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Quel ancrage territorial pour l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône (France) ?

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Quel ancrage territorial pour l’arboriculture de la

Moyenne Vallée du Rhône (France) ?

Cécile Praly, Carole Chazoule, Claire Delfosse, Jean Pluvinage

To cite this version:

Cécile Praly, Carole Chazoule, Claire Delfosse, Jean Pluvinage. Quel ancrage territorial pour l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône (France) ?. 3. congrès international du réseau SYAL “Alimentation et Territoires” (ALTER 2006) 3. congreso internacional de la Red SIAL.ALIMENTACIÓN Y TERRITORIOS - ALTER 2006 3. international congress of LAFS Net-work.FOOD AND TERRITORIES - ALTER 2006, Oct 2006, Baeza (Jaén), Espagne. �hal-02756103�

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Quel ancrage territorial pour l’arboriculture de la

Moyenne Vallée du Rhône (France)?

C. Praly; C. Chazoule; C. Delfosse; J. Pluvinage

(ISARA-Lyon; Université Lyon II; INRA de Montpellier)

Comunicación aceptada por el Comité Científico del III Congreso

Internacional de la Red SIAL

“Alimentación y Territorios”

Copyright © 2006 de los autores. Todos los derechos reservados. Los lectores pueden hacer copias de este documento para fines no comerciales por cualquier método mecánico o digital

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Quel ancrage territorial pour l’arboriculture de la Moyenne Vallée du

Rhône (France) ?

Cécile Praly, doctorante à l’ISARA-Lyon, membre du LER*

Carole Chazoule, enseignant-chercheur à l’ISARA-Lyon, membre du LER* Claire Delfosse, professeur de géographie à l’université Lyon II, membre du LER*

Jean Pluvinage, directeur de recherche à l’INRA de Montpellier, UMR Innovation, chercheur associé au LER*

* LER : Laboratoire d’Etudes Rurales : Sociétés et Espaces Ruraux de l’Europe Contemporaine, (EA 3728), de l’Université Lyon 2.

Mots clefs : ancrage territorial, valorisations territoriales, arboriculture fruitière, liens au territoire, coordinations locales, patrimonialisation, collectivités territoriales.

Résumé : La question de l’ancrage territorial d’une production agroalimentaire est quasi exclusivement traitée pour les productions spécifiques ou de terroir. Mais qu’en est-il pour les productions plus industrialisées, dites productivistes ? L’ambition de cette contribution est d’ouvrir le débat sur les liens existants entre une production dite productiviste et son milieu, et la potentialité de les mobiliser comme ressources pour maintenir cette production viable sur son territoire. Le cas étudié, l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône, montre que sous l’apparente homogénéité d’un bassin de production à dominante productiviste (première partie), des ancrages territoriaux différents, en nature et en intensité, caractérisent des sous espaces arboricoles divers (deuxième partie). Au sein de ces sous-espaces, des acteurs mobilisent certains liens arboriculture-milieu comme ressource pour soutenir ou valoriser l’arboriculture locale. L’analyse de ces initiatives laisse entrevoir les conditions d’émergence de démarches de valorisation de l’arboriculture à partir de ressources territoriales (troisième partie).

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Introduction

Peut-on dire qu’une production agricole à dominante sectorielle, inscrite dans une logique de production de masse, puisse entretenir ou conserver des liens à son territoire ? Si oui, quels sont-ils ? Et est-ce que ces liens peuvent être mobilisés comme des ressources permettant de s’adapter aux bouleversements structurels qui touchent l’agriculture française dans le contexte actuel de mondialisation de la production ? Ce sont à ces questions que nous proposons de répondre, dans un contexte scientifique qui tend à ignorer la question de l’ancrage territorial pour les systèmes de production dits productivistes. En effet, dans l’engouement actuel pour la valorisation des liens agriculture-territoire, seuls semblent compter les produits dits typiques, traditionnels, de terroir, termes complexes trop largement employés sans être bien compris, mais faisant sens dans leur opposition à l’idée de produits de masse, génériques, industriels, issus de l’agriculture productiviste. L’ambition de cette contribution est de défaire cette unanime opposition entre agriculture territorialisée et agriculture productiviste, en proposant d’analyser un bassin de production productiviste sous l’angle de ses liens au territoire et de la mobilisation de ceux-ci pour valoriser la production.

La littérature traitant des liens agriculture-territoire comme source de valorisation pour la production, reflète, en effet, une tendance générale qui oppose une agriculture de qualité, liée à un territoire défini, à une agriculture productiviste, fonctionnant de manière a-territorialisée. D’une part, les études de cas portant sur des formes de valorisation d’une production à partir de ressources territoriales ne cessent de se multiplier et de se diversifier. La variété de cas décrits témoigne de l’inventivité et des transformations à l’œuvre dans les campagnes françaises pour trouver de nouvelles valeurs à une agriculture désormais concurrencée sur un marché ouvert. Mais l’on s’aperçoit vite que ces analysent concernent quasi exclusivement des systèmes de productions très spécifiques (Praly, 2005) : produits typiques (Casabianca et al., 2005), de terroir (Berard et Marchenay, 2004; Casabianca et Sainte-Marie, 1998) ; systèmes de production assimilables à une origine géographique, certifiés (Barjolle et Thevenod-Mottet, 2002; Barjolle et Sylvander, 2003) ou en cours de reconnaissance par une appellation d’origine (Delfosse et Letablier, 1995; Sainte-Marie,

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2001) 1 ; ou encore des offres composites construites sur la base d’une identité territoriale forte (Mollard, 2001; Pecqueur, 2000). En revanche, peu de travaux s’intéressent aux liens qu’une production productiviste peut entretenir avec son milieu, et à leur rôle (Diry, 1987; Vaudois, 2000). Ainsi, la compilation de cette riche littérature est constituée en un modèle selon lequel le secteur agricole évoluerait actuellement suivant deux tendances (Allaire, 2002; Pecqueur, 2005). D’une part, dans la continuité du modèle productiviste, caractérisé par une régulation sectorielle, des produits génériques inscrits dans une concurrence internationale, donc répondant à une stratégie de moindre coût, dominé par des logiques de firme. La notion de bassin de production de masse en est la traduction géographique. Et mû par la logique de moindre coût, ce type de bassin tend finalement à se déterritorialiser pour former un réseau économique international, où souvent la production est délocalisée dans les espaces de faible coût de production (Vaudois, 2000). Dans ce cas la proximité économique se substitue à la proximité géographique. D’autre part, se développe un modèle de la qualité territorialisée, défini par une régulation locale, des produits différenciés cherchant à échapper à la concurrence pour obtenir des prix élevés, orchestré par une logique de territoire. L’inscription territoriale de ce modèle est donnée par la notion de bassin de production de la qualité. Grâce à l’ancrage territorial de la qualité de ses produits (par des AOC, IGP, mais aussi des marques faisant référence à l’origine), ce bassin reste structuré et structurant par et pour son territoire (Pilleboue, 2000).

Cette conception, tendant à opposer agriculture productiviste au couple qualité-territoire, reste à questionner. En outre, accepter cette évolution bipolaire revient à dire que toute production correspondant au modèle productiviste est condamnée à la délocalisation de ses structures de production vers des lieux présentant de meilleures conditions économiques. Or, face à l’augmentation constante de la concurrence internationale, l’enjeu actuel pour les systèmes de production relevant du modèle productiviste est de trouver de nouvelles formes de valorisation leur permettant de rester viables sur leurs territoires. Ces formes de valorisation devront être construites à partir de ressources territoriales, non délocalisables. Cela pose donc la question de la caractérisation des liens au territoire d’une production non

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Voir la richesse de la littérature concernant les AOC, AOP et IGP, les analysant sous de multiples angles tels les conditions de leur mise en place (coordinations locales, reconnaissance dans le référent culturel national, délimitation de leurs aires), les conditions de leur pérennité, leurs interactions avec le développement local.

