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La recherche sociale au lendemain du Rapport Rochon

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Academic year: 2022

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Tous droits réservés © Les Presses de l'Université du Québec, 1989 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online.

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Nouvelles pratiques sociales

La recherche sociale au lendemain du Rapport Rochon

Richard Lefrançois

Quinze mois après le Rapport Rochon Volume 2, Number 1, printemps 1989 URI: https://id.erudit.org/iderudit/301030ar DOI: https://doi.org/10.7202/301030ar See table of contents

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Les Presses de l’Université du Québec à Montréal ISSN

0843-4468 (print) 1703-9312 (digital) Explore this journal

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Lefrançois, R. (1989). La recherche sociale au lendemain du Rapport Rochon.

Nouvelles pratiques sociales, 2(1), 87–97. https://doi.org/10.7202/301030ar

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QUINZE MOIS APRES LE RAPPORT ROCHON

La recherche sociale au lendemain

du Rapport Rochon

Richard Lefrançois Département de service social Université de Sherbrooke

1. La position de la Commission Rochon

Le bilan, ou plutôt la lecture, que nous livre la Commission Rochon sur la recherche sociale porte l'empreinte de la philosophie qu'elle promeut, soit la mise en place de nouvelles dynamiques de l'action et de la décision, un encadrement plus articulé des effectifs de production et des investissements orien- tés vers des «objectifs de résultat». L'appel lancé est celui d'une mise à contribution de la recherche scientifique aux finalités de redressement du système

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de distribution des services qu'assure l'ensemble du réseau de concert avec les ressources du milieu.

À l'instar des travaux qui l'ont précédée (Rapport Castonguay- Nepveu, 1972; Rapport Bonneau, 1973), la Commission Rochon constate à juste titre le sous-développement de la recherche sociale, mais souligne avec force la nécessité de mettre sur pied un mécanisme de coordination dont le mandat serait d'élaborer une politique intégrée de recherche en matière de santé et de bien-être.

Dans ce court article, je me propose d'apporter certaines clarifications au débat actuel entourant la situation de la recherche sociale (et de la recherche sociale appliquée) au Québec en réagis- sant en premier lieu à certaines affirmations contenues notamment dans le chapitre 5 (section 3) du rapport de la Commission.

D'entrée de jeu, signalons que la Commission a le mérite d'avoir une fois de plus mis en évidence la condition indigente de la recherche sociale appliquée, en constatant son sous-financement et l'absence d'infrastructures et de dispositifs institutionnels suscepti- bles d'assurer une certaine continuité, sinon une cohérence dans la poursuite d'objectifs de développement.

Même si la Commission entrevoit la restructuration du champ de la recherche sociale appliquée suivant le modèle de la recherche bio-médicale, ce qui à certains égards reflète une incompréhension de l'évolution et de l'organisation actuelle de la recherche sociale appliquée, cet exercice de comparaison présente l'avantage de mettre en relief de façon éclatante l'écart disproportionné entre ces deux univers de recherche. Il apparaît évident que pour consolider les assises de la recherche sociale appliquée, il faille soutenir des programmes de recherche orientée, créer des centres de recherche pouvant bénéficier d'appuis financiers récurrents ou d'enveloppes budgétaires protégées et favoriser le développement d'équipes stables capables d'intégrer des activités de formation de jeunes cher- cheurs.

Mais au delà de ces desiderata à caractère essentiellement structurel, il y a lieu de s'interroger également sur des lacunes majeures, notamment au chapitre de la diffusion des productions scientifiques, de la reconnaissance des activités de recherche dans la tâche normale des praticiens et des intervenants sociaux, de la transférabilité des connaissances dans la pratique, de l'articulation entre la recherche sociale fondamentale et la recherche sociale appliquée.

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Dans son appréciation de ces différents volets, qui en principe devraient accompagner toute politique de recherche cohérente, le rapport demeure étonnamment laconique. En parcourant l'étude complémentaire sur la recherche sociale (Poirier, 1988) de la Commission et le plan triennal de développement de la recherche sociale, publié tout récemment (CQRS, 1988), on peut retracer les éléments de fond abordant plus en détail certaines de ces questions.

Dans son analyse diagnostique des travaux de recherche réalisés sous la gouverne des organismes du réseau (DSC, CSS), la Commission Rochon porte un jugement plutôt sévère quant à la légitimité scientifique des productions ou des résultats de recherche.

