Sur
lesprincipes de la conduite a tenir par la
République françaife & par feS Repréfentans
,a
1 égard du ci-devant Roi & de fa famille.
Imprimée par ordre de la Convention nationale.
/
ILiA
voix publique aaccufé LouisXVI;
les défenfeurs de la liberté ont vaincu celui qui vouloit la détruire ;du
trône il a pafle dansune
prifon : la nation doit prononcer fur fon fort. Repréfentans de la na- tion, nous nefommes
pas les accufateurs de LouisXVI
, mais fes juges, s’il doit être jugé: nous ne combattons plus l’ennemi ; nous luididons
fon fort. Soitcomme
juge, foitcomme
vainqueur qui dide la loi, il eft des devoirs à remplir. Lorfque les crimes s’amoncèlentaux yeux du
juge, il doit fe mettre en garde contre les effetstumultueux
de l’indignationqu’ils excitent: dans lecombat
la fureur eft exeufable;après la vidoire, elle feroit
un
crime. J’impofedonc
en cemoment A
\ Ar
X
le calme à tout ce qui troubleroit
ma
raifon ; nullement étonné de cataftrophe qui a précipité LouisXVI du
trône, mais pénétrédes
grandes leçons qu’elle
donne aux
juges& aux
vainqueurs des rois;afiis tranquille, Louis debout en
ma
préfence , environné de la nation quime demandera compte
dema
conduite,ou
de la poftenté quis’avance
&
quime
jugera , je recueille routes thés facultés-pour
me-livrer à une méditation profonde ; j’en raûemble les réfultats,
&
jeviens, citoyens.,
vous
les présenter..Louis étoit
monté
fur le trône par l’effet de ce qu’on appelloit alors,le droit héréditaire: pourquoi lui ferois-je
un
crime de ce qui a été’la fource de les
malheurs?
Je le plains d’avoir été roi; je ne le punis, pas de l’avoir été. Je paffe rapidement fur ^intervalle de1774
jufqu’à1789
: fi je vois parmi lesévènemens
qui le rempliffentune
multitude' de faits quime démontrent
les dangers de la royauté, lesmaux
qui découlent à grands flotsdu
trône fur les peuples, je voispeu
d allions personnelles à LouisXVI
qui doivent entrer dans la maffe de celles qui doivent déterminer,ou
la fentenceque
fes juges luiprononce-
ront,ou
la loique
fes vainqueurs lui dideront. Je trouverois dans cette période des adions louables : c’en futune
de rétablir la juffice&
les loix méprifées&
fouléesaux
pieds par LouisXV
dans tout lecours de fon régne ; c’en fut
une
de défendre les tortures dans tout:l’empire,
&
d’abolir la fervitude dans les domaines qu’on appelloitalors
domaines du
roi.A
l’époque de1789
,un
premier ébranlement fecoue l’inertie dans:laquelle la France périffoit :
une
partiedu
peuple s’affemble;ilenvoie des repréfentans ; il leur tranfmet unvœu
àpeu prèsunanime
:liberté fous le règne des loix, loix faites par les repréfentans de la natioji exécutées parun monarque*
Le
15 feptembre1789
,TAffemblée
nationaleprononça
d’une voixunanime
le décretconçu
en ces termes : « Legouvernement
français.»
eftmonarchique
; la perfonnedu
roi eft inviolable &. facrée ; la»
couronne
eft héréditaire dans la race régnante.Ainfi fut propofé de
nouveau
par les repréfentans affemblés, lepade
contracté jadis entre les Français
& Hugues
Capet, qu’un roi feroit exécuter , fans jamais rien craindrepour
la sûreté individuelle de fa.perfonne , les loix qu’ils auroient faites dans des affemblées libres.
Ce pade
étoit fujet à l’acceptation de la partdu
roi auquel ilimpo-
foit des fondions
U
des devoirs; il étoit fujet à ratification de la partdu
peuple , qui confie l’exercice de fa fouveraineté , mais qui ne l’a- liéne pas ; qui fedonne
des mandataires, maisnon
desmaires; qui
ne reçoit pas des loix , mais qui les dide*C: -
Ün
confentement tacite plutôtque
des déclarations formelles, donrioit line autorité provifoire au décretdu
15 feptembre1789,
lorfqu’unévènement
inattendu change absolumentla face des chofes. Louispœnd
la fuite,
emmenant
avec lui l’héritier préfomptifdu
trône.La
véritéme
force de le dire: la très-grande partie de l’Affemblée conflituante, la partie faine elle-même, ne confidéra pas cetévènement
deî’œildont il devoit être envifagé.Un
roi quiabandonne
fon trône,un
palais qui refie vuide , des mimflres fanschef, une déforganifationmomentanée du
pouvoir exécutif; des fujets de terreur, des troubles, des faôions, des calculs d’intrigues; voilà lesmaux que
ion
vit à prévenir,&
l’on crut avoir tout fait, en afturant le calme&
la paixdans la grande ville, qui etoit alors la capitale d
un royaume
&•- atranfmiiîion des ordres
accoutumés
dans les divers^
départemens.
