LA PRIÈRE DES CHEFS
L a p r i è r e d e s
PAR Mgr LAVARENNE
BLOUD & GAY
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE 10 EXEM- PLAIRES MARQUÉS DE A à J, HORS COM- MERCE, ET 500 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 1 à 500 SUR VÉLIN SUPER ALFA DES PAPETERIES DE FRANCE POUR LES SOUS- CRIPTEURS DE LA COLLECTION « LA VIE INTÉRIEURE POUR NOTRE TEMPS ». CE TIRAGE SPÉCIAL CONSTITUE L'ÉDITION
ORIGINALE.
IMPRIMATUR : Lugduni, 10 februarii 1937.
Em. BÉCHETOILLE, pro. vic. cap.
Ces pages sont le développement de quelques causeries très simples données à un petit groupe de chefs d'une compagnie de Guides de France, à l'occasion d'une journée de récollection et de travail en commun.
Elles seront peut-être utiles à d'autres, dans le Scoutisme et dans le Guidisme catholiques, puisque la prière qu'elles commentent est com- mune aux deux Fédérations des Scouts et des
Guides de France.
Même, les idées qu' elles contiennent sont d'une portée assez générale pour convenir à tous les chefs de tous les mouvements de jeunesse et de toutes les sections de l'Action catholique. Puis- sent-elles aider quelques-uns d'entre eux à mieux comprendre leur tâche, et à servir avec plus de compétence, d'autorité, et de charité.
PRIÈRE DES CHEFS
« Seigneur et Chef Jésus, qui, malgré ma faiblesse, m'avez choisi pour chef et gar- dien de mes frères scouts, faites que ma parole et mes exemples éclairent leur marche aux sentiers de votre loi, que je sache leur montrer vos traces divines dans la nature que vous avez créée, leur enseigner ce que je dois, et conduire mon équipe, d'étape en étape, jusqu'à Vous, ô mon Dieu, dans le camp du repos et de la joie où vous avez dressé votre tente et la nôtre pour toute l'éternité. »
I
SEIGNEUR ET CHEF JÉSUS...
I
C'est par une prière que commence notre méditation. C'est par une invocation que com- mence notre prière.
Nous avons besoin de mieux comprendre nos devoirs et nos droits, notre mission provi- dentielle et nos responsabilités. Nous avons besoin de savoir pourquoi nous sommes des chefs, ce que contient ce titre enviable et redou- table, quelle est la nature de notre autorité, d'où elle nous vient et à quelles fins nous devons l'employer. Nous avons besoin de réfléchir sur la manière dont nous l'exercerons, sur la mé- thode par laquelle nous pénétrerons des cœurs et des âmes pour les aider à trouver leur voie, à s'orienter vers le Vrai, le Beau et le Bien, et à se gouverner librement. C'est une longue
étude que celle-là, et qu'il faut bien entre- prendre, si nous ne voulons pas livrer notre action au hasard du caprice et de l'instinct.
On dit parfois que les mères trouvent sponta- nément dans leur cœur tous les principes, toutes les règles de l'éducation. Cela n'est pas toujours vrai ; et il y a, hélas ! des mères qui sont au-dessous de leur tâche. Etre chef, c 'est parfois un don ; mais c'est aussi un art qui s'apprend. Il n'est jamais inutile, il est tou- jours nécessaire de l'apprendre, même pour ceux qui ont reçu le pouvoir mystérieux de conduire et d'entraîner les autres.
Nous avons besoin, non seulement de lumière, mais aussi de courage et de « vertu ». Car l 'exer- cice de l'autorité suppose le renoncement, le sacrifice, le dévouement. L'exercice de l'auto- rité exige de nous la persévérance, la maî- trise de nous-mêmes, la patience et l'égalité d'humeur. L'autorité ne s'exerce que dans l'amour : et c'est quelque chose de terrible que l'amour, puisque c'est le don de soi, le don continu et désintéressé, sans recherche de retour ni de reconnaissance, sans désir de vaine popularité, sans lassitude ni découragement,
quoi qu'il arrive. Nous avons besoin de vertu . pour exprimer, dans toute notre personne et toute notre vie, l'idéal que nous devons pro- poser aux autres. Un Chef, c'est l'interprète d'une loi ; mais c'est aussi la loi vivante. Un Chef, c'est la conscience qui parle ; mais c'est aussi une conscience en action.
