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Qui A INVENTÉ LES DIVISIONS BLINDÉES?

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Qui A INVENTÉ

LES DIVISIONS BLINDÉES ?

Qui a, le premier, imaginé des corps d'armée entièrement constitués de divisions blindées ? De Gaulle, c'est établi.

Mais, pour certains historiens d'outre-Rhin, imités par des Français, c'est le général allemand Guderian, le concepteur des « Panzer ». Voici l'histoire vraie de cette invention qui a bouleversé la pensée militaire des années trente.

D

es Allemands restent p e r s u a d é s que le général G u d e - rian est 1'« inventeur » des divisions blindées, c'est-à- dire des Panzer... C'est parfaitement concevable : ses exploits à nos d é p e n s , lors de l a campagne de France en mai-juin 1940, puis en Russie en 1941, ont bien largement mérité l'admiration de ceux de ses compatriotes qui s'en souviennent.

M a i s que des F r a n ç a i s , m ê m e historiens c h e v r o n n é s , puissent contester au général de Gaulle d'avoir été le tout premier à imaginer des corps d ' a r m é e entiers constitués de seules divisions blindées ; le premier aussi à décrire longuement toute

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la composition de ces divisions-là en matériel, en armes très diverses (infanterie, artillerie et chars), en personnel d'élite ; le premier encore à imaginer leurs liaisons au combat avec l'aviation et avec les autres armes ou services é g a l e m e n t endivisionnés ; divisions blindées conçues pour ouvrir une b r è c h e dans le front ennemi et, par cette fracture, pouvoir se r é p a n d r e « à la vitesse d'un cheval au galop » dans ses lignes arrière afin d'y semer la panique et le désordre...!

C'est pourtant ce qu'avait longuement décrit le lieutenant-colonel de Gaulle dans un livre é t o n n a n t , en mai

1934 (1), a p r è s en avoir d o n n é un a v a n t - g o û t , en mai 1933, dans un simple article de revue (2) sous le m ê m e titre : « Vers l ' a r m é e de métier »... L e dénier est difficilement croyable !

O n a p r é t e n d u q u ' i l aurait oublié de mentionner ses prédécesseurs en m a t i è r e de chars : or i l les a tous cités, m ê m e ceux q u i , sans l u i , eussent été définitivement ensevelis sous la dalle de l'oubli...

O n a aussi p r é t e n d u que G u d e r i a n aurait p u b l i é , quelques mois avant que ne p a r û t Vers l'armée de métier, une é t u d e dans la Militär Wochenblatt, o ù le rôle des divisions blindées dans la percée d'un front adverse, puis la dispersion de ses réserves et la destruction de ses communications, serait parfaitement décrit. Rien de cela n'est exact. Nous avons l u toutes les publications faites par le major, puis colonel, puis général G u d e r i a n entre 1927 et 1939 ; c'est son fils (également général) qui nous les a très obligeamment adressées.

E n 1927, i l a fait p a r a î t r e cinq articles dans la Militär Wochenblatt ; articles publiés entre le 10 novembre 1927 et le 12 d é c e m b r e 1927 de semaine en semaine, sur les « Bewegliche Truppenkörper » (troupes mobiles) ; i l y r é s u m a i t ses réflexions et les timides essais q u ' i l avait p u jusqu'alors effectuer (sans doute en marge d u traité de Versailles, lequel avait interdit aux Allemands les chars, les voitures à chenilles, etc.). L e dernier de ces articles était une vue d'ensemble sur « les Troupes m o b i - les », dans laquelle i l imaginait l a motorisation sous blindage

(1) De Gaulle : Vers l'armée de métier. Berger-Levrault.

(2) La Revue politique et parlementaire.

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d'une a r m é e entière ; c'est-à-dire un peu ce qu'avait i m a g i n é avant l u i , en 1920, le général Estienne, et que G u d e r i a n comme de Gaulle connaissaient pertinemment. G u d e r i a n terminait par des c o n s i d é r a t i o n s générales sur les véhicules tout terrain et sur cette motorisation sous cuirasse q u i permettrait aux a r m é e s de profiter au mieux de la vitesse due aux moteurs et génératrice des effets de surprise.