Non,
ce n’étoit pas là tout ce qu’on devoit voir dans 1
événement du
zi ,ni tout ce qu’on devoit faire d’après cet évènement.
Dans Tévènement même
, il falloit voirune
renonciation évidentede
Louis , au paéle qui lui avoit été préfenté aunom
cte la nation; il î-efufoit le pacle , s’il croyoit pouvoir dire qu’il ne l’eût pas encoreaccepté; il le rompoit, fuppofe
que
déjà il leut accepte.Après le pa£le refufé
ou rompu
par Louis, lesmembres
dePAffem-
blée nationale n’avoient plus de pouvoir, foit pour renouer lemême pa&e,
foitpour
en faireun nouveau,
quel qu’il fût.Remarquez
la différence de la pofitionoù
ils étoient alors , avec celledu
tempsoù
ils avoient été envoyés.
Au
tempsoù
ils avoient reçu leur million , laFrance avoit
un
roi ; ce roi etoit LouisXVI
, la perfonnedu
roi etoit tenuepour
inviolable. Les affemblees dans lefquelles lesmembres
de l’Affemblée nationale avoient éténommés
, n’avoient pasdemandé
le
changement
de cette partiedu gouvernement
français; les adreffes nombreufes qui arrivoient chaque jour à l’Affemblée, pour luideman-
der qu’elle rédigeâtune
conftitution, n’avoient ceffé de l’inviterau
maintien de la monarchie& du monarque.
Levœu
des peuplespou-
rvoit-il être le
même
après la fuite de Louis&
de fa famille? devoit-il être le
même? Quel
qu’il dût être, quel qu’il put être, il falloitle confulter ;
&
l’Affemblée conflituante ne l’a pas fait. Elle acommis
alors
une
grande fauteque
l’Affemblee legiflative , placée dans des circonflances femblables, a fu éviter. L’Aflemb.ee legiflative , en remet- tant entre les mainsdu
peupleles pouvoirs qu’elle avoit reçus de lui en l’invitant à former une Convention, a bien mérité alors de la patrie;elle a été digne en ce
moment
de la reconnoiffance de tous les fran-çais ,
&
del’admiration dela poftérité,comme
l’Affemblée conflituantes’en étoit rendue digne elle-meme , par fesarrêtes a jamais
memoiqbl
.^-des 17, 11
&
23 juin 1789. Puiffent les grandes avions&
les fautesA
z*
de l’une 8c l’autreAffemblée, être
une
leçon utilepour
l’Affembléequiles remplace aujourd’hui toutes deux.
Je viens à l’ordre des
évènemens que
je dois fuivre.Aprèsle ii juin 1791 , l’Affemblée s’occupa de revoir la conflitution qu’elle avoit faite
précédemment
,&
de la mettre en ordre. Je l’a’ dit: ce n’éto t pas une révifion qu’ily
avost à faire, maisun
travail toutnouveau
, pour lequel denouveaux
pouvoirs étoient indifpenfables.Pour une
révifionmême
, il falloit le borner à mettre en ordre lesart. clés rédigés
précédemment;
il falloit claffer 8cnon
changer;û ne
falloit pas ajouter ; il ne falloit pas fur-tout
, par des
moyens
que,nos
ci-devantmembres
de l’Affemblée continuante avoient encore prefens à lamémoire
, gliffer dans l’article IIdu
titre III de la conflit ution , cesmors
perfidesqui ne le trouvent dans aucun des décrets antérieurst Les Rpréfentans de la Nation font le Corpslègiflatif&
le Roi.La
confti-tution, quelle qu’elle fût, fe trouva définitivement arrêtée, 8c elle fut préfentéeau Roi. D’après ce
que
je viens de dire , c’etoit réellementun a&e
nul , par défaut de pouvoirs dansceux
qui Vavoient rédigé;mais il pouvoit être exécuté
comme
valable , 8cmême
devenir tel » fi toutes les parties intérefl'éesy
confentoient ; il devoitmême
jufqu’àla déclaration
de
leur volonté, être refpeélé provifoirement, fa nullité ne pouvant être prononcée par aucun individu lolitaire ; le peuple fou- verain pouvoit feul, en fe levant tout entier, déclarerqu
il nevou-
loir point de la conflitution qui lui avoit été
donnée
en 179*»Le mouvement du
peup’e s’eftprononcé
le 10 août.Avant
de faire ufage de la fouveraineté, il falloit qu’il en conquît le libre exercice, enchaîné par l’exécution provifoire de la conflitution.Le
10août,
LouisXVI
d’un côté avec la cour8c fe s loldats ; le peuple d’un autre côté, fe font trouvés en préfence ; c’étoient réellementdeux
partisennemis,
dont l’un, celui de LouisXVI,
vouloit anéantir la fouve- rainetédu
peuple ; l’autre, celui du peuple, vouloit conferver fa fou- veraineté , 8c en avoir l’ufage libre»Le combat
s’eft livré; la viéloire eftdemeurée
au peuple;îes foldats de LouisXVI
ontété vaincus ; 8cfilui-même
n’a pas péri dansj’a&ion,c’eft qu’il avoit eu la lâcheté de fuir avant qu’elle
commençât: mais
fa fuite l’a livré au vainqueur.