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spécifique, puisque, garants de l’ancrage territorial, certains pourront ensuite être mobilisés comme ressources2 pour valoriser la production.

Pour essayer de répondre à cette question, une première étape nécessite de vérifier que l’opposition théorique entre productivisme et territoire cache souvent une réalité où fonctionnement productiviste et liens au territoire coexistent, s’entremêlent, voir même se complètent sur un même bassin de production. Par suite, nous faisons l’hypothèse que la complexité des liens existants entre un bassin de production productiviste et son milieu peut receler des ressources mobilisables pour mieux valoriser la production, pour la maintenir dans son territoire d’origine. Ce sont ces hypothèses que nous avons testées dans le cas de l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône.

Ce bassin historique de production multi fruits, ayant suivi l’industrialisation des années soixante, connait aujourd’hui des délocalisations de vergers sous l’influence de la baisse des prix inhérente à l’ouverture des marchés. Situé le long de la frontière entre les départements de la Drôme et de l’Ardèche, il ne correspond à aucun territoire administratif, ni à une entité territoriale facilement identifiable (Figure 1). Ainsi, vu le système de production générique et sectoriel (Mollard et Hirczak, 2003), la diversité des productions et l’absence de territoire clairement identifiable, les signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO) sont inopérants pour revaloriser l’ensemble de la filière (Pluvinage et al., 2005). En revanche, l’existence de certains atouts locaux, mobilisables dans des démarches de valorisation à l’échelle régionale3(Pluvinage et al., 2005), nous a conduit à poser la question de l’émergence (réelle ou à imaginer) de nouveaux modes de valorisation par des ressources locales, territorialisées et non délocalisables, pour cette production arboricole. L’objectif étant donc de rechercher les ressources territoriales existantes ou à créer, déjà mobilisées, délaissées ou méconnues par les professionnels arboricoles, il s’agit de prospecter le bassin de production de la manière la plus large possible. L’analyse des liens

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La notion de liens, développée dans le second chapitre de cette contribution, évoque l’ensemble des interrelations existantes entre une activité de production et son milieu géographique (physiques, climatiques, humaines, culturelles…). La notion de ressource est considérée ici dans son acception économique, comme élément permettant d’obtenir un résultat financier (ressources naturelles, ressources humaines…). Une forme de lien production-milieu, par exemple le savoir-faire de ses producteurs-habitants, ou le terroir pédoclimatique qui confère une qualité spécifique, peut devenir une ressource si elle est reconnue et valorisée (par le marché, par les pouvoirs publics, par la collectivité). Pour une typologie des ressources pouvant être apportées par le territoire, voir C. Praly, 2005.

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Tels la capacité de la filière à disposer d’une large gamme d’approvisionnement, à proximité d’un grand bassin de consommateurs, d’autant que pour les produits frais le délai de livraison conditionne la qualité ; ou encore l’héritage de cette région historique de production et d’expédition de fruits, en termes de compétences et de relations commerciales.

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entre arboriculture et territoire est l’outil pertinent pour cette première étape de la recherche.

Ainsi, nous avons opéré en trois temps. Une première partie, en retraçant l’histoire du bassin de production de la Moyenne Vallée du Rhône, vérifie qu’il est assimilable au modèle dit productiviste. Une seconde partie démontre que cela ne l’empêche pas d’entretenir différents liens avec son milieu. Ce bassin recouvre en réalité des ancrages territoriaux forts, variables spatialement en nature et en intensité, dessinant ainsi des sous-espaces au sein du bassin. Enfin, une dernière partie analyse comment ces différents liens entre arboriculture et milieu sont mobilisés par les acteurs locaux dans diverses formes de valorisation de l’arboriculture locale.

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1. L’histoire

production arboricole

productiviste…

d’un bassin de

La notion de bassin de production, telle que définie par J. Vaudois (2000) pour les agricultures maraichères spécialisées, nous permet de rendre compte de la dynamique productiviste de la filière arboricole de la Moyenne Vallée du Rhône et de ses conséquences économiques, organisationnelles et spatiales.

Figure 1: Espace de production fruitière de la

Moyenne Vallée du Rhône

11. Evolution du bassin arboricole de la Moyenne Vallée du

Rhône : principales étapes

En Moyenne Vallée du Rhône, l’arboriculture en tant qu’activité économique nait à la fin du 19è siècle, suite au phylloxéra qui décime la vigne et au déclin de l’élevage du vers à soie. Elle se développe tout d’abord dans deux petites régions, complètement indépendantes l’une de l’autre : la culture des pêches dans la vallée de l’Eyrieux et une arboriculture diversifiée dans le triangle compris entre Saint-Rambert-d’Albon, Chanas et Epinouze.

Le bassin de production se structure réellement après la seconde guerre mondiale, parallèlement au développement des moyens de transport, et notamment les trains qui desservent les vallées adjacentes à l’axe rhodanien. Des vergers sont plantés tout au long de la vallée du Rhône et de ses affluents, où les terrains sont propices et surtout, où l’irrigation est possible. Les premières coopératives sont créées, implantées le long des rails de la voie Paris-Lyon-Marseille, pour l’achat de frigos, puis des stations de conditionnement, enfin pour commercialiser en commun. Le succès des fruits auprès des consommateurs, dans un contexte encore non concurrentiel, ajouté aux progrès horticoles, inaugurent, dans les années soixante, une période d’expansion, de modernisation et d’intensification de l’arboriculture. L’activité se professionnalise, la production augmente et la concurrence devient plus forte. Malgré la création des groupements de producteurs (GP) par les lois d’orientation agricole française de 1960 et 1962, une première grosse crise de surproduction éclate en 1968, qui conduira à l’élaboration de l’organisation

Source : carte Michelin, 2

Contour, au plus large, de l’espace de production arboricole de la Moyenne Vallée du Rhône.

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commune de marché (OCM) de 1972. Celle-ci, dans l’objectif de réguler le marché, reprend le principe des GP, et instaure le retrait et la destruction des productions excédentaires.

Les résultats sont loin de l’effet escompté, la production ne cesse de croître, et se concentre dans les vallées, sur les terrains vastes et plats. Le foncier venant à manquer, les arboriculteurs les plus entreprenants émigrent dans le Sud de la France pour développer des domaines de plusieurs centaines d’hectares de vergers. A partir des années 80, le bassin, en tant qu’entité à base territoriale, s’affaiblit. Les vergers de la vallée du Rhône, de par leur productivité et leur précocité, concurrencent les vallées adjacentes (de la Drôme, de l’Eyrieux), où l’arboriculture disparait peu à peu. La production se resserre autour de l’axe de rhodanien, où se concentrent également la plupart des structures de conditionnement et des marchés physiques. Les variétés nouvelles se multiplient, correspondant aux standards visuels et aux exigences de transport de la grande distribution, et remplacent les variétés traditionnellement cultivées dans ce bassin. Le modèle technique se construit autour de ces variétés, sélectionnant celles donnant les plus hauts rendements (Chazoule et Desplobins, 1998).

Depuis les années 90, l’ouverture des marchés ayant exacerbé la concurrence, la grande distribution s’étant fortement concentrée, les prix à la production oscillent autour du coût de production. La réforme de l’OCM de 1996 supprime le retrait et transforme les GP en organisations de producteurs (OP), entrainant une forte restructuration et un mouvement de concentration, autant au niveau des exploitations que des OP. Par la diminution du nombre d’actifs, les réseaux locaux se réduisent au profit d’accords commerciaux interrégionaux et internationaux. Les coopératives, supportant mal les handicaps hérités de leur histoire (structures petites et moyennes dominantes, charges de structure importantes, faible réactivité) développent des stratégies, pour améliorer leur compétitivité, menant à une forme de désengagement territorial (achat de vergers méridionaux, en Espagne et maintenant en Afrique du Nord, fusions, alliances hors bassins).

