• Aucun résultat trouvé

L es troubles psychiatriques à Madagascar :

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L es troubles psychiatriques à Madagascar : "

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

Introduction

D

ans les pays à faible revenu, les maladies mentales sont responsables de 12 % de la charge de morbidité globale chez les adultes de 15 à 44 ans (25).

Cependant, les représentations spécifiques qu’une société don- née leur associe (1, 8, 22) et les recours qui en résultent (4, 11, 22) font varier leur prévalence d’une culture à l’autre (10, 14, 24).

Si les troubles psychiatriques mineurs (anxiété, dépre s s i o n modérée, névroses diverses…) sont préférentiellement dépistés

L es troubles psychiatriques à Madagascar :

étude clinique de 376 cas répertoriés à Mahajanga.

Summary :Psychiatric disorders in Madagascar:clinical study of 376 cases registered in Mahajanga.

Epidemiological and clinical data on psychiatric disorders from Madagascar are rare, particularly those issued from the coastal provinces. This retrospective study of cases, registered in the hospital of Mahajanga, from January 1st 1998 to December 31st 2000, gives a general scope on their frequency, their distribution and their features in this North Western littoral of the island. Concurrent resorts (traditional and religious healers) may reduce hospitalisation rate, by filtering minor and brief mental disorders at their level, but they delay the accurate management of severe or complicated cases, and enhance their frequency. The features of depression, the first cause of referrals (136/376), are cha - racterized by the predominance of somatic complaints (89/136) over psychic symptoms (47/136), by that of persecutory ideas on self culpabilization and loss of self esteem, which accounts for the rarity of suicide (only 4/136 cases). Patients are sensitive to lower dose of antidepressant drugs, compared with patients from occidental countries. Psychosis, the second cause of medical resort (95/376), are essentially represented by schizophrenia (57/95), which involves males more than females (sex ratio 2), and displays more hebephrenic symptoms (31/57) than paranoid’s (24/57). In spite of serious eco - nomical constraints, family dismissal is rare. Implementation of an accurate drug policy (long acting neuroleptics supply), along with this family support, may enhance patients’reintegration. Addictive (drugs, alcohol) and anxiety disorders seem to be underrepresented.

In conclusion, the same pathologies reported in western literatures are encountered, but their fea - tures are sometimes modified by cultural particularities. A recent general population survey has brought complementary data, but this clinical study needs reproduction in other provinces, to be representative of the whole island.

Résumé :

Les données épidémiologiques et cliniques sur les troubles psychiatriques provenant de Madagascar sont rares, surtout celles issues des provinces côtières. Cette étude hospitalière rétrospective des cas enregistrés à l’hôpital de Mahajanga du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 donne un aperçu général de leur fréquence, de leur distribution et de leurs présentations dans ce littoral nord-ouest de l’île. Les recours pré-hospitaliers (thérapeutes traditionnels et religieux) “filtrent” un certain nombre de troubles mineurs ou d’évolution brève (expliquant leur faible taux de fréquentation hos - pitalière), mais retardent la prise en charge spécifique des cas graves. La symptomatologie de la dépression, premier motif de consultation (136/376), est caractérisée par la prédominance des plaintes somatiques sur les symptômes psychiques, par celle des idées de persécution sur l’autodé - valorisation et l’autoculpabilisation, expliquant la rareté du suicide (4/136). Les malades réagissent aussi à des doses plus faibles d’antidépresseurs que ceux de pays occidentaux. Les psychoses, deuxième motif de recours hospitalier (95/376), comprennent essentiellement la schizophrénie (57/95) qui touche deux fois plus les hommes et présentent plus de symptômes hébéphréniques que paranoïdes (54 % vs 42 % des cas). Malgré les difficultés économiques, peu de familles rejettent leurs proches malades. La mise en place d’une politique médicamenteuse plus adéquate (approvi - sionnement de neuroleptiques retard) améliorerait encore plus leur réintégration socio-familiale.

Malgré leur grande fréquence dans la réalité quotidienne, les toxicomanies (drogues, alcool), ainsi que les troubles anxieux sont peu visibles.

En conclusion, on retrouve les mêmes affections que celles rapportées dans la littérature occiden - tale, mais les particularités culturelles en modifient quelquefois les présentations. Une enquête épi - démiologique récente en population générale est venue compléter cette étude clinique, qui doit néanmoins être répliquée dans d’autres régions pour être représentative de toute l’île.