Après l’a&ion
du
10 août, le peuple, dégagé de tous fes fers, s’eftaffemblé librement; il a exprimé de la manière la plusclaire fon
vœu
pour l’abolition de la royauté; SC en nous
envoyant
, il nous adonné
des pouvoirs illimités pour prononcer tout ce .que le falut de la répu- blique demanderoit.Déjà
nous avons rempli les premiersvoeux du
peuple, en déclarant^ ^
'•'''' ’ ‘ * . 1^ /
î
que
la royautéétoit abolie ,& que
la France formeroit une répub'ique,une
6c indivifible.Un
objet important enfuite, étoit de ftatuer fur le fort de LouisXVI
; la difcufîion de ces objets a été préparée par le rapportdu
comité de légiflation:un
projet de décretcomposé
de plu- lieurs articles, a été joint au rapport: je ne traite en cemoment
q ied’un leul article, le premier, qui eft pofé en ces truies: Louis
XL
peut être jugé. Je combats cette proportion , en ce qu’elle prélei.te Louis
XVI comme un
individu fur le fort duquel des juges tonnantlin tribunal, doivent prononcer. Suivant
mon
op.rion, LouisXVI
eflun
prilonnierque
l’on doit traiter d’après le droit de la guerre,un ennemi
qui doit iubir la loique
le vainqueurvoudra
lui diCter.Et d’abord, je défire
que
l’on faififle exactement les nuances qui différencientmon
opinion de celles des perfonnes qui difentque
LouisXVI
peut être jugé.Ces
perlonnes penlentque
LouisXVI
efl;cou-
pable: je fus perfuadé qu’il etl coupable.EUes
dilentque
LouisXVI
doit fubir les peines
que
fes crimes méritent : je fuis convaincuqu^
la nation a droit de prendre contre LouisXVI
des melures rigoureuies,&
qu’elle doit le faire. Quelle eftdonc
la différence de fentiment entrenous
?Ceux
qui difentque
LouisXVI
peut être jugé , entendent, fi
leurs idées font exactement d’accord avec leurs expreffions
,
que
LouisXVI
peut être traduit devant le tribunal qui fera déterminé , de lamême
manière qu’un citoyen quelconque qui auroitcommis un
crime,y
feroit accufé 6c traduit;que
là , fuivant des formes qui font ré-glées,
on
inflruiraun
procès, lequel fera fuivi d’une fgntenceou jugement
, portant l’application d’une peine écrite dans le code pénal
ou
dans quelqu’autre loi.Moi
, je vois dans LouisXVI un ennemi
fur lequel la nation aremporté
la victoire, qu’elle tient prifonnier, fur lequel elle a tous les droitsque
la guerredonne aux
vainqueurs lur les vaincus , 6c fur le fort duquel elle doit prononcer,non
d’après telle loi civileou
crimi- nelle,non Lion
telleforme
légale, mais d’après le droit dela guerre, qui ne connoît d’autres règlesque
les règles généralesde la nature celles de la sûreté des états, celles de la prudence 6c celles aufîi de l’humanité.J’ai embrafle ce fentiment
, parce qu’il m’a paru être la conféquence des principes dont la vérité
me
parcît évidente ; jem’y
fuisfermement
attaché, foit parce qu’il prévient des difficultés fansnombre
,que
je rencontre dans le fentiment oppofé , foit parce qu’il réunitbeaucoup
d’avantagesque
cet autre fentiment ne préfente pas.Confultons d’abord les principes. Les
hommes
n’ont de rapport de fupérioritéou
d’infériorité les uns à l’égard des autres, qu’autantque
ces rapports fe trouvent déterminés par les loix d’une fociété corn-
4
aune
, dans laquelle ils ont confenti d’entrer Si devivre. Si ces ra^.ports n’exiftent pas, les
hommes
font indépendans les uns des autres dans l’état de nature; état qui n’eft pas néceffairementun
état de guerre, mais qui le devient très-facilement : la guerre s’établit dèsque
l’on a desintérêtsoppofés
&
qu’on veut les foutenir. Lesaftes hoffiles, foit d’une part, foit de l’autre, déterminent infailliblement 1état de guerre, fans qu’il foit befoin d’autre déclaration de volonté: au lieuque
l’état de fociété&
la force des loixqui font établies fur cette bafe, fuppofent néceffairementune
volonté formelle Si réciproque de vivreen
fociété, fous telles loix déterminées.
