• Aucun résultat trouvé

Les lectures à voix haute et silencieuse

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les lectures à voix haute et silencieuse"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

16

EducRecherche Volume 4N° 1 Année 2014 __________________________________________________________________________

Les lectures à voix haute et silencieuse

Ali DERBALA1

Cette contribution est une synthèse d’un ensemble d’articles lus dans des revues scientifiques spécialisées et de vulgarisation. Par ses références, elle constitue une aide précieuse pour les pédagogues. Sont présentés, dans la 1ère partie, l’acte de lire et son apprentissage avec une multitude de définitions de l’acte de lire. Dans la deuxième partie, sont exposées les méthodes de lecture chez les élèves, telles la méthode « sons contre lettres », la méthode à inspiration égyptienne et la lecture des écoles coraniques. La lecture visuelle dite aussi silencieuse est présentée en détail dans la troisième partie. Dans la quatrième partie, une recherche bibliographique et des résultats des contributions de cinq chercheurs sur la voix intérieure sont exposés. La dernière partie aborde les difficultés rencontrées lors de l’apprentissage de la lecture telle la dyslexie est indiquée.

1. L’acte de lire et son apprentissage : une multitude de définitions

Deux conceptions différentes de l’acte de lire et de son apprentissage existent. La première soutienne que pour apprendre à lire, il faut maitriser préalablement les aspects graphophonétiques de la lecture où on transforme un message d’abord sonore en message écrit.

L’activité de la lecture se fait en deux temps. Selon Beaume [1], on acquiert le mécanisme de la lecture et la connaissance des lettres, des syllabes et des sons. La seconde, est que lire, c’est prononcer ce que l’on voit en parlant et avec ses oreilles. On écoute les paroles que l’on prononce. Pour Borel-Maisonny (1962) [2], lire c’est rendre sonore un message porteur de sens. Mialaret (1967) considère que lire c’est transformer un message écrit en message sonore puis de le comprendre. Bourcier (1968) asserte que lire c’est comprendre mais préalablement apprentissage du lecteur débutant sur la correspondance phonème-graphème. Pour l’Association québécoise des professeurs de français (AQPG, 1980), lire est une habilité, un savoir-faire qui permet au lecteur de s’approprier le sens d’un texte en tenant compte de son intention de lecture et du type de texte lu. Bouquet (1986) confirme que lire c’est parcourir des yeux comme un projecteur s’arrêtant à faire sur les mots mais cela est possible si le lecteur débutant a acquis la correspondance phonème-graphème. Quant à Sprenger-Charolles (1989), elle définit lire comme un processus séquentiel et conscience phonologique. Estienne (1991) persiste à établir que lire c’est une conception strictement centrée sur le langage oral, dans ses aspects les plus élémentaires. Martinez (1993-1994) suggère que lire est une activité

1 . Maître de conférences-A de mathématiques, Chef d’équipe « Ordonnancement et conduite » du laboratoire LAMDA-RO, Département de Mathématiques, Faculté des Sciences, Université Saad DAHLAB, Blida.

(2)

17

symbolique naturellement culturelle. El Azhari [3] insiste sur le fait que lire consiste à reconnaître en quelques secondes une suite de signes graphiques auxquels le lecteur donne un sens à partir des connotations tenues en mémoire. Le lecteur doit avoir des compétences linguistiques. La lecture doit être agréable. On doit lire ce qui est utile, et exploiter plutôt ce qu’on lit. La vitesse de lecture d’un bon lecteur est nettement supérieure à celle de la lecture orale ou au débit d’articulation pour une langue donnée. De 130 à 150 mots/minute, de 390 à 450 mots/minute sont respectivement la vitesse d’articulation et la vitesse d’un bon lecteur en

« français ». De 95 à 105 mots/minute, de 285 à 315 mots/minute sont respectivement la vitesse d’articulation et la vitesse d’un bon lecteur en « arabe » [3].

2. Les méthodes de lecture chez les élèves

Dès l’âge de deux ans, l’enfant acquiert l’usage de symboles qui est la capacité d’utiliser des ensembles différenciés et conventionnels de signes pour s’exprimer. Cette fonction symbolique se construit jusqu’à l’âge de 7 ans par le développement du langage, du jeu, de l’imitation, du dessin [4].

2.1. Méthode « sons contre lettres »

Cette méthode utilise les sons contre les lettres. En France, depuis les années 50, les instituteurs appliquaient, pour des raisons idéologiques obscures, la méthode globale, ou semi-globale, plutôt que la méthode traditionnelle, dite syllabique, qui a pourtant fait ses preuves chez plusieurs générations d’écoliers. La méthode syllabique va du simple au complexe. C’est d’abord l’étude des lettres qu’on associe ensuite en phénomène (b, a, ba), pour former des mots, puis des phrases. Quant à la méthode globale, elle procède par une décomposition postérieure de l’acquisition globale de la phrase, c’est-à-dire, qu’on apprend d’abord à entendre les divers sons qui la composent, pour ensuite les disséquer un à un.