L. M. Andriantseheno (1), T. F. Andrianasy (1) & D. S. Andriambao (2)

(1) Service de neuropsychiatrie, CHU de Mahajanga,Madagascar.

(2) Clinique neuropsychiatrique, CHU de Befelatanana,Antananarivo, Madagascar.

Manuscrit n°2458.“Clinique”.Reçu le 9 septembre 2002.Accepté le 2 septembre 2003.

psychiatry retrospective study hospital Mahajanga Madagascar Indian Ocean

psychiatrie étude rétrospective hôpital Mahajanga Madagascar Océan Indien

(2)

s é v è res ou chroniques constituent l’essentiel de la population h o s p i t a l i è re .

À Madagascar, où les explications populaires traditionnelles des troubles mentaux ne sont ni centrées sur l’individu, ni scientifiques, il est intéressant de connaître leur fréquence relative et leurs modes d’expression.

Patients à l’étude

P

our situer la place de l’étude dans la représentativité régio- nale et nationale, il est important d’en décrire le contexte.

Au moment où cette étude est faite, les structures et l’orga- nisation des soins psychiatriques sont encore celles héritées de l’administration coloniale, à savoir un petit pavillon d’une dizaine de lits, inclus dans chaque hôpital principal des cinq p rovinces auquel sont annexés quelques cabanons fermés pour agités. Seule la capitale Antananarivo dispose d’un hôpital psychiatrique individualisé (18).

La prise en charge des malades fait essentiellement appel aux médicaments et à une psychothérapie de soutien qui s’eff o rc e de ne pas entrer en conflit avec les croyances locales (20).

L’unité de psychiatrie de l’hôpital, sensée desservir les 1 3 7 9 000 habitants de la province, ne draine en fait que ceux de la ville de Mahajanga et des “f i v o n d ro n a n a” (préfecture s ) e n v i ro n n a n t e s .

La population de ces régions est cosmopolite, mais numéri- quement dominée par les migrants venant des hauts plateaux (Merina, Betsileo) et du littoral sud-est de l’île (Antesaka, A n t e m o rona…) (16). Bien que toujours influencées par leurs traditions, ces ethnies sont plus ouvertes à la culture occi- dentale et procèdent par syncrétisme, associant les prescrip- tions médicales à celles des guérisseurs ou des devins (17, 20, 22). Par contre, la population autochtone de la région (Saka- lava), plus fermée dans ses traditions et refoulée à la périphé- rie de la cité, a rarement recours à la médecine pour traiter les malades mentaux.

Ceux-ci sont habituellement soumis à des séances de “t ro m b a”

au cours desquelles le malade, préalablement “diagnostiqué”

par “l’ombiasy” (devin), et pris comme médium, exprime les recommandations de l’esprit qui l’habite, au rythme des chants de l’assistance, entretenu par l’alcool (13, 21). Il arr i v e , qu’épuisé par les transes, le malade meurt, mais sans aucune récrimination de la part de la famille.

Méthodologie

I

l s’agit d’une étude rétrospective du dossier des malades hospitalisés du 1erjanvier 1998 au 31 décembre 2000. Bâtis sur le même modèle, ces dossiers comportent un diagnostic ini- tial, essentiellement clinique, mais utilisant les critères de la CIM 10 (12). Le diagnostic définitif tient compte de l’évolu- tion du trouble, sous traitement. Le contrôle des malades s’ef- fectue un à deux mois après leur sortie, puis tous les six mois, pendant deux ans.

Résultats

L

e nombre de malades hospitalisés pendant la période de l’étude est de 15 368 dont 2,45 % seulement (n = 3 7 6 )

femmes (sex-ratio = 2,35).

L’âge moyen des malades est de 31,24 ans, avec les extrêmes de 2 et de 76 ans.

La composition ethnique de l’échantillon est superposable à celle de la population d’origine (ville de Mahajanga et ses e n v i ro n s ) : Merina (30 % v s 3 6 , 9 0 %), Betsileo (16 % v s 16,10 %), Tsimihety (12 % vs 13,90 %), originaires du sud- est de l’île (15 % v s 1 2 , 5 0 %), Sakalava (10 % v s 9 , 6 0 % ) , a u t res groupes ethniques (17 % v s 1 2 , 5 0 %) [χ2= 5 , 3 2 ; degré de liberté = 5, différence non significative].

