moins ils progressent en écriture. Pour ces élèves, il a également un effet négatif sur le score spé- cifique de l’épreuve de copie (p < 0,05). Enfin, pour les élèves les plus forts, on observe un effet négatif du temps passé à la copie sur la production de texte (p < 0,05) : plus ils passent de temps à copier, moins ils sont performants en production de texte.

Pour les deux autres domaines de compétences (code et compréhension), les analyses n’ont mis en évidence aucun effet global. On observe en revanche un effet tendanciellement négatif du temps passé à la copie sur le score de code pour les élèves les plus faibles (p < 0,10) et sur le score de compréhension pour les élèves forts (p < 0,10).

Ainsi, la copie, qui occupe le tiers du temps d’écri- ture hebdomadaire, ne semble pas avoir d’effet sur le score ou les sous-scores en écriture mais elle semble pénaliser en production et en compréhension les élèves initialement les plus forts en écriture, et en code et en copie les élèves initialement les plus faibles.

Notons que l’épreuve d’évaluation que nous avons uti- lisée était une épreuve de copie différée, avec dispari- tion de la phrase à copier, qui impliquait donc un trai- tement actif et stratégique de l’énoncé à mémoriser, par segments si nécessaire. Or, les élèves sont habitués en classe à copier avec un modèle toujours disponible sous leurs yeux (tâche E2 : 44 min hebdomadaires en

18 Seule la tâche E2 est véritablement présente dans les classes (44 min en moyenne par semaine, soit 30,8 %), la tâche de copie différée (E3) n’occupe qu’en moyenne 3 min du temps consacré à l’enseignement de l’écriture, ce qui nous a conduits à les regrouper dans l’analyse.

moyenne), mais pas avec un modèle qu’ils appren- draient à mémoriser (tâche  E3  : 3  min par semaine).

Lorsqu’une activité d’enseignement fait défaut, ce sont les élèves initialement faibles qui sont le plus pénalisés.

La dictée (E4)

Comparée à la copie, la dictée semble avoir une impor- tance moindre dans les classes de notre échantillon : elle occupe en moyenne 23 min du temps d’enseigne- ment de l’écriture (soit autour de 16 %, quel que soit le moment de l’année : 24, 23, puis 21 min sur les trois semaines d’observation). Pourtant, son impact est plus marqué. De façon tendancielle, la pratique de la dictée améliore les performances globales en écriture chez tous les élèves (p < 0,10). Ainsi, plus ils passent du temps à écrire sous la dictée, plus ils progressent en écriture19 ; on observe cependant un effet plafond : y consacrer plus de 39 min par semaine ne fait pas davantage pro- gresser les élèves (p < 0,01 ; p < 0,05). Cet impact positif devient significatif si on considère les 290 élèves les plus faibles (p < 0,05) et les élèves de niveau intermé- diaire (p < 0,01 ; voir annexe 1, modèle 4).

Si on considère les résultats dans les différentes épreuves d’écriture, on observe un effet positif sur le score en dictée, pour les élèves les plus faibles (p < 0,05) et intermédiaires (p < 0,05). En ce qui concerne la réus- site en production de texte, on observe un effet ten- danciel positif général du temps passé à la dictée (p < 0,10). Cet effet est significativement positif pour les élèves les plus faibles (p < 0,01) et tendanciellement positif pour les élèves forts (p < 0,10).

D’un point de vue descriptif, les pratiques obser- vées dans les 15  classes dites efficaces en écriture (c’est-à-dire celles qui ont fait le plus progresser leurs élèves en écriture, toutes choses étant égales par ail- leurs) indiquent des résultats convergents : 7 classes parmi les 15 consacrent 26 min et plus en moyenne par semaine à l’activité de dictée et une seule y consacre 15 min ou moins. En revanche, parmi les 15 classes les moins efficaces en écriture, 11  classes y consacrent moins de 26 min, dont 6 classes 15 min ou moins ; 4 y consacrent 26 min et plus. Il semblerait donc qu’une