Or, pour trouver lumière et courage, nous savons, nous qui sommes chrétiens, que nous devons nous tourner vers Dieu. Nos raison- nements humains sont courts et incomplets ; et c'est d'ailleurs à la lumière de l'Evangile et de la Foi que nous voulons étudier notre rôle et notre tâche. Cette lumière, c'est Dieu qui nous l'a donnée ; c'est Lui seul qui peut encore l'entretenir et l'accroître en nous ; c'est Lui seul qui peut nous éclairer sur les prin- cipes de notre action et sur leurs applications, sur la théorie et sur la pratique, sur l'ensemble et sur le détail. Puis, nos volontés humaines sont fragiles. Elles se lassent bientôt de l'effort et du sacrifice. Notre orgueil et notre égoïsme, notre paresse et notre sensualité renaissent perpétuellement et risquent à chaque instant de nous faire oublier ce que nous devons aux
autres. C'est Dieu seul qui, par sa grâce, peut nous soutenir, nous garder, effacer nos erreurs et nos fautes, renouveler et raffermir nos bonnes résolutions, entretenir et accroître la flamme sacrée du dévouement.
Alors, nous élevons nos pensées et nos yeux vers le Ciel ; nous poussons un cri d'appel vers Celui de qui nous attendons tout, et qui peut nous donner ce qu'Il attend de nous ; et nous disons :
Seigneur et Chef Jésus !
II
Pourquoi adressons-nous notre prière au Christ ? Pourquoi disons-nous « Seigneur Jésus », plutôt que de dire « mon Dieu » ?
Reconnaissons très simplement que de ces deux invocations nous préférons la première.
Mais il faut que nous analysions et que nous puissions justifier les motifs de cette préférence.
Nous ne voulons pas séparer l'humanité du Christ de sa divinité. Nous ne voulons pas
séparer non plus le Fils éternel de Dieu des autres divines Personnes de l'adorable Trinité.
Si nous invoquons Jésus, c'est bien parce qu'Il est Dieu, parce qu'Il est tout-puissant sur nos esprits, nos cœurs et nos âmes, parce que toute grâce nous vient de Lui. S'Il n'était qu'un prophète, le plus grand des prophètes, — s'Il n'était qu'un saint, le plus grand des saints, nous ne L'invoquerions pas de cette façon-là.
Nous avons nos saints protecteurs, nos patrons, nos amis célestes. Nous avons la Vierge Marie, notre Sœur et notre Cheftaine. Nous les appe- lons à notre aide ; nous cherchons en eux des modèles. Mais Lui, le Christ, est infiniment au- dessus de toutes les créatures. Le Christ Jésus c'est le Dispensateur souverain de tous les biens qui nous sont nécessaires.
Nous L'invoquons parce qu'Il est Dieu ; mais nous l'invoquons aussi parce qu'Il est Homme.
C'est Dieu lui-même qui a voulu se rendre plus proche de nous, combler la distance qui sépare l'Eternel de l'éphémère et l'Infini du fini, en nous envoyant son Fils. « Et le Verbe s'est fait chair, et Il a habité parmi nous. » Il n'y a pas de peuple qui ait, comme nous, un Dieu
qui, sans cesser d'être Dieu, soit tout voisin des misères humaines. Alors, il est tout naturel que nous allions à Dieu par Jésus, que nous trouvions Dieu en Jésus.
Jésus, c'est le petit Enfant qui est né comme nous sommes nés, qui a vagi et pleuré comme tous les petits enfants, qui a eu froid, faim, soif et sommeil, qui a grandi comme nous avons grandi, avec cette seule différence qu'il a été plus malheureux et plus pauvre que le plus malheureux et le plus pauvre d'entre nous.
Jésus, c'est l'Adolescent dont l'intelligence humaine — et ceci est un grand mystère — s'est développée comme la nôtre ; qui a crû en âge et en sagesse, — c'est l'Evangile qui nous le dit ; — qui interrogeait les docteurs et répondait à leurs questions : adolescent merveilleux, et pourtant soumis aux lois ordi- naires de la croissance et du progrès physique et intellectuel.
