FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1898-1899 I»■ S
ÉTUDE DE PATHOLOGIE OCULAIRE INFANTILE
DANS L'HYPERMÉTROPIE ET LA MYOPIE
Considérationset recherches sur leur existenceetle rôle qu'ils peuvent jouer dans le diagnostic etla mesure de ces amétropies.
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 11 Novembre 1098
PAR
Claudius-Marie-Joseph GRANGE
Né à Saint-Sympho rien-de-Lay (Loirej, le 16 Avril 1877.
Élève du Service de Santé de la Marine
Examinateurs de la Thèse :
MM. BADAL professeur Président.
MOUSSOL'S professeur....\
LAGRANGE abrégé / Juges.
MOURE chargé(lecours)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les
diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-D1JEAUX — 91 189H
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIÀS,doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. MIGÉ \
DUPUY (
Pr0^esseurs honoraires.
Moussôiïs.'.'.!!!'.!!!.! )
MM.
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Clinique interne j PITRES
„.. .
, ^ DEMONS.
Clinique externe..
MM.
Médecinelégale MORACHE.
Physique
BERGONIÉ.
Chimie BLAREZ.
Histoire naturelle ... GHILLAUD.
Pathologie et tliéra- Pharmacie.. FIGUIER.
peutique générales. VERGELY. Matièremédicale... . de
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Thérapeutique ARNOZAN. Médecine expérimen-
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Anatomie BOUCHARD. fants
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Physiologie JOLYET. maladies des entants
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srotion demédecine (Pathologie interneetMédecine Légale.)
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section de chirurgie et accouchements
IMM. CHAMBRELENT '/ FIEUX.
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IMM. B1NAUD. j
^cc0llchements.Pathologieexternes BRAQUEHAYE | ( CHAVANNAZ. |
section des sciences anatomiques etphysiologiques
JMM. PRINGETEAU | Physiologie MM. PACHON
"
CANNIEU. Histoirenaturelle BEILLE.
Anatomie..
section dessciences physiques MM. SIGALAS. I Pharmacie...
Physique
COURS COIIPIÉME M T AIRES Clinique desmaladies cutanées et syphilitiques MM
Clinique desmaladies des voies urinaires
Maladies du larynx, desoreilles etdunez Maladies mentales
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Pathologie externe Accouchements..
Chimie
Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
Conférence d'Hydrologie etMinéralogie
Le Secrétairedela, Faculté:
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MOURE.
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RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
CANNIEU.
LAGRANGE.
CARI.ES.
LEMA1RE.
Pardélibération du 5 août 1879, laFaculté aarrêté que les opinions émises dans les
Thèsesqui luisontprésentées doivent êtreconsidérées commepropres à leurs auteurs, et
qu'elle n'entend leurdonner niapprobation ni improbation.
A mes parents,
A tous ceux qui m'ontun peu aimé ou témoigné quelque intérêt,
A mes maîtres, etparticulièrement à M. le Professeur agrégé LAGRANGE, médecin oculiste à l'hôpital des En¬
fants, chirurgien des Hôpitaux, qui m'adonné Vidée de ce travail,
Et à mon président de thèse, M. le professeur BADAL, professeur de clinique ophtalmologique à la Faculté de Médecine, chevalier de laLégion d'honneur, officierdel'Ins¬
truction publique,
Jedédie ces (quelques pages.
Ce queje suis, cequejesais, je le leur dois.
C. G...
Bordeaux, 21. octobre 1898.
Que M. leprofesseur agrégé LAGRANGE veuille croire à
notre bien vive reconnaissance. C'est lui qui nous a donné
Vidée de ce travail, c'est à sa consultation que nous avons
pris la plupartde nos observations, mais c'estsurtoutlui qui
nous aenseigné les premiers éléments de Vophtalmologie,
nous donnantun peu de son amour pour cettescience.
C'est avec un grand regretque nous quittons ce maître affectueuxet dévouépour tous, toujours si heureux d'ins¬
truire, de convaincre, relevant avectantde bonté les moin¬
dres défaillances, encourageant avec tant d'ardeur les
moindres efforts, qu'on ne pouvait à son contact qu'aimer
cettesciencequ'il aimait.
En nous indiquantcesujet, il s'attendait peut-être à le voir
mieux traiter : si nous nepouvons répondre de l'habileté de l'élève, nous pouvons au moins l'assurer de ses meilleurs
sentiments de respectueuse reconnaissance.