2.2. Méthode à inspiration égyptienne

Cette méthode a deux graves inconvénients, souvent dénoncés par les parents et les pédagogues avertis. Une fois le son enregistré, l’enfant s’estime satisfait et ne se préoccupe plus de savoir comment il s’écrit. Ainsi, quand il entend le son « dan », il l’écrira, au hasard, dent, dans ou dant. Les élèves formés à cette méthode remettent des copies d’examens truffées de fautes d’orthographe. Faute d’un apprentissage des lettres et des phonèmes, l’enfant sujet à la dyslexie, verra ses troubles s’aggraver. Expérimentée avec succès dans les années soixante-dix, la méthode Bordesoules facilitait l’apprentissage de la lecture à l’école primaire des élèves « normaux » et des élèves atteints de dyslexie, des élèves qui ont tendance à lire de travers [4].

Elle est une variante de la méthode syllabique qui consiste à habiller chaque lettre du mot étudié avec un dessin représentant un objet ou un personnage, et à raconter une histoire en suivant l’ordre. Pour suivre la logique de l’histoire, l’enfant est donc obligé de lire des lettres dans le bon ordre, ce qui l’amène à lire et à écrire le mot correctement. La méthode s’apparente à l’ancien égyptien, où les mots sont imagés par des pictogrammes. Dès qu’on ignore le sens de l’un de ces signes, la phrase devient incompréhensible.

(3)

18

2.3. La lecture coranique

Pour apprendre le Coran, dans les mosquées et les écoles coraniques, la lecture se fait à haute voix et tôt dans la journée. C’est une lecture qui mémorise les sons. Les musulmans psalmodient le Coran. Par contre, les religieux chrétiens du Moyen âge mâchonnaient les paroles divines.

On pouvait observer un prêtre lisant son bréviaire à voix basse. Certains lecteurs de livres sacrées telles la Bible et le Coran, chuchotent et ne font pas une lecture visuelle. Parfois, ce chuchotement entrave la bonne lecture. Il est préférable de repérer auprès des enseignants des premiers cycles de l’éducation toutes les méthodes de lecture aux résultats probants et de les proposer aux autres enseignants pour adoption éventuelle sans contraintes.

3. La lecture visuelle dite aussi silencieuse

Les êtres humains ont dans chaque oreille une cochlée qui filtre les bruits. Elle nous permet d’avoir une conversation dans un brouhaha. Si on l’enregistre, on entend tous les bruits et on ne peut pas distinguer les conversations. Les chercheurs ont, longtemps, négligé la musique des mots qui résonne dans notre tête lorsque nous lisons en silence. Elle serait pourtant essentielle à la compréhension d’un texte. Mieux, elle faciliterait l’apprentissage de la lecture…Avez-vous écouté votre petite voix intérieure ? Avez-vous prêté attention à cette sonorité virtuelle que vous êtes en train de faire résonner dans votre tête si vous lisez un texte en silence ? [5].Les scientifiques, en tout cas, commencent enfin à le faire. Notre petite voix intérieure livre ses secrets. Enfin, car cette petite voix intérieure ne fut longtemps rien d’autre pour eux qu’un simple reliquat de l’apprentissage de la lecture, un « effet phonologique » marginal et sans grand intérêt induit par notre habitude acquise dans l’enfance de lire à voix haute. A tort, révèlent aujourd’hui plusieurs études menées, ces dernières années, aussi bien par des neurologues que par des psychologues. Car ces travaux en témoignent sans la moindre ambigüité : la lecture silencieuse est essentielle dans notre rapport à l’écrit. Elément de la lecture experte, elle est même au cœur du développement de processus cognitifs spécifiques qui permettent d’associer automatiquement un sens à des formes tracées sur le papier. Pas moins.

Cette importance de la lecture silencieuse est pourtant connue depuis longtemps. Mais les historiens l’ont, eux aussi, sous-estimée : pour expliquer sa généralisation dans la civilisation occidentale à partir du VIe siècle, ce sont des raisons extérieures au processus lui-même qu’ils avancent. Des raisons pratiques (les moines copistes se devaient de travailler sans bruit), philosophiques (la lecture individuelle est plus propice à la méditation) et techniques (l’introduction au VIIe siècle d’un espace entre les mots facilite la lecture silencieuse).

4. Contributions de cinq chercheurs sur la voix intérieure/Recherche bibliographique

Grâce à l’imagerie cérébrale, des recherches en neurologie montrent que l’activité cérébrale diffère entre lecture silencieuse et lecture à haute voix [7].