Dans presque tous les cas, l’hospitalisation se fait sur déci- sion de la famille et non sur l’initiative personnelle du malade.

D’ailleurs, c’est presque toujours elle qui décrit et interprète les troubles du patient. Dans la majorité des cas, le malade a déjà fait une incursion chez le guérisseur, voire dans un village thérapeutique où les “m p i a n d ry” (bergers) dirigent les prière s et pratiquent l’exorcisme. Le trouble est alors vu souvent à sa phase d’état ou lors de complications (actes médico-légaux).

Dans ce dernier cas, le placement d’office est rare : tout se règle par consensus (18, 20). Les pratiques syncrétiques per- sistent, même à l’hôpital où diverses interventions (séances de prières ou d’exorcisme, rituels magiques) peuvent avoir lieu, à l’insu ou avec l’accord tacite de l’infirm i e r. Ces actions parallèles du médecin et des autres thérapeutes peuvent être bénéfiques et complémentaires, comme elles peuvent être nocives pour le malade, si elles sont alimentées par des déni- grements ou des thèses contradictoires, anxiogènes.

A Mahajanga, les troubles psychiatriques ne re p r é s e n t e n t qu’un motif secondaire d’hospitalisation (2,4 % seulement des admissions). Leur répartition est présentée dans le tableau I . Les troubles dépressifs arrivent en tête.

Leurs caractéristiques socio-démographiques sont décrites dans le tableau II.

Leurs récurrences paraissent rares (26,5 % des cas).

Bien que rarement déclaré avec spontanéité, un stress psy- chologique qualifié d’intense (> au niveau 3 de la cotation du DSM IV) précède l’apparition du trouble dans 76,4 % des cas (104/136).

Tableau I

Répartition catégorielle des troubles psychiatriques.

Category distribution of psychiatric disorders.

Catégories de troubles (critères CIM 10) nb (%) %

troubles de l’humeur 139 37,0

- troubles maniaques 3

- troubles dépressifs 136

* épisodes dépressifs 55 (40,5)

* dépressions récurrentes 36 (26,5)

* dépression chronique (dysthymie) 45 (33)

psychoses 95 25,2

- schizophrénie 57 (60)

- troubles psychotiques aigus 30 (32)

- troubles délirants persistants 8 (8)

troubles névrotiques 58 15,4

troubles liés à l’usage

de substances psychoactives 39 10,4

- alcool 23 (59)

- cannabis 16 (41)

troubles du développement

psychologique (enfants, adolescents) 19 5,0

troubles mentaux organiques 10 2,6

retard mental 5 1,4

syndromes comportementaux associés

à des perturbations physiologiques et 3 0,8

à des facteurs physiques

inclassables 8 2,2

total 376 100

(3)

L. M. Andriantseheno, T. F. Andrianasy & D. S. Andriambao

Ce stress est bref dans 56 % des cas (58/104), durable dans les 4 4 % restants (frustrations permanentes de la vie quotidienne, d ’ o rd re matériel, affectif, relationnel…). La dysthymie, qui serait l’apanage des stress prolongés, est parfois difficile à dis- tinguer du syndrome de fatigue chronique (7).

Sur le plan sémiologique, les troubles dépressifs sont carac- térisés par :

- la prédominance des plaintes somatiques (89/136) sur les symptômes psychiques (47/136), de celle des idées de persé- cution sur l’autoculpabilisation,

- la rareté des tentatives de suicide (4/136),

- l’efficacité relativement bonne des antidépresseurs, clés de voûte du traitement (65 % d’effets positifs). Leur posologie efficace est nettement inférieure (50mg de clomipramine pro die) par rapport à celle prescrite dans les pays occidentaux (3 à 4 fois plus); ils ne sont pas systématiquement associés aux benzodiazépines.

Les psychoses, second motif d’hospitalisation, sont dominées par la schizophrénie (57/95), soit (60 % des cas) dont les symptômes hébéphréniques (31/57) sont re t rouvés plus cou- ramment que les symptômes paranoïdes (24/57) et catato- niques (2/57).