M. leprofesseur BADAL, au service duquel nous avons eu la chanced'être attachéquelque temps, abien voulu accepter
la présidence de notre thèse
inaugurale
;c'est
ungrand
honneurqu'il nous a fait, nous tenons à lui
adresser
nos plus vifs remerciments.INTRODUCTION
Ce qu'on entend généralement par spasmes du
muscle
ciliaire. Raisons d'être. Délimitation et divisions de ce
travail.
On entend parspasme du ciliaire
la contraction soutenue
et involontaire de ce muscle produisant une
augmentation
de la réfringence et de la réfraction
statique de l'œil
;le
cristallin, par le relâchement de
la
zonede Zinn, étant
amené à reprendre du fait de sa
seule élasticité son maxi¬
mum deconvexité.
On nommeencore cesspasmes spasmes
de l'accommoda¬
tion, en ne considérant que
le résultat le plus net de leur
existence; spasmes du
muscle de Brûcke,
enprécisant la
partie du muscle
ciliaire contractée.
On les diviseen :
A) Artificiels (dus
à l'action des myotiques);
B)Morbides.
Lesspasmes morbides
sont
:1°Ou bien liés à un étatanormal de la
réfraction (hyper¬
métropie, myopie,
astigmie), appelés quelquefois alors
idiopathiques;
2° Ou rattachés à une lésion
inflammatoire de l'œil,
sesannexes, ou même à desaffections
extra-oculaires (*), et dits
sympathiques.
(i) Les maladiesinfectieuses,même
les plus banales (grippe, influenza),
peuventamener desspasmes toniques du
ciliaire. (Voir la très curieuse obser¬
vation de H. Dor,Lyon médical, 13 avril 1890.)
— 10 —
Alors que le spasme artificiel est toujours tonique, le spasme morbideest cloniqueou tonique. Clonique« lorsqu'il
se produit d'une façon intermittente avec la fixation, le désir de la vision nette; il esttonique lorsque la crampeciliaire est permanente et ne cèdequ'aux mydriatiques (1). »
Quant aux spasmes volontaires, dpnt quelques rares ob¬
servations ont étépubliées (2), ils forment une classe absolu¬
ment à part.
Les spasmes toniques liés à l'hypermétropie et à la myopie font seuls l'objet de ce travail.
Rien ne semblait plus sûrque leur existence, admise de¬
puislongtemps, affirmée parune longue suited'ophtalmolo¬
gistes, et il neserait pas nécessairede prouver qu'ilsexistent réellement, si, à plusieurs reprises et tout récemment encore,
unauteurd'une grande science, Tscherning,n'eût nettement formulé des doutes à cetégard.
Du reste, personne, croyons-nous, n'a jusqu'ici recherché d'une façon précise dans quelle mesure exacte il faut en tenir compte dans le diagnostic et fa mesure de l'hypermé¬
tropie et de la myopie.
Ce sontces deuxquestions importantes : de l'existence des spasmes toniques du muscle ciliaire dans
l'hypermétropie
et la myopie et de leur rôle dans le diagnostic et la mesure de ces amétropies chez l'enfant, que sous l'inspiration de 'M. leprofesseur agrégé Lagrange et sous sa direction nous avons tâchéde résoudre.
Dans la première partie de ce travail nous exposons ra¬
pidement comment on explique généralement l'apparition
etle développement du spasme dans l'hypermétropie et la myopie, comment Tscherning au contraire met en doute leurexistence et de quelle valeur sont ses arguments, com-
(!) Lagrange, Anomalies de la vision etde la réfr.,p. 170,
(s) Tokarskia rapporté à la Société des Neuropathologistes de Moscou deux observations très curieuses de spasmes volontaires. (Voir Rev. yen.
d'.oplit., 1896, p. 413.)
— 11 —
ment enfin se posent nettement les questions que nous vou¬
lons résoudre.
Dans la deuxième, nous examinons la valeur respective,
pour l'application que nous en
voulons faire, des divers
pro¬cédés en usage pourla détermination de la réfraction
stati¬
que. Pour avoir un procédé
très simple à la fois et d'une
grande précision, nous croyons devoir nous
servir de l'opto-
mètre deM.Badal,trèslégèrementmodifiéd'après les indica¬
tions deTscherning et suivant lesconseils de M. Lagrange.
Nousexpliquons dans notre
troisième partie
enquoi
con¬siste exactement cette modification, comment nous avons ensuite choisi nos sujets d'observation, comment nous
avons conduit nos mensurations.
Dans la quatrième enfin, nous exposons en
les analysant
les résultats auxquels nous sommesarrivé.
