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L sciences et jeux

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L’ACTUALITÉ CHIMIQUE N° 426 43 Février 2018

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sciences et jeux

es maths et les jeux ont une longue histoire commune.

Par exemple, au XVIe siècle, c’est en analysant des pro- blèmes de jeux de dés que Cardano a fondé la théorie des probabilités. Plus récemment, la Théorie des jeux est même devenue une branche à part entière des mathématiques.

Cependant, le but ici n’est pas de parler de l’approche mathé- matique des jeux, en tout cas pas au sens classique où l’on utilise les mathématiques pour découvrir des stratégies gagnantes. En effet, puisque ce dossier est dédié aux jeux et à l’enseignement, nous adopterons un point de vue com- plémentaire qui consiste plutôt à voir comment la culture des jeux (plus que le jeu lui-même dans ce cas) peut être utilisée comme support et illustrer les mathématiques, et donc, peut-être, servir à des fins pédagogiques(1).

Fort Boyard : le jeu des bâtonnets et l’arithmétique modulo 4

Notre premier exemple est issu du jeu télévisuel Ford Boyard.

Dans l’une des épreuves, le ou la candidate est face à un maitre des jeux. Entre eux deux se trouve un plateau avec 21 bâton- nets. À tour de rôle, chacun enlève un, deux ou trois bâton- nets. Celui qui enlève le dernier a perdu. La question est alors de savoir si l’un des deux joueurs a une stratégie gagnante, et si oui laquelle. La réponse est oui.

Commençons par nous placer dans le cas où il n’y aurait qu’un bâtonnet. Alors le jeu n’est pas très intéressant : le premier joueur perd puisqu’il n’a d’autre choix que de le prendre. Ima- ginons maintenant qu’il reste deux, trois ou quatre bâtonnets.

Le premier joueur peut alors en prendre un, deux ou trois, et dans tous les cas, amener l’autre joueur dans une situation perdante. On dit alors que le premier joueur est gagnant. Si maintenant il y en a cinq, le premier joueur en prendra un, deux ou trois, et amènera son adversaire dans une position gagnante. Donc si son adversaire ne fait pas d’erreur, le pre- mier joueur perd. En résumé, les situations à un ou cinq bâton- nets sont perdantes, tandis que les situations à deux, trois ou quatre sont gagnantes. Et on peut continuer : 6, 7, 8 sont gagnantes (car elles mènent à 5 qui est perdante), 9 est per- dante, 10, 11, 12 sont gagnantes, 13 est perdante, etc. Mainte- nant qu’y a-t-il de commun entre 1, 5, 9, 13... ? Si on les divise par 4, il reste toujours 1. La recette des positions perdantes est alors (et si on est mathématicien, on va essayer de le démon- trer) : « si le reste du nombre de bâtonnets divisé par 4 est 1, alors la position est perdante, sinon elle est gagnante. » Une recette bizarre ? Peut-être, mais ce jeu tout simple amène donc à considérer les nombres entiers d’une façon simplifiée : en ne regardant que leur reste dans une division par 4.

En fait, cette façon de compter en ramenant le compteur à 0 quand il est à 4 s’appelle l’arithmétique modulo 4. Elle a de grands avantages. En particulier il n’y plus que quatre nombres au lieu d’une infinité. Cela a l’air d’un gadget ? Peut- être, mais si on remplace 4 par un très grand nombre, ce gad- get est alors au cœur de nos ordinateurs, de nos téléphones, et est la première étape pour sécuriser la plupart de nos échanges électroniques privés.

Le monde de Pacman et la topologie des surfaces Changeons de jeu pour découvrir d’autres mathématiques.

Vous connaissez peut-être Pacman, héros d’un jeu d’arcade japonais à succès des années 1980. Mais dans quel monde vit- il ? Pacman vit sur un rectangle, avec des murs... mais ce rec- tangle à une propriété particulière : il y a des couloirs partant par la droite et qui mènent directement à gauche. Téléporta- tion ? Pas nécessairement. Il faut se rappeler que sur notre Terre, partir loin à l’ouest peut vous amener... à l’est. Alors en est-il de même pour Pacman ? Pourquoi pas. Mais dans cer- taines variantes du jeu, il y a plus, à savoir des portes en haut qui mènent en bas (figure 1), ce qui n’est plus le cas sur Terre : le pôle Nord et le pôle Sud sont deux endroits bien différents.

En fait, ces cartes ne peuvent être dessinées sur une sphère sans créer des tunnels ou autres passages secrets. En revanche, si au lieu d’imaginer Pacman sur la Terre, on l’imagine sur ce qu’on appelle un tore, autrement dit la surface d’une bouée, on peut facilement dessiner la carte de Pacman, sans tunnel ni télépor- tation. Pacman nous aide alors à imaginer des mondes finis (comme notre Terre), mais bien différents (figure 2).