19 Une autre analyse a été menée en répartissant les classes en tiers, par rapport au temps consacré à l’activité de dictée. Cette analyse montre que le tiers des classes qui en font le plus (au moins 26 min hebdomadaires) font plus progresser leurs élèves que le tiers des classes qui en font le moins (15 min maximum), non seu-

lement en écriture, mais également en code. 9 3

Effets des pratiques d’enseignement de l’écriture en cours préparatoireDOSSIER

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pratique conséquente de la dictée soit effective dans la plupart des classes dites efficaces en écriture. Les toutes premières investigations qualitatives effectuées parmi les classes les plus efficaces en écriture semblent révéler des contextes didactiques où la tâche de dictée est essentiellement un moment de travail réflexif. Elle sollicite chez les élèves la mise en œuvre d’une démarche autonome qui, avec l’étayage de l’ensei- gnant, les incite à anticiper, repérer et corriger leurs erreurs, dans le but de s’interroger sur les phénomènes orthographiques et de mobiliser leur métalangage.

En ce qui concerne les effets de la dictée sur les autres domaines de compétences, on remarque que la durée passée à cette tâche exerce également une influence positive significative sur les performances de tous les élèves en code, avec un plafond à 39  min (p  <  0,01 ; p < 0,01). Si l’on considère le niveau initial des élèves en code, cet impact doit être nuancé : les élèves initialement faibles progressent davantage avec des durées d’écriture sous la dictée supérieures ou égales à 15 min hebdoma- daires ; il est plus modéré mais également positif pour les élèves initialement intermédiaires.

Pour résumer, passer du temps à écrire sous la dic- tée favorise les progrès en écriture et en code surtout pour les élèves les plus faibles (11,5 % des élèves) et les élèves de niveau intermédiaire (30,5 % des élèves), soit 42 % des élèves de l’échantillon.

La production d’écrit d’unités linguistiques déjà imprimées (E5)

Venant compléter les traditionnelles tâches de calligra- phie, copie et dictée, l’exercice consistant à assembler des unités linguistiques pré-imprimées occupe à lui seul 12 min en moyenne (soit 8,33 % du temps consacré à l’enseignement de l’écriture). De façon détaillée, on constate que lorsque les enseignants proposent ce type de tâche, ils visent soit un travail sur le mot (par exemple fabriquer des mots à partir de syllabes écrites), soit un travail sur la phrase (par exemple produire une phrase en combinant des étiquettes-mots). Ce type de tâche porte très rarement sur la manipulation de lettres pour fabriquer des syllabes ou la composition d’un texte20.

On constate que passer du temps à produire en combinant des unités linguistiques déjà imprimées a un effet linéaire négatif significatif sur les perfor-

20 Les 12 minutes en moyenne consacrées à cette tâche se répar- tissent de la façon suivante : 0,7 min pour la syllabe, 5,2 min pour le mot, 5,8 min pour la phrase, 0,6 min pour le texte.

mances globales en écriture de tous les élèves (p < 0,05). De plus, on observe un effet palier : dans les 25 % des classes qui y passent le moins de temps (moins de 3 min en moyenne par semaine), les élèves progressent davantage en écriture que dans les 25 % des classes qui y consacrent plus de 18 min (p < 0,05).

Cet impact négatif général de la tâche  E5 se retrouve sur les sous-scores de copie et de dictée. Pour la copie, cet effet s’observe également de façon signi- ficative pour les élèves faibles (p < 0,05) et intermé- diaires (p < 0,05) ; pour la dictée, cet effet s’observe de façon tendancielle pour les élèves forts (p  <  0,10).

Sachant que la moitié du temps passé sur cette tâche consiste à combiner des unités écrites pour former des phrases, on pourrait penser que ce travail permet de soutenir ou développer les processus d’énonciation.

Pourtant, ce type de tâche n’a pas d’effet sur les résul- tats des élèves en production d’écrit21.

Quand on s’intéresse aux 15 classes dites efficaces en écriture, on observe que parmi elles 12  classes y consacrent moins de 18 min (dont 7 classes moins de 3 min) et 3 classes seulement y travaillent 18 min ou plus en moyenne par semaine. En revanche, parmi les 15 classes les moins efficaces en écriture, la moitié (7 classes) y consacrent plus de 18 min et seulement 3 moins de 3 min.