Nous devons remercier ici toutes les personnes qui ont
bien voulu s'intéresser à nos recherches. Nous avons dit
combien M. le professeur agrégé Lagrange a droit
à
notrereconnaissance. M. le Dr Cabannes, oculiste adjoint à l'hôpital des Enfants, a mis à notre
disposition
avecbienveil¬
lance les maladesqui, se présentant à sa consultation, pou¬
vaient nous être utiles dans nos recherches, nous lui
adressons ici tous nos remerciements. Enfin nous n'oublie¬
ronsjamais la complaisance queM.
le
DrCosse
atoujours
eue pour nous, nous aidant souvent
dans nosTnensurations.
PREMIÈRE PARTIE
Comment presque tous les ophtalmologistes ont
admis
et expliqué la présence du spasme tonique duciliaire dans
l'hypermétropie et la myopie ,particulièrement chezl'en¬
fant ; comment,aucontraire, Tscherningmet endoute leur
existence; commentse posentexactementles questionsque
nousvoulons résoudre.
CHAPITRE PREMIER
Explication courante de l'existence du spasme dans l'hypermétropie
Leraisonnement qui sert à tousestsimple.
L'œil hypermétrope, toujours en déficit
de réfringence,
cherche naturellement, pour avoir sur sa rétine des images nettes, à suppléer à la faiblesse de cette réfringence par un effort d'accommodation, demandant à son
muscle
ciliaire lenombre de dioptries qui lui manque. A chaque
effort de
vision, à plus forteraison chaque fois qu'il faut
travailler
de près, le ciliaire entre en contraction.
L'accommo¬
dation est tendue chaque jour pendant nombre d'heures;
les individus jeunes, douésd'une accommodation
puissante
et complaisante, finissent par ne plus
la relâcher complète¬
ment: le spasmeest établi.
Plusieurs cas seprésentent alors :
1° Oubien le spasme ne neutralise pas entièrement l'amé-
tropie : le sujet reste hypermétrope, mais d'un degré
moindre; le spasme ayant établi à côté del'hypermétropie
manifeste nouvelle (Hmj une hypermétropie latente (Hl)
diminuant d'autantl'hypermétropie totale (Ht) (1).
2° Ou bien le spasme neutralise exactement famétropie; l'œil paraît emmétrope (2).
3° Ou enfin, abusant de l'élasticité du cristallin, le ciliaire
vaplus loin, se laisse entraîner à ajouter à la réfraction statique en défaut plusde dioptries qu'il ne lui en manque pour être normale, créant ainsi un véritable état myopique amélioré par desverres, une myopie apparente qui simule à s'y méprendre la myopie vraie (3).
La fréquencedecesspasmes ne peut qu'être très grande, si l'on songe que tous lesenfants naissent hypermétropes, que tous le demeurentjusqu'à l'âge de huitans aumoins (4), que
(!) Au lieu de Hl= Hm (en représentant par Hm l'hypermétropie mani¬
festeprimitive qui existait avant l'établissement du spasme) nous avons maintenant Ht= Hm' -g Hl.
(2) Nous avons au lieu de Ht= Hm,
Ht = Hl, Hm= 0
(3)Signalons à ceproposl'observation deHiggens (voirBrit. med.Journ., 24 av. 1880) qui, résuméeci-dessous, estdu resteunedes trèsraresobserva¬
tions de spasmetonique qui nous ait parue soigneusement consignée. Chez
unejeune fille de treize ans,hypermétrope de 3,5 D., la réfractionse trans¬
forma en myopie de 4 D., soit un écart déplus de 7 D., par le fait d'un spasme de l'accommodation. L'examen objectif à l'ophtalmoscope démon¬
traitlamyopie dans les deuxyeux (Traitement: atropine, repos, puisverres
convexes).
fi) Ainsi qu'il résultedes recherchesdeColin,Erismann,Schleich, Conrad, Emmert, Pfliigger, Laqueur, etc. — L'œil hypermétrope représente une modalitéphysiologique (Panas);l'emmétropie et la myopie n'étant que des degrés plus avancés de l'évolution del'œil, que la conséquence de la loi généraled'adaptation denos organes aux fonctions qu'ilsexercent habituel¬
lement. (Voir à ce sujet Giraud-Teulon: La Vision, p. 206; L'Œil, p. 87.
Imbert: Les Anomalies de la Vision, p. 58. Haltenhoif : Communie, au
Congrès de Genève 1877, etc., et surtout l'intéressante communication de M. Motais à la Société franc, d'opht. (mai 1891) surlaréfraction chez les animaux.)