Le passage suivant du rapport évoque avec particulièrement d'élo- quence la difficulté qu'éprouve la Commission à se départir d'une conception «officielle» de la pratique scientifique, méconnaissant du même coup le sens et la portée de ce que nous avons appelé ailleurs Vautre recherche (Joubert et a/.,1984):

Alors que la recherche vise essentiellement l'enrichissement des connaissances par la vérification d'hypothèses et l'analyse d'éléments pouvant expliquer un phénomène méconnu, plu- sieurs activités dites «de recherche» dans les CSS et les DSC ne s'inscrivent pas dans cette dynamique scientifique. Ces activi- tés servent à repérer, décrire, recenser ou inventorier (Com- mission Rochon, 1988:625).

Les premières lignes de cet extrait constituent paradoxalement un plaidoyer en faveur de la recherche sociale fondamentale (vérifier des hypothèses, expliquer un phénomène), alors même que le rapport oppose dans les pages précédentes la recherche sociale fondamentale (compréhension des phénomènes) à la recherche sociale appliquée qu'elle privilégie («...a pour finalité l'amélioration des interventions et des mécanismes d'aide aux clientèles» (Commis- sion Rochon, 1988:82). Or une telle déclaration n'apporte rien d'explicite sur les véritables constituants du champ de la recherche sociale appliquée, ni ne nous éclaire sur sa véritable portée. Si on souscrit à cette logique, qui trahit une vision étroite (i.e. la science se construit par cumul de connaissances) ou simpliste de la réalité à laquelle elle réfère (i.e. la science n'est qu'une), on se retrouve en présence de deux entités diamétralement opposées. D'un côté, on distingue la recherche académique (ou fondamentale) qui, inté- ressée par l'étiologie des phénomènes, emprunte la plupart du

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temps une démarche vérif icationnelle ou expérimentale (paradigme positiviste); de l'autre, on retrouve les études «non scientifiques» qui ont pour tâche spécifique d'effectuer les descriptions, l'exploration et la recension de particularités propres aux clientèles cibles. Ces représentations n'ont-elles pas pour effet de refouler à la marge la recherche sociale appliquée, en lui attribuant un statut épistémolo- gique moindre dans la hiérarchie du savoir scientifique ?

Dans son discours sur la recherche sociale, il est déplorable que la Commission tende à marginaliser, voire condamner sans nuan- ces, les recherches descriptives et exploratoires, alors que celles-ci se donnent légitimement pour tâche de mieux appréhender ou définir les besoins, les attentes et les aspirations des usagers ou des futures clientèles. En effet, la nécessité de répertorier, de recenser et de construire des profils de clientèles s'impose d'autant plus que l'intervention sociale doit continuellement s'ajuster aux nouvelles situations sociales qui émergent des mutations profondes que traverse la société. La Commission ne reconnaît-elle pas elle-même l'urgence de développer un savoir et des expertises pour faire face aux nouvelles problématiques qu'elle identifie: la violence faite aux personnes, l'itinérance et les problèmes de suicide, les difficultés d'intégration sociale des exclus et des familles monoparentales ?

Or toute problématique nouvelle commande, dans la première phase du travail scientifique, une lecture attentive des composantes multiples de la situation à analyser, la constitution d'un corpus de données empiriques descriptives suffisamment large pour que puissent s'esquisser les éléments d'une stratégie de recherche de second niveau faisant appel aux procédures de l'interprétation, voire de l'explication scientifique. L'activité de décrire ou de classi- fier est une tâche éminemment scientifique comme l'illustrent d'ailleurs assez bien certains travaux scientifiques en sciences humaines parmi les plus célèbres (cf. Durkheim, Piaget).

Mais cette schématisation bipolaire du champ de la recherche sociale a aussi pour effet d'occulter tout un éventail de pratiques scientifiques hautement crédibles qui tentent de produire des con- naissances mieux adaptées aux nouvelles réalités à saisir et à définir.

En effet, de telles conceptions erronées de la recherche sociale évacuent (ou ignorent) des pratiques de recherche pourtant résolu- ment inscrites dans la poursuite de l'excellence scientifique, et en même temps pertinemment rattachées à des finalités d'intervention

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ou de support aux groupes du milieu. Tel est le cas de la recherche-

action qui, tout en adhérant aux exigences de la rigueur méthodo-

logique, s'efforce également de briser le clivage existant entre chercheurs, praticiens et bénéficiaires, en les associant pour que le processus de recherche et d'intervention leur appartienne et porte la marque d'un enrichissement et d'une réflexion collective. L'un des leitmotiv de la Commission n'est-il pas justement de mettre les ressources au service des personnes et non du système ?