Aujourd’hui, les choix stratégiques qui incombent aux coopératives et autres OP peuvent être déterminants pour le maintien du bassin arboricole. Entre intégration dans un grand groupe assurant une certaine sécurité financière, et affirmation d’une identité propre et d’une viabilité économique, la raison économique penche pour le premier, mais

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l’attachement des acteurs à leur bassin de production les conduit à expérimenter d’autres pistes.

12. Un fonctionnement comparable au modèle productiviste

Ainsi, l’évolution de l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône traduit bien un fonctionnement comparable au modèle productiviste. On retrouve les indicateurs définissant ce modèle : une régulation sectorielle ; des produits standardisés, inscrits dans une concurrence internationale ; une logique de moindre cout menée par des stratégies de firmes.

En effet, cette filière est régulée principalement par deux structurations, toutes deux extrêmement sectorielles et d’envergure nationale : l’organisation économique qui découle de l’OCM de 1996, et l’organisation syndicale. Pour ce qui concerne l’organisation économique, l’OCM de 1996 a refondu l’ancien bassin économique Rhône-Alpes dans une nouvelle entité, censée représenter une meilleure cohérence économique : le bassin Rhône Méditerranée (BRM), comprenant les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-D’azur, Languedoc-Roussillon et Auvergne. Pour la question syndicale, les arboriculteurs et expéditeurs de la Moyenne Vallée du Rhône montrent une forte implication dans les responsabilités régionales et nationales4. Cela traduit non seulement une forte mobilisation sectorielle, mais également l’échelle nationale de leurs espaces d’action et de représentation. En définitive, la Moyenne Vallée du Rhône, que ce soit d’un point de vue syndical (idéologique ? politique ?) ou économique, n’est pas reconnue comme une entité propre, mais plus comme la base d’un édifice national.

Cela est certainement à relier aux volumes de production de ce bassin, qui fût le premier producteur français de pêches et nectarines, et qui produisait encore, en 2000, 24,8% des pêches et 55,5% des abricots français. De tels volumes sont nécessairement à mettre en adéquation avec une demande française et européenne. De là, le passage par la grande distribution (GMS) et par l’export est incontournable, ce qui conduit tout droit à la

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Nous citerons ici les exemples les plus significatifs. L’ANEEFEL, association nationale des emballeurs expéditeurs de fruits et légumes, est actuellement présidée par un expéditeur de Chanas (38), tandis que L’AREEFEL, l’échelon de Rhône-Alpes, est présidé par un expéditeur d’Anneyron (26). La fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), section fruits de la FNSEA créée en 1946, a eu deux présidents issus de la Moyenne Vallée du Rhône, dont les mandats ont duré 20 et 7 ans. Le responsable national de la commission fruits et légumes de la Confédération Paysanne est également un producteur drômois.

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normalisation (1962) et la standardisation, d’abord des produits, ensuite des systèmes de production. Les structures de la Moyenne Vallée du Rhône sont donc contraintes de sélectionner leurs variétés et de trier leurs fruits selon les normes qualitatives de la distribution : calibre, couleur, tenue… et taux de sucre depuis peu. Elles appliquent de plus en plus les cahiers des charges imposés par les distributeurs : production fruitière intégrée, Eurepgap, traçabilité… Ces obligations quant à la manière de produire sont imposées par les GMS européennes, dans l’objectif d’homogénéiser les approvisionnements sans distinction d’origine. Ainsi, les arboriculteurs de la Moyenne Vallée du Rhône se débattent dans une concurrence de plus en plus âpre, orchestrée par les GMS, entre de plus en plus de pays producteurs de fruits satisfaisant aux mêmes standards.

La logique de moindre coût, imposée par l’aval de la filière, est bien la règle dans la Moyenne Vallée du Rhône. Les discours des dirigeants de coopératives et de la majorité des producteurs sont largement empreints d’une culture où « coût de production » rime avec « maîtrise » et « diminution ». Pour eux, la marge de manœuvre sur le prix est un combat perdu d’avance5. En conséquence, pour mener une stratégie de maîtrise des coûts, la logique de firme est largement dominante, que ce soit au niveau des coopératives ou des exploitations indépendantes. Les conflits s’exprimant au sein du BRM témoignent ici de la volonté des entreprises de travailler seules, ou avec leurs réseaux propres.

En définitive, on retrouve bien ici le schéma décrit par J. Vaudois (2000) d’un bassin de production, qui, sous la logique productiviste, est en train de se déterritorialisé. De grands réseaux économiques, entre producteurs ou organisations de producteurs français et européens, supplantent les réseaux traditionnels dans l’objectif de fournir une production correspondant aux standards de la grande distribution. Néanmoins, l’analyse de ce bassin par des critères autres que régulation, prix, produit et marché, montre qu’il n’est pas si homogène qu’il n’y parait, et qu’il se caractérise également par différents liens avec son milieu, définissant des sous espaces arboricoles.

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2. …Construit et façonné selon ses liens à son milieu

Tout comme les travaux PSDR (Pluvinage et al., 2005)ont souligné l’hétérogénéité de ce bassin en termes de perception et de valorisation de la qualité des fruits ; l’étude de terrain menée en 2005 a mis en évidence une diversité spatiale des formes d’ancrage territorial (Praly, 2005). En effet, l’analyse des liens existants entre arboriculture et milieu, en fonction de leur nature et de leur intensité, a permis d’identifier et de caractériser quatre sous-espaces arboricoles au sein de ce bassin : Le Nord Drôme, le Nord Ardèche, le Sud Drôme et le Sud Ardèche ou vallée de l’Eyrieux (la distinction Nord/Sud se faisant à la latitude de Valence) (Figure 2).

Les types de liens entre agriculture et milieu les plus généralement décrits s’appliquent, là encore, à des produits spontanément associés à une origine, à la fois géographique et historique. Ils sont décrits par les notions de terroir, de savoir-faire, d’histoire, de tradition (Delfosse, 2002). Quelques auteurs évoquent les liens unissant des bassins de production de masse à leur milieu (Vaudois, 2000 ; Diry 1987). Ils citent, sans toutefois les décrire précisément, la nécessaire synergie entre filière et milieu géographique, comme l’importance de l’intégration de l’agriculture dans les politiques de développement local, ainsi que les facteurs humains et socioculturels, comme la propension des agriculteurs à innover et s'adapter aux évolutions externes. L’analyse par les différentes dimensions constitutives de la notion de territoire - physique, socio-économique, symbolique et culturelle (Dimeo, 1998)- permet une description plus exhaustive de la diversité et la complexité des liens pouvant exister entre une production agricole et son milieu géographique.

Nous les avons caractérisés selon trois grands types. Les liens socio-économiques représentent toutes les interactions entre l’activité arboricole et la vie sociale et économique du milieu. Les liens physiques considèrent tout ce qui est visible, objectif, dans le paysage. Ils traduisent tout autant l’effet terroir, par la répartition des espèces et l’insertion des vergers selon les conditions pédoclimatiques, que l’ancienneté de la production, par la présence d’infrastructures anciennes. Enfin, les liens symboliques ou

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culturels recouvrent la place occupée par l’arboriculture dans la culture collective locale, dans l’identité.