M a i s rien de tout cela qui t r a i t â t de ces unités que sont les divisions blindées ou Panzerdivisionnen q u i , dotées de toutes les armes et services, et m ê m e de leur aviation propre, m a n œ u v r e r a i e n t sous un commandemant unique et auto- nome... Divisions toutes nouvelles, que de Gaulle allait longue- ment décrire dans leur composition et dans leurs utilisations tactiques et stratégiques dès 1934.

Avant 1934, Guderian n'a jamais traité des divisions blindées

J u s q u ' à cette date, 1934, les vocables « division b l i n - dée » ou « Panzerdivision », la constitution, l'emploi, le fonc- tionnement, les possibilités tactiques si particulières de ces unités-là n'ont jamais été é v o q u é s par G u d e r i a n . D ' a p r è s son fils, i l ne publiera plus rien, jusqu'en 1935. P o u r q u o i ce silence ? N o u s reviendrons là-dessus.

O n a aussi p r é t e n d u que la division blindée de D e Gaulle ressemblait à celle de G u d e r i a n ! C'est positivement le contraire : dans une lettre d u colonel de Gaulle à Paul Reynaud (3), d a t é e d u 14 janvier 1935, i l avertissait ce dernier de la sortie incessante, pour l a Wehrmacht, des trois p r e m i è r e s Panzer d u Reich. D e Gaulle faisait remarquer (avec tous les détails justificatifs à l'appui) que ces Panzer étaient très exactement les m ê m e s que celles que l u i , de Gaulle, avait décrites u n an auparavant dans son livre. Il concluait m ê m e sa lettre en ces termes : « Je n'insiste pas sur la douleur que peut ressentir un officier qui, ayant trouvé pour son pays un plan de salut, voit ce plan appliqué intégralement par l'ennemi éventuel et négligé par l'armée à laquelle lui-même appartient. »

(3) De Gaulle : Lettres, Notes et Carnets, t. II, p. 379, Pion.

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D e plus, on sait que la décision de créer ces trois p r e m i è r e s Panzer avait été prise par l ' O K W {Oberkommando der

Wehrmacht) le 12 octobre 1934, c'est-à-dire cinq mois a p r è s l a parution de Vers l'armée de métier. G u d e r i a n , qui parlait très couramment notre langue et suivait toutes les publications militaires françaises, et notamment celles de D e Gaulle, était parfaitement au courant.

Le premier article que publia G u d e r i a n , a p r è s le long silence qui a suivi ses publications de 1927, est paru dans la Militär Wochenblatt en 1935 sous le titre de « Cavalerie d ' a r m é e et unités m o t o r i s é e s ». M a i s la motivation de cet article était surtout la r é p o n s e que G u d e r i a n y faisait à un autre général allemand sur un sujet différent de notre propos.

Le d e u x i è m e de ces articles, é g a l e m e n t paru dans la Militär Wochenblatt, sous le titre de « Schlieffen l'incompris », fournissait surtout à G u d e r i a n l'occasion de donner l'étrivière à u n autre interlocuteur, quant à l'endroit o ù doit se tenir le chef d'une unité blindée sur u n champ de bataille : en tête de sa troupe, ainsi que le pensait de Gaulle.

L e troisième, paru en janvier 1936 dans la Militär Wissenschaftliche Rundschau, parlait de ce qui s'était fait en France, en Belgique et ailleurs, au sujet des « Troupes de combat m o t o r i s é e s » et de ce qui pourrait d é s o r m a i s se faire en Allemagne, a p r è s le coup d'éclat d'Hitler du 16 mars 1936 qui rendait dès lors à l'Allemagne le droit de s'armer à sa guise, en d é c h i r a n t u n i l a t é r a l e m e n t le traité de Versailles de 1919. M a i s rien qui a j o u t â t quoi que ce fût à notre propos.