Par ailleurs, la recherche evaluative s'affirme de plus en plus comme une filière de la recherche sociale extrêmement féconde, de par son souci d'arrimer, sans l'inféoder, la démarche scientifique au processus de la décision, de rendre compte des pratiques et des programmes existants et, ultimement, d'élaborer de nouveaux modèles d'intervention plus performants. Si l'on excepte l'épineuse question (i.e. l'obstacle épistémologique) de l'objectivité (prise de distance par rapport à l'objet, contraintes émanant du mandat, etc), la recherche evaluative n'a pas à revendiquer un statut scientifique dans la mesure où elle utilise la plupart du temps une méthodologie classique reconnue. Elle répond en outre aux attentes d'utilité que préconise la Commission, dans la mesure où elle se conçoit comme un instrument «au service des personnes», qu'elle exerce un droit de regard sur les pratiques de gestion ou d'intervention, ou mieux, qu'elle s'actualise comme entreprise participative et démocratique (BeaudoineÉa/., 1986).

Les différentes formes d'évaluation (diagnostique, formative ou sommative) de la pratique professionnelle, des interventions communautaires et des modes de gestion des établissements du réseau et hors réseau demeurent primordiales pour apprécier l'efficacité et la qualité des programmes et des services offerts à lapopulation. La méthodologie de la recherche evaluative connaît présentement une évolution rapide et s'intègre aussi bien au contexte des politiques sociales, de la gestion qu'à celui de la pratique sociale. D'ailleurs, dans un autre chapitre de son rapport, la Commission reconnaît elle-même l'importance de la recherche evaluative:

De même, la création d'un service d'évaluation au sein du MSSS en 1982, les efforts de certains DSC pour développer la recherche evaluative des besoins de clientèle et du suivi apporté aux programmes mis en place, la création de banques de données sont tous à mettre au bilan posi-tif de la recherche au Québec (Commission Rochon, 1988:421).

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Cadrant d'une autre manière avec les préoccupations d'utilité sociale, il ne faut pas sous-estimer l'apport grandissant et stimulant des modèles de recherche alternatifs (approche naturaliste, en- quête conscientisante, étude participative) dans la définition même du champ de la recherche sociale. Privilégiant l'emploi des métho- des qualitatives (ex.: récits de vie, observation documentaire, auto- confessions), la recherche sociale alternative ne s'introduit pas dans un milieu, mais elle introduit le langage et l'expression populaire dans le milieu scientifique, en privilégiant non seulement un rappro- chement avec la clientèle cible tel que le préconisent les commissai- res, mais un décloisonnement à la verticale des structures. Ce faisant, elle permet une plus grande prégnance et efficacité des actions qui émergent du milieu.

2. Le débat sur la recherche sociale appliquée

Je me suis attardé dans la première partie de cet article à faire mention de certaines errances dans le discours de la Commission sur le sens même qu'elle attribue à la notion de recherche sociale, et surtout sur la difficulté qu'elle éprouve à qualifier la recherche sociale appliquée. Conséquemment, l'analyse que nous confie le rapport ne parvient pas à dépasser le seuil d'une lecture d'avant- plan, en ce sens que l'évaluation proposée se contente d'une schématisation grossière sur la trajectoire, les mécanismes de soutien, les ressources et les effectifs de la recherche sociale

«appliquée» pour aussitôt déboucher sur des recommandations visant son développement.

En percevant la recherche sociale appliquée de façon sin- gulière, et par voie de conséquence en la définissant de manière aussi équivoque, la Commission Rochon projette une image «distor- sionnée» de la réalité, ce qui contribue hélas à disqualifier la recherche sociale sinon à diminuer son importance. Les schémas de représentations qu'elle véhicule à propos de la recherche sociale appliquée ont pourtant pour effet d'officialiser ou de consacrer ce concept, mais en lui attribuant une définition tronquée qui exclut toutes les autres formes de contribution ou d'orientation scientifique que les chercheurs reconnaissent.