Pour étudier ces liens en Moyenne Vallée du Rhône, nous avons croisé l’analyse statistique spatialisée de l’arboriculture (Figure 2) avec l’observation de son insertion dans l’espace ainsi que de la manière dont le territoire, et la profession arboricole, se donnaient à voir.

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21. Liens socio-économiques : des fruits qui pèsent dans la vie économique et sociale

L’analyse du poids et du rôle de l’arboriculture dans la vie socio-économique locale donne une idée du lien qui peut exister entre les habitants et cette activité, ainsi que de la valeur sociale que peut avoir l’arboriculture pour son territoire. Globalement, les vergers occupent 6,9% de la SAU drômoise, et 3,4% de celle de l’Ardèche, et sont présents respectivement dans 26,3% et 29,1% des exploitations agricoles totales6. Plus précisément, pour délimiter à peu près le bassin de production arboricole, nous avons pu identifier 135 communes où l’arboriculture est présente dans plus de 30% des exploitations agricoles et couvre plus de 10% de la SAU communale. Et à l’intérieur de cet espace, l’analyse des données statistiques montre également des variations entre l’Ardèche et la Drôme, mais surtout entre le Sud et le Nord de Valence. Ce sont ces différentiels qui permettent la délimitation des quatre sous-espaces arboricoles.

Figure 2:

D’abord, le Sud Drôme, constitué de seulement 10 communes, est le sous-espace où l’arboriculture est la plus modernisée et spécialisée. 55% des exploitations ont des vergers, mais ceux-ci occupent 31% de la SAU communale, proportion d’occupation du sol la plus élevée du bassin, de même que la surface moyenne de verger par exploitation qui a nettement progressée depuis 1979 pour atteindre 11 ha en 2000. Enfin, l’arboriculture emploie directement seulement 1,2% de la population totale de cet espace. Ce taux, faible par rapport aux autres sous-espaces, s’explique par la forte densité démographique (470 hab/km²), la dynamique économique croissante et le développement de la périurbanisation autour de Valence. En outre, l’indépendance entre activité agricole et familiale, ainsi que le fait que 60% de la main d’œuvre soit salariée, témoignent d’un fonctionnement d’entreprises. Enfin, notons que cet espace compte 6 OP, dont 2 importantes coopératives, qui non seulement montrent la diversité des formes de commercialisation, mais emploient également beaucoup de main d’œuvre. L’impact de l’arboriculture dans la vie économique

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et sociale se traduit donc principalement par un fort rôle économique, en termes d’emplois directs et indirects, mais non primordial pour le développement de cet espace.

L’espace correspondant à la vallée de l’Eyrieux, comprenant 27 communes, se distingue principalement par une forte déprise de l’activité fruitière : les surfaces de vergers ont diminué de 47% entre 1979 et 2000, et n’occupent plus que 15% de la SAU communale. L’arboriculture n’emploie que 1,6% de la population totale, avec une main d’œuvre majoritairement familiale. Ainsi, en vallée de l’Eyrieux, les systèmes de production sont restés traditionnels, familiaux, morcelés, avec des surfaces moyennes de vergers de 3,5 ha par exploitation, mais l’impact socio-économique de cette activité diminue au rythme des arrachages des pêchers.

L’arboriculture du Nord Drôme, espace qui s’étend sur 45 communes, montre, en revanche, un rôle économique et social fort. De fait, celle-ci, présente dans 61% des exploitations et couvrant 24% de la SAU, a vu ses surfaces progresser de 53% entre 1979 et 2000. Et cette dynamique semble relativement bien répartie, avec un verger moyen de 8,1 ha par exploitation, et des structures très diversifiées, tant en termes d’espèces de fruits que de systèmes de production. De fait, la plupart des exploitations associent l’activité fruitière à une autre : viticulture sur les aires d’AOC, élevage ou encore céréales dans la partie la plus au Nord. L’arboriculture de ce sous espace est celle qui emploie la plus grande proportion de main d’œuvre, 5,3% de la population totale, avec à la fois une forte implication familiale sur les exploitations, et une main d’œuvre majoritairement salariée. En outre, 7 organisations de producteurs sont présentes dans cet espace, dont 2 importantes coopératives, qui dynamisent elles aussi le secteur.

Enfin, le sous-espace du Nord Ardèche présente à peu près les mêmes caractéristiques que le Nord Drôme, avec cependant une emprise économique plus modérée mais un rôle social important dans cet espace très rural. Les surfaces de verger ont progressé de 30% entre 1979 et 2000, mais n’occupent que 17% de la SAU totale et ne représentent que 2,57 ha en moyenne par exploitation fruitière. Aucune OP n’est située dans cet espace, les arboriculteurs commercialisent par les circuits d’expéditeurs ou par les OP drômoises. En revanche, l’arboriculture est une activité présente dans 67% des exploitations agricoles, presque toujours en complément soit de la vigne, dans les zones d’AOC, soit de l’élevage bovin. Elle emploie 3,2% de la population totale, dont plus de 80% est de la main d’œuvre familiale.

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Ainsi, l’arboriculture peut être considérée comme une activité structurante, principalement sur la partie Nord du bassin de production, où elle est le complément nécessaire aux autres productions agricoles adaptées aux différentes zones pédoclimatiques. Cette analyse décrit un bassin diversifié, majoritairement porté par des exploitations familiales de taille moyenne. Enfin, soulignons l’importance de l’économie locale souterraine suscitée par l’arboriculture. Qui traverse la Moyenne Vallée du Rhône entre juin et août ne peut qu’être surpris par le nombre et la diversité des « stands » de vente de fruits qui fleurissent le long des routes (¡Error! No se encuentra el origen de la referencia.). Allant de la simple table-parasol au local bâti climatisé, c’est en tous cas la surenchère de panneaux, décors et autre arguments qui révèlent un marché difficilement quantifiable.

L’analyse statistique de données socio-économiques donne ainsi une dimension de l’ancrage de l’arboriculture. La lecture de paysage, en décryptant l’ancrage physique, étaye la différenciation des quatre sous-espaces.

22. Liens physiques : Insertion des vergers dans le paysage…presque un effet terroir

Observer la manière dont les vergers sont répartis dans l’espace, l’allure des parcelles, la répartition des espèces, révèle les terroirs pédoclimatiques ou les spécificités culturales locales. L’impression générale émanant de la Moyenne Vallée du Rhône est celle d’une arboriculture diverse (parcelles modernes côtoient vergers anciens), diversifiées (toutes les espèces sont présentes partout, même si certaines zones sont davantage spécialisées), ancrée dans l’histoire (parcelles et infrastructures traditionnelles) et dans les savoir-faire locaux (énormément de jardins privés comptent des arbres fruitiers très bien entretenus). En plus des différences visibles entre les quatre sous espaces, un important clivage s’exprime entre les vergers situés le long de la vallée du Rhône (zone plus concentrée et intensive) et ceux plus dispersés à l’intérieur des terres.

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Le long du fleuve, les vergers sont concentrés sur des terrains alluvionnaires plats et relativement vastes, ils apparaissent récents et modernisés : plantations haute densité et palissage en témoignent. Selon les zones, ils sont concurrencés par une forte urbanisation (agglomération valentinoise, région de Roussillon) et par les vignes situées sur les aires d’appellation contrôlée des Côtes du Rhône. La répartition des espèces traduit une partition Nord-Sud et Drôme-Ardèche. Dans la partie Sud-Drôme, entre Cliousclat et Chateauneuf-sur-Isère, les abricotiers sont en train de supplanter les pêchers, décimés par la sharka. Du coté ardéchois, au pied de la vallée de l’Eyrieux, les pêchers sont presque la seule espèce, mais les surfaces de vergers diminuent. Ensuite, sur les espaces plus escarpés entre Tain-l’Hermitage et Saint-Vallier, sur les deux rives on trouve principalement des abricotiers de variété Bergeron, ainsi que des cerisiers en Ardèche. Enfin, dans la zone plus plane et vaste allant d’Andancette à Roussillon, les vergers sont davantage diversifiés. C’est ici que l’on trouve le plus de pommiers, même si les pêchers, abricotiers et cerisiers y conservent une place importante, ainsi que les fraises et autres petits fruits.