Les loix de la fociété dérivent de ce que,l’on appelle le droit civil.
Des
loix qui gouvernent leshommes
antérieurement au droit civil,indépendamment du
droit civil, dérivent les règlesdu
droit naturel,
Si celles
du
droit des gens.La
confufion de cesdeux
efpèces de droitentraînede grandeserreurs.«
La
fublimité de la raifonhumaine
confifte ,comme
le ditun
publi-» cifte célèbre, à favoir bien auquel des différens ordres
de
loix fe v rapportent précifément les chofes fur lefquelleson
doit ffatuer , Si» à ne point mettre de confufion dans les principes qui doivent
gou-
» verner les
hommes.
» (Efprit des loix, liv.î6,
chap. i.)Recher- chons donc
quelordre de loix eft applicableaux
circonffances actuelles.Eft-ce par les règles
du
droit civilque
la conduite de la nation envers LouisXVI
doit être déterminée,ou
par les règlesdu
^droit de lanature Si des gens?
Au
premier cas, c’eftun
accufé qu’on traduira devantun
tribunal; au fécond cas; c’eftun ennemi
qui fubira la loidu
vainqueur.J’ai dit
que
le droit civil ne pouvoit dériverque du pa&e
focial,&
des conditionsque
le pafte contient.Y
a-t-il eu réellementun pa&e
focialconfommé
entre la nation franȍaife
&
LouisXVI T
Je le nie ;&
déjà, d’après les faitsque
je vousai rappelles , vous en preffentez les motifs.
Tous
les faits anterieurs au 2,1 juin 1791 , doivent être écartés.La
fuite de LouisXVI
à cetteépoque
ayantrompu
les liens fociaux entre la nation&
lui, il nexiffepoint de
nœud,
s’il n’en a étéformé
denouveaux
pofférieurement à cette époque.La
conffitution prëfentèe le 3 feptembre, devoit formerles nœuds'entrele peuple
&
LouisXVI
;mais pourcela, ilfalloitquellefût ratifiée par le peuple ; il falloit quelle fût acceptée de
bonne
foi par LouisXVI.
Si le 14 feptembre il amis
lesmots j
accepte fur le papier qui contenoit la conffitution, toute fa conduite a été en con- tradiâion perpétuelle avec cesmots-
il n’éft pas vraiqu
il ait acceptece
qu’il a vouluconftamment
détruire.Quelles -étqient au furplus les claufes de ce p»éle? 'On
y
avoiîformé
7
«eux
claffes deshommes
qui habitoient le territoire de la France:une
première claffe très-étendue, qui comprenoit tous les
hommes moins un
, tous fujetsaux mêmes
loix, tous jufticiables desmêmes
tribunaux, tous fournis
aux mêmes
accufations,aux mêmes
peines;l’autre claffe ne renfermoit qu’un feul
homme
, leRoi
, dont la per- fonne étoit inviolable&
facrée.On
avoitdonné
à cethomme unique
une
autre prérogative d’une importance plus grande encore ; tandisque
les autres
membres du
corps focial avoient feulement la faculté habi-tuelle de fe faire repréfenter dans les Affemblees de la nation par des perfonnes qu’elles éliroient,
ou
la facultémomentanée
d’y repréfenter leurs concitoyens par le choix libre deceux-ci,
leRoi
etoit déclarele repréfentant héréditaire de la nation , fon repréfentant perpétuel, fou repréfentant forcé. Enfin , par
une
conféquence de ces attributs divers,on
avoit déclaré, tit. 3, chap. z , art. 8,que
ce n’étoitqu
après l’ab- dication expreffeou
légale,que
leRoi
feroit dans la claffedes citoyens,&
pourroit être accule&
jugécomme eux
: d’où il fuit qu’ayantl’ab-dication expreflè
ou
légale, il n’étoit pas dans la claffe des citoyens.Mon
intention feroît-elledonc
de défendre l’ordre de chofes établi par la conftitution de 1791 ?Non
: le peuple , feul fouverain , n’a paspu
ratifier les conditions inférées dans le patte de 1791 : elles n’au-roient jamais dix
y
être écrites, puifqu’elles ne dévoient pas obtenir fon approbation; mais il n’en eft pasmoins
vrai quellesy
ont étéécrites ,
& que
LouisXVI
peutvous
dire; je n’étois pas rangé, parvotre patte focial, dans la
même
claffeque
les citoyens ; dès-lors les règles de votre droit civil qui ne peuvent dériverque du
patte focial qui ne peuvent atteindreque
les citoyens, ne m’atteignoient pas.Vous
êtes libres de faire
un
autre patte, mais vous ne l’êtes pas dem’y comprendre
malgré moi.Tels font les obflacles qui
vous
arrêtent lorfquevous
voulez juger LouisXVI
d’après le code de vos loix civiles&
criminelles; ils difpa- roiffent lorfquevous
ne dirigez contre luique
les conféquences des principesdu