— 15 —
tous ont à leur disposition un muscle ciliaire jeune, d'une docilité remarquable, un cristallin parfaitement élastique,
réunissant ainsi toutes les meilleures conditionspour avoir
des spasmesde l'accommodation. Aussi, « chez l'homme », à plus forte raison chez l'enfant, « l'emmétropie constitue l'exception, et l'on peut affirmer que la plupart des yeux réputés normaux rentrent dans les faibles degrés de l'hyper¬
métropie (*).»
Cependant dans quelle mesure exactement faut-il encore compter avecle spasme? C'est ce que nous tâcherons d'éta¬
blirquand nous aurons sûrement démontré leur existence.
p) Panas, Traitédes Maladies des Yeux, p. 151.
CHAPITRE II
Le spasme peut précéder et déterminer la myopie vraie.
Commentils'installe ensuite pour lacompliquer.
Cette myopie apparente, factice (Imbert), établie chez un
hypermétrope, ainsi que nousvenons de le voir, ou même
chez un emmétrope, le plus souvent alors à la suite d'un
travail prolongé (lecture, écriture, couture, gravure, obser¬
vation au miscrocope....,) effectué à trop petite distance et exigeant par suite des efforts exagérés d'accommodation (Imbert), peut n'êtreque lepremier stade, le point de départ
d'une myopie vraie (*).
« Le spasme de l'accommodation, nousditFuchs(2),est une
affection qui disparaît spontanément lorsque, par l'âge, l'amplitude de l'accommodation diminue.En attendant il peut
avoir occasionné ledéveloppement d'une vraie myopie. » Ce fait doit entrer pour unepart dans les diminutions, que Ton peut constater souvent, de la myopie avecl'âge.
Des affirmations aussi précises sont portées parde Wecker
etMasselon (3) et bien d'autres auteurs.
Giraud-Teulon proclame même la fréquence de ces cas.
« Dans ces derniers temps, dit-il, l'observation du début de
la myopie dans les écoles a conduit quelques ophtalmolo-
(1) Sur l'influence del'éclairage dans la genèsedes spasmes de l'accom¬
modation qui précèdent etdéterminent la myopie. (Voir la communication de M. Vignes au XIe Congrès de la Soc. franc, d'opht., Paris, mai1893.)
(2) Fucus, Manuel d'oplit. (Trad. Lecompte etLeplat.),p. 769.
(3)De Wecker etMasselon, Traité d'opht., p. 916,
_ 17 -
gistes distingués à admettreque la myopie passe souvent, avant d'entrer dans la phase des altérations anatomiques,
par unepériode caractérisée par une simple crampe accom- modative. Cette remarque estfondée; nous avons eu bien des occasions d'en constater lajustesse.... Et ce n'est pas seule¬
ment l'œil emmétrope qui se transforme ainsi, les cas ne sont pas rares où une légère hypermétropie congénitale donne lieu elle-même à la formation d'unemyopie finale et progressive(1). »
M. Martin est encore plus absolu : « Le travail fait appa¬
raître chez les sujets prédisposées par le tempérament un spasme du muscle ciliaire, et c'est ce spasmequi conduit à la myopie axile. Mes recherches me permettent d'affirmer
quele spasme est constantau début des myopies (2). » Comment se fait cette transformation de la myopie appa¬
rente en myopie réelle, ferme (Giraud-Teulon)? Comment de
telles modifications anatomiques irrémédiables peuvent- elles ainsi être déterminées par un simple spasme du ci¬
liaire ? C'est là un point encoreobscur, les auteurs se bor¬
nant à affirmersimplement le fait.
Parcontre,les explications abondent, ingénieuses et pré¬
cises, qui nous montrent comment le spasme du ciliaire
vientcompliquer la myopie vraie.
Le myope, moins que tout autre, semblerait devoir être atteintdespasmederaccommodation: « Les conditions même
de la vision distincte dans la myopie semblent réduire à peu
d'importanceles efforts d'accommodation(3)».Il n'en est rien.
« Il est possible que les myopesaccommodent souvent plus qu'on nele croit(4j.Dans les faiblesdegrés, ilstravaillentsou-
(Ù Giraud-Teulon, L'Œil,p. 89.
(2) Compte rendu du 11e Congrèsde la Soc. franc, d'opht. (Arch. d'opht.
1893, p.435).
(3) Piîrrin, Traité prat. d'opht., etc. (Vision desmyopesj.
p) Voir entre autres : Fukala, Oh the injurious influence of the accom¬
modation uponthe increase of myopia of the highest degree {The Amer.