Par rapport aux compétences évaluées dans les autres domaines que l’écriture, il semble que cette tâche n’ait pas d’effet sur le score obtenu en code ; en revanche, on observe un effet négatif sur le score de compréhension pour les seuls élèves faibles (p < 0,05).

En résumé, ces résultats tendent à suggérer que la manipulation d’unités linguistiques pré-imprimées, telle qu’elle est sollicitée dans de nombreux exercices présents dans les supports pédagogiques, ne facilite ni les processus d’encodage-décodage, ni la réussite dans des épreuves qui impliquent le traitement de la signification.

La production d’écrit autonome (E7)

Dans les 131 classes, les occasions données aux élèves de produire en encodant eux-mêmes représentent en moyenne 25  min par semaine (soit 17,5 % du temps

21 Une autre analyse (Pasa, Crinon, Espinosa et al., 2017) des résul- tats de l’épreuve de production écrite a été réalisée afin de ne tenir compte que de la performance narrative (en soustrayant de la cota- tion globale de cette épreuve les points attribués à la segmentation, la lisibilité et la seule description des images proposées). Sur cet indice non plus, la tâche E5 n’a pas d’effet.

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d’écriture). Contrairement à la tâche précédente, ici les élèves choisissent les unités à écrire (par exemple com- pléter des mots en écrivant la syllabe manquante, écrire une légende sous une image, écrire la fin d’une phrase commencée par l’enseignant, produire une lettre ou une devinette). Lorsque les enseignants pro- posent cette tâche à leurs élèves, il semble que ce soit un travail sur l’énonciation qui est visé dans la mesure où la phrase est l’unité privilégiée (11 min en moyenne par semaine), suivie du texte (6 min), tandis que l’enco- dage à partir de la production autonome de syllabes et de mots ne représente que 8 min en moyenne.

On observe que le temps alloué à cette tâche de production d’écrit a un effet linéaire positif tendanciel sur les performances globales en écriture (p < 0,10). Cet impact est différencié selon le niveau initial des élèves en écriture : la production autonome bénéficie princi- palement aux 805  élèves forts (p  <  0,01). Si l’on recherche des effets paliers, on remarque que le tiers des classes dans lesquelles cette tâche est pratiquée au moins 30 min par semaine fait davantage progresser ses élèves en écriture que le tiers des classes qui en fait le moins (moins de 17 min par semaine).

Produire des écrits en encodant soi-même a un effet linéaire positif significatif sur le score en dictée (p < 0,01 ; voir annexe 2, modèle 4) ; celui-ci est d’autant plus fort que le niveau initial des élèves est élevé.

Cependant, il n’y a pas d’impact de cette tâche sur le score de production écrite. Placer les élèves en situa- tion de production d’écrit autonome semble donc surtout leur permettre de progresser en encodage22.

Parmi les 15 classes dites efficaces en écriture, 8 y consacrent 30 min et plus en moyenne par semaine et seulement 3 y consacrent 17  min ou moins. En revanche, parmi les 15 classes les moins efficaces en écriture, 13 y consacrent moins de 30 min, dont 7 moins de 17 min ; 2 classes seulement y passent 30 min et plus.

Enfin, la production autonome d’écrit a non seule- ment un effet tendanciel positif sur les performances en écriture, mais aussi sur les performances en code et en compréhension. L’effet sur le code étaie l’hypothèse selon laquelle placer les élèves en situation d’encodage autonome leur permet d’appréhender de façon effi-

22 Néanmoins, comme pour la tâche  E5, une autre analyse a mesuré l’effet de la tâche E7 sur les performances narratives des élèves (Pasa, Crinon, Espinosa et al., 2017) : lorsque les unités à encoder choisies par les élèves sont des syllabes ou des mots, l’im- pact est significativement négatif ; inversement, lorsque les élèves choisissent d’écrire des phrases et des textes, l’impact est signifi- cativement positif.

cace les aspects techniques de la langue écrite ; l’effet sur la compréhension tend à montrer que la posture d’auteur facilite chez l’élève l’élaboration de significa- tion en lecture.