Jésus, c'est l'Artisan qui a travaillé de ses mains pour gagner sa vie comme nous gagnons la nôtre. C'est le Jeune Homme qui a quitté sa Mère pour s'occuper des affaires de son Père, pour remplir sa tâche providentielle, comme
nous quitterons nos mères pour suivre notre vocation. Jésus, c'est le divin Routier qui a couru les chemins pour prêcher sa loi à tous les vagabonds, — à ceux qui erraient ici-bas comme des brebis sans pasteur.
Jésus, c'est l'Homme qui a éprouvé tous les sentiments du cœur de l'homme : l'Ami qui a aimé ses amis, qui a tremblé et qui a frémi, qui a désiré d'un grand désir de manger avec eux la dernière Pâque ; qui a pleuré sur la mort de Lazare et sur le destin de sa patrie.
C'est Celui qui, sur le point de mourir, a sup- plié son Père céleste d'éloigner de Lui le calice ; et qui, du haut de la Croix, criait : « Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? »
Ah ! comme nous nous retrouvons en Lui, avec nos affections, nos désirs, nos craintes, nos espoirs et nos découragements ! Comme Il est l'Ami fraternel qui nous accompagne sur le chemin, pour nous soutenir ou nous relever ! Comme c'est bon d'aller Le chercher dans l'Hostie où Il vit toujours, pour L'incorporer à nous, pour nous incorporer à Lui ! Ah ! oui, c'est Lui vers qui s'élance notre prière, — notre première prière scoute : « Seigneur Jésus,
apprenez-moi à être généreux... », et maintenant notre prière de Chefs :
Seigneur et Chef Jésus ! III
Nous l'appelons « Seigneur » et « Chef ».
Ces deux mots ne sont pas synonymes.
Le Seigneur, c'est celui qui, de droit, est le Maître. C'est celui qui, par conséquent, possède en propre l'autorité. Il n'y a de vrai Seigneur que Dieu, parce qu'Il est le créateur, parce que l'univers est son œuvre et que, l'ayant créé, Il pourrait le détruire. Toutes nos existences sont dans sa main : c'est Lui qui en a fixé le commencement et la fin, Lui qui nous conserve la vie et qui peut nous l'ôter comme il Lui plaît et quand il Lui plaît. C 'est Lui qui, en créant notre nature, a créé la loi morale à laquelle nous sommes soumis, puisque la loi morale n'est pas autre chose que l'ensem- ble des conditions par lesquelles se réalise et se développe la nature humaine. Il est le Légis- lateur suprême, et le Juge dont les décisions
sont sans appel. Il est l'Etre souverainement indépendant, et qui n'a de comptes à rendre à personne.
Toutes les « seigneuries » de la terre sont en dépendance de celle de Dieu. Nul homme n'a des droits absolus sur les hommes ni sur les choses. Toutes les autorités sont subordonnées à une autorité plus haute. Le droit de propriété même a ses limites, qui sont fixées par la mo- rale humaine et chrétienne, et par l'intérêt général, supérieur à l'intérêt particulier. Seul, Dieu est le Souverain Seigneur ; et Jésus, qui est Dieu, est « Notre Seigneur ».
Le Chef, c'est celui qui exerce pratiquement l'autorité, celui qui commande, contrôle, en- traîne, et dirige. Il y a des chefs qui le sont sans titre, par le prestige de leur parole ou de leur exemple, par le rayonnement de leur influence. Il y a des chefs qui en ont le titre, mais qui n'en ont pas l'âme, et qui sont inaptes à exercer l'autorité qu'ils ont reçue. Il faut bien cependant qu'ils l'exercent, tant bien que mal, plutôt mal que bien ; et c'est alors bien fâcheux pour ceux qui sont leurs subordonnés.
De ce qui précède, il suit que le Seigneur est
LA VIE INTÉRIEURE
POUR NOTRE TEMPS COLLECTION DE SPIRITUALITÉ A L'USAGE DES
HOMMES D'AUJOURD'HUI
Etablissements André Brulliard. — Saint-Dizier (Hte-Marne). 1937
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