J. ofopht., mars 1891).
Gr. 2
vent endeçà de leur remotum. Quant aux
forts degrés, d'au-
trescirconstancespeuvent amenerune
accommodation
asseznotable. Javal (l) a fait remarquer
qu'un œil
myope nepeut
pas être au pointà la fois pour
les extrémités de la ligne
d'un livre. Si la myopie estde 10 D.,la
longueurde la lignede
10 centimètres, et si les extrémités de lalignesont vues
nette¬
ment,sansaccommodation,lemalade est
obligé d'accommoder
de 2 D. environ, enlisantlemilieu, à moins
d'imprimer
aulivre ou à la tête des mouvements perpétuels pendant la lec¬
ture, ou dese contenter de voir diffusément une
partie de la
ligne (2). »
D'autres causes le poussentà accommoder.
Approchant de
son œil l'objetqu'il veut voir distinctement,
le
myope,tant
qu'au moins il a conservé la
vision binoculaire, abuse
sanscesse de sa convergence; or, convergence et
accommodation
sont deuxfonctions trop étroitementliées pour que conver¬
geant beaucoup il n'accommode pas unpeu.
Peut-être
encore,et autantpourréagir contre
l'intensité d'éclairage des objets
ainsi rapprochés que pour diminuerles
cercles de diffusion,
contracte-t-il sa pupille, cligne-t-il des
paupières, entraînant
son ciliaire dans une contraction parallèle(3).Enfin,ilaccom-
modeavec d'autant plusde facilité que, à moins
qu'il n'ait
une acuité visuelle très faible, plus il a des images petites et
nettes plus il améliore sa vision.
Des faits d'un autre ordrepeuvent déterminer le spasme : la position de la tête, penchée en
avant, et tout
cequi peut
exagérer la tension vasculaire sanguine ou
créer
unétat
d'impressionnabilité trop vive
(fatigue et travail prolongé,
pression exercée par les
muscles extrinsèques pendant la
convergence, etc.). Aussi, « il n'est pas
rare.de le rencontrer
pendant la période d'irritation et
de progrès de la myopie.
L'organe étant très impressionnable,
l'état d'hyperhémie des
(') .Javal, Essais surlaphysiol. de la lecture (Ann.
d'ocul., 1877-78-79).
(2) Tscherning, Opt. physiol. (Notede la p. 82).
(a) Voir Février,Iuliuence del'orbiculaire des paupières sur la réfraction
de Foeil(Ann. d'Ocul., t. GIX, f 1).
— 19 —
membranesintra-oculaires se propage aisément à l'appareil ciliaire, surtout si un travail considérable et un mauvais
éclairage entretiennent cet appareil dans un état de tension nul (1). »
11 est clair qu'un spasme établi dans de telles conditions
ne peut que précipiter la marche de la myopie, en faciliter
la progression; n'est-il pas du reste la preuve, la mesure môme du peu derésistance de l'œil aux diverses modifica¬
tions pathologiques?
En résumé, nous ne manquonsdoncpasd'arguments pour
expliquer comment le spasmedu ciliaire vient compliquer la myopie. Mais dans quelle mesure exacte la complique-t-il ?
on s'accordegénéralement à lui prêter moins d'importance
ici que dans l'hypermétropie ; aucune statistique ne l'établit cependant, fixant ses limites dans l'une etl'autre amétropie.
Nous tâcherons de les établir après avoir tranché la question de leur existence, qui se pose tout d'abord.
(') Perrin, Traité pratique d'ophtalmologieet d'optométrie, p.440.
CHAPITRE III
Comment tscherning met en doutel'existence des spasmes
toniques du ciliaire. comment se posent nettement les
questions quenous voulons éclaircir.
Tscherning, en effet, à plusieurs reprises et dans
plusieurs
de ses travaux émet des doutes sur leur existence. Mais
avantd'aller plus loin, devantla confusionqui parait
exister
entresles auteurs surla façon de comprendre les spasmes du ciliaire, nous croyonsdevoir nous expliquer très exacte¬
mentsur cequeTscherning entend, sur ce que nous enten¬
drons donc avec lui,afin de réfuter sesopinions, par spasme tonique du muscle ciliaire.
Beaucoup d'auteurs confondent le spasme tonique et le
spasme cloniquesous le terme général et unique despasme
de l'accommodation. Ce spasme de l'accommodation repré¬
sente pour eux la différence que l'on constate entre deux
déterminations de la réfraction statique, l'une subjective,
l'autre faite à la chambre obscure à l'aide de l'ophtalmos-
cope ou même après l'instillation dequelques gouttes d'un collyre à l'atropine. Cette atropinisation, disent-ils alors, ou bien ne nousapprend rien de plus quel'examen objectif à la
chambre obscure, ou, si elle paraît plus exacte, diminuant
encore un peu le degré de la réfraction statique, n'y arrive qu'en supprimant le tonus du ciliaire. Ils n'ont, en réa¬
lité, mesuré que lespasme clonique avec tout au plus une fraction du spasme tonique quand ils ont instillé un peu d'atropine.