Le q u a t r i è m e , p u b l i é en m a i 1936, toujours dans la Militär Wissenschaftliche Rundschau était intitulé : « les Blindés et leur collaboration avec les autres armes » ; c'est-à-dire en fait : la collaboration des chars avec toutes les autres armes ou services qui font organiquement partie de leur m ê m e Panzer.

C ' é t a i t là un sujet que de Gaulle avait longuement traité dans son livre de 1934 ; les lignes de G u d e r i a n n'y ajoutaient rien, hormis quelques détails techniques ou d'organisation q u ' i l avait pu établir ou préciser au cours des nombreuses m a n œ u v r e s sur le terrain q u ' i l avait déjà effectuées depuis un an avec les trois Panzer en service.

M a i s , à nos yeux, ce qui fait toute l'extrême valeur de ce d e u x i è m e article de G u d e r i a n paru en 1936, ce sont les très

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nombreuses citations q u ' i l y fait, n o m m é m e n t , de D e G a u l l e ; i l y traduit m ê m e , en allemand, et transcrit ainsi plusieurs passages de Vers l'armée de métier. M i e u x , i l donne à ses lecteurs le titre allemand de l'une des traductions qui ont été déjà faites dans cette langue ; et aussi, qui plus était, le nom de l'éditeur allemand pour leur en faciliter l'achat éventuel : publicité au livre de D e Gaulle qui justifie le chiffre (contesté par certains) de 7 000 exemplaires vendus outre-Rhin (4).

D'autres encore ont p r é t e n d u que, dans l'édition originale de Vers l'armée de métier, en 1934, de Gaulle aurait omis de parler du rôle de l'aviation dans la tactique de ses divisions b l i n d é e s . E n fait, si on lit attentivement toutes les lignes que de G a u l l e a consacrées à l'aviation dans cette édition originale, on additionne 140 lignes de texte, soit 7 pages en tout.

Dans le long article que Guderian a p u b l i é en mai 1936, i l n'en consacre pas tant à cet aspect du p r o b l è m e , toutes proportions g a r d é e s , et i l n'ajoute rien à ce qu'avait écrit avant lui de G a u l l e ; en 1934, de Gaulle avait m ê m e été plus prolixe.

De Gaulle axait prévu le rôle de l'aviation

E t , d'ailleurs, p o u r q u o i de Gaulle aurait-il d e m a n d é , dans cette é d i t i o n originale, que l ' o n i n c o r p o r â t organiquement un groupe d'aviation dans sa division blindée ? Pour l'aviation de reconnaissance seulement ? L a chicane avait surtout p o r t é sur le fait que la seconde édition de 1944 comportait exactement 7 lignes s u p p l é m e n t a i r e s , qui avaient été ajoutées au texte de

1934 ; lignes q u i , à les lire, n'apportent rien de plus : le collabo- rateur de D e Gaulle auquel celui-ci avait confié le soin de faire

(4) Le général Guderian parlait parfaitement notre langue et lisait toutes nos publications militaires, notamment celles de De Gaulle, d'après le général de Cossé-Brissac (in Préface de Souvenirs d'un soldat, par Guderian, Pion, 1951). Mais dans le quatrième article, il donnait le titre allemand de l'une des traductions de Vers l'armée de métier qui fut effectuée dans cette langue : Frankreichs Stossarmee par les éditions Verlag Bodenreiter à Potsdam. Mais il y eut une autre édition en allemand, dont l'amiral de Gaulle détient un rarissime exemplaire : c'est la traduction intégrale des passages les plus importants de Vers l'armée de métier. Cela se présente comme un petit livre, paru avant 1939 et à l'usage de la Wehrmacht, livre qui se disait être la traduction intégrale d'une partie d'un ouvrage d'un officier français d é n o m m é « von Gallicus ». Selon Robert Aron, il s'est vendu en France 700 exemplaires de l'édition française, et 7 000 de l'édition allemande outre-Rhin et 5 000 en Russie.

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rééditer son livre eût très avantageusement p u faire l ' é c o n o m i e de cette malencontreuse addition (car on devine que le G é n é r a l , en pleine l i b é r a t i o n de la France et restauration de la R é p u b l i - que, avait d'autres chats à fouetter).