La maladie touche deux fois plus les hommes (H/F = 38/19

= 2) et sa précocité d’apparition (âge moyen : 26 ans en moyenne, avec des extrêmes de 15 et de 33 ans) la différencie des autres psychoses délirantes chroniques (48,80 ans en moyenne, avec des extrêmes de 33 et de 50 ans).

Malgré de sérieuses difficultés économiques, les familles aban- donnent rarement leur proche malade (6 cas sur 376, tous des grands schizophrènes).

Ces pensionnaires chroniques peuvent d’ailleurs circuler libre- ment dans tout l’hôpital et dans toute la cité, en dehors des périodes fécondes.

L’halopéridol (51% des ordonnances) et le chlorpromazine ( 3 8%) sont pratiquement les seuls neuroleptiques disponibles, et l’irrégularité de leur approvisionnement oblige souvent le médecin à passer d’une famille chimique à une autre, au cours du même traitement.

Les neuroleptiques re t a rd, trop onéreux ou introuvables, sont p o u rtant efficaces pour maintenir l’adhésion thérapeutique et l’insertion communautaire du malade.

Contrairement à leur grande fréquence en population géné- rale (8,5 % dans l’enquête en population générale) (22), l’al- coolisme chronique et le cannabisme constituent rare m e n t des motifs d’hospitalisation (10,4 % des cas).

Enfin, la pathologie névrotique est essentiellement représen- tée par les troubles somato-formes et dissociatifs, à expre s s i o n s dramatiques (conversions “hystériques”).

Discussion

L

a faible fréquentation hospitalière des malades mentaux (2,45% seulement des admissions) relativise le rôle de la médecine et de la psychiatrie, pour leur prise en charge dans les pays en développement ou de culture non occidentale.

En effet, si l’on suppose que les 125 patients hospitalisés re p r é- sentent l’ensemble des cas psychiatriques recensés annuelle- ment sur les 1 3 7 9 000 habitants, population desservie par l’hôpital (16), on obtiendrait l’incidence dérisoire de 9 m a l a d e sp o u r1 0 0 000 habitants par an, qui traduirait, soit une excellente santé mentale des Malgaches, soit un simple arte- fact de recrutement.

Cette hypofréquentation n’est pas validée par une enquête en population générale (22) qui rapporte, au contraire, une prévalence élevée des troubles mentaux à Madagascar: 38,4 % des personnes enquêtées en présentent au moins un.

En tout cas, les facteurs d’origine économique, géographique et le recours à d’autres formes de thérapie (traditionnelle, re l i- gieuse), diminuent la fréquentation hospitalière (19, 21, 22).

Historiquement, pour garder sans heurts leurs traditions face à l’intrusion coloniale dominatrice et pour calmer leur nature craintive (doute permanent exprimé par de nombreux pro- verbes), les Malgaches ont adopté une attitude syncrétique pour résoudre leurs grands problèmes quotidiens, parmi les- quels le traitement des troubles mentaux.

On consulte en même temps le “sikidy” (acte divinatoire fait par “l’ombiasy”), le prêtre et le médecin (17, 20, 19, 21).

L’ a p p roche traditionnelle a l’avantage d’être holistique et cul- t u rellement rassurante pour les Malgaches qui croient que les vivants, les morts et les êtres inanimés forment un continuum en équilibre, au sein d’un ordre cosmique immuable (13, 17, 19, 21).

Au cours de cette odyssée thérapeutique, les bouffées psy- chotiques brèves (3) peuvent s’éteindre en cours de route et échapper à la statistique médicale.

En plus, dans beaucoup de sociétés non occidentales (Mada- gascar en fait partie) présenter un trouble mental n’implique pas forcément être considéré comme malade (4, 9, 10), donc justiciable d’hospitalisation.

Par conséquent, les données de notre étude clinique ne re p r é- sentent qu’un complément de l’enquête en population géné- rale (22), méthodologiquement plus adaptée pour calculer la prévalence réelle des troubles.

La CIM 10 constitue une référence utilisable pour établir le diagnostic et classer les tro u b l e s ; elle permet aussi la com- munication entre chercheurs.