- 21 —
Il importe, eneffet, de distinguer nettement lespasmeclo- nique du spasme tonique. Le spasme clonique est facile à évaluer, il suffît de comparer l'examen subjectif de la
réfraction avec l'examen objectif fourni par l'ophtalmos-
cope. « Toutefois, si le spasmeest non clonique et seule¬
ment sollicité par l'application des yeux, mais tonique
et permanent, le relâchement de l'accommodation ne se produira pas pendant l'examen oplitalrnoscopique, et il fau¬
dra nécessairement, pours'éclairer sur la véritable réfrac¬
tion de l'œil examiné, paralyser préalablement le muscle
ciliaire ». Si, eneffet, « le spasmeclonique cesse très faci¬
lementpendant l'examen oplitalmoscopique à la chambre
noire, il n'en est pas ainsi duspasme tonique, qui constitue
une véritable affection... et necède qu'aux mydriatiques(2).» C'est cespasmetonique tel que nous venons de le délimi¬
ter(c'est-à-dire cette contraction du ciliaire qui ne cède qu'à l'atropine)queTscherning met en doute, c'est de lui seul
que nous nous occuperons ici.
Tscherning, avons-nous dit, émet à plusieurs reprises et
dans plusieurs travaux des doutes sur son existence. Nous
lisons eneffet dans un travail datant déjà de quelques an¬
nées(3):«Dondersparlait du tonusdumuscle ciliaireetd'autres
du spasmed'accommodationpourexpliquerque la réfraction,
même chez lesemmétropesou myopes,diminueun peuaprès
l'instillation de l'atropine. L'explication est probablement,
dans beaucoup decas,à chercher dans une surcorrection de
l'aberration de sphéricité » ; il arriveà cette explication à la
suite de considérations et de recherches délicates surla ré¬
fraction des diverses parties du cristallin et des divers méri¬
diens de la cornée.
Ala suite de raisonnements sur l'astigmatisme dynami¬
té De Weckeret Masselon, Traité d'ophL,p. 930.
(3) La.gra.nge, Anomalies de la réfract. etde l'acc.,p. 170.
(3) Tscherning, Del'influence de l'aberrationde sphéricitésurla réfraction de
l'œil(Arch. d'opht.,1890,p. 445).
quedu cristallin il dit encoreC1) : « Je voudrais, de tous ces raisonnements, tirer deux conclusions pratiques, qui seront surtout utiles pour ceux qui prétendent faire des mensura¬
tions deréfraction très exactes...
» Lepremier deces conseils serait de ne pas avoir trop de confiance dans des mesures faites après instillation d'atro¬
pine. Ona souventcruobtenir ainsi des renseignements plus
sûrssur la vraie réfraction de l'œil, il n'en est rien(je fais ici
abstraction des cas où il y a une hypermétropie latente).Par la dilatation delà pupille il entre enjeu des parties des mi¬
lieux réfringents de l'œil qui, dans les circonstances ordi¬
naires, nejouent aucun rôle, et pour peu que la dilatation
soit considérable, il entre une quantité de lumière plus grande par les parties nouvellesque par l'ancienne pupille,
de façon que les réponses du malade dépendent surtout de celles-là.
»Le deuxième conseil queje donnerais serait de nejamais
baser un diagnostic de spasme d'accommodation sphérique
ou astigmate sur une diminution de réfraction ou d'astig¬
matisme,survenue après une instillation d'atropine,àmoins
des'être assuré, au moyen de diaphragmes placés convena¬
blement, que ce soient bien les mêmes parties des milieux réfringentsdont on mesurela réfraction dans l'un et l'autre
cas. »
Dans un ouvrage très récent (2), du même auteur, nous trouvons les mêmes affirmations encore plus nettement posées.
« En mettant de l'atropine dans desyeux emmétropes, on trouve souvent un légerdegré d'hypermétropie, que Donders
a voulu expliquer en admettant un « tonus du muscle
ciliaire ». Souvent aussi on voit la myopie diminuer un peu sous l'influence de l'atropine, et l'on a attribué cettediminu-
(Û Tscherning, Loc cit., p.450 et451.
(2) Tscherning, Optique physiologique.Leçons professées à la Sorbonne.
G. Carréet G. Naud, édit., Paris 1898.
— 23 —
tionà l'existence d'un «spasme de l'accommodation » qui disparaîtrait, le muscle
accommodateur étant paralysé.