Dans l’intérieur des terres, le relief s’accentue rapidement, surtout dans le Nord Drôme, d’ailleurs appelé Drôme des Collines, et encore davantage dans toute l’Ardèche. Si dans le Sud Drôme les vergers restent principalement situés sur les terrains plats de la vallée, du côté de la vallée de l’Eyrieux, certains colorent encore les terrasses de Dunières et des Ollières, et s’accrochent même jusque sur les hauteurs de Saint-Maurice-en-Chalançon et du Cheylard. Dans l’Eyrieux, le pêcher reste seigneur, souvent escorté d’une ligne de cerisiers en bout de parcelle. Les infrastructures anciennes témoignent d’une longue histoire locale, mais aussi de l’absence de renouvellement : terrasses, canaux et trappes d’irrigation, cabanes d’emballage. Dans les courbes vallonnées du Nord-Drôme, des vergers de toutes espèces s’intercalent entre forêts et autres cultures céréalières, occupant souvent des espaces proches des villages. La vallée de la Valloire, dans l’extrême Nord du département conserve une importante production de poires. Le morcellement ainsi que la vieillesse de certains vergers, témoigne d’une activité ancienne et diversifiée, la diffusion des parcelles dans un vaste espace révèle une culture complémentaire à d’autres systèmes économiques. Enfin, sur les reliefs escarpés du Nord-Ardèche, de la vallée du Doux à Annonay, les vergers d’abricotiers Bergeron et de cerisiers agrémentent un paysage de pâturages et de forêts, particulièrement nombreux aux abords et aux cœurs des villages. Les parcelles sont de taille moyenne à petite et l’on rencontre à la fois des vergers anciens et des plantations récentes. Peu d’entre elles sont très modernisées, mais toutes sont

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exploitées. Ici aussi, de nombreuses infrastructures traditionnelles ont été conservées - murets, terrasses – et l’on retrouve parfois la disposition observée dans la vallée de l’Eyrieux : une ligne de vieux cerisiers bordant une parcelle récente d’abricotiers.

Ces liens physiques, prégnants dans le paysage, témoins d’un ancrage historique et culturel dans la communauté locale, se retrouvent explicitement exprimés dans les traditions et la manière dont les collectivités territoriales revendiquent leur identité.

23. Liens symboliques : l’arboriculture comme identité territoriale et patrimoine local

De nombreuses structures territoriales mobilisent des éléments liés à l’arboriculture, soit dans une logique de construction identitaire du territoire, soit comme un argument d’attractivité pour le territoire.

De fait, au moins quatre communes revendiquent clairement une identité liée aux fruits, matérialisée par des dispositifs physiques situés aux entrées des villages, et affirmée dans diverses publications municipales aussi bien à vocation d’information des administrés que touristique (Figure 3). Châteauneuf-sur-Isère se proclame « Capitale de la pêche » par des panneaux à l’entrée du village. Bougé-Chambalud rivalise par son statut de « Capitale du fruits », revendiquée par une pomme géante à l’entrée du village. Champagne, plus implicitement, affiche des panneaux « Bienvenus à Champagne » dont le décor est constitué par des fruits. Enfin, Loriol a choisi une pomme pour son logo, et raconte l’importance des fruits pour la vie locale dans une grande fresque murale. En plus de ces communes, nombre de collectivités mobilisent l’image des fruits et des vergers en fleurs dans leurs dépliants publicitaires, touristiques, de présentation… l’office du tourisme intercommunal de la vallée de l’Eyrieux a même des panneaux d’affichage en forme de pêche ! Enfin, des exemples de fêtes de village, dont la thématique, ou le nom renvoient aux fruits, montrent également l’importance des fruits dans la vie sociale et symbolique de la Moyenne Vallée du Rhône. Certaines d’entre elles ont clairement une vocation de

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communication sur le produit, comme la fête de la poire de Moras-en-Valloire ou la fête de la framboise de Saint-Jean-Chambre. Celles-ci portent les prémices d’une revendication patrimoniale des productions, dans un objectif de valorisation. Mais nombre d’entre elles, souvent les plus anciennes, sont peu communiquées et restent des fêtes destinées aux habitants du voisinage, comme la fête des cerises d’Andance ou la fête de la pomme de Pailharès.

Figure 3 : Les fruits, symbole identitaire dans la Moyenne Vallée du Rhône

Champagne, mai 2005, C. Praly.

Fresque murale à Loriol-sur-Drôme, avril 2005, C. Praly.

En termes de mobilisation de l’arboriculture comme élément d’attractivité pour le territoire, ce sont l’histoire, les fruits ou les paysages qui sont patrimonialisés. Le cas de l’exposition permanente « 100 ans de culture du pêcher », de Beauchastel, montre bien une volonté de constituer cette culture historique en patrimoine local. D’autres cas mettent plus en avant les fruits, comme la commune de Mercurol qui revendique sa qualité de vie rurale et son « patrimoine de vins, fruits et de sa tour »7. De même, de nombreuses collectivités territoriales considèrent les fruits locaux, parmi les autres produits locaux, comme des arguments positifs capables d’attirer les visiteurs et touristes. A ce titre, elles soutiennent parfois financièrement les démarches de vente directe, censées animer le territoire. Le paysage façonné par les vergers est souvent vanté, notamment par la commune de Livron, ou la communauté de communes de Rhône-Valloire comme lieu de promenade. Enfin, une

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association d’habitants de Saint-Désirat (dont des arboriculteurs) revendique la protection de l’arboriculture et de ses paysages comme argument de refus d’une politique d’industrialisation de la commune.

Ainsi, dans un contexte d’urbanisation croissante de la vallée du Rhône et donc de rapide bouleversements dans ces communes, l’arboriculture, ses fruits et le cadre de vie qu’elle entretient sont des arguments mobilisés dans un double objectif. D’une part, pour l’affirmation d’une identité rurale ancrée dans l’histoire locale, donc à logique de cohésion interne. Et d’autre part, pour l’attractivité du territoire envers l’extérieur, que ce soit pour de nouveaux résidents, des visiteurs ou touristes, pour développer l’économie locale. Pour avoir une vision plus complète de l’importance symbolique, immatérielle, de l’arboriculture pour la population locale, comme notamment dans la mémoire collective, les représentations ou les savoir-faire populaires, une enquête plus poussée auprès des habitants serait riche d’enseignements. N’ayant pas eu les moyens de la mettre en œuvre, nous nous contenterons de cette première analyse déjà révélatrice de la complexité et de l’épaisseur des liens symboliques entre l’arboriculture et son milieu.

Tableau 1: répartition des collectivités selon les sous espaces et leurs objectif de mobilisation de l'arboriculture

Objectif d’identité Objectif d’attractivité

Nord Drôme

Châteauneuf-sur-Isère, Bougé-Chambalud, Com Com Rhône-Valloire, Pays Drôme des collines

Bougé-Chambalud. Com Com Bourg-de-Péage ; Com Com Deux-Rives, Mercurol, Châteauneuf-sur-Isère

Nord ardèche Champagne, Ardèche verte Lamastre, Vivre à Saint-Désirat

Sud drôme Loriol Livron

Eyrieux Office du tourisme Cœur-de-L’Ardèche, Beauchastel

Syndicat Mixte Eyrieux Ouvèze Veroux,

Beauchastel

En définitive, les diverses formes de liens arboriculture-milieu laissent apparaitre des ancrages territoriaux différents selon les sous-espaces du bassin de production (Tableau 1). Globalement, le Nord Drôme et le Nord Ardèche sont les sous espaces où l’ancrage de l’arboriculture est le plus fort, à la fois économique, social et symbolique ; tandis qu’il se

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réduit à un ancrage par le tissu économique dans le Sud Drôme, et tend à se déliter dans la vallée de l’Eyrieux, laissant un ancrage par l’histoire et le patrimoine.