D e plus, certaines des phrases de cette p r e m i è r e édition sont significatives. A i n s i : « On ne peut douter, en effet, que des escadres aériennes, capables d'aller au loin, douées d'une effroya- ble vitesse, frappant des coups verticaux - les plus impressionnants de tous - doivent jouer un rôle capital dans la guerre de l'avenir. » Q u a n d o n lit plus l o i n : « Une voie féconde s'ouvre aux o p é r a - tions c o m b i n é e s [...] dont discutent en vain aujourd'hui grammai- riens et comités », quand de Gaulle s'exprimait ainsi, on ne peut douter q u ' i l s'agissait d'une aviation de combat, en sus de l'aviation d'observation déjà ancienne. Et que penser des

« coups verticaux, les plus impressionnants de tous », sinon qu'ils préfiguraient le rôle effroyable des « stukas », encore inconnu en 1934 ?

Ajoutons encore que G u d e r i a n a p u b l i é un livre en 1937, Achtung Panzer !, surtout destiné à documenter les Allemands, pour leur donner confiance dans le nouveau régime et flatter cette idée d'une « Allemagne au-dessus de tout », hymne national auquel Bismarck avait conféré de l'élan ; mais i l n'ajoutait toujours rien au livre de D e Gaulle.

E n f i n , i l publia encore en février 1939, sept mois avant la guerre, dans la Militär Wissenschaftliche Rundschau, un article intitulé « Troupes rapides, jadis et aujourd'hui » : exposé très complet de toutes ces troupes rapides depuis Alexandre le G r a n d jusqu'aux tanks de 1917-1918, en passant par les taxis de la M a r n e et par la Voie sacrée ; et, pour terminer, i l exposait ce qui se faisait en E u r o p e , en m a t i è r e de chars d'assaut. E t là, pour la p r e m i è r e fois, i l racontait, assez b r i è v e m e n t , ce qui se faisait aussi en Allemagne. L a composition q u ' i l indiquait, à cette é p o q u e , de la Panzer, montrait que les multiples et incessantes m a n œ u v r e s auxquelles s'étaient livrés les Allemands sur le terrain depuis p r è s de quatre ans les avait a m e n é s à modifier le type qu'ils avaient jadis e m p r u n t é à de Gaulle ; mais rien q u i puisse compromettre la certitude qui résulte de l'exposé qui

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p r é c è d e : a p r è s avoir pris connaissance de toutes les publica- tions de G u d e r i a n sur le sujet des unités blindées (effectuées avant 1939), o n ne peut que conclure à l a p r i m a u t é de D e Gaulle...

Epitomé d'une compétition

1° E n 1927, l'esprit du major G u d e r i a n r ô d a i t d'assez près autour d u p r o b l è m e d u « moteur combattant » ; p r o b l è m e auquel s'intéressaient beaucoup d'autres officiers de toutes les a r m é e s du monde (5), et tout p a r t i c u l i è r e m e n t , en France, une sorte de « cénacle » dont de Gaulle faisait partie depuis 1925 environ. Toutefois, et d ' a p r è s les publications effectuées en 1927 par G u d e r i a n , celui-ci était alors très l o i n des conceptions du livre que de Gaulle fera éditer en 1934.

2° L e futur général G u d e r i a n n'avait rien publié entre 1927 et 1935. M a i s dans ses Souvenirs d'un soldat (6), ouvrage publié en 1951, i l nous raconte q u ' i l aurait tout de m ê m e entrepris des recherches et des manoeuvres entre 1927 et 1935 ; exercices q u i auraient m ê m e mis en présence des parties dont l'une (affirme-t-il en 1951) aurait été constituée par des « élé- ments d'une division blindée » (?), dont les engins étaient faits de chars factices, avec canons en bois ; naturellement, pas de chenilles. E n 1929, puis en 1930, i l aurait ainsi réalisé une m a n œ u v r e (forcément en marge du diktat) dont l'une des parties aurait été une division blindée... M a i s i l ne nous dit nullement ce que pouvait être cette u n i t é , n i de quoi elle était constituée ; et aucune de ces brèves descriptions ne nous expose exactement ce qui se passait, n i la composition des parties en présence.