» On a été conduità ces erreursparce qu'on était persuadé
quela réfraction devait
nécessairement être la même dans
tout l'espace pupillaire. Il n'en est rien:
il existe
presque toujours des différences qui sontsouvent notables. C'est
ainsi qu'il y a dans mon œil une
différence relativement
énorme, de près de 4 D., entre le bord supérieur et
le bord
inférieurde la pupille. — Lorsqu'on instille de
l'atropine, la
pupille se dilate et lapartiebasale de la cornée qui est forte¬
mentaplatie entre enjeu. Comme
l'aplatissement de
ces par¬ties est souventassez fort pour surcorriger l'aberration de sphéricité, ilse trouve que la
réfraction de
cesparties péri¬
phériques estgénéralement
plus faible
quecelle des parties
centrales. Une dilatation assez faible de la pupillesuffitpour quel'aire deces parties, qui, dans
les conditions ordinaires,
sontexclues, soit plus grande que celle de
la pupille ordi¬
naire; c'est ce qui fait juger surtout
d'après elles dans la
détermination de la réfraction (1).
» Excepté dans le cas
d'hypermétropie latente,
onobtient
donc en général une meilleure
idée de la réfraction oculaire
parl'examen ordinairesans
atropine (2)». Encore n'est-il
pas,même dans le cas d'hypermétropielatente,
indispensable de
recourir aux mydriatiques, « s'il est
souvent nécessaire de
paralyserle muscle ciliaire au moyende l'atropine,
parceque le malade a pris
l'habitude d'accommoder aussitôt qu'il
fixe un objet etqu'il ne peut pas se
défaire subitement de
cette habitude, mêmelorsqu'on met devant son
œil
un verre(1) «Admettonspar exemple quele diamètre
de la pupille soit porté de 4 à
8millimètres. L'aired'un cercles'exprimantparr*n, celle de la pupille ordi¬
naire estd'environ12 millimètres carrés et celle de la pupille dilatée de
50millimètres carrés. La pupille a parconséquent augmenté de38 millimè¬
tres carrés,soit environ dutriple de sagrandeur. Il pénètre ainsi bien plus
de lumière par ces parties périphériques; aussi n'est-il pas étonnantque ce
faitinflue beaucoup surles réponses dumalade»(Tscherning,
Opt.physiol.,
p. 121).
(2) Tscherning,Optique physiologique,p.
84
et85.
— 24 —
convexe qui devrait le dispenserde toute accommodation...
on peut souvent, en travaillant un peu avec le malade, lui faire accepter des verresde plus enplus forts. Dansla cham¬
breobscure, où le maladene fixepas,l'hypermétropiedevient
souvent manifesteen totalité, cequi permet de la déterminer
avec l'ophtalmoscope à réfractionou par la skiascopie (1). » Enfin au chapitre de l'accommodation, et parlant de ces spasmes, il dit : « Gomme nous l'avons vu, on a eu l'habitude de poser le diagnostic de spasme de l'accommodation lors¬
qu'on trouvait une réfraction plus faible après l'instillation
de l'atropine. L'existence de ce prétendu spasme, qui est toujours d'un degré très faible (0,50 à 1,50 D.) est très dou¬
teuse, puisque la diminution de la réfraction, après l'instil¬
lation de l'atropine, peut souvent être attribuable à la réfrac¬
tion plus faible des parties périphériques du systèmeoptique de l'œil (2). »
En résumé, nous voyonsdoncque Tscherning : 1° mettrès
nettement en doute l'existence du spasme tonique tel que
nousl'avons défini tout à l'heure; 2° pour lui, ce prétendu spasme est toujours d'un degré très faible (0,50 à 1,50 D.);
3° il doit être attribué à la réfraction plus faible des parties périphériques du système optique de l'œil; 4° c'est donc une erreur de croirequ'on obtientdes résultats plus sûrs sur la vraie réfraction de l'œil par des mensurations faites après
instillation d'atropine; 5° cette instillation, qui peut rendre
des services dans la détermination de l'hypermétropie la¬
tente est souvent inutile, l'examen avec l'ophtalmoscope à réfraction oupar la skiascopie conduisant souventau même résultaten relâchant aussi toute l'accommodation.
Ces affirmations s'appuient sur des raisonnements trop sérieux pourqu'on puisse immédiatement les réfuter.
Il ne paraît point douteux en effet que la pupille dilatée
rende utilisableles parties périphériques de la cornée et du
(!)Tscherning, Opt. physiol.,p. 86.
(*) Tscherning, Opt. physiol., p. 149.