Cette première description des liens arboriculture-milieu laisse transparaitre des ressources propre à ce bassin de production : une valorisation de la diversité des pédoclimats par une large gamme de productions et de paysages ; un savoir-faire adapté à cette diversité ; des éléments physiques témoins de l’histoire, donc patrimoine, et enfin des paysages de vergers particulièrement appréciés lors de la floraison. En outre, l’importance de l’arboriculture dans la vie économique et sociale peut laisser présager d’une certaine sensibilité des collectivités locales sur les problèmes de la filière. Voyons à présent comment différents acteurs locaux mobilisent effectivement ces liens comme ressources pour le développement de l’arboriculture.

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3. Des liens au milieu considérés comme ressources

pour l’arboriculture

Nous avons recensé, sur chacun des sous espaces, des démarches de développement, soutien ou valorisation de l’arboriculture mobilisant les liens arboriculture-milieu. Étant mobilisés, ces liens deviennent des ressources pour l’arboriculture : ressources territoriales spécifiques ou non, ressources institutionnelles, etc. (Praly, 2005). L’analyse des ressources mobilisées, par qui, comment et dans quel objectif, permet d’identifier les ressources territoriales existantes, les formes de coordinations à l’œuvre, les valeurs reconnues à l’arboriculture (qui légitiment la mobilisation de groupes d’acteurs). En outre, la mise en perspective des différentes initiatives décrites avec les caractéristiques des quatre sous espaces révèle les conditions territoriales favorables/limitantes pour des démarches de valorisation territoriale de l’arboriculture.

31. Démarches de mobilisation du lien arboriculture-milieu pour

soutenir l’arboriculture

Nord Drôme : 8 démarches de soutien de l’activité arboricole ont été recensées

Elles sont initiées et portées par des institutions territoriales à l’exception d’une, pilotée par la Chambre d’agriculture. Ce sont des soutiens financiers pour la protection sanitaire, pour le logement des salariés, pour la valorisation des produits ; mais également l’animation de projet ou de groupe de réflexion pour chercher de nouvelles perspectives à cette activité. Si l’absence d’agriculteurs à l’initiative des projets peut surprendre, l’analyse montre qu’en réalité, les initiateurs sont des « acteurs multicasquette » (Gumuchian et al., 2003), cumulant fonctions territoriales et implication professionnelle dans la filière fruits.

Le fait que 7 démarches aient pour objectif de soutenir et maintenir l’activité arboricole sur le territoire parce qu’elle y est source d’activité économique et sociale montre que les instances territoriales reconnaissent la « valeur sociale » de l’arboriculture. Et pour la défendre, elles mobilisent principalement des ressources institutionnelles et patrimoniales :

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ressources institutionnelles car ce sont les moyens financiers et organisationnels des institutions territoriales qui sont sollicités ; ressources patrimoniales en promouvant l’activité (organisation de visites, sentiers thématiques, évènements) et le savoir-faire issu de l’histoire arboricole locale. En outre, un « pôle de ressources fruits » est en train de se structurer autour de la maison familiale et rurale d’Anneyron, qui regroupe tous les acteurs locaux intéressés par la thématique, et dont la réflexion a mis à jour des ressources mobilisables pour l’arboriculture locale : la corbeille de fruits et de produits transformés obtenue grâce au savoir-faire des producteurs, capable de valoriser un terroir favorable à une dizaine d’espèces fruitières, de les transformer et de les commercialiser de diverses manières. Cette offre pourrait être valorisée par la proximité des bassins de consommateurs lyonnais et grenoblois.

Dans l’ensemble de ces projets, les coordinations locales s’exercent entre les collectivités territoriales et les acteurs de la filière arboricole qui en sont membres, et s’élargissent parfois à d’autres acteurs territoriaux, comme ceux de la restauration, du tourisme ou de la Chambre du commerce. On constate que plus le projet est global, complexe et la réflexion avancée, comme dans le cas du pôle de ressources fruits, et plus les coordinations rassemblent des acteurs publics, privés, plurisectoriels, et dépassent l’échelle territoriale. En outre, les différents acteurs sont souvent impliqués dans différents projets, et l’on voit des rencontres fréquentes entre différentes coordinations.

Finalement, les facteurs territoriaux favorisant les démarches de soutien de l’arboriculture paraissent, ici, être la forte implication des acteurs de la filière fruits dans les institutions territoriales et sectorielles, alors même que les collectivités territoriales sont, elles, bien structurées en intercommunalités et en Pays. L’importance des emplois créés par l’arboriculture est en outre un argument permettant de légitimer le soutien de la collectivité à cette activité. En revanche, le principal facteur limitant semble lié à la forte organisation sectorielle de la filière fruits drômoise : face à des organisations rôdées et puissantes, les arboriculteurs montrent peu d’autres initiatives collectives devant la crise.

Nord-Ardèche : 7 démarches de soutien de l’arboriculture.

Le cas du Nord Ardèche est différent, parce que sur 7 démarches de soutien de l’arboriculture à partir d’éléments territoriaux, 3 sont le fait de collectivités territoriales,

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par des soutiens financiers à l’activité8, 2 sont des actions dont la dynamique est partagée entre des élus et des arboriculteurs9, qui visent à la fois l’animation du territoire et le soutien à l’activité arboricole, et enfin, 2 sont portées uniquement par des collectifs d’agriculteurs cherchant à mieux valoriser leurs productions.

Le rôle donné à l’arboriculture, ainsi que les ressources mobilisées varient selon ces 3 types de projets. Dans les cas où les collectivités territoriales interviennent, c’est la ressource institutionnelle qui est mobilisée pour soutenir la valeur sociale et d’attractivité de l’arboriculture pour le territoire. Dans les projets où interviennent des acteurs privés, les ressources patrimoniales et la coopération productive sont également mobilisées. La valeur patrimoniale, revendiquée à partir du savoir-faire local et des paysages produits, est activée en plus-value grâce à une identification des fruits « Montagne d’Ardèche », ou lors de la vente directe, parfois mise en scène lors de marchés à la ferme, ou de stands sur de grands évènements touristiques locaux. La coopération productive s’exerce dans les 3 projets où des acteurs professionnels potentiellement concurrents s’organisent pour valoriser collectivement leur production ou leur activité. Enfin, la qualité cognitive liée à la réputation du territoire ardéchois est mobilisée. Elle est activée de manière informelle par les associations qui utilisent la dénomination géographique dans leur nom – ‘Nect’Ardéchois’ et les ‘Fermiers artisans de l’Ay au Doux’ – et par le label ‘Montagne d’Ardèche’.

Les formes de coordinations mises en œuvre sont également diverses selon les types de projet. Limitées aux relations entre collectivités locales et agriculteurs dans les cas de soutiens financiers publics, elles se densifient dans les autres exemples. Les projets mixtes renvoient à des interrelations public-privées sectorielles, alors que les collectifs d’agriculteurs constituent des coordinations privée collectives. Tout cela forme différents réseaux relativement indépendants les uns des autres, demeurant à des échelles locales.