Cependant rien de tout ce q u i nous est r a c o n t é en 1951 n'est authentifié par une publication datée de l ' é p o q u e o ù cela se serait d é r o u l é . Certes, i l y avait p e u t - ê t r e le secret qui devait alors occulter de tels essais interdits par le diktat de Versailles ; mais p o u r q u o i avoir attendu vingt ans pour les révéler ? L'esprit de G u d e r i a n cherchait, vers 1930, c'est i n d é n i a b l e ; mais personne ne peut certifier, d ' a p r è s ses dires tardifs, incomplets et imprécis, q u ' i l avait imaginé alors une division blindée comme

(5) Lacouture : De Gaulle - Le Rebelle, p. 191 et suiv., éditions du Seuil.

(6) Guderian : Souvenirs dun soldat. Pion.

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celle que de Gaulle allait nous proposer en 1934, dans un livre substantiel et complet qui décrirait sa composition très détaillée et ses utilisations tactiques et stratégiques.

3° E n effet, après un article préliminaire p u b l i é en m a i 1933 en guise d ' e n t r é e en m a t i è r e , de Gaulle fit p a r a î t r e en m a i 1934 un livre important qui exposait de façon m é m o r a b l e ce que devait être la « division blindée », élément d'une « armée de métier ». L i v r e si complet que, au cours des a n n é e s suivantes, personne n'a rien p u b l i é qui fût comparable.

4° G u d e r i a n est donc resté muet de 1927 à 1935, taisant ses recherches ; cela o b è r e lourdement ses récits incomplets et non authentifiés.

5° L ' A l l e m a g n e met sur pied ses trois p r e m i è r e s Panzerdivisionnen en 1935 :

- la décision de les créer a été prise par l ' O K W , le 12 octobre 1934, cinq mois a p r è s la parution du livre de D e Gaulle et quinze mois a p r è s son article dans la Revue parlementaire et politique. G u d e r i a n s'étant v a n t é dans certains de ses écrits et aussi lorsqu'il fut interrogé par le général de Cossé-Brissac (Souvenirs d'un soldat, avant-propos) de lire tout ce que de Gaulle publiait, i l ne pouvait ignorer ces travaux ;

- la composition de ces Panzerdivisionnen était exacte- ment celle du type décrit par de Gaulle en 1934.

6° L'article de G u d e r i a n , écrit en m a i 1936, sur les blindés dans leur collaboration avec les autres armes de la division est important. M a i s :

- c'est un article de deux ans p o s t é r i e u r au livre de D e Gaulle ;

- i l ne l u i ajoute rien ( m ê m e dans le domaine de l'aviation) ;

- G u d e r i a n y invoque à plusieurs reprises le patronage de D e Gaulle, q u ' i l cite n o m m é m e n t plusieurs fois, en tradui- sant et transcrivant m ê m e plusieurs passages de son livre et en indiquant le titre allemand de l'une des traductions de cet ouvrage, avec les n o m et adresse de l'éditeur.

A u sujet de ces éditions allemandes (car i l y en a eu certainement deux), i l faut faire remarquer que :

- l a traduction allemande faite en 1935 ou 1936 d u livre de D e Gaulle publié en 1934 se serait-elle i m p o s é e , s'il y avait eu outre-Rhin un prédécesseur de D e Gaulle ?

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- i l s'est vendu en Allemagne 7 000 exemplaires de ce livre ; c'était é v i d e m m e n t beaucoup pour un ouvrage aussi spécialisé ; la publicité ainsi faite par G u d e r i a n l u i - m ê m e justifie un tel chiffre.

De Gaulle représentait en Allemagne une sorte de modèle

E n somme, entre 1934 et 1938, tout p a r a î t s'être passé en Allemagne comme si de Gaulle r e p r é s e n t a i t alors (sur cette question des divisions blindées) une sorte de m o d è l e , ou de m a î t r e à penser.