L’utilisation de cet outil impose toutefois sa traduction fidèle, en tenant compte, non seulement des particularismes lin- guistiques, mais aussi des représentations populaire s : par exemple, le concept et le terme “dépression”, couramment utilisé dans les pays occidentaux, n’a pas d’équivalence chez le Malgache.

Sur le plan nosologique, deux pathologies d’inégale gravité occupent les pre m i è res places : les troubles dépressifs et les psy- choses.

La récurrence des troubles dépressifs paraît faible (26,5 % des cas), mais il est difficile de conclure car, en cas de re c h u t e , beaucoup de malades se traitent avec les mêmes médicaments que ceux de l’épisode précédent, ce qui diminue le taux de réhospitalisation.

Par expérience, un traitement pharmacologique suff i s a m m e n t prolongé (6 à 12 mois dans notre série), associé au bon sou- tien familial, peut considérablement prévenir les re c h u t e s , d’autant plus que 56 % des cas de dépression seraient réac- tionnels, donc sensibles au soutien psychologique*.

Tableau II

Caractéristiques socioprofessionnelles des malades dépressifs.

Socio-professional features of depressive patients.

nb =136 %

genre

- hommes 67 49,3

- femmes 69 50,7

- sex-ratio 0,97

statut marital

- célibataires 64 47

- mariés 62 46

- divorcés ou veufs 10 7

catégories professionnelles

- employés (secteur privé ou public) 56 41,2

- étudiants (es) 27 19,8

- petits métiers 10 7,4

- paysans 5 3,7

- autres professions 3 2,2

- sans profession 35 25,7

(4)

La dépression chronique (dysthymie), qui semble avoir des liens avec les stress durables, pourrait être un mode d’adap- tation des Malgaches (“impuissance apprise”) (15) à l’op- p ression socio-politique chronique et aux fru s t r a t i o n s permanentes dues à la pauvreté.

Si la dépression s’observe à tout âge et intéresse toutes les ethnies et toutes les classes sociales, ses manifestations varient selon les cultures (1, 5, 9, 10, 24).

Dans notre série, elles sont proches du modèle “non occi- dental” (6, 9, 10), caractérisé par la prédominance des plaintes somatiques sur la douleur morale, par celle des idées de per- sécution (accusation et agression de “l’autre”) sur l’autocul- pabilisation et l’auto-agression qui aboutit au suicide.

Ces spécificités ont déjà été rapportées par d’autres auteurs malgaches (20, 19).

Les psychoses forment le deuxième grand groupe nosolo- gique.

A cause du “tri naturel” pré-hospitalier, soulevé précédem- ment, les psychoses chroniques ou graves (schizophrénie et a u t res troubles délirants) forment la majeure partie de l’ef- fectif hospitalier (tableau I).

Du fait de la proximité géographique de Mahajanga avec le continent, on s’attend à ce que le modèle de la schizophrénie soit du type africain, marqué par la prédominance des symp- tômes paranoïdes (1, 5).

En fait, ce sont les symptômes hébéphréniques (plus caracté- ristiques du modèle asiatique) qui sont plus fréquents; mais il est difficile de savoir si c’est la forme de présentation pro p re aux Malgaches ou un simple artefact de recrutement.

Quoiqu’il en soit, ce constat mérite d’être confirmé par des études complémentaires, le modelage culturel de la schizo- phrénie étant encore l’objet de controverses (23).

Par contre, le faible taux de malades “asilaires” (6 seulement sur 376 malades enregistrés), malgré la discontinuité du trai- tement, favorise la thèse d’une évolution plus favorable de la schizophrénie dans les sociétés traditionnelles (23), dans les- quelles le réseau familial de soutien reste fort (comme le “f i h a - vanana”* des Malgaches) (19, 21).

L’ e ffet favorable de cette bonne intégration socio-familiale donnerait encore des résultats plus tangibles si une politique médicamenteuse adéquate y était associée.

Une véritable collaboration franche entre psychiatres et tra- dipraticiens, déjà expérimentée au Sénégal (2) ou même à Paris (11), est souhaitable, mais elle impose des règles de jeu claire s pour être fructueuse.

P a rmi les troubles dissociatifs, nous avons inclus, non sans risque de nous tromper sur leur vrai sens (expressions cultu- relles de communication ou processus morbide?), certaines transes “hystériques”.