(4)

19

a. SemenovitchVygotsky(1934) : « tout acte cognitif a d’abord une fonction sociale avant d’être intériorisé » telle est la théorie de ce sociologue soviétique. Par ses travaux, il a démontré que les enfants apprennent à parler pour entrer en contact avec les autres avant d’intérioriser le langage et de se parler à eux-mêmes. « L’internalisation apparaît seulement après de nombreuses opportunités d’apprentissage ».

b. Suzanne Prior et Katherine Welling (2001). Elles sont chercheuses en psychologie à l’université de Fredericton au Canada. Elles démontrent que la lecture silencieuse ne se développe qu’après la lecture à haute voix [6]. Elles ont repris la théorie de Vygotsky.

La lecture silencieuse relève du même processus : on lit d’abord à haute voix pour les autres (pour l’instituteur, par exemple), avant de lire en silence pour soi-même, ce passage à la lecture silencieuse ne se faisant qu’après avoir acquis les automatismes de la lecture oralisée. Sauf que ce passage est un processus plus complexe que prévu.

« Trois ou quatre années de lecture ne constituent pas un temps suffisant d’exposition à la lecture pour que l’intériorisation ait lieu ».Les bons lecteurs exploitent la transformation de leur perception. Il suffit de s’observer lire en silence pour se rendre compte que la lecture devient partielle, prédictive et donc plus rapide, en fait, on ne lit plus tous les mots, on en anticipe certains…

c. Cathy Price(2002), de l’institut de neurologie de Londres, elle a montré en 2000 et grâce à l’imagerie cérébrale que l’activité cérébrale diffère entre lecture silencieuse et lecture à haute voix, alors que les zones activées sont, à peu près, les mêmes lorsqu’on lit à haute voix et lorsqu’on entend quelqu’un nous lire un texte [7]. La lecture silencieuse n’est nullement une simple copie dans notre tête de la lecture à haute voix.

d. Johannes Ziegler, chercheur en psychologie cognitive à l’université de Provence (2005). En quoi consiste cette transformation de la perception ? Selon des expériences menées, la clé tient à l’accès à la forme sonore des mots. Il a montré que l’information phonologique influence la lecture de façon automatique et quasi irrépressible [8] et que le lecteur expert entend dans sa tête de façon irrépressible la « petite musique des mots ».En lisant en silence, on traduirait donc instinctivement les graphèmes en phonèmes. Les lettres écrites sur du papier deviennent un bruit virtuel, celui produit si elles avaient été lues à voix haute. Et c’est par l’analyse de cette musique virtuelle que le sens est attribué aux mots. Il souligne que tous les résultats indiquent que la petite voix n’est pas un épiphénomène, mais joue un rôle central dans la lecture experte.

e. Laurence Paire-Ficout, chercheuse en psychologie cognitive (2003) au laboratoire

« perception, cognition et handicap » de Lyon [9, 10] a rapporté que des découvertes sur la voix intérieure par des spécialistes de la surdité confirment qu’il est difficilement envisageable de se passer de la phonologie dans l’apprentissage de la lecture et de traiter des mots comme des images. Il en est de même pour les dyslexiques.

5. Les difficultés rencontrées lors de l’apprentissage de la lecture

Johannes Ziegler [5] précise que compte tenu de l’utilisation automatique de cette petite voix, il apparaît évident que ceux qui ne savent pas ou ne peuvent pas l’utiliser ont des difficultés

(5)

20

dans l’apprentissage de la lecture. Cela expliquerait pourquoi les sourds ont tant de mal à apprendre à lire. En effet, si la lecture était seulement liée à l’œil, ceux qui présentent des facilités pour certaines tâches visuelles devraient apprendre facilement à lire ; ce qui n’est pas le cas. La clé de la lecture n’est pas dans le son.

La dyslexie correspond à une déviance développementale et non à un simple retard d’apprentissage. Cette assertion est confirmée par Liliane Sprenger-Charolles, psycholinguiste à l’université René Descartes de Paris, spécialiste de la dyslexie. On peut citer l’exemple de l’écrivain français Gustave Flaubert [5]. Sa dyslexie, l’empêchait d’accéder facilement à la forme sonore des mots. Il avait l’habitude de lire à voix haute ses textes ou plutôt les hurler dans une pièce qu’il appelait « gueuloir » afin d’en juger. En effet, d’après Liliane Sprenger-Charolles, « il est probable que le grand écrivain éprouvait ce besoin parce que, comme la plupart des dyslexiques, il n’avait pas accès très rapidement et automatiquement à la forme sonore des mots…"

Conclusion :

L'activité de lecture est indispensable à la maîtrise de l'écriture et à celle de l'orthographe car elle fournit, en situation, des représentations des normes écrites. L’apprentissage de la lecture est une reconnaissance sociale, culturelle et professionnelle. Il y a même une joie de savoir lire et écrire. La « National Reading Panel » est une commission commanditée par le parlement américain, elle a conclu en 2000 que le recours au décodage syllabe par syllabe dans les premières étapes de l’apprentissage est la condition sine qua non pour accéder à une lecture fluide.