Les caractéristiques territoriales favorisant le développement de l’arboriculture sont l’ancienneté de cette activité sur ce territoire, son caractère très rural, sa fréquentation touristique et enfin le peu d’organisations formelles sectorielles. En effet, c’est grâce à leur connaissance des réseaux traditionnels de production et de commercialisation que les

8

Pour l’achat de filets paragrêle, pour certains investissements matériels. 9

Mise en place d’un PLU pour préserver le foncier agricole, organisation d’un comité local d’agriculteurs en lien avec la communauté de communes de Saint-Félicien, financement d’un atelier de jus de fruits, pour arboriculteurs professionnels et amateurs.

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arboriculteurs ont pu s’organiser et négocier leurs prix. Le fait que le haut plateau ne comporte que peu d’activités économiques autres que l’agriculture permet de légitimer et de faciliter l’implication des collectivités pour maintenir un minimum de dynamisme. Toutefois, l’implication et l’argumentation d’élus eux-mêmes liés au milieu agricole semble nécessaire pour que les collectivités s’intéressent à cette problématique. Par ailleurs, la petite fréquentation touristique de ce territoire, plutôt familiale, associée à l’image déjà positive de l’Ardèche, permet la valorisation d’une petite part de la production par la vente directe en période et lieux touristiques, et d’autre part, de donner une image positive aux produits provenant de ce territoire, d’où l’utilisation de l’origine dans les dénominations des produits. Enfin, le fait qu’il y ait peu d’institutions formelles où la profession arboricole soit bien représentée, certainement du fait qu’en Ardèche les exploitations sont très peu spécialisées, peut expliquer la mobilisation et les initiatives venant des arboriculteurs eux-mêmes.

Sud-Drôme : seulement 2 démarches de soutien de l’arboriculture par le territoire

Elles sont toutes deux situées sur la commune de Loriol-sur-Drôme : un soutien financier et une préservation du foncier de la part de la municipalité ; la vente directe de pêches issues d’anciennes variétés par un arboriculteur. Ainsi, encore une fois la ressource institutionnelle, par l’engagement de la commune, est mobilisée pour soutenir la valeur sociale de l’arboriculture. La coordination mise en place implique les agriculteurs, les salariés agricoles ainsi que les organisations professionnelles agricoles départementales, elle est donc mixte et sectorielle. Dans le cas de l’arboriculteur, les ressources territoriales mobilisées sont d’ordre patrimonial, avec les variétés anciennes, et la proximité des consommateurs permettant la vente directe. Malgré son adhésion à un réseau de producteurs vendant en direct, sa démarche reste plutôt privée et sectorielle.

Les facteurs territoriaux facilitant la valorisation de l’arboriculture sont la proximité d’un large bassin de consommateurs (urbanisation croissante dans la vallée et agglomération valentinoise), ainsi que le fort trafic touristique permettant de valoriser les fruits par la vente directe au bord des routes. Soulignons ici encore le rôle fondamental d’un acteur multicasquette, l’adjoint au maire de Loriol-sur-Drôme qui est aussi arboriculteur et président de la chambre d’agriculture de la Drôme, pour initier et animer la dynamique

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communale. Les facteurs territoriaux limitant la valorisation de l’arboriculture par le territoire sont, d’une part, l’image plutôt négative associée à la moyenne vallée du Rhône, lieu d’industries et de transports. D’autre part, la faible superposition entre le territoire arboricole et les périmètres des collectivités locales, associée à la forte organisation sectorielle de l’arboriculture, font qu’aucune forme de collaboration entre collectivités territoriales et arboriculteurs n’a encore pu être trouvée.

Vallée de l’Eyrieux : 1 seul soutien financier pour l’arboriculture

Seul un soutien financier de la part de la communauté de communes pour l’achat de filets paragrêles et pour les stands de vente directe témoigne de la mobilisation de la ressource institutionnelle pour maintenir la valeur sociale de l’arboriculture. Très peu de producteurs ont sollicité ces aides, ce qui témoigne bien de la perte de vitesse de cette activité sur ce sous espace. Toutefois, dans la haute vallée, certains producteurs pratiquant la vente directe valorisent la proximité territoriale entre leur offre et la demande locale et touristique.

Malgré le découragement des acteurs quant à l’avenir de l’arboriculture dans ce sous espace, des facteurs favorables semblent cependant exister : la valeur cognitive portée par l’histoire et la réputation de la vallée, berceau de la pêche ; la qualité des paysages, des terrasses, des infrastructures restantes ; et enfin, la construction en cours d’un syndicat mixte comprenant le grand valentinois, zone arboricole d’importance, qui peut laisser espérer la prise en considération de cette activité dans le projet. Enfin, le relief escarpé de la vallée de l’Eyrieux, limitant l’accès au foncier et les conditions de production par rapport à celles de la vallée du Rhône et de la plaine de la Crau, constitue le principal facteur territorial limitant l’activité arboricole locale.

L’analyse globale de ces différentes descriptions, en rapport avec les caractéristiques de chaque sous-espace, permet de tirer quelques grands enseignements quant aux conditions d’émergence des démarches de soutien de l’arboriculture mobilisant des ressources locales.

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32. Conditions d’émergence de ces démarches

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette analyse, d’abord, quant aux conditions favorisant l’émergence de projets de développement de l’arboriculture à partir de ressources territoriales, ensuite, quant aux situations où l’objectif de développement de l’arboriculture peut rejoindre celui de développement territorial.

Les démarches mobilisant les liens entre arboriculture et milieu sont nettement plus nombreuses lorsque l’arboriculture est ancrée dans la culture et la vie socio-économique du milieu : l’arboriculture y est ancienne, présente dans une grande proportion d’exploitations, l’implication familiale dans ces exploitations est forte, l’usage et le savoir-faire fruitier est populaire (nombreux vergers particuliers). De même, le niveau d’institutionnalisation du territoire et la superposition entre les collectivités territoriales et l’espace à vocation arboricole, ainsi que les liens entre acteurs arboricoles et collectivités, est une forme d’ancrage institutionnel important. En effet, les sous-espaces où il y a le plus de démarches de développement sont aussi ceux où les communes sont organisées en intercommunalités porteuses de procédure de développement. Et l’aire de production fruitière y représente une proportion importante de la superficie de la collectivité locale. Ensuite, vient le rôle déterminant des acteurs locaux multicasquette : médiateurs entre réseaux professionnels et institutions territoriales, ils possèdent un savoir-faire institutionnel facilitant l’initiative de projets de développement pour l’arboriculture. Enfin, le dernier enseignement qui se dégage de cette analyse est que, dans un système de production agricole où l’on ne peut, actuellement, identifier de ressource territoriale très spécifique, le « degré de territorialisation » des coordinations locales détermine l’impact des actions sur le développement. De fait, l’exemple du pôle de ressources de la MFR d’Anneyron montre bien que plus un projet implique des coordinations locales plurisectorielles, mixtes, et même ouvertes à une échelle supraterritoriale, et plus l’ampleur du développement sera large pour la filière agricole et pour le territoire. En revanche, lorsque les coordinations du système de production sont très sectorielles et institutionnalisées, comme c’est le cas de la filière fruit drômoise, et dans une moindre mesure dans la vallée de l’Eyrieux, il y a peu d’impact territorial car, d’une part, les collectivités territoriales ne se sentent pas concernées par cette activité, et en retour, les arboriculteurs ne savent s’organiser eux-mêmes ou travailler en collaboration avec les collectivités. C’est peut-être d’ailleurs une

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hypothèse explicative du déclin de l’arboriculture dans la vallée de l’Eyrieux, alors que la réputation des pêches de ce territoire aurait pu constituer une ressource spécifique valorisable.