Le faible taux d’hospitalisation des alcooliques et des toxico- manes est frappant, mais on connaît la hantise du rejet et la peur d’une double répression, légale et culturelle (transgression de tabous ancestraux).

L’alcoolisme pathologique a pourtant une prévalence élevée, en population générale (8,5 % des personnes enquêtées) (22), ce qui fait penser que la majeure partie des malades reste sans traitement.

Conclusion

L

a CIM 10 est un instrument utilisable pour diagnostiquer et pour classer les troubles psychiatriques (2,2 % seule- ment d’inclassables dans notre série), mais il faudrait la traduire fidèlement et la valider culturellement.

Comme dans les hôpitaux psychiatriques occidentaux, ce sont les troubles graves ou compliqués (schizophrénie et autre s délires chroniques, dépression majeure) qui en constituent le principal effectif.

La symptomatologie des troubles paraît universelle (applica- bilité des critères de diagnostic standards), mais la distribution des symptômes et leurs interprétations paraissent condition- nées par la culture.

Les troubles mentaux “mineurs” (anxiété, diff é rentes form e s de névrose…) sont, soit diagnostiqués au niveau des centres de soins primaires, avec des appellations diverses (spasmo- philie, décalcification, surmenage...), soit “filtrés” au niveau des thérapeutes non médicaux (guérisseurs, exorcistes).

Le faible taux de malades “asilaires” chroniques, abandon- nés par leur famille, nous incite à penser que le maintien d’un bon réseau de soutien socio-familial, associé à une chimio- thérapie rationnelle, constitue la meilleure alternative, à défaut de méthodes sophistiquées, individu-centrées, dont l’eff i c a c i t é réelle reste quelquefois à démontrer.

Malgré d’autres travaux faits à Antananarivo (18, 19, 20) dont les résultats sont globalement similaires aux nôtres, des études h o s p i t a l i è res additives faites dans diverses régions de l’île sont nécessaires pour en assurer la représentativité.

L’enquête multicentrique, mixte, épidémiologique et anthro- pologique menée en population générale, mise en place dans les provinces de Mahajanga et d’Antananarivo (22), a apport é des données complémentaires sur la prévalence et les repré- sentations populaires des troubles.

Références bibliographiques

1. BUTCHER JN, NARIKIYO T & VITOUSEK KB - Understanding behaviour in cultural context. In: SUTKERPB & ADAMSHE (Eds), Comprehensive textbook of psychology (2nd ed.). Plenum Press, New York, 1993, pp. 83-105.

2. COLLOMB H - Assistance psychiatrique en Afrique. Psycho - pathol Afr, 1965, 1,2.

3. COOPER JE, JABLENSKY A & SARTORIUS N - WHO collabora- tive study on acute psychoses using the SCAAPS schedule. In:

STEFANISCN & RABAVILASAD (Eds), Psychiatry & world perspec - tive. Elsevier, Amsterdam, 1990.

4. DE ROSNY E - L’Afrique des guérisons. Editions Karthala, Paris, 1992.

5. GERMAN GA - Aspects of clinical psychiatry in Subsaharian Africa. Am J Psychiatry, 1972, 121, 461.

6. HARDING TW, DE ARANGO MV, BALTHAZAR J, ••, •• et al.

Mental disorders in primary healthcare: a study of their fre- quency and diagnosis in four developing countries. Psychol Med, 1980, 10, 231-241.

7. HOLMES GP, KAPLAN JE, GLANTZ NM, KOMAROFF AL, SCHONBERGER LB et al. - Chronic fatigue syndrom. A wor- king case definition. Ann Intern Med, 1988, 108, 387.

8. JODELET D - Folies et représentations sociales. Presses Uni- versitaires de France, Paris, 1997, 398 pages.

9. LITTLEWOODR - From categories to context: a decade of the

“new cross cultural psychiatry”. Br J Psychiatry, 1990, 156, 308-327.

10. MARSELLA RJ, SARTORIUS N, JABLENSKY A & FENTON FR - Cross cultural studies of depressive disorders. An overview.

In: KLEINMANA & GOODSB - Culture & depression . University of California Press, Berkeley, 1985, pp. 299-324.