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Cette prise de position et, surtout, l'absence d'analyse sur les questions de fond touchant la spécificité et l'inscription dans le champ social de la recherche sociale invitent donc à un dépassement pour aider à comprendre l'intentionnalité de l'Etat. L'hypothèse que je formule est la suivante: la prédilection de la Commission pour la recherche sociale appliquée survient à un moment où les trois sous- systèmes impliqués dans le champ de la production d'un savoir sur le social sont en crise d'identité. Ce qui laisse à penser que tout un ensemble de facteurs et de conditions sont en place et convergent vers l'adoption d'un consensus privilégiant le modèle technologi- que, c'est-à-dire pragmatique et utilitariste de la recherche sociale.

Le débat sur la recherche sociale appliquée conduit ainsi à situer la réflexion dans un cadre plus large, de manière à révéler les états de crise ou de déséquilibres que traversent les différentes instances du système.

a) Crise d'identité du sous-champ politique

L'engouement de la Commission pour le modèle de la recher- che sociale appliquée peut être accueilli dans les hauts-lieux politi- ques comme une issue valable pour pallier les incongruences du système actuel de distribution de services, l'errance du discours politique sur le social, ou encore pour justifier ses récents et futurs réarrangements institutionnels. Du passage de l'Etat-providence à l'Etat-gestionnaire sont nées de nouvelles nécessités, dont celle de consolider les infrastructures de distributions de service en place et surtout l'évaluation des résultats obtenus à l'intérieur des différents programmes d'aide ou de service. Or, évaluer les actions-décisions signifie souvent l'évitement des questionnements de fond qui sont sources fréquentes de dissensions parmi les différents intervenants qui oeuvrent dans le réseau. Dans le champ politique des affaires sociales, la thèse de la recherche sociale appliquée et de l'évaluation apporte potentiellement une réponse à un besoin de concrétude de la part de l'Etat, donc de rapprochement du bénéficiaire et du citoyen. La recommandation de la Commission touchant la décen- tralisation rejoint en parallèle une telle préoccupation. Les évalua- tions portant sur l'applicabilité des mesures et des interventions permettraient en quelque sorte de constituer un registre d'inter- locuteurs-médiateurs entre l'Etat et le citoyen, facilitant du coup l'adoption de projets ou de réformes émanant du sommet.

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La valorisation du rôle de l'Etat passerait donc par un principe de transparence visant à rendre compte des dépenses publiques par la voie de l'expertise scientifique et ce, grâce au concours de la recherche et de systèmes d'information de plus en plus sophistiqués et tentaculaires. En confiant au système de la recherche et de l'infor- mation la responsabilité d'évaluer l'efficacité et l'efficience des appareils trop perçus dans la population comme étant «routinisés»

et hyper-bureaucratisés, l'Etat se rend moins vulnérable à la critique en se campant dans une position d'objectivité et d'apparente neutralité.

b) Crise d'identité du sous-champ de la pratique

Chez les professionnels de l'intervention subsistent des malai- ses et des doutes quant à l'efficacité des interventions et l'adéquation de certains programmes aux besoins réels des bénéficiaires. L'effet d'impuissance que génère le système dans les réformes qu'il intro- duit, sans que les consultations aient été entreprises ou menées à terme, accentue l'inquiétude des intervenants et en même temps embrouille leur identité professionnelle. Ici également, la recherche sociale appliquée augure une possibilité de construction de la compétence professionnelle à condition qu'elle soit domestiquée et mise au service de la pratique. Elle peut ainsi se présenter comme une stratégie visant à accroître la visibilité des intervenants, à rendre compte des pratiques et à confirmer l'existence professionnelle de catégories d'intervenants marginalisés.

c) Crise d'identité du sous-champ scientifique

Enfin, la recherche sociale appliquée propose une alternative aux chercheurs universitaires en sciences humaines ou sociales qui éprouvent un vide existentiel ou qui se sentent plongés dans une léthargie intellectuelle (comme plusieurs l'ont constaté) depuis le début des années 80. Parce qu'elle suscite un rapprochement avec la base sociale, la recherche sociale appliquée offre une perspective d'implication concrète et tangible; elle est source de renouvellement de la pensée, en même temps qu'elle contribue à revaloriser le rôle du scientifique au sein de la société.

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3 . Piste de réflexion pour la relance de la recherche sociale

Le diagnostic de sous-développement de la recherche sociale semble être une constante qui se dégage des nombreux rapports rendus publics depuis plusieurs années. Les facteurs explicatifs de l'anémie touchant cette pratique scientifique ont été bien identifiés:

financement inadéquat, absence d'infrastructures musclées, forma- tion de jeunes chercheurs déficiente, manque de liaison entre les organismes de production du savoir et les milieux d'intervention, recherche trop monodisciplinaire, faible diffusion des résultats de recherche.