Si on prend l’exemple de la France, cette méthode a été bannie dans les années 70 sous prétexte que les enfants ne comprenaient pas ce qu’ils lisaient. Puis, les méthodes globale, semi-globale ou mixte se sont succédé. Le son, le décodage syllabique, est essentiel dans la lecture. Les mots ne s’assimilent pas à des images. Mais la méthode globale, une fois encore, a été abandonnée. Il faut apprendre aux enfants que B et A font BA. Les nouvelles méthodes de lecture incitent l’élève à déduire de l’observation d’un mot quel son il produit. Enfin, la loi de 1989 interdit de faire lire les enfants à voix haute. Le passage à la lecture silencieuse est progressif.

La relecture d’un texte, avant envoi ou impression, aurait de surcroît débarrassé une contribution de trop nombreuses coquilles et d’embarrassantes fautes d’arabe ou de français.

Références

1. Beaume, E. La lecture. Préalable à sa pédagogie. Association française pour la lecture. Paris, 1986.

2. Collectif sous la direction de J.P.Martinez, G. Boutin et A. Jeannel. Une évaluation d’aujourd’hui pour demain. Les recherches enseignées en espaces francophones. Chapitre 4 : Deux conceptions d’analyse de l’évaluation des difficultés de l’acte de lire, par J-P Martinez. Les Editions LOGIQUES, 2002.

(6)

21

3. Abdelhouahed El Azhari. L’art de communiquer avec les autres. Edition E.A.C, le Caire, Egypte, 2005.

4. Pierre Rossion. On a perdu la méthode de lecture ! Science & vie, N° 942, Mars 1996, pp.104-111.

5. Coralie Hancok. Notre petite voix intérieure commence à se faire entendre. Science & Vie, Décodage, en progrès, №1053, Juin 2005, pp.71-75.

6.Suzanne M. Prior and Katherine A. Welling. Read in your head: A Vygotskian analysis of the transition fromoral to silent reading. Reading Psychology, 22 Taylor & Francis: 2001, pp.

1–15.

7. Cathy J. Price. Review, The anatomy of language: contributions from functional Neuroimaging.

Journal of Anatomy (2002) 197, pp. 335-359.

8. Ziegler, Johannes C.; Goswami, Usha. Reading Acquisition, Developmental Grain Size Theory.Psychological Bulletin, Vol 131(1), Jan 2005, pp. 3-29.

9. Paire-Ficout Laurence, Colin Stéphanie, Magnan Annie et Ecalle Jean. Les habiletés phonologiques chez des enfants sourds prélecteurs = Phonologicalabilities in deafprereaderchildren.

Revue de neuropsychologie, 2003, vol. 13, no2, pp. 237-262.

10. Maud Ranchet, Laurence Paire-Ficout, Claude Marin-Lamellet, Bernard Laurent et Emmanuel Broussolle. Impaired updating ability in drivers with Parkinson's disease

J Neurol Neuro surg Psychiatry doi:10.1136/jnnp.2009.203166.

Références

Documents relatifs

On devinera pourquoi je publie d’abord ce livre ; il doit éviter qu’on se serve de moi pour faire du scandale… Je ne veux pas être pris pour un saint, il me

- susciter l’imaginaire. A la fin de cette journée, l’enseignant donnera à chaque stagiaire une partie d’un livre dont il devra préparer la lecture enregistrée lors du 7ème

a) La page étant devant l'enfant, lui demander de lire une ligne qui commence par exemple par D ou d. L'enfant cherche et lit. Inverser les rôles... b) Même exercice mais

16 On peut affirmer que la lecture à voix haute est écriture qui se voit et s’écoute et comme telle, elle ajoute d’autres possibilités de compréhension à la

Pour préparer la lecture à haute voix d’un texte, je dois penser à :.. Bien connaitre le texte pour ne pas trop avoir besoin de

3/ Pour donner à entendre son texte : le lecteur lit à haute et intelligible voix, place sa voix, adapte son intensité à l’auditoire et à l’espace, utilise son souffle.. 4/

Introduire le tiers du texte littéraire, c’est par la lecture bâtir une relation triangulaire, c’est-à-dire permettre la construction d’un sens par le détour

Pour Stéphanie, « le public vient pour partager quelque chose dans une expérience commune, mais ce n’est pas du théâtre, c’est une expérience de lecture ; cette expérience