droit de la nature,du
droit des gens,& du
droitde
la guerre. Plus l’on entaffera les preuves
que
LouisXVI
n’eft pas fuf- ceptible d’être atteint par les conféquencesdu
droit particulieraux
citoyens, plus
on
rendra évidente la propofition qu’il doit fubir, fui- vant le droit de la guerre, laloide fon vainqueur: parceque, comme
je l’ai déjà dit, s’il n’exifte pas entre Louis
&
les Français des rap-ports de citoyen à citoyen, il n’exifle
donc
entre lui& eux
d’autres rapportsque
les rapports de l’état de nature;état qui s’efl depuis long-temps
changé en état de guerre,d’après la conduiteennemie que Louis
XVI
a tenue à l’égarddu
peuple français.Les
évènemens
qui fe font fuccédés, laforme
dont ils fe fontRevêtus, l’ordre des faits particuliers qu’ils ont entraînés; ont déjà été le réfultat fpontané des principes
que
j’expofe. Pendant le cours de l’A
tremblée légiflative, plufieurs fondHonnaires publics ont été pré- venus de prévarication; ils ont été décrétés d’açcufation ,& envoyés
à la haute cour nationale. Louis
XVI
n’avoit-il pas été aufliprévenu
de prévarication dans fes fondions publiques ?Cependant
il n’a point exifté contre lui d’a&e d’accufation. L’Allemblée légiflative inftruifoit le peuple de fes griefs: elle appelloit au peuple des vices de la confti- tution : Louis , au lieu de fe réunir à l’alfembléepour
confulter le peuple, pour hâter une
Convention devenue
néceffaire, Louisfe laif- foit aller aux efpérances criminelles qu’on lui donnoit d’anéantir la conflitution.Le
peuple édairoit lamarche
tortueufe de fonennemi
;il envoyoit fur les lieux de fidèles patriotes
pour
voir par,eux-mêmes
&
pour agir enfuite d’après leur cdnvidtion ; tous les fecrets étantdécouverts, la guerre s’efl déclarée,
&
la patriea triomphé. Si LouisXVI
avoit eu le courage dedemeurer
à la tête de l’armée qu’il avoit raffemblée dans fon château, s’il avoit été rencontré fur lechamp de
bataille par l’armée patriote, n’eft-ce pas
comme ennemi
qu’on l’eût traité? J’ai entendu quelques perfonnes dire qu’on auroiteu
danscettearmée
le droit de l’aflaffiner :non
, car l’aflaflinat eftun
crimeque
jamaison
n’a droit decommettre
; maison
auroit eu le droitde
le tuer , parce
que
le droit de tuer eftune
conféquencedu
droitde
guerre ,& que
la guerre étoit alors ouverte entre Louis&
le peuple français.Cet ennemi, vous
ne l’avez pas trouvé fur lechamp
de ba~- taille, parce qu’il l’a
abandonné
parune
fuite honteufe; maisfafuite ne change pas l’état de fa perfonne : l’ennemique vous
atteignez dans fa fuite ne devient pas pour celaun homme
fujet à vos loix particu- lières, à vos tribunaux ordinaires; les rapports ne changent pas par cesévènemens
;&
la loidu
vainqueur , réfultantedu
droit de la guerre, efttoujours la feule à laquelle le vaincu foit fournis.Je vous prie, citoyens, de remarquer
que
les conféquences réful- tantes des principesque
j’établis , loin de gêner vos déterminations ultérieures, vous donnent au contraire plus de latitude pour agir,que
les conféquences particulières
du
droit civil ne vous en donneroient.Le
droit de la guerremet
le vaincu entièrement au pouvoirdu
vain- queur.La
raifon , l’humanité ne doivent jamais s’éloignerdu
vain-queur
, mais il lui eft permis aufli de confidérer de quelle manièreon
s’eft conduit à fon égard dans la guerre qu’on lui a livrée* Les trahi- rons, les pièges, la perfidie , lorfqu’on y a eu recours,font autrement punis
que
ne i’auroit étéune
attaque franche&
ouverte.Mais
ce quidonne
au partique
jevous
propofe de traiter LouisXVI
enennemi
, de grands avantages fur la propcfition de le juger,c’eft la facilité avec laquelle vous écartez, en préférant ce parti ,
une
multitude9
multitude infinie de difficultés qui naîtront fans cefle fous vos pas , <1
vous
vous embarraftez une fois dans le dédale des queftior.s&
des formes judiciaires. Quels feront les juges, quelle fera la loi préexif- tante qui di&era leur jugement? quelles feront les formes de l’inftruc- tion? quelles feront les peinesdu
coupable? 11 n’y a pasun
de ces points importans dont la folution ne foit tellement délicate , qu’elle deviendra plus embarraffée par la difcuflionmême.