Les tâches de planification et de révision des écrits produits (E8 + E9)

Pour terminer cette analyse des effets respectifs des tâches d’écriture proposées par les 131 enseignants, examinons enfin deux ensembles de tâches qui ne consistent pas à placer les enfants en situation d’écri- ture. Le premier regroupe la définition, la planification et l’organisation de la tâche d’écriture (par exemple se demander à quoi ressemble le type d’écrit à produire compte tenu du projet de classe ; faire la liste des étapes et des règles nécessaires pour écrire ; indiquer l’orthographe de mots utilisables pour écrire). Le second ensemble porte sur la révision d’un écrit pro- duit (par exemple commenter l’écrit produit ; comparer sa production à un modèle ou un autre écrit ; modifier son écrit à partir des corrections apportées par l’ensei- gnant). Nous avons regroupé ces deux ensembles de tâches dans la mesure où ils relèvent tout deux d’opé- rations de haut niveau. Ils occupent en moyenne 16 min (entre 12 et 17 selon le moment de l’année), soit 11 % du temps d’enseignement de l’écriture23.

De manière générale, passer du temps à planifier/

réviser l’écrit produit a un impact significativement positif sur les performances en écriture des 290 élèves les plus faibles de l’échantillon (p < 0,05). On observe par ailleurs un effet quadratique à 40  minutes pour l’ensemble des élèves, ce qui revient à dire que passer plus de temps à planifier/réviser l’écrit produit a un impact positif sur les performances en écriture avec un maximum de 40 min au-delà desquelles les élèves ne progressent plus (p < 0,05 ; p < 0,05).

De façon plus spécifique, l’impact sur les sous- scores d’écriture révèle l’influence positive de ces tâches en dictée et en production d’écrit (p < 0,05). En dictée, on note un effet linéaire positif significatif qui se vérifie en fonction du niveau initial des élèves (effet interactif), tendanciellement pour les élèves faibles (p < 0,10) et intermédiaires (p < 0,10) et significativement pour les élèves forts. Ainsi planifier/réviser un écrit induirait chez les élèves des processus attentionnels qui permettraient un meilleur contrôle de la norme orthographique

23 6  min en moyenne pour les tâches  E8 et 10  min pour les

tâches E9. 9 5

Effets des pratiques d’enseignement de l’écriture en cours préparatoireDOSSIER

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( considérée comme un critère de lisibilité de l’énoncé à produire). En production d’écrit, l’impact positif est plus nuancé : l’effet est tendanciel pour les seuls élèves inter- médiaires (p < 0,10). Cependant, on constate que ces tâches de planification/révision ont également un effet linéaire positif significatif sur la réussite dans les épreuves de compréhension, et ce pour tous les élèves, quel que soit leur niveau initial. Il est vraisemblable qu’elles sollicitent chez eux des compétences méta-lan- gagières qui s’expriment dans les différentes situations de lecture-écriture.

Discussion et conclusion

Ainsi, si la durée cumulée de l’ensemble des tâches d’écriture n’a aucun effet sur les performances finales des élèves, certaines tâches d’écriture font progresser les élèves non seulement en écriture mais aussi en code et en compréhension. L’approche écologique pour laquelle nous avons opté (educational effectiveness research) en cours préparatoire dans les 131  classes observées et les analyses multiniveaux réalisées abou- tissent à des conclusions qui confortent les résultats des méta-analyses présentées plus haut, consacrées à des études du paradigme evidence-based.

Tout d’abord, passer du temps à travailler explici- tement l’orthographe en écrivant sous la dictée favo- rise les progrès en écriture, notamment en dictée, pour les élèves les plus faibles et de niveau intermédiaire, en production de texte pour les élèves les plus faibles et le groupe des élèves forts mais aussi en code pour tous les élèves. De même, offrir des occasions aux élèves de produire des écrits en choisissant eux-mêmes leurs mots et leurs phrases a un effet positif sur les performances en écriture de tous les élèves, notam- ment en dictée mais aussi en code et en compréhen- sion. Enfin, le temps consacré aux opérations de plani- fication et de révision favorise les progrès des élèves notamment en dictée mais aussi en compréhension.

Nous apportons ainsi notre contribution au débat sur les effets d’un enseignement explicite de l’ortho- graphe, qui favorise les progrès des élèves en écriture mais aussi en lecture (Graham, Berninger, Abbott et al., 1997 ; Graham &  Santangelo, 2014), effets que nous mettons en évidence pour la première année de l’école élémentaire, en contexte écologique et pour le fran- çais. Nous confortons aussi les conclusions de Graham et Hebert (2011) concernant l’effet de l’enseignement de la production de texte sur la lecture de mots et la fluence mais aussi sur la compréhension.