La qualification du territoire et le soutien à l’arboriculture sont des objectifs qui se rejoignent généralement dans deux situations. D’abord, lorsque la fonction économique et sociale de l’activité est reconnue par les collectivités. C’est souvent au niveau communal, lorsque des élus agriculteurs ou retraités du monde agricole défendent la valeur sociale de l’arboriculture locale, arguant qu’elle crée des emplois, et permet surtout une activité au sein même des villages, ce qui contribue au maintien des commerces de proximité. La mobilisation pour cet enjeu reste rare lorsqu’aucun élu ne vient du milieu agricole. L’autre cas où le développement du territoire rejoint la valorisation de l’arboriculture est lorsque l’objectif est l’attractivité du territoire, souvent pour un tourisme de proximité, familial, ou pour de nouveaux résidents. De fait, l’agriculture permet non seulement de maintenir un cadre de vie agréable, avec des paysages entretenus et un degré d’industrialisation limité, mais également de proposer une offre de produits locaux, en vente à la ferme ou dans des maisons de pays, que les collectivités aiment à mettre en avant comme offre touristique. Ces deux situations renvoient à la reconnaissance de la multifonctionnalité de l’arboriculture : l’exercice de cette activité sur un territoire produit des aménités pour celui-ci (lien social, emplois, paysages, produits, etc.). Pour que ces fonctions soient reconnues à l’arboriculture et soutenues par les collectivités territoriales, il apparaît nécessaire que les coordinations soient mixtes, permettant le dialogue entre les arboriculteurs et les collectivités territoriales. En outre, des coordinations plurisectorielles sont d’autant plus favorables pour le développement territorial et la valorisation de la filière.

Enfin, en conclusion à cette analyse, il apparaît que certaines ressources territoriales existent en moyenne vallée du Rhône, mais ne sont pas mobilisées actuellement. C’est le cas, principalement, de la dimension touristique et patrimoniale des paysages produits par l’arboriculture, de la diversité de l’offre de fruits et de produits, et enfin de la qualité environnementale croissante des pratiques de production. De fait, les paysages formés par les vergers et leur insertion dans un relief vallonné, plus ou moins escarpé, sur des terrasses, pourrait être l’objet de panneaux signalétiques, de sentiers thématiques, avec commentaires et explications sur l’histoire et la tradition locale d’arboriculture fruitière.

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Les actions de mise en valeur patrimoniale de l’agriculture en Drôme et Ardèche sont nombreuses, largement orchestrées par les CIVAM10, dont l’événement central est l’opération « de Ferme en Ferme ». Toutefois, cette forme de valorisation patrimoniale, qui consiste à « faire visiter » une exploitation, reste délicate pour l’arboriculture car le public recherche souvent à voir des animaux ou des ateliers de fabrication que cette activité seule ne peut offrir.

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Conclusion : une diversité d’ancrages territoriaux à

valoriser en Moyenne Vallée du Rhône

Cette lecture de l’arboriculture de la Moyenne Vallée du Rhône, via un cadre d’analyse multiscalaire et des critères socio-économiques, spatiaux et culturels, laisse entrevoir des ancrages territoriaux spatialement différenciés dessous l’écheveau productiviste d’un bassin de production de rayonnement national et européen. Ce bassin arboricole est en fait composé par des arboricultures, ancrées dans des sous-espaces, mais interdépendantes les unes des autres car toutes parties prenantes du réseau commercial établi à l’échelle du bassin. Au sein de cette pluralité, il y a cohabitation, complémentarité complexe entre logique de production de masse et de qualité territorialisée. Simplement, le curseur mesurant la part relative à chacun des types de production semble suivre la fluctuation des cours des prix des fruits. Par exemple, si la vente directe et sur les marchés locaux a toujours existé en Moyenne Vallée du Rhône, elle était considérée comme témoin d’un archaïsme dans les années 60 et 70, alors qu’elle fait de plus en plus partie des projets d’installation actuels. Cette complémentarité est tout autant vraie à l’échelle du bassin qu’au niveau des structures. Les producteurs de fruits situés en zone montagneuse, où les surfaces et les rendements sont moindres qu’en vallée, savent mobiliser des réseaux « traditionnels » d’expéditeurs et de grossistes, connaisseurs de la spécificité du produit de montagne, et qui savent le valoriser sur des marchés appropriés. D’autres, plus grandes exploitations, livrent la majeure partie de leurs fruits à leur coopérative, et vendent une petite part en direct, souvent depuis deux ou trois générations. Les fruits destinés à cette vente sont souvent ramassés à part, par des employés dédiés à ce travail, plus mûrs mais pas forcément plus « beaux », offrant une gamme en adéquation avec une demande de fraicheur et de maturité, mais également de fruits moins chers pour la confiture et les tartes… En définitive, la diversité des formes de production et de valorisation, se jouant des « catégories » de logiques de développement, apporte la souplesse nécessaire à la variabilité qui caractérise l’arboriculture fruitière (variabilité des quantités et qualités produites, des espèces, des variétés, des prix…).

Ces premiers résultats tendent bien à prouver que même un bassin de production correspondant au modèle productiviste est façonné et déterminé par son milieu, qu’il entretient des liens avec celui-ci. Et ces liens sont parfois mobilisés comme ressources pour

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construire ou reconstruire de nouvelles formes de valorisation, permettant de s’adapter aux évolutions globales qui touchent la filière. L’enjeu est alors d’évaluer comment ces liens, ces ressources, peuvent être mobilisés plus généralement comme une des voies de sortie de crise. Ceci interpelle la profession agricole, qui jusque très récemment raisonnait la production et la commercialisation de manière aterritorialisée. Elle se remet aujourd’hui en question et reconsidère les perspectives ouvertes par les circuits courts et la qualité territoriale. Diverses petites initiatives voient le jour, à des échelles différentes, portées par des collectifs différents, relevant de stratégies différentes. Reste maintenant à regarder comment cette synergie avec le milieu peut concrètement se mettre en place.

A ce titre, un paradoxe se dégage des premiers résultats : les collectivités territoriales mobilisent l’image de l’arboriculture comme identité, reconnaissent l’impact et le rôle socio-économique de cette activité pour le territoire, et certaines semblent prêtes à se mobiliser pour la soutenir davantage. En face, la plupart des professionnels arboricoles ne semblent pas encore prêts à travailler avec l’interlocuteur « territorial », même s’ils cherchent à mobiliser l’origine ou le territoire comme signe distinctif, à valoriser leur production par des marchés de proximité, ou s’ils sont en prise avec les problématiques locales d’urbanisation… A l’image des démarches du pôle de ressources fruits, menées par le MFR d’Anneyron, on pressent une recherche de travail en commun, mais comment la rencontre peut-elle être possible ? On admet aujourd’hui que dans une démarche de valorisation d’une production par des ressources territoriales, plus la coordination est territoriale, c’est-à-dire rassemblant des acteurs publics et privés, si possibles plurisectoriels, et plus le projet aura une portée positive sur l’ensemble de la filière et du territoire (Delfosse et Letablier, 1994; Durbiano, 2000; Pecqueur et al., 2004; Rin et Husson, 2002). Entre une filière longtemps habituée à agir de manière sectorielle, sur un marché national et international, et des collectivités territoriales qui, sous l’influence de la périurbanisation, cherchent à se reconstruire une identité rurale, quel dénominateur commun, quelles modalités de coordination, quels projets concrets peuvent permettre la coopération dans un objectif favorables à tous ? Quels nouveaux apprentissages seront nécessaires pour parvenir à travailler ensemble ? Cela pose une question centrale, à la fois pour les professionnels et pour la recherche en cours, c’est celle de l’échelle socio-territoriale pertinente pour activer un tel système d’action.

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Références :

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