Je n’ignore pasque
des efprits ardensou impétueux
ne redoutent pas ces difficultés:allez forts pour tout renverfer, ilsn’examinent pas le droit : leur puif- fance leur tient lieu de règle &C de loix; mais ce n’eft pas de cette manière
que
les fages fondateurs d’une république fe conduilent. Ilsdélibèrent,
&
ils favent rendre raifon à l’univers de leurs détermina- tions.Vous
agiterezdonc,
envous
écartantdu
partique
je propofe,les queftions de favoir fi la
Convention
peut ajouter le pouvoir judi- ciaire à tous lesautres pouvoirsque
les circonftances l’obligent d’exer- cer; fi les juges, de quelque manière qu’on les choififfe, ne feront pas regardéscomme
parties; quels feront les accufateurs&
les jurés; s’ily
aura lieuaux
accufations, &: lefquelles feront admifes ; dans quelcode on
cherchera la peine à prononcer; fi une peineprécédemment
établie peut avoir
une exa&e
proportion avec les délits&
leurs cir- conftances.Aucun
de ces obftacles ne fe rencontre dans l’exercicedu
droit de- là guerre, qui fe détermine fur la certitude pleinement acquife desfaits.
Prononcer
avec juftice&
humanité, d’après lesvues delafagefle&
de la prudence, voilà les feules conditions qu’on puiffe exigerdu
vainqueur lorfqu’il diète la loi.
Ce
n’eft pas tout:LouisXVI
faifoit la guerreaux
Français leio
août ; mais penfez-vous, citoyens,
que
ce fût pour lui feul qu’il eût difpofé lecombat?
Et les patriotes auffi, étoit-ce le feul LouisXVI
qu’ils pourfuiviflënt
comme
leurennemi
? Et la famille royale entière, foitqu’ellefe trouvât aux Tuileries, foit qu’elle fe trouvât à Coblentzou
par-tout ailleursoù
elle ourdiffoitdes tramesquelles qu’elles fuffent contre la fouveraineté&
la libertédu
peuple , contre l’égalité des Français, étoit l’ennemique
le peuple combattoit&
qu’il s’efforçoit de vaincre.Vos
mefures, cellesdes repréfentansdu
peuple qui arem-
porté la vièloire, doiventdonc
porter fur cette famille entière :&
à quelles mefures efficaces vous porteroient à cet égard les accufations, lesprocédures, les tribunaux? Pourriez-vousy
traduire tous ceux doncvous
avez à vous défier pour l’avenir? Certes, je fuis bien éloigné de confondre l’innocent avec le coupable : j’abhorre l’idée de faire porter àun
fils, à
un
parent , la peine d’un crime qui n’eft pas le fien: mais je disque
le droit de la guerre autorife à prendre desme-
fures contre toute une foctété ennemie qui. a été vaincue dans la per-
ro
forme de fonchef. Il ne s’agitpasde peines , mais de fages précautions; réfnltat d’une prudence attive pour
empêcher que
la guerre une fois étouffée ne fe ranime&
ne renaiffe, Les ennemisque
vous avez eus à combattre jufqu’à ce jour, étoient , félonma
manière de voir, la famille royale, les émigrés&
line partie des prêtresnon
fermentés,lesdefpotesPruffiens,Autrichiens &Cleurs fatellites.Lesfoldats dela répu- blique ont déjà réduit ceux-ci
, par leurs rapides vi&oires, à
un
état dans lequel ils n’ont plus rien de redoutable; les loixque
vous avez prononcées vous formentun
rempart contre les émigrés&
ceux desprêtres qui agitoient la république.