Si notre étude montre que c’est en écrivant qu’on apprend à écrire, elle montre également, conformé- ment aux prédictions de Shanahan (2015), que c’est aussi en écrivant qu’on apprend plus globalement les usages de l’écrit. Bien plus : les élèves les plus fragiles tirent profit de ces pratiques d’écriture. Les effets observés en CP sont ainsi à rapprocher des effets des orthographes approchées mis en évidence au présco- laire par Montésinos-Gelet et Morin (2005) et Morin et Montésinos-Gelet (2007) : écrire, se référer à la norme dans une démarche explicite, compréhensive, de réflexion sur le fonctionnement de la langue, aide grandement les élèves les moins avancés, dans les dif- férentes évaluations de l’écriture, mais aussi en code.

Le rapprochement entre les études sur les effets de la pratique des orthographes approchées en maternelle et notre étude sur l’efficacité des pratiques d’écriture en CP suggère de mobiliser très tôt des compétences langagières de haut niveau et de proposer aux élèves de façon continue et concertée des tâches autonomes de production d’écrit, de planification et de révision.

Notre étude met également en évidence des effets négatifs du temps passé à la copie et au travail de pro- duction écrite à l’aide d’unités pré-imprimées, deux tâches à la forme très scolaire, peu mises en question à l’école. Nos résultats invitent pourtant à questionner l’activité qui est celle de l’élève, dans des tâches qui semblent pénaliser les élèves les plus fragiles (plus ils passent de temps à copier, moins ils progressent en écri- ture et moins ils sont bons en copie différée), comme les plus forts (plus ils copient et moins ils progressent en production de texte ; plus ils écrivent à l’aide d’étiquettes et moins ils sont bons en dictée). Il apparaît donc que ce n’est pas le geste moteur qui aide à conceptualiser l’écrit, en tout cas pas tel qu’il est pratiqué massivement à l’école (on a pu observer par exemple des temps impor- tants consacrés à la copie des devoirs durant lesquels les élèves n’étaient pas mobilisés sur les aspects tech- niques de l’écriture, c’est-à-dire qu’ils copiaient sans se focaliser sur les aspects graphomoteurs ou sur l’ortho- graphe). Il semble donc nécessaire d’étudier qualitati- vement les données pour comprendre à quelles réalités renvoient ces pratiques de copie et de travail de mani- pulation d’unités pré-imprimées.

Parmi les activités d’écriture couramment prati- quées dans les classes de CP, certaines favorisent les progrès des élèves  : la dictée, la production d’écrit autonome et les tâches de planification et de révision.

Les deux premières sont efficaces pour le décodage ; les deux dernières pour la compréhension. Travailler

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les aspects techniques de la langue en situation d’écri- ture rejaillit donc non seulement sur la performance en écriture mais aussi sur la lecture. La situation de scripteur et auteur-réviseur de son texte est bénéfique avec les plus jeunes élèves ; elle gagne à être proposée dès le cours préparatoire, même si le coût des opéra- tions de haut niveau liées à la production de texte est important pour ces jeunes élèves.

Il reste à préciser et à nuancer ces premiers résul- tats, notamment en affinant la description des pra- tiques les plus efficaces auprès des élèves aux scores initiaux les plus faibles en lecture-écriture.

Catherine Brissaud Univ. Grenoble Alpes, LIDILEM, 38 000 Grenoble, France catherine.brissaud@univ-grenoble-alpes.fr Laurence Pasa Université Toulouse-Jean-Jaurès, Éducation, formation,

travail, savoirs (UMR EFTS) laurence.pasa@univ-tlse2.fr Serge Ragano Université Toulouse-Jean-Jaurès, Éducation, formation,

travail, savoirs (UMR EFTS) serge.ragano@univ-tlse2.fr Corinne Totereau Univ. Grenoble Alpes, LIDILEM, 38 000 Grenoble, France corinne.totereau@ujf-grenoble.fr

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Revue française de pédagogie | 196 | juillet-août-septembre 2016

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