— 25 —
cristallin, moins réfringentes que
les parties centrales, et
amener de ce seul fait une diminution de l'acuité, visuelle et
une diminution de la réfraction ainsi quele prétend
Tscher-
ning.
Nous savons, en effet, qu'on divise la cornée en
deux
par¬ties : 1° une partie optique
centrale, approximativement
sphérique; 2° une partie
périphérique
oubasale fortement
aplatie, moins polie et moins
régulière. Des mensurations
précises, prises à Paris par
Eulzer, Erisken, etc., détermi¬
nentles limitesetlesvaleursdioptriques decesdeux
régions
de la cornée (l) : la partie optique,
qui n'occupe qu'un tiers
dela cornée,neprésente pas do
variations de réfraction de
plus d'une dioptrie, le
méridien horizontal est
unpeu plus
grand quelevertical; cette
partie optique correspond à un
diamètre linéaire de 4 millimètres. C'est là
précisément le
diamètremoyen de l'ouverture
pupillaire; si donc le centre
de la pupillecorrespond assez
exactement
aucentre de la
cornée, l'œil, quand son ouverture
pupillaire est
moyenne,ne rend utile que cettepartie optique
régulière et assurant
dans toutes ses parties une
mensuration exacte. Mais, et
c'est ce qui a lieu toujours, au
moins dans la détermination
(i) Limites de la partie optique comparées à
celles de la cornée entière
(moyenne de24 yeux) :
Partieoptique Cornée
Endehors 16°5 44°7
Endedans 44° 40°i
Enhaut 12°5 38°5
En bas 13°5 42°2
Donc : étenduetotale dela cornée = 99°
partieoptique — = 30°soit 1/3delacornée
Leméridienhorizontalest un peuplusgrand queleméridienvertical.
Une ouverturepupillairede 4millimètres de diamètrelinéaire
correspond
à une ouverturede cornée de 20°. (Résultats des mensurations d'Eulzer,
Erisken, etc., citésparTscherning,Opt.physiol.,p. 55).
M. Burnettarrive à desconclusions identiques danssacommunication sur
la formegénérale dela cornéehumaineetsesrelations avec
la réfraction et
l'acuitévisuellede l'œil,faite àlaSociété américaine d'ophtalmologie dans
saréunion annuellede 1893.
— 26 -
de la réfraction après atropine, « si la pupille est grande, la partie basalepeutjouer un certain rôle, surtout en dedans et
en haut» (Erisken).
Quant aucristallin, il est universellement connu que sa puissance réfringente diminue du centre à la périphérie.
Ces deuxfaits, aplatissement des parties périphériques de
la cornée et diminution de l'indice de réfraction du cristal¬
lin à mesure que de son centre on gagne sa périphérie, non seulement diminuent l'aberration desphéricité de ce cristal¬
lin, mais leplus souvent la surcorrigent, donnant aux par¬
ties périphériquesdu système uneréfraction totale moindre que celle des parties centrales (Th. Young, Wolkmann, Tscherning,etc.).
En présence d'arguments aussi bien établis, il ne nous reste donc qu'à tâcher, à l'aide d'observations cliniques et de mensurations aussi exactes que possible, de résoudre, en nousmettant avecsoin à l'abri des causesd'erreursignalées parTscherning, ces deux questions qui seposent nettement, résumant toutes les discussions : existe-t-il réellement des spasmes toniques (c'est-à-dire ne cédant qu'à l'atropine) du
ciliaire? Dans quelle mesure faut-il en tenir compte dans le diagnostic et l'évaluation des amétropies ?
DEUXIÈME
PARTIEValeur pour
l'application
que nous envoulons faire
des divers procédés en usage pour
la détermination
de la réfraction statique
CHAPITRE PREMIER
Méthodesdont l'élimination s'impose (méthode dedonders
— procédé d'évaluation des spasmes d'après l'amplitude
de l'accommodation — procédé dit de l'examen a l'image renversée).
Il nous fallait choisir parmi les procédés en usage pour
la
détermination de réfraction statique; nous avons éliminé
tout d'abord, à causede leurs nombreuses imperfections,
la
méthode de Donders, leprocédéd'évaluation d'après
l'ampli¬
tude de l'accommodation, le procédé enfin dit de l'image
renversée.
D'une grandevaleur quand il s'agit
de déterminer l'acuité
apparente, la réfraction
usuelle, la méthode de Donders (*),
est au point de vuepurement
scientifique d'une très grande
inexactitude: les mensurations delà réfraction statique y sont particulièrement inexactes.
(i) Nous croyons inutile de rappelermôme trèsbrièvement en
quoi elle
consiste, c'estlà chosetrop connue.