11. NATHAN T - Thérapie et culture. Encycl Méd Chir, Psychia - trie. Elsevier, Paris, 1997, 37-725-D-10, 5p.

1 2 . OR GMO N DSA N T É. CIM 10/ICD 10 - Classification des maladies, Xème révision. Chapitre V: troubles mentaux et troubles du c o m p o r t e m e n t. Masson, Paris, 1993, 336 p.

*fihavanana: les liens de solidarité intra et interfamiliale sont raffermis dès le jeune âge par la peur des représailles (“tsiny”) et d’un retournement des mauvaises

(5)

L. M. Andriantseheno, T. F. Andrianasy & D. S. Andriambao

13. OTTINO P - Le tromba à Madagascar. L’Homme, Paris, 1965, V, 84-93.

14. PATEL V - Recognition of common mental disorders in pri- mary care in African countries: should “mental” be drop- ped? Lancet, 1996, 347, 742-744.

15. PETERSON C, MAIER SV & SELIGMAN MEP - Learned hel - plessness: a theory for the age of control. Oxford University Press, New York, 1993.

16. Projet PNUD/OPS/MAG/89/018. Régions et développement : Mahajanga. Dirasset, Antananarivo, 1990.

17. RAHAMEFY-RAMAROLAHY A - Une thérapeutique ambi- guë: apprivoiser les ancêtres ou exorciser les démons? In:

Etudes Océan Indien. Inalco, Paris, 1995, 71-76.

18. RATSIFANDRIHAMANANA B - Santé mentale et dispositifs sanitaires à Madagascar. In: REVERZY(Eds), Cultures, exils et folies dans l’Océan Indien. L’Harmattan, Paris, 1990, pp. 200-202.

19. RATSIFANDRIHAMANANA B - Aperçu sur les modes de représentation traditionnelle de la folie, et tentative de prise en charge culturelle de la souffrance psychique à Madagascar. In: REVERZYJF (Eds) - Cultures, exils et folies dans

l’Océan Indien. L’Harmattan, Paris, 1990, 203-210.

20. RATSIFANDRIHAMANANA B & TERRANOVA R - Social psy- chiatric therapy in a hospital at Madagascar. Dis Nerv Syst 1967, 28, 398-401.

21. RAZAFIMPAHANANA B - Les attitudes des Merina vis-à-vis de leurs traditions ancestrales. Thèse de Doctorat 3ème cycle, Faculté des Lettres, Université de Madagascar, 1965.

22. ROELANDT JL, CARIA A & MONDIÈRE G - La Santé mentale en population générale: image et réalités. Présentation générale de l’enquête. L’Information psychiatrique, 7 6, 2000, pp. 279-292L.

23. SARTORIUS N, JABLENSKY A, KORTEN A et al. Early mani - festations and first contact incidence of schizophrenia in dif- ferent cultures. Psychol Med, 1986, 16, 909-928.

24. USTUN TB & SARTORIUS N - Mental illness in general health care. An international study. WHO John Willy & sons, Lon- don, 1995, 361-369.

25. WORLDBANK(BANQUEMONDIALE) - World development report:

investing in health. Oxford University Press, New-York, 1993, 344 pages.

Références

Documents relatifs

[r]

Regarder les autres nus ou copuler, généralement sans qu'ils ne le sachent ; également connu sous les termes scopophilie ou scoptophilie. Zoophilie / Bestialité Animaux

La relation d’alliance que nous avons dû construire avec elle et sa famille n’a pas été simple, en raison d’une part de la spécificité de sa maladie qui peut se

 Rapatriements (ou retours anticipés) pour raisons psychiatriques = environ 5 % des rapatriements effectués par les sociétés d’Assistance..  S’y rajoutent les

Effectivement, pour les eleves infirmieres et les etudiants en medecine, et me me pour certains medecins, c' etait une revelation que des malades psychiatriques

« La leçon médicale que l'on peut retirer de ces faits est que beaucoup de malades mentaux que le médecin n'osait remettre dans le circuit social peuvent

D Processus de saisie de requête au sein de l'interface 9 E Exemple de chier XML de requête structurée 13 F Exemple de chier XML d'instance de tâche 15 G Exemple de chier XML

By dissecting biochemical and structural elements of the CSN, we have demonstrated that CSN6 DC binds to the MPN domain of the CSN5 catalytic subunit and this association increases