Science-fiction ? Pour les surfaces, si on veut, puisque nous savons que notre Terre ressemble à une sphère et pas à la sur- face d’une bouée. Mais si on s’interroge sur notre univers tridi- mensionnel et sa forme, peut-être pas tant que ça. En effet, il y a de sérieux indices qui laissent à penser que notre univers est fini (comme notre Terre l’est). Souvent on pense alors qu’il ressemble à une boule, avec un bord. Mais l’analogie avec la Terre peut nous interroger : pourquoi un bord ? On est alors amené à explorer toutes les formes possibles de mondes tri- dimensionnels [1], tout comme Pacman peut vivre dans un monde non sphérique. Et l’exploration de tous ses mondes possibles est un sujet de recherche encore extrêmement actif en mathématiques : c’est ce qu’on appelle la topologie.

Maths et jeux, une vieille complicité

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Figure 1 - Une variante de Pacman dans laquelle les bords droit et gauche sont reliés par un passage et les bords haut et bas par deux passages.

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L’ACTUALITÉ CHIMIQUE N° 426 Février 2018

Dobble ou la géométrie projective finie

Finissons ce petit tour avec une construction à rebours : non pas illustrer les maths par des jeux, mais utiliser des maths pour construire un jeu.

Notre dernier héros est le désormais populaire Dobble. C’est un petit jeu de cartes que l’on peut sortir à l’apéro. Sur les cartes il y a des symboles, huit par carte dans le jeu original. Le jeu a une propriété importante : deux cartes quelconques ont toujours un et un seul symbole en commun. La question est alors de savoir comment on a pu construire un tel jeu ?(2) [2-3].

Une analogie peut nous mettre sur la voie. Si on remplace le mot « carte » par « droite » et le mot « symbole » par « point », la propriété essentielle devient : « Deux droites quelconques ont toujours un et un seul point en commun. » On a alors l’impression de parler de géométrie et de droites dans le plan... Par exemple, si on commence avec neuf symboles en tout, si on place nos symboles (= points) sur une grille carrée de taille 3 par 3, et que l’on pose cette grille sur un tore (comme chez Pacman), on pourra alors dessiner les droites passant par deux points. Le fait de les avoir mis sur une grille carrée va alors assurer que chaque droite passe en fait par trois points. On aura alors douze droites (= cartes) en tout (faites- moi confiance ou regardez la figure 3), chacune contenant trois symboles. Deux cartes quelconques auront-elles toujours un symbole en commun ? Presque... En effet, les droites se coupent... sauf si elles sont parallèles. Et les parallèles existent encore chez Pacman. Que faire alors ? Revenir à la Renais- sance, et aux traités de perspective pour se rappeler que deux droites parallèles se coupent... à l’infini. Pour notre jeu, on rajoute alors une droite à l’infini (donc une carte), et pour chaque ensemble de trois droites parallèles (c’est-à-dire trois cartes n’ayant aucun symbole commun deux à deux), on va rajouter un point d’intersection à l’infini, c’est-à-dire un sym- bole supplémentaire sur chacune de ces trois cartes. À la fin, on a obtenu un jeu avec treize cartes (les douze de départ plus la droite à l’infini), chacune ayant quatre symboles (les trois de départ plus le symbole à l’infini).

C’est sans doute rapide, mais on peut résumer en constatant que maths et jeux vont bien ensemble. Pourquoi ? Difficile à dire, mais comme les deux sont avant tout des créations abstraites de notre esprit humain, c’est peut-être pour cela qu’on peut se laisser emporter par les unes comme par les autres.

La journée « Sciences et jeux » m’a montré que de multiples initiatives très enthousiasmantes existent, en particulier de la part d’enseignants qui ont eux-mêmes une forte culture de jeu. Une deuxième idée très importante qui en est ressortie est qu’il est bien plus efficace pédagogiquement de faire créer un jeu par les apprenants que de les faire jouer.

Deux exemples ont illustré ces idées : une enseignante adap- tant le célèbre « Timeline » en un « Sizeline » à faire créer par ses élèves, et un autre enseignant proposant à ses élèves de se scinder en plusieurs équipes afin de créer un « escape game » basé sur de la chimie pour les autres équipes.

À l’inverse, il existe à mon avis une utilisation moins intéres- sante qui consiste à faire de faux jeux (pas spécialement ludiques, cf. « serious games ») et n’apporte souvent pas grand chose, à part du bruit.

(1) Ce point de vue a aussi l’avantage de mieux correspondre aux compétences de l’auteur qui, s’il est mathématicien et s’il adore jouer, n’est absolument pas spécialiste de la théorie mathématique des jeux.

(2) Il y a d’ailleurs un site Internet [2] qui propose de construire des versions personnalisées du jeu. C’est un outil de révision qui a déjà été testé par des professeurs et des étudiants ludophiles.

[1] Luminet J.-P., L’Univers chiffonné, Fayard, 2001.

[2] Bourrigan M., http://images.math.cnrs.fr/Dobble-et-la-geometrie-finie.html [3] Un générateur de Dobble : https://micetf.fr/symbole-commun

Pierre DEHORNOY,

maitre de conférences en mathématiques, Université Grenoble Alpes, Institut Fourier.

*pierre.dehornoy@univ-grenoble-alpes.fr

Figure 2 - Prendre un rectangle, le tordre pour recoller d’abord les bords verticaux, puis les bords horizontaux, permet d’obtenir ce que les mathématiciens appellent un tore, les gourmands un donut, et les enfants une bouée. Dans tous les cas, on peut y dessiner le monde de Pacman sans avoir recours à de la téléportation.

Figure 3.

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