Le
méprisoù
les émigrés fonttombés
dans les pays qu’ils habitent , ont rendu leur influence délor- mais nulle chez les étrangers : ils ne pourroient nuire à la république qu’en rentrant dans fon territoire ;&
vous leur en avez fermé toutes les avenues. Les feules précautions qui reftent à prendre, font contre la famille ci-devant royale : le peuple l’a vaincue toute entière le jouroù
fon chef eftdevenu
prifonnier.Vous,
repréfentans du peuple,vous
avez à diéter la loi à cette famille entière, à ufer contre elle de tous lesmoyens
qu’une politique juflemet
entre vos mains pourempêcher
qu’aucun rejeton de cette famille n’allumeun
jour la guerre dans la patrie ,&
s’élevant au deffus des autres citoyens,ne détruife l’égalité quieft la bafe de toute république., Je
me
réfumedonc
, citoyens.La
queftion qu’on a préfentée à votre difcuflxonme
paroît mal pofée.On
l’a circonfcrite dans ces termes:Louis
XVI
cfi~il jugeable ? Je penfe qu’on devoit propofer à la difcuf- fionune
thèfe plus générale:comment
traiterez-vous LouisXVI?
Sera-ce
comme
unennemi
vaincu,ou comme un
citoyen coupable?Lui
difterez-vous la loi,ou
prononcerez-vous
contre luiun jugement?
Mon
avis eftque
nous devons le traitercomme un ennemi
de la na- tion,comme un ennemi
fait prifonnier dans fa fuite.La
décifion de cette queftionme
paroît préliminaire à tout ceque
l’on doitexaminer
enfuite
&
fucceffivement, fur la manière de fe venger contre Louisde
la guerre qu’il a faite à la nation ,
&
fur les précautions de sûreté qui' font à prendre contre toute cette famille, ci-devant royale, qui, toute entière, a été mife fous le jougdu
vainqueur à la journéedu io
août..
)
DE LÉCOINTE-PUYRA
jDéputé du Département des Deux -Sèvres,
Sur Louis Capet.
Imprimée par ordre de la Convention nationale.
Tous
ceux qui fontmontés
à la tribunepour
difcuter la queftionqui nous occupe, fe font
demandé
: Louis Capet peut-il être jugé?Moi,
je
demande
: Louis Capet eft-il,ou
n’eft-il pas coupable? C’eft àl’exa-men
de cette feule queftionque
nous devons nous arrêter car, s’il eft coupable, il doit être jugé.Mon
opinion eft renfermée dans cepeu
de mots: je vais la développer.Je
me demande
fiLouis Capet eftcoupable?A
cette queftion,jevois tous les Français l’accufer,je vois la France entière fe lever contre lui,&
préfenter le tableau de fes crimes: il efteffrayant. Je ne leparcourraipas tout entier ; je détournerai vos regards du fang qu’à Nanci il verfa par les mains
du
perfide Boitillé ; je ne les fouillerai pas , en les arrê- tant fur les maflacres deNîmes &
deMontauban
:un
épaisrideau fera tiré fur les horreursdu Champ-de-Mars
; je nevous
ferai point remar- querque
s’il eut des aflaftïns à fes ordres, il eut des fanatiques à fa folde; jeme
bornerai à montrer Louis Capet, d’unemain
, jurant la liberté , de l’autre , nous forgeant des fers ; c’eft pour lui, c’eft à fa
voix,
que
les brigandsdu Nord
fe font armés; c’eft fous fes aufpices, c’eft en fonnom, que
des monftres ont quitté leur patrie pour venir,B
il~2
enfuite l’inonder de fang,
&
l'effrayer par des forfaits jufqües-làinconi nus; il étoit complice de Lafayettt; il guida Brunfwick; c’eft lui qui a livréVerdun
; il a ouvert les portes deLongwy,
incendié la villede Lille , ravagé les département
du Nord
, enlevé la fubfiftance desmalheureux
habirans descampagnes
,&
livré leursdemeures aux
flammes
;oui , c’eft à lui, à lui feul qu’on doit attribuer tous lesmaux
qui affligent notre patrie. Celui qui
ordonne un
affaffinat, qui fournit l’occafxon de lecommettre
, qui ôte à celui qu’on pourfuit lesmoyens
de fe défendre, n’eft-il pas auffi coupableque
les affaffins,mêmes
?Capet
appella les barbares qui ont inondé le fol de la liberté: fa tete doit être chargée de tout lemal
qu’ils ont fait. Capet parutenvoyer à
leur rencontreun
Général pour les combattre ; mais c’étoit en effetpour
favorifer leurs projets ,&
faciliter notre afferviffement: il doit fupporter la peineque
méritent les tyrans coalifés qui ont voulu nous,donner
des fers.A
nous des fers!Que
le traîtretombe
fous lahache du
lxfteur. /Capet fut
un
des contraftans de laConvention
de Pilnitz : fon éva- flon au mois dejuin 1791 , prouvetoute lapart qu’ilvouloity
prendre;j’en ai encore une preuve dans le filence
du
perfide de Leffart fur cette Convention.Ce
n’étoit pasaffezd’être coaliféau dehors avec ceshommes
de fang
, qu’on appelle dts rois ; il étoit auffi le chef de ces furies» qui , au
nom du Dieu
de paix , prêchoient par-tout&
la difcorde&
la guerre ,
&
la révolte contre les loix&
la liberté ; il favorifoit leursprojets , en faifant toutce qui étoit en fonpouvoir pouraffurerl’impu- nité de leurs crimes. L’Affemblée législative faifoit-elle
une
loi pourles réprimer,
un
fatal veto la paralyfoit: fous cette égide, des prêtres fanatiques, la torche&
le poignard à lamain
, parcouroient lescam-
pagnes, fuivis deshommes
fimples qu’ils avoient égarés,&, comme
à Cbâtillon , incendioient les maîfons des patriotes; c’eft fur-tout la.