En dépit des moyens utilisés pour redresser la situation (axes de recherche prioritaires, financement d'équipes, aide à la diffusion, etc.), le même discours sur le manque de coordination et le faible rayonnement de la recherche sociale persiste. Comme aucun indice ne laisse présager que le champ de la recherche sociale bénéficiera dans un proche avenir des crédits lui permettant de s'épanouir véritablement, d'autres voies sont à explorer dans l'espoir de rehausser sa légitimité et d'accroître sa visibilité.

Parmi les remèdes à envisager, j'estime que la création d'un centre inter-universitaire et inter-réseau (impliquant différentes instances du système de distribution des services sociaux et des organismes non gouvernementaux) de recherche sociale favorise- rait l'atteinte d'objectifs de consolidation et de développement. Un tel centre devrait disposer d'un budget de fonctionnement lui permettant de s'adjoindre des chercheurs oeuvrant en milieu univer- sitaire et en milieu d'intervention (selon des modalités d'entente entre les institutions concernées), et d'accueillir de jeunes cher- cheurs dans des activités de stage de formation. Un tel centre aurait idéalement pour mission de réaliser des recherches fondamentales et en même temps de répondre aux besoins émanant de la pratique professionnelle et de la gestion des établissements de services sociaux.

Structuré partiellement selon le modèle de la recherche bio- médicale, un tel centre opérerait cependant en articulation étroite avec les milieux d'enseignement, de pratique, de gestion et d'élabo- ration des politiques sociales, et s'inscrirait dans une démarche multidisciplinaire.

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La stabilité de l'infrastructure, la capacité de production et la notoriété éventuelle d'un tel centre concourraient selon tout espoir à enraciner davantage la recherche sociale dans le contexte social québécois et à jeter les bases d'une tradition renouvelée de recher- che. L'impact d'un centre d'excellence en recherche sociale se manifesterait également à divers niveaux: amélioration des prati- ques et des modes de gestion des programmes sociaux; apports en termes de nouveaux éclairages sur la planification et les orientations à suivre en matière de politique sociale; meilleure transmission des connaissances grâce à la création de puissants organes de diffusion (création d'une revue de recherche sociale, de cahiers thématiques, de rapports de recherche, etc); formation et encadrement suivis de jeunes chercheurs; consultation scientifique; meilleure collaboration et regroupement des chercheurs grâce à l'organisation de séminai- res et d'ateliers de recherche.

Il faudrait consacrer peut-être une somme d'environ 500 000$

par année pour qu'un tel centre puisse véritablement s'engager dans cette poursuite de l'excellence et accomplir son mandat dans les conditions les plus favorables. En dehors de ce budget d'opération récurrent, d'autres sources de financement sous forme d'octroi pourraient s'ajouter par le biais notamment de la recherche subven- tionnée et des contrats de recherche. La compétition entre les équipes de recherche à l'interne pour l'obtention des subventions engendrerait un surcroît d'énergie et résulterait inévitablement en une amélioration de la qualité scientifique des travaux.

Au plan du soutien financier ou logistique, un tel projet nécessiterait sans doute une concertation exceptionnelle des orga- nismes subventionnaires et éventuellement des ministères concer- nés. Ainsi, la coordination et la fusion des efforts, hissées à tous ces niveaux d'action et de décision, aideraient à pallier les effets indésirables issus d'une mauvaise planification, de l'éparpillement et du sous-financement de la recherche sociale.

Voilà donc une voie à explorer pouvant exercer un effet d'entraînement appréciable dans l'optique d'une relance du dis- cours scientifique sur le social, d'une mise en service de nouveaux appareillages de recherche mieux à même de susciter le dévelop- pement et de provoquer le changement là et quand cela devient nécessaire. Il faut souhaiter, au delà des choix à appliquer quant aux mécanismes et aux infrastructures, que l'affirmation de la recherche sociale appliquée devienne l'occasion de promouvoir une véritable

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démocratisation de la science, évitant ainsi qu'elle régresse, s'émousse ou soit a critique, bref qu'elle soit réduite à un simple outil pour mieux asseoir une nouvelle domination gestionnaire.

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