Remarques qui expliquent certains faits r a p p o r t é s par T o u r n o u x dans ses livres sur le G é n é r a l :

- ainsi le fait que Philippe B a r r é s , d î n a n t avant la guerre à Berlin chez Ribbentrop, ait entendu ce dernier parler de D e Gaulle comme d'un « éminent technicien des chars... » ;

- ainsi encore, à la m ê m e é p o q u e , le fait analogue que Huenlein, chef d u corps m o t o r i s é national-socialiste, eût d e m a n d é au m ê m e Barrés : « Que fait actuellement, en matière de chars, mon grand collègue français, le lieutenant-colonel de Gaulle ? »

Inconnu chez nous, de Gaulle faisait a u t o r i t é chez nos futurs ennemis.

Concluons donc en disant que de Gaulle a bien été le premier à avoir minutieusement é l a b o r é le concept de division blindée ; le premier à l'avoir longuement décrit dans un livre où i l é n u m é r a i t en détail sa composition en matériel et en personnel et o ù i l décrivait ses buts, son fonctionnement et ses diverses utilisations selon les circonstances du combat. M a i s , en France, presque personne ne l'avait entendu, ni l u .

Tandis qu'en Allemagne, et bien que Guderian n ' e û t pas « inventé » les divisions blindées ni les Panzerdivisionnen, i l fut incontestablement le premier à les « réaliser » sur le terrain, avec bonheur, c'est évident ; mais sur un m o d è l e p r é c é d e m m e n t décrit par de Gaulle, et grâce à la confiance que l u i avait accordée Hitler dès son a v è n e m e n t au pouvoir.

Tandis que, chez nous et jusqu'en 1940 (après que la campagne de Pologne eut d é m o n t r é aux yeux de tous comment

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quatre Panzer pouvaient écraser en trois semaines la vaillante a r m é e polonaise, et en m ê m e temps prouver la terrifiante efficacité des théories d u colonel de Gaulle), ce dernier ne s'était t r o u v é qu'en face de rebuffades et de critiques acerbes, tant de la part de nos grands chefs militaires, jadis illustres, que de nos hommes politiques les plus notables.

L é o n B l u m fut le plus a c h a r n é . D ' a b o r d en écrivant trois véritables philippiques, dès la fin de 1934, dans son j o u r n a l , le Populaire, intitulées « A bas l ' a r m é e de métier » ; ensuite à la Chambre des d é p u t é s , le 15 mars 1935, lors de la l o i sur le service militaire de deux ans. Il faut lire les 15 colonnes de la fine typographie du Journal officiel (7) pour y voir avec quel aveuglement partisan et quelle m é c o n n a i s s a n c e des réalités d'alors B l u m se « hérissa » contre les théories de D e Gaulle.

L'histoire l u i donna tort, certes, mais le mal i r r é m é d i a b l e était fait : la France ne suivrait pas de Gaulle...

M a i s ajoutons que B l u m a su le r e c o n n a î t r e dans ses M é m o i r e s , en écrivant : « Il n'en est pas moins vrai que si cette thèse (Vers l ' a r m é e de métier) avait prévalu, la France aurait eu, au moins, deux années d'avance au lieu de quatre années au moins de retard dans l'organisation des grandes unités mécaniques et dans la mise au point de la tactique nouvelle [...] et qu'ainsi le désastre eût pu être conjuré [...] et la guerre elle-même évitée. » C'était r e c o n n a î t r e loyalement son immense responsa- bilité dans ce « désastre ».

E n mai et j u i n 1940, o n peut r é s u m e r ce q u i s'est passé en écrivant que les 130 000 hommes et les 2 800 chars des

10 Panzerdivisionnen q u i se r u è r e n t sur nous ont a n é a n t i en six semaines notre a r m é e nationale classique type 1918, faite de 3 500 000 hommes et forte de 4 000 chars. D ' o ù des morts, des blessés, 2 000 000 de prisonniers, cinq ans d'occupation, etc.

Nous avions m a n q u é un rendez-vous de l'Histoire.

A N D R É N È G R E

(7) Dans Amouroux : la Grande Histoire des Français sous l'Occupation, t. IV, « le Peuple réveillé », p. 36 et suiv.

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