conduite des prêtres fanatiques fous les
murs
de Châtillon, quiprouve
la coalition entre
eux &
les tyransdu
château: ce qu’on voulutfaire ici le 10 août, à l’aide des Suiffes, c’eft-à-dire, affervirou
égorger des amis de la liberté , des prêtres le tentoient, vers lamême époque,
aitdépartement des
Deux-Sèvres
:lenom
deDieu &
celui de roi étoientdansleurs bouches; ils blafphémoient l’un pour fervir lesprojets libe*- ticides de l’autre. Il eft confiant, pour tout
homme
debonne
fox,
que
jamais le roi de Pruffe& Brunfwick
ffauroient ofé fouiller notre territoire,que
jamais lesréfraêlaires n’auroientmontre
tant d audace,fi Louis Capet n’avoit appellé les uns
&
dirigé ies autres;pour preuve,les armées combinées s’emparèrent de
Longwy &
deVerdun
aunom
du
roi très-chrétien ,&
les non—conformiftes.ne ceffent de prêcher le rétahliflèment de Capet fur le trône.Après çet ejcpoCé rapide,faut-il dire encore
que
cesémigres combat-;coupable.
Eh
quoi! l’on convient qu’unhomme
eft coupable ;&
l’onne voudroit pas le juger: c’eft
une
abfurdité.La
difcuflîon fur ce point n’a étévague&
incertaine,que
parce qu’on ne s’eft pas aflez attaché à dire pourquoi Capet étoit coupable, Sc d’après quels principeson
devoit le juger.Pourquoi
Capet eft-il cou- pable? c’eft pour avoir été effrayé de cetteombre
de libertéque
fem- bloit nous donner la conftitution ; c’eft pouravoirtraîtreufement cherché à la détruire, à détruire cette conftitution qui le réduifoit à n’être tyran qu’àdemi
; voilà fon crime.Pour
le défendre,
que
dit-on?on
dit
que
la conftitution le déclaroit inviolable.De
ces réponfes, ilréfulte
que
la conftitution étoit ce qu’il vouloit détruire ,&
ce qu’il a détruit,& que
la conftitution eft ce qu’il invoque : ce rapproche-ment nous
conduit à des obfervations bien Simples, mais bien fortes.La
conftitution étoit l’affe qui régloit les relations&
les obligations mutuellesdu
roi&
des citoyens : laon
trouvoit ceque
les citoyens s’obligeoient à faire pourun homme
qu’ils plaçoient ftupidementau
deffus d’eux;
&
là étoient aufîi réglées les obligations de celui qui, par cela feul qu’ilconfentoit d’être placé au deflus des autres, devenoit indigne de refter leur égal: en unmet
, la conftitution étoitun
de ces contrats qui ne font obligatoires pour une partie,qu’autantque
l’autre exécute des claufesauxquelles elle s’eftvolontairement foumife.Ce
prin,- cipe eft inconteftable; il feroit abfurde de prétendreque
le roi auroitpu
violer la conftitution,&
en exiger l’obfervance&
le maintiende
la part de la nation.
Eh
bien ! partons de ces principes; qu’aurons-nous à faire?A
exa- miner fi Louis Capet arexécuté la partie de l’ade qui régloit fes obli- gations ; car, s’il n’a pas fait ce à quoi il s’étoit obligé envers nous, nous nefommes
tenus à rien envers lui. Entrons dans cet examen. Ilavoit juré de maintenir la conftitution : a-t-il tenu fon ferment?
Non.
Menteur &
parjurecomme
tous les rois, il a abufé de la crédulité d’une nation trahie par fes premiers repréfentans, pour la traîier au